La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.
La séance est reprise.
J'ai été informé, par lettre en date du 22 mars 2005, de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales qu'à la suite de la démission de M. Paul Natali, le 19 mars 2005, à minuit, de son mandat de sénateur de Haute-Corse, en application de l'article L.O. 322 du code électoral, le siège détenu par ce dernier est devenu vacant et sera pourvu par une élection partielle organisée à cet effet dans un délai de trois mois.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale européenne avec débat n° QE-1.
Cette question est ainsi libellée :
A la suite des attentats de Madrid et de la déclaration adoptée par le Conseil européen de mars dernier, M. Hubert Haenel interroge M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le jugement que porte le Gouvernement sur les mesures prises à l'échelle européenne afin d'améliorer la lutte contre le terrorisme.
Il lui demande, en particulier, si les mesures envisagées pour le renforcement de la coopération et de la coordination opérationnelle entre les services de police et de renseignements, notamment par la mise en place des équipes communes d'enquête, la réforme d'Europol et la nomination du coordinateur européen de la lutte anti-terroriste, lui paraissent satisfaisantes.
Il lui demande également d'établir un premier bilan des réunions des ministres de l'intérieur des cinq pays les plus peuplés de l'Union, qui semblent constituer un exemple concret et pragmatique de « coopération renforcée ».
La parole à est M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, auteur de la question.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les attentats meurtriers qui ont frappé Madrid l'année dernière ont montré que l'Europe restait une cible privilégiée du terrorisme.
La France n'est pas à l'abri de ce fléau, ni son territoire ni ses ressortissants. Souvenons-nous des attentats de 1995 et des victimes françaises du terrorisme au Yémen, à Bali ou à Karachi.
Certes, après les attentats du 11 septembre 2001, l'Union européenne avait adopté une série de mesures pour lutter contre le terrorisme. Toutefois, la mise en oeuvre de ces actions s'est révélée très décevante : si le nouveau plan d'action antiterroriste, adopté après les attentats de Madrid, a repris un grand nombre de ces mesures, c'est parce que la plupart d'entre elles n'avaient pas été appliquées.
Ainsi, le mandat d'arrêt européen n'a toujours pas été transposé par l'Italie, plus d'une année après la date limite fixée pour son entrée en vigueur !
De plus, dans de nombreux Etats membres, cette transposition a été effectuée en contradiction avec l'esprit même du mandat d'arrêt européen.
Je prendrai un autre exemple, celui de la décision-cadre du 13 juin 2002, relative à la lutte contre le terrorisme. Elle est essentielle pour empêcher l'existence de sanctuaires au sein de l'Union européenne, car elle prévoit une définition commune du terrorisme et une harmonisation des sanctions pour la direction d'un groupe terroriste ou la participation à un tel groupe.
Or, là encore, deux ans et demi après, de nombreux Etats membres n'ont toujours pas mis en conformité leur législation nationale avec cet instrument.
Le rapport de la Commission sur la transposition de la décision-cadre relative aux équipes communes d'enquête fournit peut-être l'exemple le plus affligeant. Il révèle qu'un seul Etat membre - l'Espagne - sur vingt-cinq a adopté des mesures de transposition pleinement conformes à la législation européenne.
Faut-il pour autant accabler certains de nos partenaires particulièrement réticents ? Sûrement pas, car nous ne faisons pas mieux qu'eux.
Plusieurs instruments difficilement adoptés au niveau européen ne sont toujours pas entrés en vigueur dans notre pays, faute d'avoir été ratifiés ou transposés dans notre droit.
Par exemple, notre pays n'a toujours pas ratifié les différents protocoles relatifs à Europol.
Faut-il le rappeler, c'est un amendement à la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, amendement de notre collègue Pierre Fauchon, qui a permis de transposer, avec retard, le mandat d'arrêt européen dans notre code de procédure pénale, alors que la France s'était engagée avec six autres pays à appliquer de manière anticipée cet instrument.
Pourquoi une telle inertie pour des textes de cette importance ?
Convenons que notre attitude n'est pas toujours de nature à entraîner nos partenaires. Ainsi, nous soutenons depuis longtemps avec vigueur le projet de création d'un parquet européen doté de larges pouvoirs. Cependant, la loi de mars 2004, qui a inscrit Eurojust dans notre droit, a retenu une conception minimaliste du rôle de cette instance, pourtant censée préfigurer le parquet européen.
Le trajet entre Paris et Bruxelles en Thalys ne dure qu'une heure et vingt-cinq minutes, mais cela semble suffisant pour changer le point de vue des responsables ou des hauts fonctionnaires français.
Le plus surprenant est que, lorsqu'il s'agit d'autoriser l'Union européenne à conclure avec les Etats-Unis des accords d'extradition et d'entraide judiciaire, les décisions interviennent toutes affaires cessantes et l'on estime inutile de procéder à une ratification parlementaire.
Tout se passe comme si les Etats membres n'agissaient avec promptitude que lorsqu'ils y sont poussés par les Etats-Unis. Au point que l'on estime alors nécessaire, en France, d'éviter le débat et l'autorisation parlementaires.
Ce que l'Europe accepte parfois sous la pression américaine, pourquoi ne l'accepterait-elle pas pour répondre à une forte attente de ses citoyens ?
En effet, l'Europe de la justice et de la sécurité ne peut plus attendre. Il y va de la crédibilité, de la légitimité même de l'Europe, laquelle restera incomplète et fragile tant qu'elle ne sera pas synonyme pour nos concitoyens de sécurité et de justice.
Je n'aborderai pas ici l'ensemble des moyens dont dispose l'Union européenne pour lutter contre le terrorisme. Je voudrais concentrer mon propos sur trois priorités, qui concernent plus spécifiquement la coopération policière.
La première priorité porte sur les échanges d'informations et de renseignements.
Comme l'a mis en évidence l'enquête effectuée après les attentats de Madrid, les échanges d'informations entre les services des Etats membres et entre ceux-ci et les organes de l'Union, tels Europol et Eurojust, restent très insuffisants.
Afin de remédier à cette situation, certains Etats membres, dont la France, avaient proposé la création d'une sorte de « CIA européenne », mais cette solution avait été écartée, notamment pour éviter de créer un « doublon » d'Europol.
Il a été jugé préférable de créer une cellule d'analyse de la menace terroriste placée auprès du Conseil.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous nous donniez votre sentiment sur l'efficacité de cette structure. A-t-elle réellement permis d'accroître les échanges de renseignements sur les réseaux terroristes ?
Il semble, en effet, subsister de nombreux obstacles aux échanges d'informations entre les services répressifs, en particulier dans une Europe à vingt-cinq Etats membres.
C'est la raison pour laquelle le nouveau programme relatif à l' « espace de liberté, de sécurité et de justice » fait du développement des échanges d'informations et de renseignements une priorité.
A cette fin, il consacre le principe de « disponibilité des informations », en vertu duquel les informations détenues par les services de police d'un Etat devraient être directement accessibles aux policiers des autres Etats.
Par ailleurs, ce programme prévoit aussi d'aller vers une « interopérabilité » de nombreuses bases de données existant au niveau européen, telles que le système d'information Schengen ou le fichier Eurodac.
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, quelle portée il faudrait donner, selon vous, au principe de disponibilité. Par ailleurs, quelle est la position française sur l' « interopérabilité » des bases de données ?
On constate actuellement un foisonnement d'initiatives ayant trait aux échanges d'informations et à l'articulation entre ces différentes propositions.
Ainsi, la délégation pour l'Union européenne s'est prononcée à quelques semaines d'intervalle sur une proposition de la Commission puis sur une initiative suédoise, qui visent toutes deux des échanges d'informations.
Ajoutons l'initiative prise par quatre Etats membres, dont la France, qui permettrait d'harmoniser, pour les besoins d'une enquête pénale, la durée de conservation des données traitées par les opérateurs de communications téléphoniques ou électroniques.
Ces différentes initiatives permettront-elles réellement de progresser pour améliorer la circulation des informations entre les services répressifs des Etats membres ?
La deuxième priorité me paraît être le renforcement de la coopération opérationnelle. J'insiste toujours sur l'efficacité, donc sur « l'opérationnel ».
L'efficacité de la lutte contre le terrorisme ne dépend pas uniquement de l'adoption d'instruments normatifs. On a beau faire de bonnes lois, elles sont inutiles si elles ne sont pas appliquées ! Cette efficacité dépend aussi et surtout de la collaboration entre les juges et les policiers des Etats membres.
Certes, la coopération opérationnelle reste une compétence première des Etats, mais l'Union européenne peut jouer un rôle pour l'améliorer et la structurer.
A cet égard, la Constitution européenne prévoit la création d'un comité permanent de sécurité intérieure, chargé précisément de coordonner les aspects opérationnels.
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, ce que vous préconisez quant à la composition et quant au rôle de ce comité de sécurité intérieure ? Ne faudrait-il pas anticiper sur le traité constitutionnel ?
Ce comité aura-t-il vocation à remplacer la Task force des chefs de police, qui n'a pas fait la preuve jusqu'à présent d'une réelle efficacité ?
. Le renforcement de la coopération opérationnelle dépend aussi d'une meilleure utilisation d'Europol et d'Eurojust et d'une plus grande articulation entre les deux organismes.
Europol reste encore une « coquille vide » sur bien des aspects. Ainsi, son système d'information général n'est toujours pas opérationnel, près de dix ans après sa création, en dépit des sommes considérables versées par les Etats membres, dont la France.
Je rappelle que la contribution française au budget d'Europol est de l'ordre de 8, 5 millions d'euros, pour un budget total de près de 60 millions d'euros par an.
De plus, comment expliquer que, sur plus de 400 agents, 5 % seulement travaillent concrètement sur la menace terroriste ?
Par ailleurs, il n'existe pas actuellement de véritable coordination entre Europol et Eurojust. J'ajoute qu'il n'y a pas de contrôle politique - au sens noble du terme - sur Europol.
Malgré un récent accord de coopération, les deux organes s'ignorent mutuellement.
Je voudrais donc savoir, monsieur le ministre, ce que vous attendez à l'avenir d'Europol et quelle articulation il faudrait, selon vous, établir entre Europol et Eurojust.
La troisième priorité me semble être de renforcer la cohérence de la réponse européenne face au terrorisme.
En matière de lutte contre le terrorisme, l'Europe ne parle pas encore d'une seule voix.
Afin de renforcer la coordination des actions européennes en matière de lutte contre le terrorisme, un coordonnateur européen a été désigné par les chefs d'Etat et de gouvernement au lendemain des attentats de Madrid, en la personne de M. Gijs de Vries.
Or il semblerait que votre homologue allemand, M. Otto Schily, ait mis en cause, et à plusieurs reprises, l'utilité de cette fonction et la nature du mandat confiée au coordonnateur européen.
Pouvez-vous nous dire si vous partagez ce sentiment et ce que vous pensez du bilan de l'action du coordonnateur européen de la lutte contre le terrorisme ? La personne de M. Gijs de Vries n'est évidemment pas en cause ; c'est un homme d'une grande qualité ; je le connais bien.
Le traité constitutionnel devrait, certes, permettre d'apporter un certain nombre de réponses aux insuffisances constatées dans la lutte contre le terrorisme au niveau européen.
Cependant, à court terme, il paraît indispensable de rechercher, dès maintenant, des améliorations concrètes en termes d'efficacité dans le dispositif antiterroriste de l'Union européenne, en particulier sur les aspects opérationnels.
Dans une Europe à vingt-cinq, il est indispensable de permettre aux Etats qui le souhaitent et le peuvent - donc à la France - d'aller plus vite et plus loin sur ces sujets. N'attendons pas que tout le monde se mette d'accord, nous n'y arriverons jamais ou, en tout cas, pas avant longtemps !
Le recours aux « coopérations renforcées », sous quelque forme que ce soit, paraît donc inévitable et indispensable si nous voulons continuer à progresser sur les questions de justice et de sécurité dans l'Europe élargie.
D'ores et déjà, les accords de Schengen ont représenté avec succès une première forme de « coopération renforcée ».
Plus récemment, les ministres de l'intérieur des cinq pays les plus peuplés de l'Union européenne, le G5, ont pris l'habitude de se réunir pour discuter de questions concrètes de sécurité et d'immigration.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous nous présentiez un bilan des réunions du G5, qui sont parfois considérées avec un certain scepticisme depuis Bruxelles.
En outre, tout récemment, plusieurs pays, dont l'Allemagne, ont pris l'initiative d'un nouveau traité relatif à la coopération policière et judiciaire, dit « Schengen + ».
La France avait été sollicitée pour participer à cette forme de « coopération renforcée », mais elle n'y a pas donné suite.
Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce refus, monsieur le ministre, et pensez-vous que la France pourrait rejoindre à l'avenir cette coopération et prendre des initiatives fortes ?
Enfin, vous avez annoncé récemment, monsieur le ministre, un Livre blanc qui devrait permettre de définir une doctrine globale en matière de sécurité intérieure face à la menace terroriste.
Ce Livre blanc abordera-t-il la dimension européenne de la lutte contre le terrorisme et débouchera-t-il sur des initiatives concrètes au niveau européen ?
Cela fait sans doute bien des questions, monsieur le ministre, mais nous comptons beaucoup sur vous.
Face à la menace terroriste, les citoyens européens attendent des réponses concrètes, car c'est de leur sécurité qu'il est question. Il s'agit en effet d'un domaine où nos concitoyens attendent beaucoup de l'Europe. Pour reprendre vos propos, « l'Europe, c'est aussi plus de sécurité face au terrorisme. (...) Face à des problèmes qui dépassent les frontières (...), l'Europe nous donne le moyen de rassembler nos énergies et nos volontés pour être plus efficaces ». Au moment où s'engage dans notre pays la campagne sur la ratification du traité constitutionnel, il me semble utile de le rappeler.
Nos concitoyens sont revenus des idéologies. Ils veulent de l'efficacité. En matière de lutte contre le terrorisme, nous sommes au pied du mur. Il nous faut prouver que, là aussi, « l'Europe, ça marche ».
Faudra-t-il attendre l'irréparable pour que l'Europe se décide enfin à agir ?
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York et ceux du 11 mars 2004 à Madrid, la lutte contre le terrorisme a connu une accélération vertigineuse en Europe.
Bien sûr, il faut lutter contre la violence aveugle, contre le terrorisme, et notre détermination sur ce point ne peut faire de doute. Mais la question qui se pose en arrière-plan est celle de notre conception de la société, de notre vision du monde, monsieur le ministre.
C'est que les nombreuses mesures et décisions qui ont été prises à la suite de ces évènements tragiques ont eu de graves conséquences en matière de droits de l'homme.
