Monsieur le sénateur, la réforme des droits à paiement unique est importante et constitue un tournant qui ne l'est pas moins. Sans revenir en détail sur cette réforme, la réponse à votre question va me permettre de clarifier de façon précise le système complexe du découplage des aides, qui confirme le passage du soutien à la production à celui du soutien au producteur.
La réforme de la PAC adoptée en juin 2003 à Luxembourg a, vous le savez, introduit un système découplé d'aide au revenu se traduisant, en 2006, par l'attribution aux agriculteurs de droits à paiement unique, calculés sur la base des aides qui leur ont été versées durant la période de référence : 2000, 2001 et 2002.
Pour tenir compte des évolutions juridiques et foncières intervenues sur les exploitations agricoles depuis 2000, des mécanismes d'ajustement liés à ces évolutions sont prévus par la réglementation communautaire. Certaines règles de cadrage sont d'ores et déjà définies. II en est ainsi, par exemple, pour les taux de prélèvements sur les transferts de DPU.
Au cours des négociations, la France a obtenu de pouvoir appliquer des taux de prélèvement variables, afin que les droits à paiement restent, le plus possible, liés au foncier qui les a générés. En effet, lorsqu'un agriculteur souhaitera céder ses DPU avec ses terres, il sera soumis à un taux de prélèvement faible - de manière générale, entre 3 % et 10 % -, voire nul en cas de cession au profit d'un jeune agriculteur qui s'installe.
En revanche, lorsqu'un agriculteur souhaitera céder ses DPU sans terres, il devra avoir la possibilité réglementaire de le faire, et il sera ensuite soumis, jusqu'en 2009, à un taux de prélèvements dissuasif de 50 %. Aussi, monsieur le sénateur, nous avons décidé d'activer les mécanismes pour que les DPU restent, le plus possible, liés aux terres qui les ont générés.
Pour autant, les conditions de mise en oeuvre de cette réforme, négociée à quinze dans un contexte international fortement marqué par les contraintes de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, ne sont pas entièrement satisfaisantes aujourd'hui.
Dominique Bussereau et moi-même avons pleinement conscience que les préoccupations que vous avez exprimées, avec la grande expérience qui est la vôtre dans le domaine agricole, sont largement partagées par les acteurs du monde agricole. En effet, depuis notre arrivée rue de Varenne, les organisations professionnelles nous ont sensibilisés au fait que certaines modalités envisagées pour la mise en oeuvre des DPU ne permettaient pas d'assurer une gestion optimale de ces droits.
Parmi leurs inquiétudes, exprimées à juste titre, figurent la crainte de voir chaque année geler une partie des DPU par des exploitants ne pouvant activer tous leurs droits faute de terres, ou bien encore l'obligation d'attribuer des DPU à des agriculteurs qui sont présents sur la période de référence 2000-2002, mais qui ne sont pas ou plus réellement productifs en 2006.
Par conséquent, comment garder le caractère de compensation économique - personnellement, je parlerai même de soutien à la compétitivité - que peut représenter la politique agricole commune ? C'est toute la question que vous avez posée.
Alertés par les professionnels et les parlementaires comme vous, Dominique Bussereau et moi-même nous sommes entretenus à plusieurs reprises de ces sujets avec la Commission de Bruxelles dès le mois de janvier dernier. Nous lui avons indiqué que la mise en oeuvre d'un tel dispositif nécessitait de prendre tous les ajustements compatibles avec les termes de l'accord de Luxembourg.
Cela supposait aussi que nous ayons, en 2005, année transitoire, une gestion très active du dossier des DPU. Dans un premier temps, Dominique Bussereau a modifié le calendrier initialement prévu, en prenant la décision de reporter jusqu'au mois de juin l'envoi des références historiques aux exploitants agricoles qui devait avoir lieu en février. Cela nous permet de parfaire la réforme des DPU.
Dans un second temps, nous avons mis en place un groupe de travail composé de professionnels, de députés, de sénateurs et d'experts de nos services, afin d'examiner les adaptations et les améliorations susceptibles d'être apportées dans l'attribution des DPU.
Le groupe de travail s'est déjà réuni à de nombreuses reprises et les réunions vont se poursuivre dans les deux mois qui viennent.
Enfin, afin d'expertiser les conditions de mise en oeuvre de la réforme de la PAC dans les autres Etats membres, d'étudier les choix retenus pour résoudre certaines difficultés rencontrées et de profiter de l'expérience qu'ils ont acquise, nous avons souhaité que des missions associant des parlementaires, des représentants professionnels et des experts du ministère se rendent dans des pays appliquant, depuis le 1er janvier 2005, le système des DPU, afin de comparer nos approches. Ainsi, six missions sont actuellement prévues en Wallonie, en Irlande, aux Pays Bas, en Italie, en Allemagne, en Italie et au Danemark.
L'expertise de ces missions et les conclusions du groupe de travail mis en place devraient permettre d'optimiser la gestion des droits au paiement en tenant compte des réalités du monde agricole que vous avez évoquées.
Monsieur le sénateur, très conscient de la complexité de ce dossier, je conclurai en vous confirmant que ces démarches se déroulent bien.