Monsieur le sénateur, comme vous le savez, selon les règles en vigueur, seuls les étrangers majeurs non européens doivent être en possession d'un titre de séjour s'ils désirent séjourner dans notre pays au-delà de trois mois. Les mineurs étrangers ne sont donc pas astreints à l'obligation de détenir un titre de séjour.
Une fois qu'il a atteint sa majorité, l'étranger entré mineur en France et qui détient, à titre personnel ou familial, un droit au séjour pourra prétendre à un titre de séjour, et ce de plein droit.
La loi pose en outre le principe selon lequel un mineur étranger ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire national, qu'elle soit administrative ou judiciaire.
Mais l'entrée en France des mineurs est soumise aux mêmes règles que celle des étrangers majeurs : il faut être en possession d'un visa de court ou de long séjour, selon la durée du séjour en France. S'il est dépourvu d'un tel visa, un refus d'entrée peut alors lui être opposé par les services de contrôle aux frontières, et le mineur étranger, effectivement, peut être refoulé vers son pays d'origine.
Malgré ces précautions, nous le savons tous, un certain nombre de mineurs étrangers isolés pénètrent chaque année en France. Aussi, pour éviter les détournements de procédure que l'on a pu connaître, un dispositif a été mis en place qui repose sur une modification des règles d'acquisition de la nationalité française.
La loi du 26 novembre 2003 porte désormais à trois ans la durée préalable de placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance pour l'acquisition de la nationalité française, cette durée étant désormais de cinq ans pour les mineurs recueillis par une personne de nationalité française.
Toutefois, le mineur étranger qui se trouve isolé sur le territoire national est souvent pris en charge durant sa minorité, voire pendant les premières années de sa jeune majorité, par les services de l'aide sociale à l'enfance afin que lui soit assurée une meilleure protection contre les fréquents risques de trafics dont il pourrait être victime.
A sa majorité, s'il n'a pas sollicité l'asile ou si le statut de réfugié lui a été refusé par les autorités compétentes, il doit, en principe, quitter le territoire national, dans la mesure où il ne remplit pas les conditions, prévues par la loi, lui donnant droit à un titre de séjour.
Je partage votre avis, monsieur le sénateur : cette règle générale doit être rappelée et respectée. Si nous décidions que les jeunes ont un droit automatique au séjour à leur majorité, nous contribuerions tout simplement à l'entretien de ces filières d'introduction de mineurs en France, dont on sait à quel point elles sont criminelles : nous savons bien qu'elles sont cause d'une délinquance et des formes d'exploitation les plus abjectes, surtout lorsqu'il s'agit des mineurs.
Toutefois, certaines situations méritent un examen particulier.
C'est pourquoi la loi du 18 janvier 2005 sur la cohésion sociale a introduit, au sein du code du travail, des dispositions facilitant l'intégration socioprofessionnelle des mineurs pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, en leur permettant d'accéder plus facilement à une formation professionnelle rémunérée dans le cadre d'un contrat d'apprentissage ou d'un contrat de professionnalisation.
A cet égard, monsieur le sénateur, je vous indique que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales fait actuellement préparer une circulaire qui précisera aux préfets les conditions dans lesquelles ils pourront admettre au séjour ces mineurs ou ces jeunes majeurs, selon qu'ils relèvent ou non du champ d'application de la loi.
Pour ceux qui ne pourraient pas se prévaloir de ces nouvelles dispositions, un examen spécifique sera effectué par les préfectures, sur la base d'un certain nombre de critères parmi lesquels l'âge des intéressés à la date de leur entrée en France, le caractère réel et sérieux de la formation suivie en France, l'absence de lien avec la famille restée au pays d'origine et, bien sûr, l'absence de trouble à l'ordre public. Un justificatif produit par la structure d'accueil relatif au degré d'insertion du jeune majeur dans la société française pourra également être demandé.
Ces éléments permettront ainsi aux préfets d'apprécier au mieux la situation des intéressés pour la délivrance d'un titre de séjour portant, selon le cas, la mention « étudiant » ou « salarié », sous réserve de la poursuite d'études supérieures ou de la production d'un contrat de travail obtenu à l'issue de la formation professionnelle suivie.
Vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, dans cette affaire, comme plus généralement sur l'ensemble des questions concernant l'immigration, le Gouvernement est fidèle aux principes qui inspirent sa politique : fermeté dans l'application de la loi, mais aussi humanité dans la prise en compte de toutes les situations individuelles.