Nous souhaitons, aujourd'hui, monsieur le ministre, mes chers collègues, attirer votre attention sur la nécessaire prise en considération des droits fondamentaux dans le cadre de cette lutte contre le terrorisme. En effet, nous estimons, comme la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, la FIDH, et d'autres organisations internationales - je pense à un rapport récent de l'ONU en date du 20 mars - qu'une politique efficace en la matière ne peut se passer du respect des exigences de l'Etat de droit, l'enjeu pour nos démocraties étant de se battre pour le respect de la loi dans le respect de la loi.
Dans le cadre de l'Union européenne, le 21 septembre 2001, a été adopté un plan d'action en matière de terrorisme. Les objectifs prioritaires qui ont été fixés ont notamment pour objet de remplacer l'extradition par une procédure de remise des auteurs d'attentats terroristes fondée sur un mandat d'arrêt européen ou encore de donner une définition commune du terrorisme.
L'adoption d'une définition commune de l'acte terroriste, le 13 juin 2002, dans la décision-cadre du Conseil « relative à la lutte contre le terrorisme » avait pour but d'établir une définition des infractions terroristes commune aux Etats membres de l'Union européenne ainsi que des règles juridictionnelles communes « pour garantir que l'infraction terroriste peut faire l'objet de poursuites efficaces ».
Notons que certains des termes employés renvoient à des concepts flous, vagues et incertains. Les formules du style de celles qui renvoient à la « nature », ou au « contexte » des actes ou au but recherché de « gravement déstabiliser les structures fondamentales politiques [...] économiques ou sociales » sont peu précises et leur ambiguïté conduit à diverses interprétations. Autant de dispositions qui ouvrent la voie à des abus de droit ou, du moins, à certaines dérives.
Cette rédaction, monsieur le ministre, s'oppose au principe de la légalité des délits selon lequel les définitions des infractions et des incriminations pénales doivent être précises et dépourvues de toute équivoque ou ambiguïté.
Par ailleurs, permettez-moi de rappeler que le flou qui caractérise l'appellation « terrorisme » a conduit, dans le passé, à des amalgames intolérables. Les mouvements de résistance anti-coloniaux, comme le FLN algérien, était alors qualifiés de mouvements terroristes. Ces dérives sont inacceptables, elles doivent être condamnées et faire l'objet d'une extrême vigilance.
Concernant le mandat d'arrêt européen, le 13 juin 2002, le Conseil de l'Union européenne a adopté une décision-cadre qui, parce qu'elle était contraire à certains de nos principes fondamentaux, a nécessité, préalablement à sa transposition, une révision constitutionnelle, ce qui nous a valu de nous réunir en congrès à Versailles.
Relevons que le mandat d'arrêt européen, toujours présenté comme une avancée, soulève de nombreux problèmes, notamment au regard de l'actualité la plus récente.
En premier lieu, pour les infractions prévues dans le texte, l'application des conventions en matière d'extradition est supprimée entre les Etats membres de l'Union européenne.
En deuxième lieu, et en conséquence « le contrôle politique qui accompagne la procédure d'extradition » est ignoré. Le mandat d'arrêt européen est donc une procédure exclusivement judiciaire, qui supprime la phase administrative et politique, ainsi que le contrôle exercé par les juridictions administratives.
En troisième lieu, il est fait dérogation au principe de la double incrimination pour toute une série d'infractions. Cela ne va pas sans poser de problèmes, car le principe de la double incrimination est directement lié au principe de légalité des délits et trouve son fondement, notamment, dans la protection des droits de l'homme.
Enfin, la décision-cadre garde le silence sur le droit d'appel dont dispose une personne frappée par un mandat d'arrêt européen, ce qui est regrettable du point de vue du droit au recours.
Nous ne pouvons que dénoncer le fait que cette procédure, plus rapide qu'une procédure traditionnelle d'extradition, soit l'occasion d'abus de pouvoir à l'encontre de la personne poursuivie.
Nous estimons, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il est plus que jamais nécessaire que la construction d'une Europe judiciaire ne se réalise pas dans la négation des libertés et des droits de la défense. Au contraire, les deux sont étroitement liés, l'Europe judiciaire doit se réaliser dans l'Etat de droit européen.
Les atrocités commises à Madrid le 11 mars 2004 ont suscité un plan d'action révisé de l'Union européenne, qui tente d'améliorer principalement la coopération entre les Etats membres et leurs services de police.
Dans ce cadre, les Etats membres ont nommé un coordonnateur européen de la lutte contre le terrorisme, afin de renforcer la cohérence de l'action de l'Union.
Si nous estimons que le bon fonctionnement de la coopération en matière de lutte antiterroriste est indispensable, on peut toutefois s'interroger, monsieur le ministre, sur la nécessité de multiplier les instances pour y parvenir. A cet égard, on peut douter de l'efficacité du rôle du coordonnateur européen de la lutte contre le terrorisme et regretter que son mandat ne soit pas précisément défini.
En matière de coordination de l'activité opérationnelle des Etats membres, l'Union dispose de plusieurs outils, ainsi que M. Haenel l'a rappelé : l'Office européen de police, Europol, l'unité de coopération judiciaire, Eurojust, les équipes communes d'enquête et, à compter du 1er mai 2005, l'Agence européenne pour la gestion des frontières extérieures.
L'efficacité de ces outils devrait, selon nous, à tout le moins être améliorée eu égard au coût qu'ils représentent. Ces outils devraient aussi être soumis à des procédures de contrôle démocratique. Surtout, il convient d'intensifier les échanges d'informations entre les services compétents des Etats membres, en créant un cadre juridique adéquat et en renforçant la confiance mutuelle.
Les attentats de Madrid ont également encouragé, à l'échelle européenne, une refonte du système actuel de protection des données à caractère personnel.
En effet, la déclaration sur la lutte contre le terrorisme évoque une interopérabilité et la création de synergies entre les diverses banques de données créées dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Cette proposition supposerait une modification du système actuel de protection des données à caractère personnel, notamment au regard du principe de finalité, qui interdit l'utilisation à des fins répressives de données recueillies à des fins différentes.
Nous considérons que la mise en oeuvre d'une interopérabilité ne permet pas de dégager un équilibre entre la lutte contre le terrorisme et la protection des droits fondamentaux, monsieur le ministre.
Les ministres de l'intérieur du G5 - Allemagne, Espagne, France, Royaume-Uni et Italie - ont annoncé, le 15 mars dernier, à l'issue de deux jours de réunion, leur choix de multiplier les listes de djihadistes et les fichiers. Le but affiché est de concilier le besoin d'échanger des informations avec le respect de la confidentialité des enquêtes et la protection de la vie privée.
Malheureusement, forts d'une certaine expérience, nous ne pouvons être que des plus circonspects face à ces nouvelles décisions.
Permettez-moi de citer, à cet égard, un exemple significatif des dysfonctionnements du fichier européen des personnes recherchées.
Au fil des années, le nombre de personnes faisant l'objet d'une inscription augmente et la gestion du fichier se complexifie. Les erreurs et les homonymies y sont nombreuses. Il n'est pas rare, à cet égard, que des personnes découvrent que leur nom y figure à l'occasion de démarches individuelles diverses.
C'est ce qui est arrivé à des citoyens d'origine italienne vivant en toute régularité dans notre pays depuis plusieurs années. Le consulat d'Italie en France a, dans un premier temps, refusé le renouvellement de leur passeport. Après vérification, devant l'absence de poursuites judiciaires et policières les concernant, il leur a ensuite accordé ce renouvellement. Cependant, leur inscription au fichier des personnes disparues pourrait être maintenue.
Cette situation constitue une atteinte aux libertés individuelles.
De manière générale, à l'heure où le G5 choisit de multiplier les listes et les fichiers communs, quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre pour garantir l'exactitude des inscriptions et pour que celles qui sont injustifiées fassent l'objet d'un relèvement ?
Mes chers collègues, nous devons nous interroger sur l'Europe que nous souhaitons construire. Est-ce une Europe du « tout sécuritaire », renforçant sans cesse son arsenal répressif, ou une Europe dans laquelle les principes de l'Etat de droit priment ? Pour notre part, nous faisons le second choix.
Il nous faut tirer les conséquences de la situation outre-Atlantique. Au nom de la lutte contre le terrorisme, les libertés civiles y ont été limitées et les garanties contre les atteintes aux droits fondamentaux considérablement réduites.
Les mesures prises par l'exécutif américain aboutissent à la mise en place d'un état d'exception permanent, qui devient la règle. Dans ce système, qui fait de la lutte contre le terrorisme une croisade du bien contre le mal, les règles du droit international et les droits fondamentaux se trouvent inéluctablement bafoués.
Le résultat est catastrophique : la paix n'est au rendez-vous ni en Irak, où les résistances persistent, ni en Afghanistan, où les talibans sont de retour. Ces situations déplorables rendent d'autant plus absurde le sort des personnes capturées lors de la guerre contre les talibans en 2001 et parquées dans le bagne de Guantanamo, au mépris des droits de l'homme, et même des lois des Etats-Unis.
En France, la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003, dite « loi Sarkozy », et la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite « loi Perben II », témoignent de l'amalgame et des dérapages que peut engendrer la mise en place de mesures antiterroristes. La stigmatisation de la religion et de la culture comme cause du terrorisme doit être impérativement condamnée.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'élève contre les dérives inscrites dans ces lois, qui présentent nos banlieues comme les repaires de terroristes en puissance.
Lors des discussions au sein de cet hémicycle, le groupe communiste républicain et citoyen avait demandé que le caractère provisoire de ces mesures soit clairement affirmé et que leur application soit placée sous le contrôle sourcilleux du Parlement. Nous n'avions malheureusement pas été entendus. Nous le regrettons toujours aujourd'hui.
Monsieur le ministre, l'utilisation à tout va du concept de terrorisme pour justifier le durcissement de l'arsenal répressif n'est pas la solution, ni en France ni en Europe.
La place du droit dans la réponse au terrorisme doit être prééminente. Les récentes décisions prises par les plus hautes juridictions des Etats-Unis et de Grande-Bretagne viennent conforter ce choix.
On sait en effet qu'en novembre 2003, de façon inattendue, la Cour suprême des Etats-Unis a accepté de se reconnaître compétente pour apprécier la légalité de la détention d'étrangers sur la base de Guantanamo.
De son côté, par une décision du 16 décembre 2004, la Chambre des Lords, en Grande-Bretagne, a ordonné un assouplissement de la loi antiterroriste, jugeant illégal le dispositif répressif mis en place dans ce pays, qualifié par Amnesty International de « Guantanamo britannique » ! Cette réaffirmation du droit va dans le sens du choix des armes de la démocratie pour lutter contre le terrorisme.
Les Européens savent que la lutte contre le terrorisme ne sera ni facilement ni rapidement gagnée.
Ne perdons pas de vue également que la réponse au terrorisme dépend, à long terme, de la réponse aux insupportables déséquilibres sociaux, économiques et politiques qui enfoncent les quatre cinquièmes de l'humanité dans la pauvreté.
Dans un récent rapport, l'Organisation des Nations unies rappelle que huit objectifs de développement avaient été définis en 2000 précisément pour renforcer la sécurité en luttant contre la pauvreté, objectifs qui doivent être atteints en 2015. Au moment du bilan, nous serons loin du compte !
Nous devons donc nous battre en même temps contre le terrorisme et pour la stabilité régionale, la démocratie réelle, non imposée, et l'Etat de droit.
Mener la lutte contre le terrorisme en dehors du cadre du droit international, au mépris des droits de l'homme et au détriment des principes de l'Etat de droit, outre les graves conséquences que cela engendrerait, aboutirait à un résultat contraire à l'objectif fixé.
Dans notre lutte contre le terrorisme, la vigilance doit être de règle, qu'il s'agisse du traitement réservé aux minorités, ici, dans les pays occidentaux, qu'il s'agisse des droits des migrants et des demandeurs d'asile ou de la présomption d'innocence, afin que des groupes entiers de nos sociétés ne se trouvent pas stigmatisés et punis à cause du comportement répréhensible de quelques-uns.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 11 mars 2004, dix bombes explosent à Madrid, tuant 191 personnes et en blessant plus de 1 900. L'Espagne est ainsi frappée de la façon la plus violente par des attentats terroristes, et l'Union européenne est, pour la première fois, directement visée sur son territoire par la nébuleuse terroriste internationale Al-Qaida.
Deux semaines plus tard, les 25 et 26 mars 2004, l'Union européenne, par l'intermédiaire du Conseil européen, décide de compléter le plan d'action du 21 septembre 2001, celui-là même qui avait suivi les attentats de New York.
II y a donc tout juste un an, l'Union européenne réorientait la lutte contre le terrorisme autour de sept objectifs majeurs, parmi lesquels figure le renforcement de la coordination entre ces mêmes Etats.
Il fut également question de mettre sur pied une sorte de « CIA européenne », regroupant des agents des services de renseignement des Vingt-cinq, détachés à Bruxelles pour analyser la menace, conseiller les Etats et déclencher des opérations communes.
Cette idée a priori pertinente ne fut pas retenue. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous en indiquer les raisons ?
En revanche, une innovation institutionnelle de l'Union européenne fit son apparition après les attentats de Madrid : le « coordonnateur européen de lutte antiterroriste ». Le poste a été confié au hollandais Gijs de Vries, qui est chargé de coordonner la lutte antiterroriste au niveau européen et de rappeler à l'ordre les Etats membres lorsqu'ils n'ont pas transposé les directives européennes sur le sujet.
Toutefois, malgré les promesses politiques de « l'après 11 mars », il faut bien reconnaître que les Etats membres n'ont accordé à ce « Monsieur terrorisme » qu'un pouvoir symbolique puisque ses rapports sont rédigés presque uniquement à partir des informations que les Etats veulent bien lui confier. Et, du propre aveu du coordonnateur, « le principal axe de défense en Europe face au terrorisme se situe au niveau des gouvernements nationaux ».
Par conséquent, en matière de lutte contre le terrorisme au niveau européen, le bilatéral demeure le cadre privilégié de l'échange et l'unilatéral, la meilleure protection.
Dans ces conditions, il apparaît très nettement qu'une réelle politique européenne de prévention et de lutte contre le terrorisme reste à bâtir. C'est probablement là un des chantiers européens les plus urgents ! C'est pourquoi il nous faut remercier le président Hubert Haenel d'avoir posé cette question aujourd'hui.
Où en est-on réellement de l'élaboration de cette politique antiterroriste européenne ? Comment la rendre plus efficace ? Comment développer de véritables outils de coopération ?
