J’espère que vous me pardonnerez cette entrée en matière ironique devant une situation très sérieuse, mais on ne peut manquer d’être frappé depuis quelques jours du contraste vertigineux entre, d’un côté, la farce d’une grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le « bœuf-carottes » §et, de l’autre, le tourbillon politique qui met désormais en cause les plus hauts sommets de l’État et bloque les travaux de l’Assemblée nationale.
L’une des raisons de cette situation, c’est un silence : celui du chef de l’État. Or ce silence devient pesant. En ne s’exprimant pas, non seulement le Président ne se protège pas, mais il s’expose.
D’abord, il laisse les opposants les plus radicaux en situation de procureur, sans leur apporter de réponse définitive. Ensuite, il laisse se produire des contradictions entre les acteurs au cours de commissions d’enquête regardées par tous les Français, sans indiquer la voie du rassemblement. Enfin, l’anonymat des réseaux sociaux permet aux rumeurs les plus folles, les plus blessantes et les plus abjectes de proliférer sans aucun moyen d’y faire face.
Le général de Gaulle disait que le Président de la République est en charge de l’essentiel. Il y a huit jours, l’affaire Benalla n’était pas l’essentiel ; aujourd’hui, que ce soit justifié ou non, elle l’est devenue.
Il y a quinze jours, devant le Congrès, le Président proposait non seulement de pouvoir s’adresser aux parlementaires, mais aussi de pouvoir leur répondre. Aujourd’hui, ce ne sont pas uniquement les parlementaires, mais de très nombreux Français qui attendent sa parole.
Cette affaire, contrairement à ce que j’ai entendu, n’est évidemment pas le Watergate, ni même, pour rester en France, celle des écoutes de l’Élysée, le Rainbow Warrior ou l’affaire des Irlandais de Vincennes. Mais en l’absence de réponse définitive, elle risque de devenir aussi délétère.
Cette réponse claire et définitive, seul le Président de la République peut aujourd’hui l’apporter. Ce n’est donc pas une question que je vous pose, monsieur le Premier ministre, c’est une requête que je vous adresse : pouvez-vous lui dire que les Français attendent cette réponse ?