Intervention de Jean-Pierre Plancade

Réunion du 22 mars 2005 à 16h00
Mesures européennes de lutte contre le terrorisme — Discussion d'une question orale européenne avec débat

Photo de Jean-Pierre PlancadeJean-Pierre Plancade :

Le rythme des enquêtes s'en trouve grandement accéléré, et ce n'est pas fini, puisque le nombre de mandats d'arrêt européens ne cesse de croître. A n'en pas douter, c'est un outil en plein essor. Cependant, ses capacités opérationnelles doivent être renforcée si, à terme, nous souhaitons qu'un véritable parquet européen se développe.

Troisième avancée, l'entrée en action d'Eurojust. Si cet organisme présente des lacunes et des limites, je tiens à insister sur ses atouts. Il s'agit de la possibilité pour l'Europe d'initier, au moyen d'une demande aux Etats concernés, une enquête et/ou une poursuite sur des faits précis. La mise en place d'une enquête commune et la transmission d'informations sont également de sa compétence.

Ce pouvoir d'initiative permet d'améliorer la coordination entre les enquêtes nationales et d'établir des liens qui, avec le temps, faciliteront la circulation des informations. La réunion de coordination de novembre 2003 entre les procureurs de cinq pays sur une affaire concernant une filière d'Al-Qaida a apporté la démonstration du caractère très constructif de ce genre de rencontre.

En outre, le nombre croissant de dossiers soumis à Eurojust et la désignation par la plupart des Etats membres de correspondants nationaux sur les questions de terrorisme sont également encourageants.

Tout cela contribue à concrétiser « une territorialité européenne en matière de justice pénale ». Parce que nous soutenons depuis son origine cette dynamique, nous avons le devoir d'être lucides et de ne pas nous cacher les yeux devant les nombreux blocages qui se font jour.

Au premier rang des limites de l'action européenne, je citerai les problèmes de transposition.

Les divers rapports d'évaluation sur l'état des transpositions des textes relatifs à la lutte antiterroriste mettent en évidence de nombreux retards et le caractère partiel de certaines transpositions.

Quelques exemples méritent d'être relevés.

S'agissant de la transposition de la décision-cadre du 13 juin 2002, l'Allemagne n'a toujours pas correctement transposé l'article 1er, qui impose aux Etats de distinguer les crimes terroristes des autres crimes. De même, l'harmonisation des sanctions applicables à ces crimes est très en retard, puisque seuls huit Etats leur appliquent des sanctions plus lourdes, conformément à l'article 5.

Concernant le mandat d'arrêt européen, malgré son intérêt démontré et l'urgence de la situation, seuls huit Etats l'avaient fait entrer en vigueur à la date limite du 1er décembre 2003. Au 1er mai 2004, trois Etats membres « anciens »et la moitié des nouveaux adhérents ne respectaient toujours pas cette obligation. Et, à la mi-février 2005, l'Italie tardait encore à mettre en oeuvre le mandat !

Quant au rapport d'évaluation présenté par la Commission le 23 février dernier, il montre que certains Etats ont, soit limité le champ d'application temporel du mandat d'arrêt, soit introduit des motifs de refus. Dans les deux cas, ces décisions sont en contradiction avec la décision-cadre.

Eurojust fournit une autre illustration déplorable des difficultés de transposition. A la fin de 2004, plusieurs Etats membres refusaient encore de donner à leurs représentants nationaux à Eurojust les pouvoirs requis pour le bon fonctionnement et la coordination de cette institution.

Que les Etats fassent des difficultés pour transposer et appliquer les textes européens, ce n'est pas nouveau. Mais, dans ce cas précis, ces « non-transpositions » ou ces « mal-transpositions » influent directement sur l'efficacité de nos outils et, donc, sur nos capacités de lutte antiterroriste. De la transposition de ces mesures dépendent, non seulement la crédibilité et la force du message que nous envoyons aux terroristes, mais aussi, et surtout, la qualité de notre réponse à leurs menaces.

Monsieur le ministre, quels sont les moyens en notre possession pour accélérer auprès de nos partenaires la bonne transposition de ces mesures ? La France ne doit-elle pas se montrer plus décidée ?

Un autre problème du dispositif global de lutte contre le terrorisme nous semble devoir être souligné. L'Union conjugue tout à la fois le système d'alerte rapide global, ARGUS, Europol, avec le réseau répressif européen, ou LEN, la Task force des chefs de police des Etats membres, un « Monsieur Terrorisme », Eurojust, le groupe de travail sur le terrorisme, ou TWF, qui réunit les représentants des ministères de l'intérieur et des services répressifs, le comité terrorisme, ou COTER, dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, le centre d'évaluation de la menace extérieure, dit « SITCEN » ... Cette multiplication des organismes de lutte contre le terrorisme atteint un point tel que nous sommes en droit de nous demander si cette inflation presque incontrôlée ne pourrait pas, à terme, devenir très contreproductive.

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