En effet, à l'exception du mandat d'arrêt européen, dont l'entrée en vigueur a été reportée dans l'attente de son adoption par l'Italie, les démocraties européennes ne disposent pas d'outils juridiques véritablement efficaces, et surtout à la hauteur de l'enjeu de la lutte antiterroriste.
Toute politique globale et européenne de lutte contre le terrorisme doit contenir deux volets.
Le premier, en amont, consiste à développer des mesures de prévention et de dissuasion.
Le second, indissociable du premier, car complémentaire, repose sur une plus grande répression, par l'adaptation de nos législations pénales aux enjeux nés des nouvelles menaces terroristes.
En matière préventive, je m'inscris dans la stratégie exposée il y a quelques jours à Madrid par le chef du gouvernement espagnol et le secrétaire général des Nations unies, lors de la conférence qui a réuni des experts et des dirigeants de cinquante-deux pays.
A cette occasion, M. José Luis Zapatero a proposé la création d'un fonds international pour aider à lutter contre le terrorisme les Etats à faibles ressources qui servent de refuge aux extrémistes.
Cette idée était également présente dans la stratégie globale présentée par M. Kofi Annan, qui souhaite dissuader les groupes de mécontents de choisir le terrorisme pour atteindre leurs objectifs, leur rendre difficile l'accès aux moyens nécessaires pour opérer leurs attentats, convaincre les Etats qui soutiennent ces terroristes de ne pas les aider, développer la capacité des Etats pour prévenir le terrorisme et défendre les droits de l'homme.
L'ensemble de ces objectifs doivent être partagés par tous les Etats membres de l'Union et par l'Union elle-même.
Evidemment, au-delà des objectifs, tous doivent se donner les moyens nécessaires pour mener à bien cette politique et entreprendre une réelle démarche de coopération et de mise en commun des informations ce qui, hélas, reste encore à faire !
En matière pénale, et puisque le coordonnateur européen de la lutte antiterroriste reconnaît lui-même que les principaux outils se situent « au niveau des gouvernements nationaux », il apparaît nécessaire de renforcer, sur le plan national, notre arsenal législatif, pour mieux protéger nos concitoyens, en attendant la mise en place d'une législation européenne.
Mon collègue Aymeri de Montesquiou et moi-même plaidons en faveur d'une réponse pénale spécifique face aux actions et crimes terroristes.
Nous estimons indispensable de doter notre droit pénal d'instruments appropriés pour permettre une meilleure répression des actes de terrorisme, répression dont la dimension dissuasive serait, de cette façon, elle aussi renforcée.
La gravité de ces actes, d'une part, et le profil particulier de leurs auteurs, d'autre part, impliquent une réplique législative et pénale adaptée qui rende imprescriptibles les crimes de terrorisme et incompressibles les peines prononcées contre leurs auteurs.
Cette dernière disposition, l'incompressibilité des peines, me semble, monsieur le ministre, une bien meilleure réplique judiciaire que le rétablissement de la peine de mort pour les auteurs d'actes terroristes particulièrement graves.
Or, mes chers collègues, vous savez que certains préconisent ce rétablissement, proposition réapparaissant, du reste, à chaque nouvel attentat. Pour ma part, je considère que cette suggestion est inacceptable, et j'ai eu l'occasion, à diverses reprises, de prendre position publiquement en ce sens.
Cette incompressibilité est aussi une meilleure réponse qu'une libération, insupportable aux yeux de l'opinion publique.
Il n'en demeure pas moins qu'un renforcement et un durcissement de notre législation en matière de crimes terroristes m'apparaissent indispensables.
C'est pourquoi, compte tenu du contexte d'urgence, l'imprescriptibilité des crimes et l'incompressibilité des peines doivent trouver leur place dans une politique globale de lutte contre le terrorisme.
L'efficacité de cette politique dépend, plus que dans tout autre domaine, de la bonne articulation des politiques nationales et d'une politique européenne qui, malheureusement, reste à concrétiser.
Il est donc urgent que les Vingt-cinq jouent le jeu ! C'est la condition sine qua non de l'émergence d'une politique antiterroriste qui produise des résultats concrets. La sécurité de chacun ne peut être assurée désormais sans l'échelon européen !
Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, autant le dire sans détour, si le terrorisme en Europe n'est malheureusement pas un phénomène nouveau, et si les préoccupations de l'Union sur ce sujet ne datent pas d'hier - elles étaient déjà présentes dans le traité d'Amsterdam et lors du Conseil européen de Tampere - la mise en place par l'Union de dispositions antiterroristes, au niveau tant législatif qu'opérationnel, s'est largement accélérée depuis le 11 septembre 2001 et le 11 mars 2004.
C'est un fait, le souvenir de ces tragiques évènements nous rappelle chaque jour la nécessité d'agir. A ce titre, la décision du Conseil européen de faire du 11 mars une journée européenne de commémoration des victimes du terrorisme est à la fois l'expression de la force de ce souvenir, de notre engagement à lutter contre ce fléau, et, surtout, de la solidarité de tous les membres de l'Union.
Pour répondre efficacement aux risques permanents de nouveaux attentats, il est clair pour tous que les Etats ne peuvent plus agir seuls et isolément.
Quel que soit le domaine, à commencer par la lutte contre le financement du terrorisme, contre le cyberterrorisme, contre le bioterrorisme, les poursuites judiciaires et policières, qui deviennent transfrontières, en passant par la protection des infrastructures et la sécurité des transports, pour finir par les plans d'urgence sanitaire, nous ne pouvons plus nous contenter d'agir à l'échelle nationale. L'approche globale s'impose.
Nous avons le devoir de combiner tous les outils et toutes les méthodes que nous offrent la coopération et l'intégration de l'Union européenne : harmonisation des législations, approche intégrée, coordination de la coopération, développement de l'organisation opérationnelle des enquêtes et des poursuites communes sur la base du mandat d'arrêt européen, établissement d'un système d'alerte rapide global, comme ARGUS, et de systèmes d'échanges des informations... On le voit, les options sont nombreuses. Prenons garde, cependant, à force de les multiplier, de ne pas transformer cet atout pour l'Europe en un handicap.
Monsieur le ministre, ne disposant que d'un temps limité pour vous questionner sur l'avancée effective des mesures européennes antiterroristes, je me concentrerai sur quelques-uns de ses aspects.
Je voudrais, tout d'abord, revenir rapidement sur ce que l'on peut déjà considérer comme de grandes avancées pour la France et pour l'Europe.
Première avancée, il me semble nécessaire de souligner l'importance de la définition du terrorisme formulée dans la décision-cadre du 13 juin 2002. Elle est importante à un double titre.
D'une part, grâce à cette définition européenne du terrorisme, on peut aujourd'hui poursuivre ces infractions de la même façon sur tout le territoire de l'Union. Avant l'adoption d'une telle définition, seuls quelques Etats européens, dont la France, disposaient d'une législation spécifique au terrorisme.
D'autre part, cette définition fait date. En effet, comme le rappelle un récent rapport d'information de l'Assemblée nationale, elle est « le premier instrument international à définir un acte terroriste par référence au but poursuivi ».
C'est le caractère intentionnel qui définit l'acte terroriste. Jusqu'alors, on ne faisait qu'incriminer des actes et des comportements sans définir leur élément essentiel, à savoir le « but terroriste ». Je rappelle que cette définition emprunte beaucoup à notre législation nationale.
Quoi qu'il en soit, cette réalisation décisive est bien la preuve que, motivée par une puissante volonté politique, l'Union n'est ni faible ni chimérique, et qu'en cherchant à relever ses propres défis, elle peut aussi montrer la voie.
Deuxième avancée, la création d'un mandat d'arrêt européen. Transposé en droit français depuis à peine un an, il a modifié en profondeur le droit et les usages relatifs à l'extradition entre les Etats membres. Ce n'est pas rien ! Le principe de la double incrimination a été supprimé, ainsi que les phases politique et administrative des procédures d'extradition, lesquelles s'en trouvent, dès lors, grandement facilitées.
Le résultat est clair : là où l'exécution d'une extradition prenait en moyenne plus de neuf mois, nous sommes passés aujourd'hui à un mois et demi. C'est une grande avancée !
Le rythme des enquêtes s'en trouve grandement accéléré, et ce n'est pas fini, puisque le nombre de mandats d'arrêt européens ne cesse de croître. A n'en pas douter, c'est un outil en plein essor. Cependant, ses capacités opérationnelles doivent être renforcée si, à terme, nous souhaitons qu'un véritable parquet européen se développe.
Troisième avancée, l'entrée en action d'Eurojust. Si cet organisme présente des lacunes et des limites, je tiens à insister sur ses atouts. Il s'agit de la possibilité pour l'Europe d'initier, au moyen d'une demande aux Etats concernés, une enquête et/ou une poursuite sur des faits précis. La mise en place d'une enquête commune et la transmission d'informations sont également de sa compétence.
Ce pouvoir d'initiative permet d'améliorer la coordination entre les enquêtes nationales et d'établir des liens qui, avec le temps, faciliteront la circulation des informations. La réunion de coordination de novembre 2003 entre les procureurs de cinq pays sur une affaire concernant une filière d'Al-Qaida a apporté la démonstration du caractère très constructif de ce genre de rencontre.
En outre, le nombre croissant de dossiers soumis à Eurojust et la désignation par la plupart des Etats membres de correspondants nationaux sur les questions de terrorisme sont également encourageants.
Tout cela contribue à concrétiser « une territorialité européenne en matière de justice pénale ». Parce que nous soutenons depuis son origine cette dynamique, nous avons le devoir d'être lucides et de ne pas nous cacher les yeux devant les nombreux blocages qui se font jour.
Au premier rang des limites de l'action européenne, je citerai les problèmes de transposition.
Les divers rapports d'évaluation sur l'état des transpositions des textes relatifs à la lutte antiterroriste mettent en évidence de nombreux retards et le caractère partiel de certaines transpositions.
Quelques exemples méritent d'être relevés.
S'agissant de la transposition de la décision-cadre du 13 juin 2002, l'Allemagne n'a toujours pas correctement transposé l'article 1er, qui impose aux Etats de distinguer les crimes terroristes des autres crimes. De même, l'harmonisation des sanctions applicables à ces crimes est très en retard, puisque seuls huit Etats leur appliquent des sanctions plus lourdes, conformément à l'article 5.
Concernant le mandat d'arrêt européen, malgré son intérêt démontré et l'urgence de la situation, seuls huit Etats l'avaient fait entrer en vigueur à la date limite du 1er décembre 2003. Au 1er mai 2004, trois Etats membres « anciens »et la moitié des nouveaux adhérents ne respectaient toujours pas cette obligation. Et, à la mi-février 2005, l'Italie tardait encore à mettre en oeuvre le mandat !
Quant au rapport d'évaluation présenté par la Commission le 23 février dernier, il montre que certains Etats ont, soit limité le champ d'application temporel du mandat d'arrêt, soit introduit des motifs de refus. Dans les deux cas, ces décisions sont en contradiction avec la décision-cadre.
Eurojust fournit une autre illustration déplorable des difficultés de transposition. A la fin de 2004, plusieurs Etats membres refusaient encore de donner à leurs représentants nationaux à Eurojust les pouvoirs requis pour le bon fonctionnement et la coordination de cette institution.
Que les Etats fassent des difficultés pour transposer et appliquer les textes européens, ce n'est pas nouveau. Mais, dans ce cas précis, ces « non-transpositions » ou ces « mal-transpositions » influent directement sur l'efficacité de nos outils et, donc, sur nos capacités de lutte antiterroriste. De la transposition de ces mesures dépendent, non seulement la crédibilité et la force du message que nous envoyons aux terroristes, mais aussi, et surtout, la qualité de notre réponse à leurs menaces.
Monsieur le ministre, quels sont les moyens en notre possession pour accélérer auprès de nos partenaires la bonne transposition de ces mesures ? La France ne doit-elle pas se montrer plus décidée ?
Un autre problème du dispositif global de lutte contre le terrorisme nous semble devoir être souligné. L'Union conjugue tout à la fois le système d'alerte rapide global, ARGUS, Europol, avec le réseau répressif européen, ou LEN, la Task force des chefs de police des Etats membres, un « Monsieur Terrorisme », Eurojust, le groupe de travail sur le terrorisme, ou TWF, qui réunit les représentants des ministères de l'intérieur et des services répressifs, le comité terrorisme, ou COTER, dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, le centre d'évaluation de la menace extérieure, dit « SITCEN » ... Cette multiplication des organismes de lutte contre le terrorisme atteint un point tel que nous sommes en droit de nous demander si cette inflation presque incontrôlée ne pourrait pas, à terme, devenir très contreproductive.
L'interrogation est d'autant plus légitime que les moyens financiers dont dispose l'Union sont limités et que nombre de ces instruments ne sont pas pleinement utilisés, on le sait. A titre d'exemple, faute d'utilisation par les Etats membres, on a dû dissoudre, en décembre 2003, une cellule antiterroriste d'Europol.
La coordination, déjà difficile entre les Etats membres et l'échelon européen, devient, avec cette inflation, également problématique à l'intérieur de l'échelon européen. N'est-il pas temps d'opérer une vaste réorganisation, et pourquoi pas, d'envisager une structure un peu plus centralisée ?
Monsieur le ministre, je souhaite également attirer votre attention sur certaines carences patentes, notamment sur l'absence d'une législation européenne antiterroriste relative aux transports terrestres.
La sécurisation des transports est un enjeu majeur de la protection contre les attentats, et l'Union a pris nombre de mesures pour les transports maritimes et aériens. Pourtant, rien n'a été fait à propos des transports terrestres ! N'aurait-on pas tiré les leçons de Madrid ou de Moscou ? Je n'ose le croire. Vous en conviendrez, je n'en doute pas, il est urgent de rentrer dans ce dossier pour réparer cette erreur.
Nous le voyons bien, en dépit des efforts, le différentiel entre la volonté, l'ambition de la France, et la réalité reste encore important.
Avant de conclure, mes chers collègues, je souhaite aborder la question capitale de la protection de la vie privée des citoyens.
Sujet déjà sensible et complexe au niveau européen, la gestion des bases de données l'est encore plus dans le cadre d'accords avec des Etats tiers. Qui aura accès à ces informations ? Combien d'agences gouvernementales ? Quelle est la durée de conservation de ces données ? Dans quelles conditions de sécurité ?
Autant de questions auxquelles il faut répondre avant d'accepter la transmission de ces informations. Or, je rappelle que, sur cette question de la protection des données personnelles, nous avons déjà cédé beaucoup de terrain. Je pense à l'accord du 28 mai 2004 entre l'Union européenne et les Etats-Unis sur le traitement et le transfert des données personnelles des passagers pour les vols transatlantiques.
Alors que les députés européens avaient recommandé que le transfert se limite à dix-neuf données, trente-quatre ont été accordées. Alors qu'ils avaient souhaité de plus grandes garanties sur le partage de ces données avec des pays tiers, il n'en a rien été.
Ici même, au Sénat, nous avons d'ailleurs été à la pointe de l'opposition à cet accord, que beaucoup jugeaient excessif. La Commission a passé outre l'avis du Parlement européen. Elle en avait, certes, juridiquement le droit, mais était-ce là chose à faire ?
Je ne m'attarderai pas plus longtemps sur cet épisode, sinon pour dire que nous devons être plus vigilants, donc, changer de logique. Cessons de négocier avec un Etat tiers avant de nous être mis d'accord entre Etats membres. Le cas que je viens de citer est et restera comme le symbole d'une occasion manquée.
Enfin, monsieur le ministre, c'est en quelque sorte un appel à la vigilance sur les dérives du combat contre le terrorisme que je voudrais lancer. Ne laissons pas ce combat être récupéré ! Ne le laissons pas servir de prétexte au durcissement des législations sur l'asile et sur l'immigration ! Nous le savons, il y a, ici et là, des velléités pour faire de la lutte antiterroriste le cheval de Troie des vieux réflexes de repli et des politiques d'immigration réactionnaires.
Nous ne devons pas nous couper du monde au prétexte de nous protéger de quelques-uns. Monsieur le ministre, je crois savoir que vous venez de convaincre notre partenaire allemand d'adopter le code de contrôle aux frontières. Je le sais également, le prochain G5, qui aura lieu en mai, à Paris, portera sur cette question. Je vous demande donc quelle sera votre position et comment vous entendez oeuvrer pour éviter les amalgames et les dérives que je soulignais à l'instant.
Mes chers collègues, il y a un peu plus d'une semaine nous commémorions tristement les terribles attentats de Madrid. Avant-hier, le Japon commémorait les dix ans de l'attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo. Et, chaque année, nous repensons à la terrible tragédie du 11 septembre 2001.
Alors, il doit être redit fermement, clairement, qu'un acte terroriste contre des civils est un crime que rien ne justifie. Le terrorisme doit être combattu avec la plus grande détermination et la plus grande énergie, parce qu'un attentat terroriste est un acte contre la démocratie, contre la liberté et contre la paix. Il est le fruit d'idéologies totalitaires et dominatrices. Autant de choix qui sont à l'opposé des fondements de nos sociétés.
Les risques terroristes sont, d'abord et avant tout, un fléau dont nous cherchons à protéger nos sociétés. La France et l'Europe ne sont pas à l'abri de tels actes. En ces temps d'interrogations, nos concitoyens attendent de l'Europe des réponses concrètes et sûres. Ils veulent que l'Europe leur dise dans quel cadre ils vont vivre, quelle sera cette société nouvelle dans laquelle vivront leurs enfants. Ils veulent, surtout, être débarrassés du terrorisme, ce paramètre qui doit malheureusement être pris en compte.
Alors, monsieur le ministre, pensez-vous que l'Europe soit aujourd'hui à la hauteur de ces ambitions ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons bien entendu que ce n'est pas l'Union européenne qui mènera directement la lutte contre le terrorisme, mais nous savons aussi que son action complémentaire est absolument indispensable, comme l'ont souligné les orateurs qui m'ont précédé. Il serait évidemment inacceptable d'attendre, après le 11 septembre 2001 et le 11 mars 2004, une troisième catastrophe pour nous doter enfin d'éléments nécessaires à une action efficace à l'échelle du continent.
Je crois qu'il convient tout d'abord de relever que, même si le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe, qui va, je l'espère, être adopté, ne fait pas référence à la chrétienté, le « corpus » traditionnel européen comporte un certain nombre de dispositions ne pouvant qu'exciter au-delà de toute mesure les tenants de l'islamisme radical, qui, actuellement, déploie ses activités criminelles. Par conséquent, notre continent connaîtra tôt ou tard de nouvelles épreuves, après celles que nous avons déjà vécues.
A cet égard, M. Haenel vient de rappeler que, après le 11 septembre 2001 et le 11 mars 2004, nous avons assisté à une avalanche de textes et de déclarations. Notre collègue a posé un certain nombre de questions à leur sujet, que nous faisons nôtres, en ayant d'ailleurs une pensée particulière pour M. de Vries, coordonnateur de la politique antiterroriste de l'Union européenne : souhaitons qu'il ne soit pas la victime de cette nouvelle mode consistant, pour enterrer un problème, à nommer un « Monsieur-quelque-chose », comme autrefois on créait une commission !
Cependant, au-delà de ces remarques, on relève un certain nombre d'éléments positifs, par exemple la fixation des six objectifs stratégiques suivants : évaluation et analyse des risques liés aux cibles potentielles d'attentats terroristes ; réduction de la vulnérabilité de ces cibles ; renforcement des mécanismes adéquats de détection et d'identification des menaces réelles et d'alerte des spécialistes et du grand public ; renforcement des capacités et des instruments nécessaires pour atténuer les conséquences d'un attentat et faciliter le retour à une situation normale, y compris l'information du public ; développement de la recherche et du développement visant à contrer les effets du terrorisme ; coopération avec les pays tiers et les organisations internationales.
C'est là une affirmation forte, à condition bien entendu que l'on en tire toutes les conséquences. Un certain nombre d'actions avaient été envisagées, dont certaines ont été engagées, avec l'instauration d'un programme européen de protection des infrastructures critiques et d'un réseau d'alerte concernant ces infrastructures, appelé communément CIWIN, ou critical infrastructure warning information network, la création d'un « système d'alerte sûr et global », dénommé ARGUS, d'un dispositif d'évaluation des menaces, le SITCEN, ou Centre de situation conjoint, et d'un centre de crise central qui regrouperait des représentants de tous les services de la Commission européenne concernés par une situation d'urgence, avec aussi l'instauration d'échanges d'informations relatives aux moyens médicaux qui pourraient être utilisés en cas d'attentat terroriste majeur, et d'exercices conjoints, pouvant impliquer le public, par exemple en matière d'intervention dans un environnement contaminé.
Par ailleurs, une agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne a également été mise en place, par une décision du 26 octobre 2004. Entre nous soit dit, monsieur le ministre, je lui souhaite un meilleur sort que celui des équipes communes d'enquête, qui, pour l'instant, n'ont guère été actives !
A également été instituée, et c'est peut-être plus intéressant, une évaluation par les pairs des politiques de défense et de sécurité des différents pays. Je crois d'ailleurs que nous aurons l'occasion d'en reparler au sein de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Je voudrais maintenant soulever un certain nombre de questions.
Tout d'abord, cet activisme verbal relatif au terrorisme que j'ai évoqué débouche actuellement sur une nouvelle forme d'activisme, dont j'ai récemment eu l'occasion de prendre la mesure et qui tend, me semble-t-il, à détourner l'attention que l'on peut porter aux nécessaires obligations de solidarité au sein de l'Union européenne, pourtant rappelées avec force, vers l'assistance aux populations éprouvées par des catastrophes naturelles : l' « effet tsunami » est en voie de modifier assez profondément, à Bruxelles, les comportements et les préoccupations.
Ma première question sera donc la suivante : que pensez-vous de cette évolution, monsieur le ministre, et quels sont les moyens de faire en sorte que les mesures nécessaires que nous envisageons de prendre, à l'échelon européen, pour venir en aide au reste du monde en cas de catastrophe naturelle ne servent pas de prétexte à un arrêt de la réflexion sur ce que l'Europe a à faire en matière de prévention et de traitement du terrorisme ?
Par ailleurs, j'ai souligné à plusieurs reprises que les recommandations et les résolutions émises par les instances européennes faisaient référence à la participation du public. A cet instant, je voudrais saluer l'exemple que nous a donné le peuple espagnol à l'occasion des attentats du 11 mars 2004 ; ces derniers n'ont d'ailleurs pas eu, d'après ce que nous pouvons en savoir, l'effet escompté par leurs auteurs, dans la mesure où les explosions se sont produites dans des trains éloignés les uns des autres, alors que tout avait été calculé pour que plusieurs au moins des bombes éclatent en gare d'Atocha, ce qui aurait provoqué une catastrophe majeure.
Quoi qu'il en soit, les personnes présentes sur les lieux des attentats ont réagi avec une discipline assez extraordinaire, et la mise en place du dispositif de secours, y compris l'arrivée des camions de transfusion sanguine, n'a pris qu'un quart d'heure. Cela montre qu'une population informée et préparée se comporte très différemment d'une population non préparée, qui risque de s'affoler, ce qui peut imposer de faire garder les hôpitaux par la troupe, mesure qui ne serait pas de nature à apaiser l'émotion générale !
Ma deuxième question, monsieur le ministre, portera donc sur les dispositions qu'il est envisagé de prendre à cet égard à l'échelon européen. Je relève, d'ailleurs, que le rapporteur de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen a proposé la création d'une fondation européenne des victimes du terrorisme : une telle mesure de solidarité permettrait, d'une certaine manière, de faire contrepoids aux effets de l'information du public sur les risques terroristes, puisque l'on prétend, dans ce pays, que respecter l'obligation de vérité peut aboutir à affoler inutilement l'opinion. On doit la vérité à nos concitoyens, sur le terrorisme mais aussi sur les mesures de solidarité qui leur seraient directement accessibles le cas échéant.
Ma troisième question concernera la préparation, la formation et l'entraînement des unités d'intervention contre le terrorisme.
Monsieur le ministre, vous savez mieux que quiconque que les pays européens sont très divers sur les plans de l'organisation, des traditions, des méthodes et des procédures. On a cependant pu le constater, des complémentarités existent. Par exemple, lors des inondations d'Arles, nous avons pu trouver en Allemagne et en République tchèque des pompes d'un débit suffisant pour faire face aux difficultés que nous rencontrions.
Or, en matière d'attentats, la mise en oeuvre des complémentarités et la mobilisation des moyens à l'échelon européen doivent être préparées, les personnels entraînés à travailler ensemble, les procédures rendues conciliables, les systèmes de communication interopérationnels mis au point. Je crois d'ailleurs savoir que les exercices de sécurité civile du type EURATOX ont mis en évidence l'importance de ce dernier aspect et l'intérêt de former des officiers de liaison dans toute l'Europe.
En effet, dans l'hypothèse de la survenue d'un attentat, on pourrait dénombrer non pas 150 ou 200 victimes - chiffre retenu dans le cadre des exercices que nous organisons régulièrement en la matière -, mais bien plutôt 1 000, 2 000 ou 3 000 ; les statisticiens parlent froidement de « kilomorts ». Je crois que nous devons en être conscients, et c'est un élément que je voulais verser au débat. Les autorités et les services d'intervention doivent être prêts à affronter de telles situations.
A ce propos, vous semble-t-il logique, monsieur le ministre, que la recherche et le développement sur des sujets aussi graves soient confiés à la Direction générale de l'environnement de la Commission européenne ? Cela me ramène à la remarque que j'ai formulée tout à l'heure à propos de l' « effet tsunami ».
Enfin, ne pourrait-on imaginer que la France prenne une initiative sur ce plan, afin de mettre en place un centre de formation, d'expérimentation et de liaison, qui profiterait aussi à nos partenaires ? Voilà trois jours, à Bruxelles, j'ai entendu dire que les instances européennes attendent qu'un Etat membre prenne une telle initiative. Vous savez que le site de Cambrai est cher à mon coeur, monsieur le ministre, mais ce n'est pas uniquement pour cette raison que je vous fais cette suggestion !
Monsieur le ministre, nous connaissons votre détermination, et nous savons en outre que le Président de la République a démontré à de nombreuse reprises, notamment en adoptant une attitude parfaitement responsable lors des crises internationales, toute l'attention qu'il portait à la sécurité de notre pays.
Cela étant, la crise que nous risquons de connaître à l'avenir sera une crise majeure, de dimension européenne et découlant peut-être de problématiques internationales, bien que nous sachions maintenant que les attentats de Madrid n'étaient pas liés à la crise irakienne, puisqu'ils étaient en préparation bien avant le déclenchement de celle-ci. Le cas échéant, nous aurons besoin de l'assistance de nos partenaires de l'Union européenne et nous devrons, réciproquement, leur venir en aide.
Dans cette optique, nous souhaitons que les choses évoluent dans le bon sens à Bruxelles, et nous comptons beaucoup sur vous à cette fin.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma position de dernier intervenant avant la réponse de M. le ministre de l'intérieur m'amènera à revenir sur des points qui ont déjà été excellemment traités par certains de mes collègues. Toutefois, il n'est pas inutile de montrer que, en matière de politique européenne de lutte contre le terrorisme, le Sénat s'exprime à l'unisson, ou presque.
Je voudrais tout d'abord remercier M. Haenel, auteur de la question, et ce à un double titre.
Tout d'abord, sa question permet de mettre en exergue les dernières évolutions de notre législation en la matière, introduites par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
En outre, ce débat me donne l'occasion, en tant que porte-parole du groupe de l'UC-UDF, de souligner notre attachement à la dimension européenne du problème. Nous sommes en effet convaincus que, en vertu du principe de subsidiarité, c'est à l'échelon européen que se trouvent les meilleurs instruments pour lutter contre le terrorisme.
Des efforts ont certes été consentis depuis les événements tragiques de New York et de Madrid, mais il reste encore beaucoup à faire. Ainsi, la transposition dans les législations nationales des décisions-cadres et des directives rencontre un certain nombre d'obstacles. Cela a déjà été évoqué, les Etats membres de l'Union européenne tardent à intégrer dans leur droit interne les évolutions communautaires ou ne transposent que partiellement les décisions de l'Union européenne.
Or, nous le savons, il est nécessaire que ces transpositions respectent au maximum les prescriptions communautaires, pour une harmonisation optimale des législations nationales. La réussite de la politique européenne de lutte contre le terrorisme est liée à la transposition de ces prescriptions.
L'insuffisance en matière de transposition que je viens d'évoquer est d'autant plus regrettable qu'il y a une véritable attente des citoyens européens : selon une étude, 71 % d'entre eux estiment que la lutte contre le crime et contre le terrorisme doit être menée en commun.
Je crois qu'il est important, monsieur le ministre, que vous transmettiez ce message à vos homologues européens. En effet, montrer que l'Union européenne est capable d'élaborer et de mettre en oeuvre une véritable politique en la matière, c'est aussi montrer aux Français que l'Europe est une chance pour nous tous.
Je tiens à insister sur cet aspect des choses, dans la mesure où l'on peut s'inquiéter de la tournure que prend le débat sur le référendum européen.
Il faut dire aux Français que nous avons besoin d'Europe en matière de lutte contre le terrorisme.
Il faut dire aux Français que les nouvelles procédures communautaires qui seront introduites par la future constitution européenne permettront de prendre des décisions plus rapidement, et donc de mener une action européenne réelle et efficace en matière de lutte contre le terrorisme.
Dans cette attente, nous voyons que, en tant que législateur, nous avons à faire un effort pour transposer rapidement les textes européens en respectant au maximum leur contenu. Je ne crois pas inutile de revenir un peu, pour illustrer cette exigence, sur la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
L'un des objets de cette loi, qui comportait évidemment bien d'autres éléments, était notamment d'introduire dans le code de procédure pénale diverses dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne. Cette convention autorise, en particulier, la création d'équipes communes d'enquête réunissant des agents des services de police de plusieurs Etats membres de l'Union européenne.
Ladite loi a également permis de consacrer dans le code de procédure pénale l'existence d'Eurojust. Cela paraît aujourd'hui aller de soi, mais il n'en était pas ainsi hier.
Je voudrais rappeler, à cet égard, que, grâce à l'initiative du Sénat, la loi reprend intégralement les objectifs assignés à cet organe par la décision du Conseil européen du 28 février 2002, alors que, à l'origine, le projet de loi ne prévoyait qu'une transposition partielle.
Par ailleurs, afin de faciliter l'exercice des missions dévolues à Europol, de conforter le rôle du membre national français auprès d'Europol et d'en élargir les compétences, il a été apporté des innovations importantes à l'occasion de l'examen de ce texte. Europol est, certes, une entité encore jeune, mais il est important d'en renforcer l'efficacité pour améliorer la lutte contre le terrorisme.
Une circulaire présentant les dispositions de la loi du 9 mars 2004 relatives à Europol doit intervenir. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quel en est l'état d'avancement ?
En outre, le développement de la coopération avec Europol est indispensable afin de permettre, par exemple, à Eurojust d'avoir accès à la base de données d'Europol. Tout comme la coopération entre la police nationale et la justice est importante pour notre sécurité intérieure, la coopération entre ces deux entités européennes est un gage d'efficacité dans la lutte contre le terrorisme.
Lors de l'examen de cette loi, sur l'initiative de Pierre Fauchon, l'ensemble des dispositions sur le mandat d'arrêt européen ont été transposées en droit français. Il s'agit d'un apport très important dans la mesure où la transposition devait intervenir avant le 31 décembre 2003.
Le mandat d'arrêt européen est un exemple de ce qui doit être fait puisqu'il permet une meilleure coopération judiciaire entre les Etats membres. Toutefois, si cela marche, en effet, monsieur Haenel, il ne faut pas oublier que la transposition de la décision-cadre a été particulièrement difficile et affectée de nombreux retards. En outre, de nombreux Etats ont limité le champ d'application du mandat d'arrêt européen.
Ces limitations sont regrettables. Nous souhaitons vivement que cette tendance s'inverse et que les Etats qui ont préféré limiter le champ d'application reviennent sur leur décision.
Enfin, la loi du 9 mars 2004 a créé plusieurs équipes d'enquêtes compétentes en matière de terrorisme avec l'Italie et l'Espagne. Ces équipes communes sont des instruments efficaces qui devraient être utilisés davantage. Or, comme le rapporte la commission, seule l'Espagne a adopté des mesures de transposition, conformément à la décision-cadre du 13 juin 2002. Peut-être avons-nous des efforts particuliers à faire. La France, en tant que pionnière de la construction européenne, a le devoir de montrer l'exemple à ses partenaires européens.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais très succinctement aborder la question du contrôle des frontières extérieures des Etats membres et de l'immigration clandestine, car ce point n'est pas sans lien avec la lutte contre le terrorisme.
La déclaration du 25 mars 2004 fait, à juste titre, du renforcement des contrôles extérieurs l'un des objectifs prioritaires du Conseil européen. Le 26 octobre 2004, il a été décidé de créer une agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures. Cette agence devrait être opérationnelle à compter du 1er mai 2005, mais il semble que sa mise en oeuvre soit retardée, ce qui est regrettable, compte tenu des enjeux liés à sa création.
Monsieur le ministre, nous vous remercions d'avance de bien vouloir sinon nous rassurer, du moins nous éclairer, sur la date réelle de mise en service de cette agence européenne.
Par ailleurs, d'autres mesures complémentaires devraient être prises, comme le système d'identification biométrique introduit dans les visas, les titres de séjour, les passeports et autres documents de voyage, ainsi que la création du système d'information sur les visas. Si ces mesures semblent indispensables, il faut toutefois veiller impérativement à ce qu'elles respectent les droits fondamentaux et les libertés publiques. Pouvez-vous nous assurer également, monsieur le ministre, du respect de ces principes et nous renseigner sur l'état d'avancement des décisions en la matière ?
Certaines de mes interrogations, monsieur le ministre, pourraient s'adresser à d'autres membres du Gouvernement, mais la lutte contre le terrorisme est indéniablement un sujet qu'il faut traiter de manière globale, tant au niveau national qu'au niveau européen, c'est-à-dire aussi bien de concert entre la police nationale et la justice, que collectivement entre les Etats membres.
De nombreux efforts restent à faire, notamment pour que soient rapidement transposées les décisions en matière de blanchiment d'argent et d'échange des données.
Sur ces sujets, aussi nombreux qu'importants, je ne me suis attaché qu'à quelques points particuliers, qui permettent d'insister sur ce à quoi nous croyons véritablement : la lutte contre le terrorisme doit être renforcée à l'échelon européen et chaque Etat membre doit s'efforcer de transposer rapidement et pleinement les décisions européennes.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord vous dire ma satisfaction de répondre devant la Haute Assemblée à votre invitation. Permettez-moi de saluer, en particulier, le président de la délégation pour l'Union européenne, M. Hubert Haenel. Sur ces questions, je connais, monsieur le sénateur, votre engagement et votre compétence, qui sont d'ailleurs partagés par les membres de la délégation.
Je tiens à saluer également MM. Bret, Girod, Pelletier, Plancade et Zocchetto pour la grande qualité de leurs interventions sur ce sujet majeur et difficile.
Terre, terreur, terrorisme, voilà bien la terrible litanie, quand l'homme vient à enflammer la terre, à conjuguer la terre et le feu, la force et la foudre avec la haine et la folie.
Face à ce mal, l'Europe et la France ont vocation à tracer un chemin d'exigence et d'exemplarité. Je veux vous remercier d'y contribuer si excellemment les uns et les autres cet après-midi.
Face au terrorisme, nous avons deux atouts.
Notre premier atout, c'est notre unité. Voilà pourquoi j'attache tant d'importance à notre rencontre aujourd'hui. Un an après les attentats de Madrid, à quelques semaines du référendum sur la Constitution européenne, il est essentiel que la représentation nationale puisse échanger avec le Gouvernement sur une question qui concerne chaque citoyen, chacun d'entre nous.
Notre second atout, c'est l'Europe. Préoccupation récente de l'Union européenne, la lutte contre le terrorisme est cependant devenue prioritaire après les attentats du 11 septembre 2001 et du 11 mars 2004 à Madrid, une priorité illustrée notamment par la stratégie de sécurité pour l'Europe, définie en décembre 2003, puis, surtout, par les conclusions du Conseil européen du 24 mars 2004, qui constituent un véritable programme.
L'évolution de la menace impose plus que jamais de porter la lutte contre le terrorisme à l'échelle européenne.
Le terrorisme a changé.
Il a d'abord changé dans son organisation, se composant dorénavant de cellules autonomes aux ramifications mouvantes, implantées pour certaines dans la société européenne, plus difficiles à appréhender qu'une structure hiérarchique et rigide.
Pour autant, il n'existe pas de génération spontanée de terroristes. Ces cellules semblent garder un lien à l'extérieur du territoire avec des membres d'Al-Qaida. Nous l'avons constaté lors de l'enquête sur les attentats de Madrid, qui a mis en évidence un lien entre le Groupe islamique des combattants marocains et un haut responsable d'Al-Qaida.
Le terrorisme a ensuite changé dans ses méthodes.
Pour accroître leur capacité de destruction, certains groupes tentent d'accéder à des armes de destruction massive, notamment chimiques, biologiques et radiologiques. Le démantèlement, en décembre 2002, par la direction de la surveillance du territoire de la cellule de Romainville - La Courneuve, qui préparait des attentats au gaz cyanuré, en est un bon exemple. Nous poursuivons l'enquête et nous avons arrêté trois individus liés à cette cellule au mois de janvier et deux autres mardi dernier.
Nous savons également qu'il n'est pas exclu que certains individus puissent un jour perpétrer des attentats suicides en Europe comme sur notre sol.
Sur le plan opérationnel, nous avons deux préoccupations essentielles.
D'abord, les filières de recrutement. En France et dans d'autres pays d'Europe, des cellules islamistes s'efforcent de monter des filières pour conduire de jeunes adultes à l'étranger, soit dans des camps d'entraînement, soit dans des madrasas fondamentalistes. L'Irak est l'une de ces destinations, avec l'Afghanistan et la Tchétchénie. De telles filières peuvent exister sur notre territoire, comme l'a démontré le démantèlement récent d'une filière dans le XlXe arrondissement de Paris. Le risque principal est de voir ces jihadistes revenir ensuite en France pour y commettre, forts de leur expérience, des attentats.
Je vois un deuxième motif de préoccupation dans la mouvance islamiste radicale, qui s'efforce d'étendre son influence, notamment dans les grands centres urbains. Or, comme en témoignent tous les rapports des renseignements généraux dont je dispose, il existe aujourd'hui une continuité entre, d'une part, les prédicateurs extrémistes, les planificateurs des attentats, c'est-à-dire les organisateurs et, d'autre part, les « petites mains », les poseurs de bombes.
Confrontés à cette menace, nous avons adapté notre réponse nationale, nous fixant deux objectifs.
Premier objectif : doter notre pays d'une stratégie cohérente en présence d'une menace dont nous ne pouvons exclure qu'elle soit durable. J'ai lancé, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, l'élaboration d'un Livre blanc contre le terrorisme, un livre concernant notre sécurité intérieure face au terrorisme. J'assurerai personnellement le pilotage de la rédaction de ce Livre blanc.
Comme le Livre blanc pour la défense de 1994, celui-ci doit nous permettre de garder un temps d'avance indispensable en définissant une doctrine claire de riposte à la menace.
Le Secrétariat général de la défense nationale et les ministères concernés participeront aux travaux, qui aboutiront d'ici à la fin de l'année. Avec ce Livre blanc, notre ambition est bien d'apporter une pierre à l'édifice européen.
Deuxième objectif : rendre encore plus efficaces nos méthodes de travail nationales autour de trois exigences.
Première exigence, il s'agit de coordonner les services, grâce au comité interministériel de lutte antiterroriste, réactivé dès mon arrivée au ministère de l'intérieur. Notre unité de coordination de la lutte antiterroriste, l'UCLAT, a d'ailleurs inspiré nos voisins. C'est sur son modèle que l'Allemagne a créé, le mois dernier, son propre dispositif de coordination.
Cette vocation de coordination est assurée également par le Comité du renseignement intérieur, que j'ai créé il y a maintenant un an et qui se réunit une fois par mois sous ma présidence.
Deuxième exigence, il s'agit de mener à bien l'adaptation constante de nos outils.
A cet effet, j'ai créé le Centre des technologies de la sécurité intérieure. Opérationnel depuis le 1er janvier, ce centre a pour objectif de développer et de mutualiser des matériels de pointe, notamment en matière de surveillance physique et de surveillance sur internet.
J'ai renforcé les services, ajoutant, au cours des derniers mois, 154 fonctionnaires aux effectifs des renseignements généraux, soit une hausse de 5, 2 % ; de même, 238 fonctionnaires supplémentaires ont été affectés à la surveillance du territoire, soit une hausse de 16, 3 %.
J'ai également décidé la création de pôles de lutte contre l'islamisme radical dans chaque région de France. En Ile-de-France, cette structure a déjà prouvé son efficacité. Des individus liés à la mouvance radicale ont été reconduits à la frontière, des lieux fondamentalistes ont été fermés ou mis sous surveillance. Il est essentiel que nous retenions les leçons de l'expérience vécue dans chaque région et que nous coordonnions nos moyens pour être plus efficaces.
Troisième exigence, les Français doivent être pleinement informés des risques et apporter leur concours à l'effort global de vigilance.
A cet effet, nous disposerons de deux outils essentiels : d'une part, une base de données sur les actes terroristes, dont j'ai souhaité la création - elle verra le jour en mai prochain - et, d'autre part, un pôle de défense civile, qui sera un corollaire indispensable à la lutte contre le terrorisme.
Je rejoins là votre préoccupation, monsieur Girod. Nous devrions disposer, d'ici à 2007, d'un véritable centre de formation. En 2004, des stages ont été organisés à Cambrai pour des policiers, pour des militaires, ainsi que pour des sapeurs-pompiers. Cette année, le ministère de l'intérieur rédigera le cahier des charges afin de désigner le partenaire privé qui assurera la gestion du futur centre.
Vous avez raison, monsieur Girod, ce seront là des initiatives concrètes pour préparer l'ensemble de la population européenne au risque terroriste et pour planifier des réponses adaptées.
Aujourd'hui, notre dispositif national est notre premier atout. II répond pleinement aux exigences de l'Europe et il respecte le partage des tâches sur le plan européen en laissant aux Etats la principale responsabilité dans la lutte contre le terrorisme.
Je voudrais rappeler ici solennellement mon opposition de principe à l'égard de toute législation d'exception. Quant à la proposition de M. Pelletier d'introduire l'imprescriptibilité des crimes terroristes, le Gouvernement n'y est pas favorable, car cette notion doit rester réservée aux crimes contre l'humanité. La prescription actuelle de trente ans est suffisante pour les affaires que l'on parvient à résoudre. Le système français de centralisation des poursuites antiterroristes ainsi que la coordination entre les juges spécialisés et les services de renseignement sont des instruments démocratiques efficaces.
Aujourd'hui, quel est le point commun des groupes terroristes ? Ils sont mobiles et réactifs. Aussi, il faut prendre la dimension européenne indispensable, car celle-ci nous rend plus forts. Ces groupes sont également capables d'exploiter le moindre maillon faible dans la chaîne de la sécurité.
Dans le cas de l'Europe, cet aspect est d'autant plus important que l'espace Schengen, qui répond à l'aspiration de libre circulation exprimée par les citoyens européens depuis des décennies, peut tout aussi bien devenir un facteur de vulnérabilité si l'exigence de sécurité n'est pas prise en compte dans le même temps. L'Europe doit donc créer les conditions d'une coopération efficace entre les Etats membres.
C'est bien le rôle du coordonnateur européen pour la lutte contre le terrorisme, qui a été institué à l'issue des attentats de Madrid. Le Néerlandais Gijs de Vries remplit cette fonction qui, par nature, est plus politique qu'opérationnelle.
La coopération européenne s'organise avec une double priorité.
La première priorité est de favoriser l'harmonisation du droit des Etats membres.
Au-delà de la définition commune du terrorisme, premier instrument international qui permet de définir l'acte terroriste par référence au but poursuivi, je prendrai trois exemples.
Le premier exemple, c'est le mandat d'arrêt européen. Soyons clairs, monsieur Bret, notre objectif, c'est l'efficacité dans le respect du droit et des libertés fondamentales. Entré en vigueur le 1er janvier 2004, ce mandat a grandement facilité la remise des personnes soupçonnées ou condamnées, dans des conditions plus souples et plus rapides que les procédures traditionnelles d'extradition. La France, qui a transposé la décision-cadre par la loi du 9 mars 2004, l'applique activement : au 31 décembre 2004, 212 mandats émis par des juges français avaient été exécutés, et la France en avait elle-même exécuté 163 reçus d'autres pays. Et la tendance est clairement à l'augmentation avec, pour janvier et février de cette année, 41 mandats étrangers et 46 mandats français exécutés.
Le deuxième exemple, c'est la lutte contre le financement du terrorisme. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est l'une de mes toutes premières priorités. L'Union a adopté des mesures qui nous permettent désormais de geler les avoirs financiers des personnes ou des entités non étatiques impliquées dans des actes terroristes. La liste des organisations concernées est mise à jour régulièrement et elle comprend aussi bien l'ETA que l'IRA ou le Hamas. Par ailleurs, un projet de troisième directive anti-blanchiment a été déposé par la Commission pour renforcer le dispositif contre le financement du terrorisme. Il sera examiné très prochainement par le Conseil.
Le troisième exemple d'harmonisation du droit, c'est la conservation des données quantitatives relatives aux télécommunications, essentielle pour les enquêtes, comme ce fut le cas à Madrid, en permettant de reconstituer les échanges entre les auteurs des attentats et leurs complices. L'Union va nous permettre d'harmoniser les législations des Etats, notamment en allongeant la durée de conservation des données imposée aux opérateurs. La France est, avec trois de ses partenaires, à l'origine de ce projet présenté le 28 avril 2004.
Toutefois, M. Plancade l'a très justement souligné, à l'échelle de l'Union, l'application de ces textes n'est pas toujours satisfaisante. La Commission a ainsi relevé des lacunes importantes, par exemple pour les décisions-cadres relatives à la lutte contre le terrorisme et au mandat d'arrêt européen. Toutefois, je le rappelle, dans les deux cas, la France avait, pour sa part, fait le nécessaire. Je m'engage, dans la période à venir, à poursuivre nos efforts.
La seconde priorité de la coopération européenne est de renforcer la coopération opérationnelle. Sur ce point, je dégagerai, concernant l'action de mon ministère, quatre objectifs.
Le premier objectif est de rendre l'Office européen de police, Europol, plus opérationnel. Il n'est pas nécessaire de créer de nouveaux centres ou de nouveaux mécanismes d'échanges d'informations. Europol dispose, aujourd'hui, des moyens nécessaires pour lutter contre la criminalité transnationale et le terrorisme. Mais de nouvelles priorités doivent être assignées à l'organisation.
En premier lieu, elle doit recentrer ses activités. Nous avons fait des propositions pour que la Task Force antiterrorisme, réactivée après le 11 mars, devienne plus opérationnelle et puisse appuyer l'action d'équipes multinationales d'enquête. Cette structure, où la France a toujours été présente, n'est en effet pas toujours suffisamment réactive.
En second lieu, Europol doit avoir une responsabilité centrale dans la lutte contre le financement du terrorisme par la collecte d'informations et le partage des expériences nationales. Les Allemands et les Britanniques ont fait des propositions en ce sens auxquelles nous nous sommes ralliés dans un souci d'efficacité.
Le deuxième objectif pour renforcer la coopération opérationnelle est d'accroître les échanges d'informations.
D'abord, dans le domaine du renseignement : vous avez raison, monsieur Pelletier, c'est un élément clé pour le succès de notre action.
Un effort a été fait. Le centre de situation, SITCEN, qui se consacrait initialement à l'analyse de la menace extérieure de l'Union, est maintenant compétent en matière de renseignement interne et d'évaluation de la menace terroriste. Il travaille en liaison avec le « groupe antiterrorisme », le GAT, issu du club de Berne, qui regroupe les services de sécurité intérieure de l'Union, auxquels s'ajoutent la Suisse et la Norvège. Cette évolution répond au besoin d'avoir un lieu d'analyse unique pour une efficacité renforcée.
Pour autant, compte tenu des impératifs opérationnels des services concernés, il n'est pas envisageable aujourd'hui de créer une agence européenne de renseignement.
Ensuite, l'échange d'informations passe aussi par l'accès facilité aux bases de données, et c'est un sujet essentiel.
La mise en oeuvre rapide du principe de disponibilité retenu dans le programme de La Haye est souhaitable. Mais nous devons tenir compte des contraintes liées à ces échanges, qu'il s'agisse des fichiers nationaux ou des fichiers européens, tels que le système d'information Schengen ou le futur système d'information sur les visas.
M. Haenel l'a rappelé, leur interconnexion soulève des difficultés. Celles-ci sont liées à l'efficacité opérationnelle, car il faut que les services conservent la maîtrise des informations échangées. Ces difficultés sont également liées au respect des libertés individuelles, avec la protection des données à caractère personnel, qui n'est pas encore harmonisée à l'échelon européen. D'où, par exemple, notre prudence actuelle quant au projet « Schengen plus », évoqué par M. Haenel.
Nous souhaitons donc discuter au cas par cas les types de fichiers ou d'informations susceptibles d'être échangés. J'ai proposé, lors du dernier G5, d'étudier ces possibilités d'échanges dans trois domaines : les données relatives aux immatriculations de véhicules, celles ayant trait aux personnes disparues et aux corps non identifiés et celles touchant à la fraude documentaire.
Le troisième objectif est de mieux contrôler les frontières.
A cet effet, il est prévu de créer des documents de voyage plus sûrs : c'est tout l'enjeu des identifiants biométriques. Ceux-ci figureront en particulier sur les visas Schengen : la France a un rôle très actif dans ce domaine et une première expérimentation a débuté ce mois-ci dans notre consulat de Bamako. Elle devrait être poursuivie dans les consulats de Kiev, Colombo, San Francisco, Annaba et Shanghai, en accord avec Michel Barnier.
Ces identifiants biométriques figureront aussi sur les passeports européens. Un règlement européen a été adopté en ce sens à la fin de l'année dernière. La France a veillé à ce que les normes les plus strictes y soient adoptées, notamment en retenant deux identifiants numériques : la photographie et l'empreinte digitale.
L'Agence européenne pour la gestion des frontières extérieures, qui, je le confirme, sera mise en place le 1er mai prochain, doit également avoir un rôle majeur. Nous souhaitons qu'elle ait un objectif opérationnel. Monsieur Zocchetto, nous l'avons anticipé, par exemple sur la frontière roumaine avec l'envoi d'experts français et européens au poste frontière d'Oradea ou à la frontière austro-hongroise au poste de Nickelsdorf.
Il est également important de maintenir le contrôle de nos frontières intérieures. Dans ce domaine, je souhaite vous dire la vigilance particulière qui est déjà la mienne concernant le projet de « code communautaire des frontières », auquel la Commission travaille actuellement pour refondre le régime de franchissement des frontières dans l'espace Schengen.
Nous partageons l'objectif général de libre circulation, mais la France souhaite garder le contrôle de ses frontières avec ses voisins en cas d'urgence. Je pense, par exemple, au rétablissement temporaire de ces contrôles pour éviter le transfert sur notre territoire de manifestations de l'ETA depuis le pays basque espagnol. De même, les centres de coopération policière et douanière mis en place avec nos voisins répondent aux exigences de Schengen tout en préservant efficacement la coordination policière en zone frontalière.
Enfin, le quatrième objectif pour renforcer la coopération opérationnelle est de développer les équipes communes d'enquête, conformément à la préoccupation exprimée par M. Zocchetto.
Ces équipes, décidées par des magistrats, permettent d'associer des enquêteurs de deux Etats membres. Mettant en commun des moyens pour des affaires qui touchent plusieurs Etats, elles sont une réponse appropriée à l'évolution de la menace. Depuis l'an dernier, nous en avons mise une en place, en matière de terrorisme, avec l'Espagne. Nous souhaitons aller plus loin. J''ai donc fait cette proposition à nos partenaires européens.
Au-delà de ces mesures, la réussite européenne de demain devra répondre à une triple exigence.
D'abord, une exigence de responsabilité, en ce qui concerne la défense des libertés publiques. Celle-ci doit faire l'objet - vous l'avez souligné M. Bret - de toute notre vigilance.
A l'échelle européenne comme sur le plan national, l'impératif de sécurité doit en permanence être apprécié au regard de ce qui nous est le plus cher : la défense de la démocratie et des droits de l'homme.
Je voudrais dire ici ma conviction : la force de l'Europe dans la lutte contre le terrorisme réside dans son attachement aux libertés publiques et à nos principes démocratiques. C'est notre meilleure arme face au terrorisme.
En défendant ces principes, nous évitons le piège des terroristes, qui veulent nous pousser à y renoncer. En renforçant l'état de droit, nous renforçons l'adhésion de tous les citoyens à notre pacte national.
Ensuite, il faut répondre à une exigence d'efficacité : les contraintes de l'action à vingt-cinq laissent toute leur place à des coopérations européennes dans d'autres formats.
Les coopérations bilatérales sont les plus naturelles, en raison de l'importance cruciale de la confiance nécessaire entre services opérationnels. Je pense, en particulier, à celle que nous menons avec l'Espagne. Grâce à un dispositif unique, cinquante personnes agissant pour l'ETA, dont le numéro un et le numéro deux, ont été arrêtées en 2004 sur le sol français.
Au delà de la coopération bilatérale, vous l'avez souligné M. Haenel, c'est surtout à l'échelon du G5 - cette instance informelle des ministres de l'intérieur d'Allemagne, d'Espagne, de France, d'Italie et du Royaume-Uni - que nous sommes en train d'accomplir les avancées les plus importantes.
La réunion de Grenade, des 14 et 15 mars dernier, l'a montré : nos hôtes espagnols avaient choisi de se consacrer plus spécialement à la lutte contre le terrorisme.
En matière d'échange de renseignements, nous allons, sur mon initiative, rendre plus systématiques les échanges de listes de jihadistes, grâce à un réseau commun de points de contact. Dans le domaine opérationnel, nous allons aussi mettre en place un réseau d'alerte rapide pour les vols d'armes de guerre, d'explosifs ou de matière sensible.
Nous voulons également avancer dans deux domaines particulièrement délicats : d'une part, le contrôle des frontières, que nous avons déjà évoqué ; d'autre part, l'harmonisation des cartes d'identité européennes. A cet égard, la France et l'Allemagne ont proposé à leurs trois partenaires de les rejoindre dans le travail commun déjà accompli. Il s'agit d'établir des normes communes pour les cartes d'identité. C'est un chantier essentiel : lors du récent démantèlement de la filière de Romainville-La Courneuve, nous avons découvert de faux documents qui avaient permis de réunir plus de 100 000 euros dont une partie était destinée à des camps d'entraînement.
La France sera l'hôte du prochain G5, sans doute en juillet. Compte tenu des enjeux, j'organiserai, dès le mois de mai, une réunion extraordinaire, consacrée exclusivement au contrôle des frontières.
Cette exigence d'efficacité s'exprime également par le renforcement de la coopération européenne avec les pays tiers. Je pense bien sûr aux Etats-Unis, avec lesquels nous avons beaucoup avancé, notamment en matière de sécurité des transports aériens. Dans ce domaine, je rappelle que la législation sur la sûreté aérienne est fixée par l'OACI, l'Organisation de l'aviation civile internationale, ou relève des directives européennes ; c'est un problème très sensible, notamment pour l'accès aux zones réservées, compte tenu des milliers de salariés qui travaillent dans les aéroports. Nous faisons d'ailleurs l'objet d'inspections de la part des autres pays européens, afin de renforcer notre crédibilité.
Je pense également aux pays du Maghreb, avec lesquels nous renforçons notre coopération pour mieux remonter les différentes filières.
Enfin, la dernière exigence pour la réussite européenne de demain est celle du progrès.
Le traité constitutionnel nous permet d'y répondre et d'aller plus loin dans l'émergence d'une Europe de la sécurité et dans la lutte contre le terrorisme.
D'abord, parce que le traité prévoit d'étendre la majorité qualifiée à la quasi-totalité de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. A l'heure actuelle, le fonctionnement du Conseil à l'unanimité ne facilite pas l'harmonisation juridique que j'ai évoquée : des textes comme le mandat d'obtention de preuves ou celui sur la rétention des données de communication en pâtissent. Le futur traité constitutionnel devrait permettre des progrès importants.
Ensuite, le traité constitutionnel permettra d'amplifier les compétences opérationnelles respectives d'Europol et d'Eurojust. Comme vous l'avez souligné à juste titre, monsieur Haenel, il faut mieux les articuler.
Concernant Eurojust, la parution de la circulaire que vous évoquez, monsieur Zocchetto, semble imminente. Toutefois, mon collègue de la justice serait plus à même de vous répondre. Permettez-moi seulement de préciser que la décision du Conseil instituant Eurojust a été transposée par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Notre représentant est désormais en place et la France travaille déjà bien avec cette instance.
Autre apport fondamental du traité constitutionnel, la perspective d'un parquet européen est inscrite dans le texte, un parquet qui sera également compétent en matière de terrorisme.
Le traité renforcera aussi la légitimité des décisions de l'Union européenne grâce à l'extension de la codécision avec le Parlement européen, alors qu'aujourd'hui il est seulement consulté.
Enfin, le traité constitutionnel offre des garanties supplémentaires en matière de protection des libertés publiques, notamment avec l'intégration de la charte des droits fondamentaux.
Ce sont là quelques-unes des avancées majeures inscrites dans le projet de Constitution européenne sur lequel les Français sont appelés à se prononcer.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous le voyons bien, l'Europe, c'est aujourd'hui plus de capacité pour lutter efficacement contre le terrorisme. Si notre action est encore largement à concrétiser, elle est un élément indispensable de notre sécurité. Il ne s'agit pas, pour l'Europe, de se substituer à l'action des Etats membres, il s'agit de la compléter et de l'harmoniser lorsque cela est nécessaire.
Tous ces efforts ne donneront leur pleine mesure que s'ils s'intègrent dans une approche globale. Globale, parce qu'elle fait intervenir toutes les instances, nous l'avons vu. J'y ajouterai une dimension supplémentaire, celle de la sécurité civile. Ainsi, j'organiserai, du 10 au 14 avril prochain, dans la Drôme, un exercice pour tester les capacités de réponse européennes en cas de catastrophe industrielle de grande ampleur. Quatre autres pays y participeront activement : l'Allemagne, la Belgique, l'Italie et la République tchèque.
Mais notre approche doit être globale aussi en faisant un effort en amont, pour réduire les frustrations qui nourrissent le terrorisme : en France et en Europe, nous devons favoriser la meilleure insertion sociale des plus fragiles ; dans les pays du Sud, nous devons mettre en oeuvre une véritable politique de codéveloppement, ferment de paix et de stabilité. Vous savez que c'est là l'un des grands enjeux que veut relever la diplomatie française.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.
président de la délégation pour l'Union européenne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous souhaitions, toutes et tous, poser une série de questions sur le dispositif anti-terroriste à l'échelon tant national qu'européen : les interrogations de tous mes collègues, sans exception, qui se sont exprimés au nom des groupes l'ont prouvé. Nous avons, les uns et les autres, placé le débat au bon niveau : celui de l'intérêt général, du bien commun, et non celui des luttes politiciennes stériles.
Monsieur le ministre, vous avez répondu complètement à toutes nos interrogations, mettant, vous aussi, le débat au niveau élevé qui s'imposait.
Comme les questions l'ont montré, il était nécessaire de dresser un état des lieux et de tracer la route en indiquant les objectifs. Merci, monsieur le ministre, de l'avoir fait, en ayant réservé au Sénat la présentation de l'ensemble de vos réalisations et de votre plan d'action.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.
J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'annexe V au protocole au traité sur l'Antarctique, relatif à la protection de l'environnement, protection et gestion des zones (nos 429, 2003-2004, et 198).
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le traité sur l'Antarctique, conclu à Washington le 1er décembre 1959, confère au continent antarctique un régime juridique international unique en son genre.
En effet, les quarante-cinq Etats parties au traité en 2005, dont certains ont des revendications de souveraineté sur le continent - la terre Adélie pour le cas de la France -, ont accepté de geler leurs prétentions territoriales dans le cadre du traité et sont placés à égalité pour co-administrer le continent antarctique. Cette gestion commune est particulièrement efficace s'agissant d'un régime international de coopération en matière de recherche scientifique.
La France est l'une des vingt-huit parties au traité, dites « consultatives », qui disposent d'un statut privilégié en étant seules titulaires d'un droit de vote lors des conférences consultatives annuelles.
La signature à Madrid, le 4 octobre 1991, d'un protocole au traité sur l'Antarctique portant spécifiquement sur l'environnement témoigne de la nécessité croissante de protection de ce dernier espace vierge qu'est le continent antarctique, qui constitue à la fois une source de mémoire du climat mondial dans ses neiges et ses glaces, et une possibilité unique pour observer certains phénomènes atmosphériques et climatiques.
Le protocole de Madrid, qui complète le traité de 1959, désigne l'Antarctique comme « réserve naturelle, consacrée à la paix et à la science » et édicte une interdiction absolue, pour une durée de cinquante ans, de l'exploitation de ses ressources minérales. Il encadre strictement les activités susceptibles de s'y dérouler. Ratifié par la loi du 18 décembre 1992, ce protocole est entré en vigueur le 14 janvier 1998 avec ses quatre annexes.
L'Annexe V, soumise à votre approbation, a été adoptée à Bonn, au cours de la XVIe conférence consultative des parties au traité sur l'Antarctique, qui s'est tenue du 7 au 18 octobre 1991, séparément du protocole et des quatre premières annexes. Elle a pris la forme d'une « recommandation », mécanisme juridique institué par le traité de l'Antarctique.
Elle complète le dispositif ainsi mis en place en créant deux grandes catégories de zones sur le continent antarctique.
C'est ainsi que l'article 3 institue les « zones spécialement gérées de l'Antarctique », qui répondent à l'objectif de protection des valeurs environnementales, scientifiques, historiques ou esthétiques exceptionnelles, ou encore de l'état sauvage de la nature. Ne pourront accéder à ces zones que les personnes munies d'un permis délivré, aux termes de l'article 7, par une autorité compétente désignée par chaque partie, qui est en l'occurrence, pour la France, l'administration des terres Australes et Antarctiques françaises.
L'article 4 institue quant à lui les « zones gérées spéciales de l'Antarctique », dont l'objectif est de faciliter la coordination et la planification des activités, d'éviter d'éventuels conflits et d'améliorer la coopération entre les parties impliquées dans ces zones, tout en minimisant les répercussions sur l'environnement. La création de l'une de ces zones ne peut se faire qu'après l'approbation par consensus des parties d'un plan de gestion du projet de zone.
L'administrateur des terres Australes et Antarctiques françaises est chargé de statuer sur les demandes d'autorisation d'activités en Antarctique, incluant les demandes de permis présentées au titre des annexes I à V du protocole de Madrid. La France se doit d'être en mesure de faire face à ses obligations internationales en la matière, à l'heure où le développement des expéditions en Antarctique, touristiques ou scientifiques, est incontesté, et ce dans un contexte international qui est désormais très sensibilisé aux dommages potentiels causés à l'environnement.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, t messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'annexe V au traité sur l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement, protection et gestion des zones, adoptée à Bonn au cours de la XVIe conférence consultative des parties au traité sur l'Antarctique, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lorsque Ross, Dumont d'Urville et Wilkes ont mené les premières grandes expéditions scientifiques en Antarctique, il n'était pas encore question de rivalités entre pays. On louait alors le courage d'initiatives individuelles face à l'environnement hostile du continent blanc.
Toutefois, le continent antarctique a rapidement fait l'objet de convoitises de la part des différents pays qui y sont intervenus. Une arrière-pensée économique a dès le départ guidé ces revendications - d'abord la chasse aux phoques et aux baleines, puis la richesse piscicole des eaux de l'océan Antarctique, enfin les hypothétiques richesses minières, voire touristiques. Les principaux protagonistes de cette lutte ont été les Britanniques, les Chiliens, les Argentins, les Norvégiens, les Néo-Zélandais, les Australiens et les Français.
Au fil des années, les Etats cherchant à s'approprier l'Antarctique ont tenté d'affirmer leur présence à travers une série d'actions allant de la mesure administrative à l'occupation du terrain : décrets, permis de pêche et de chasse, actes de délimitation territoriale, nomination de responsables du courrier, missions d'exploration, relevés cartographiques et topographiques, commémorations historiques et établissement de bases scientifiques.
Les intérêts économiques des différents « occupants » ont fini par rendre nécessaire la mise en place d'une juridiction territoriale, assortie de traités pour la protection de l'environnement.
Aujourd'hui, on peut ainsi définir le continent antarctique : un espace vierge, témoin d'équilibres naturels encore très peu affectés par les activités humaines, une source de mémoire du climat mondial, un point d'observation irremplaçable pour certains phénomènes atmosphériques ou climatiques et un milieu extrême dans lequel la vie a pu néanmoins s'adapter.
C'est pourquoi il était indispensable qu'il soit le seul continent qui échappe à la juridiction classique des Etats, ce qui permet de résoudre les problèmes de rivalités entre les pays.
Le traité sur l'Antarctique, conclu à Washington le 1er décembre 1959, a conféré à ce continent un régime international unique en son genre, fondé sur trois éléments.
Tout d'abord, ce traité fait de l'Antarctique une région démilitarisée, où sont également interdits les essais nucléaires et l'élimination des déchets radioactifs.
Ensuite, il gèle toutes les revendications territoriales existantes et prohibe toute nouvelle prétention aussi longtemps que le traité sera en vigueur. Sur ce point, le traité de Washington a institué un régime de coopération internationale original, qui place tous les Etats à égalité.
Enfin, il pose des principes qui garantissent, sur l'ensemble des terres et glaces situées au sud du soixantième degré de latitude sud, la liberté de la recherche scientifique ainsi que la coopération internationale à cette fin.
En outre, les pays membres du traité sur l'Antarctique ont signé, le 4 octobre 1991, le protocole de Madrid, relatif à la protection de l'environnement. Les nations signataires de ce protocole s'engagent à assurer la protection globale de l'environnement en Antarctique et des écosystèmes dépendants et associés. L'Antarctique est désigné comme une « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ».
Ratifié par la France en 1992, ce protocole est entré en vigueur le 14 janvier1998 avec les quatre premières annexes suivantes : l'annexe I, relative à l'évaluation de l'impact sur l'environnement des activités menées en Antarctique ; l'annexe II, consacrée à la conservation de la faune et de la flore ; l'annexe III, qui concerne l'élimination et la gestion des déchets ; l'annexe IV, qui a trait à la prévention marine.
Aujourd'hui, le Parlement doit précisément se prononcer sur l'approbation de l'annexe V, qui vise, elle, à la protection et à la gestion de certaines zones en Antarctique et qui a été adoptée séparément du protocole et de ses quatre premières annexes.
L'annexe V a pour objet la création et la gestion, sur le continent Antarctique, de deux grandes catégories de zones qui concernent précisément l'environnement et la recherche scientifique, ainsi que le règlement de conflits éventuels.
Il s'agit tout d'abord des « zones spécialement protégées de l'Antarctique ». Leur création est destinée à protéger des valeurs environnementales, scientifiques, historiques ou esthétiques exceptionnelles, ou l'état sauvage de la nature, ou la recherche scientifique en cours ou programmée. L'accès à une telle zone est interdit à toute personne non munie d'un permis délivré par une autorité compétente désignée par chaque partie.
Par ailleurs, la création de « zones gérées spéciales de l'Antarctique » vise à faciliter la planification et la coordination des activités, à éviter d'éventuels conflits et à améliorer la coopération entre les parties impliquées dans ces zones, tout en minimisant les répercussions sur l'environnement.
On peut essayer de donner des exemples concrets des conflits qui pourraient advenir dans ces « zones gérées spéciales ».
Certes, la France n'ayant pas de zone gérée spéciale en Antarctique, nous n'avons pas d'expérience particulière de ces zones. Toutefois, l'une de ces zones peut être créée sur un site où deux ou plusieurs stations de nations différentes coexistent. Un plan de gestion définit alors les utilisations du site par les uns et les autres ; généralement, ce plan contient également un code de bonne conduite qui aide à aplanir les éventuelles difficultés de cohabitation et à encourager les coopérations internationales, notamment en matière de recherche scientifique. On pourrait ainsi imaginer que deux équipes de recherche souhaitent travailler sur une même colonie d'oiseaux et que leurs recherches soient incompatibles. Cette zone crée donc, par son plan de gestion, une possibilité de concertation, de planification et de collaboration des activités.
De même, on parle beaucoup des effets cumulatifs des activités humaines. Une zone de ce type permet d'avoir une meilleure visibilité des activités de chacun et donc d'envisager de les coordonner pour réduire les impacts sur l'environnement.
Autre point intéressant de l'annexe V : les sites et monuments historiques peuvent constituer en eux-mêmes une « zone spécialement protégée » quand leur valeur historique est reconnue, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'un zonage spécifique.
A titre d'exemple, la France a actuellement trois sites et monuments historiques antarctiques inscrits. Il s'agit : des bâtiments et installations à Port-Martin, en terre Adélie, construits en 1950 par la troisième expédition française et partiellement détruits du fait d'un incendie survenu en janvier 1952 ; d'un bâtiment sur l'île des Pétrels, en terre Adélie, construction en bois appelée « Base Marret », où hivernèrent sept hommes sous le commandement de Mario Marret en 1952 à la suite de l'incendie à la base de Port-Martin ; de la Croix Prudhomme, sur l'île des Pétrels, érigée en mémoire d'André Prudhomme, chef météorologiste en terre Adélie, qui disparut tragiquement lors d'une tempête en janvier 1959.
Ces sites sont considérés comme représentatifs de cette partie de l'histoire de l'Antarctique, appelée « ère héroïque », dont ils illustrent la phase finale.
Compte tenu des nombreux aspects positifs de cette annexe V, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter le présent projet de loi.
Applaudissements
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Est autorisée l'approbation de l'annexe V au protocole au traité sur l'Antarctique, relatif à la protection de l'environnement, protection et gestion des zones, adoptée à Bonn le 18 octobre 1991, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole sur l'eau et la santé à la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux (n° 12, 231).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le protocole sur l'eau et la santé à la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux, adopté à Londres le 17 juin 1999 et signé par la France le même jour, concerne l'ensemble des Etats parties à la convention de 1992 et membres de la région européenne de l'Organisation mondiale de la santé. Il est plus particulièrement destiné aux pays d'Europe centrale et orientale qui connaissent une recrudescence des maladies d'origine hydrique.
Ce texte fournit aux autorités responsables de la qualité de l'eau dans les pays d'Europe un cadre juridique leur permettant d'agir en faveur de la santé de leur population, tout en protégeant l'environnement. Il assure un équilibre entre l'objectif essentiel de protection de la santé humaine et celui du développement durable et de la protection de la ressource en eau.
Le protocole ne crée pas de nouvelles obligations pour notre pays, compte tenu des exigences de notre législation nationale et de celles fixées dans le cadre communautaire. Il s'insère aussi parfaitement dans le nouvel ordre juridique que le Parlement a instauré par la révision constitutionnelle du 1er mars dernier relative à la Charte de l'environnement.
En revanche, la France est directement intéressée par la mise en oeuvre de ce protocole dans les pays candidats à l'Union européenne ou situés à ses frontières immédiates. Ce texte s'inscrit en effet dans notre politique internationale de gestion durable de l'eau et de protection des consommateurs. Il devrait notamment contribuer à la réalisation de l'objectif fixé par le Sommet du millénaire et par la conférence de Johannesburg, à savoir réduire de moitié, d'ici à 2015, le nombre de personnes sans accès à une eau potable ou à l'assainissement.
L'objet principal du protocole est en effet de « prévenir, combattre et faire reculer les maladies liées à l'eau », grâce à une collaboration internationale dans les domaines de la gestion de l'eau et de la protection de la santé et de l'environnement. Le texte rappelle les principes de précaution et de « pollueur-payeur ». Il précise les conditions d'accès à l'information et de participation du public, et prévoit des dispositions d'évaluation, sous la forme d'indicateurs à élaborer, dont les résultats devront être publiés dans la transparence.
A ce jour, quinze pays ont approuvé, accepté ou ratifié le protocole sur l'eau et la santé. Votre approbation permettra de lui faire passer le seuil de seize ratifications, seuil nécessaire à son entrée en vigueur. Par ailleurs, la procédure de ratification par la Communauté européenne est en cours.
Telles sont les principales dispositions du protocole sur l'eau et la santé à la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 22 décembre 1992, l'Assemblée générale des Nations unies décidait de faire du 22 mars la journée mondiale de l'eau. Le thème de cette journée est aujourd'hui « l'eau, source de vie » et doit ouvrir une décennie d'action internationale dans le domaine de l'eau.
Nécessité vitale, l'accès à l'eau contribue à la réduction de la pauvreté et de la faim, à l'amélioration de la santé et du bien-être des personnes, au développement économique, et même à la prévention des conflits.
Le développement de l'accès à l'eau permet d'enclencher un cercle vertueux de prévention des maladies et de réduction de la pauvreté, allant jusqu'à l'amélioration de la scolarisation des enfants qui ne sont plus requis par la quête quotidienne de l'eau.
Le défaut d'accès à une eau salubre se traduit en termes sanitaires : plus de deux millions de personnes - pour la plupart des enfants - meurent chaque année de maladies diarrhéiques liées à l'approvisionnement insuffisant en eau et au manque d'hygiène.
Cet accès à l'eau fait aujourd'hui défaut à plus de un milliard de personnes dans le monde. En outre, 2, 5 milliards d'habitants de notre planète n'ont pas accès à un assainissement de qualité. La moitié des grandes villes de la planète rejettent leurs eaux usées dans la nature sans aucun traitement. Dans la continuité de l'Agenda 21, adopté en 1992 à Rio de Janeiro, les objectifs du millénaire pour le développement, qui ont été définis en 2000, visent à la diminution de moitié de ces chiffres et appellent à la mobilisation de la communauté internationale.
Reconnaissant aux eaux douces le caractère de patrimoine commun, la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eaux transfrontières met l'accent sur la coopération régionale pour la protection des eaux douces communes à plusieurs Etats, dans le champ géographique de la commission des Nations unies pour l'Europe.
L'application de la convention aux seules ressources en eau partagées en a restreint l'effet utile. Aussi le protocole qui nous est aujourd'hui soumis et dont vous avez rappelé les termes, monsieur le secrétaire d'Etat, s'applique-t-il à toutes les eaux, qu'il s'agisse d'eaux superficielles ou souterraines, d'estuaires ou d'eaux côtières, d'eaux de baignade ou d'eaux usées. Il s'agit là d'un grand progrès puisque le texte englobe l'ensemble de la chaîne de consommation d'eau, sous toutes ses formes.
L'objectif du protocole est de prévenir, de combattre et de faire reculer les maladies liées à l'eau, par l'amélioration de la gestion des eaux, l'implication du public et la collaboration entre les parties.
Les détails de ce texte ayant été précédemment exposés, je limiterai mon propos à une série de remarques.
Pour ce qui concerne directement notre pays, ce texte n'emporte pas d'obligations supplémentaires par rapport au droit existant, en l'occurrence la réglementation communautaire transposée en droit interne, qui garantit des standards élevés dans la politique de l'eau.
Pour autant, les principes, réaffirmés par le protocole, de pollueur-payeur et d'information du public gagneraient à être renforcés. Trop souvent, la bonne gestion des eaux se heurte aux nécessités économiques et la transparence préconisée par le protocole me paraît de nature à mieux responsabiliser les consommateurs d'eau, qu'il s'agisse des entreprises ou des particuliers.
Par ailleurs, le protocole vise à élever le niveau d'exigence dans la gestion des eaux au sein des Etats de la zone qui ne répondent pas à des critères sanitaires satisfaisants, notamment les Etats d'Asie centrale et du Caucase.
Comme je l'ai indiqué devant notre commission, le taux de décès des enfants de moins de cinq ans pour cause de maladies liées à l'eau est jusqu'à vingt-cinq fois plus élevé en Asie centrale que celui qui est constaté dans l'Union européenne.
Aussi, la pleine effectivité de ce texte ne sera assurée que par une coopération efficace en matière d'assainissement. Dans ce domaine, nous disposons, en France, d'un savoir-faire que nous devons valoriser en incitant nos opérateurs à intervenir dans ces pays.
J'évoquerai également la loi relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement, qui a été adoptée récemment et qui ouvre ces champs à l'intervention de la coopération décentralisée. Nos collectivités territoriales me paraissent fondées à intervenir sur ces sujets qui relèvent de leur compétence, sur le plan technique mais aussi politique.
J'ajouterai enfin que, depuis l'adoption de ce protocole à Londres en 1999, seules quatorze ratifications sont intervenues sur les seize qui sont nécessaires à son entrée en vigueur. La ratification française sera donc particulièrement bienvenue, alors que l'entrée en vigueur du protocole ouvre certains délais pour la définition des objectifs et des plans d'action par les parties.
Le défi mondial de l'eau reste immense et si la communauté internationale se mobilise depuis plusieurs années, notamment dans le cadre des objectifs du millénaire, les résultats peinent à se faire sentir. L'accès à l'eau salubre et la préservation de l'environnement restent à conquérir dans les pays en développement, mais aussi dans notre pays, où elle ne peut plus être considérée comme une ressource illimitée.
Le lancement, au cours de la journée d'hier, de la première consultation nationale sur l'eau et les milieux aquatiques devrait permettre de favoriser une prise de conscience de nos concitoyens sur ces questions.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères vous propose, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de loi.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes invités à approuver aujourd'hui le protocole qui complète la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux. Il fournit aux Etats parties un cadre juridique permettant de prévenir les maladies liées à l'eau et de protéger les ressources en eau. Il encourage la collaboration entre eux sur ces questions.
Ce texte a été adopté à l'échelon européen en 1999, voilà déjà près de six ans. La France sera le quinzième Etat à le ratifier, alors qu'il en faut seize pour permettre son entrée en vigueur. Je me réjouis de son inscription à l'ordre du jour de nos débats et voterai ce projet de loi.
Soyons clairs : ce protocole ne comporte aucune disposition si extraordinaire qu'elle justifierait d'ajouter quoi que ce soit à l'analyse du rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Bien sûr, il élargit le champ d'application de la convention, au-delà des eaux transfrontières, à l'ensemble des ressources en eau de chaque Etat partie. Mais les Etats membres de l'Union européenne se sont imposé des objectifs plus contraignants et ont adopté une réglementation communautaire à la mesure de ces objectifs.
Si j'ai souhaité néanmoins intervenir sur ce texte, c'est parce qu'il illustre bien quelques-unes des ambiguïtés et des incohérences de la politique de l'eau et, plus largement, de l'environnement dans notre pays. Il ne m'a pas semblé inutile d'en dire quelques mots, alors même que nous célébrons, en ce 22 mars, la journée mondiale de l'eau. Ce hasard me trouble et me conduit à m'interroger sur le sens de ces engagements internationaux quand leur mise en pratique concrète semble tellement méprisée dans notre propre pays.
Mon intervention se limitera à trois points.
Premièrement, je veux vous alerter sur le fait que, en dépit de leur caractère somme toute modeste des engagements qu'implique ce protocole, il n'est pas exclu que notre pays éprouve quelques difficultés à les respecter tous. Je pense, par exemple, à l'article 8 du protocole, qui concerne les systèmes de surveillance et d'alerte rapide, les plans d'urgence et les moyens d'intervention.
L'effort qui a été mené voilà quelques années par l'Institut français de l'environnement, l'IFEN, notamment dans le domaine des pesticides, a été abandonné, au grand dam de l'Agence européenne de l'environnement, dont l'Institut était le correspondant fiable et indépendant. L'effort de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, s'est relâché. Quant à l'Agence Française pour la sécurité sanitaire de l'environnement, elle végète sans effectifs et sans budget.
Deuxièmement, je note que le texte que nous examinons aujourd'hui se réfère, sans tergiverser, aux principes qui sont contenus dans la convention de 1992 et qui sont chers à tout écologiste : le principe pollueur-payeur, le principe de précaution, le principe d'action préventive, le principe d'information et de participation du public, et bien d'autres, qui sont définis dans le présent texte de façon claire et directe.
Je regrette que la Charte de l'environnement, votée par le Congrès le 28 février dernier, n'intègre pas tranquillement ces concepts, utilisés couramment et sans drame dans le droit international et la législation communautaire.
Troisièmement, je veux rappeler que nous nous apprêtons à adopter ce texte à quelques jours de l'examen par le Sénat d'un projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques qui reste pratiquement muet sur ces principes.
Dans le domaine de l'eau, le principe pollueur-payeur n'a jamais été appliqué. Depuis des décennies, on est à la fois dans le « pollué-payeur » - les particuliers - et le « pollueur-payé » - les agriculteurs. Le projet de loi sur l'eau ne prévoit aucune rupture avec la logique actuelle : les particuliers continueront à apporter plus de 80 % des finances des agences de l'eau, et les agriculteurs, presque rien !
Je rappelle que, sur les 700 000 tonnes annuelles de pollution azotée, pour lesquelles la France est condamnée par l'Europe, les trois quarts sont d'origine agricole.
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il est difficile de faire évoluer les mentalités et de tenir tête à des lobbies puissants. Mais tout de même ! Sur ce thème, l'essentiel du travail de sensibilisation et de conviction a été fait sous des gouvernements précédents, dont certains membres n'ont pas ménagé leur peine pour imaginer des dispositifs qui pénalisent non pas les pratiques agricoles rationnelles, mais les seuls excédents d'azote, qu'ils soient d'origine minérale ou organique.
Par conséquent, le fait que le présent projet de loi vise à supprimer la redevance sur les excédents d'azote, adoptée par l'Assemblée nationale en 2002, est incompréhensible et inacceptable.
Autre exemple de l'ambiguïté gouvernementale : alors que les agriculteurs sont responsables de la diffusion dans l'environnement de plus de 90 % des produits phytosanitaires, le projet de loi qui nous est soumis prévoit la création d'une redevance pour pollutions diffuses payée, non par les agriculteurs, mais par les diffuseurs, ce qui n'est pas pour responsabiliser les premiers !
Pas d'avancée non plus sur le principe de précaution. Le Gouvernement propose de continuer de concentrer tous les moyens des agences de l'eau sur la dépollution et n'envisage qu'une protection très partielle des cours d'eau pour permettre de respecter, a minima, les recommandations de la directive cadre européenne, qui date déjà, je le rappelle, d'octobre 2000.
En outre, si un effort est consenti quant à la traçabilité des substances biocides, aucune mesure n'est prise pour empêcher ou diminuer leur émission.
Rien n'est prévu non plus pour améliorer la transparence et la démocratie dans le secteur de l'eau : pas d'évolution dans la composition des comités de bassin, auxquels on donne pourtant plus de pouvoirs, et un énorme flou quant aux missions et aux moyens de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, qui intègre les actifs du Conseil supérieur de la pêche, et qui est présenté comme la grande innovation de ce projet. Pour ma part, j'y vois un risque important de désengagement de l'Etat, d'autant que ce sont les agences qui seront amenées à en assumer le budget.
Je le sais pour m'être longuement heurtée à ce problème, il n'est pas facile de réformer ce secteur et de recueillir l'assentiment de l'ensemble des parties prenantes. Pourtant, il est essentiel de le faire et de sortir du dilemme imposé aux ministres en charge de la politique de l'eau : « en rabattre » ou « passer à la trappe » !
En effet, l'eau est l'un de nos biens communs les plus précieux, et aujourd'hui les plus menacés. En 2002, au terme de près de cinq ans de travail acharné, mon successeur Yves Cochet et moi-même étions parvenus à faire voter une loi par l'Assemblée nationale qui, si elle n'était pas parfaite, avait au moins le mérite de comporter des avancées significatives sur la base de ces trois principes.
Je regrette, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'actuel gouvernement n'ait pas permis à cette loi de vivre, et surtout qu'il n'ait pas osé, trois ans après, affronter réellement le problème !
Le temps passe, les difficultés s'aggravent et les règles françaises régressent. J'en veux pour preuve les projets de décret, en cours d'examen au Conseil d'Etat, relevant les seuils à partir desquels les élevages intensifs seront autorisés, assouplissant les règles d'extension des exploitations dans les zones d'excédent structurel, sans oublier, par voie d'arrêté, la possibilité d'épandre au plus près des cours d'eau et à proximité immédiate des habitations. On n'arrête pas le progrès, monsieur le secrétaire d'Etat, et c'est bien triste !
En cette journée mondiale de l'eau et alors que l'assemblée générale de l'ONU proclame aujourd'hui même l'entrée dans la décennie internationale d'action pour « l'eau, source de vie », il devient urgent qu'en matière d'eau comme en d'autres, les principes les plus élémentaires et les engagements internationaux qui les portent soient adaptés dans le droit français autrement que de manière symbolique.
Vous pensez peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, que je me suis éloignée du sujet ; j'ai, pour ma part, l'impression de ne l'avoir jamais quitté !
Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Si vous le permettez, madame Voynet, sur le problème de l'eau source de la vie, c'est aussi en tant que médecin, comme vous-même, que je vous répondrai.
D'abord, le vote positif que vous émettrez sur le texte que je vous présente aujourd'hui ne me surprend pas dans la mesure où c'est vous-même qui, lorsque vous étiez ministre de l'environnement, avez signé le protocole aujourd'hui soumis au Sénat. §
Les contraintes imposées par cette convention se situent-elles en deçà de la législation communautaire ? En tout cas, cela ne pose pas de problème en droit interne et vous aurez l'occasion de revenir sur un certain nombre de points qui vous tiennent à coeur au début du mois d'avril, lorsque le Sénat examinera le projet de loi sur l'eau.
Mais le plus important dans vos propos, c'est que, selon vous, ce protocole manquerait d'ambition.
Alors, nous sommes d'accord, madame Voynet !
Il est vrai que ce texte ne crée pas de nouvelles contraintes pour la France par rapport à son droit national ni au droit communautaire en vigueur. En revanche, il représente une avancée considérable pour les pays de la région européenne de l'Organisation mondiale de la santé qui n'appartiennent pas à l'Union européenne, contribuant de la sorte à la diffusion progressive de notre modèle au-delà des frontières actuelles de l'Union.
Voilà une première réponse que je tenais à apporter au nom du ministère des affaires étrangères, dont le souci est de faire en sorte que l'ensemble de nos partenaires ou de nos voisins puissent évoluer dans le même sens que nous.
Vous remarquerez d'ailleurs que figurent parmi les pays qui ont déjà ratifié ce protocole certains de nos plus importants partenaires aux frontières immédiates de l'Union, qu'il s'agisse de la Roumanie, pays candidat, ou de la Russie, de l'Ukraine, de l'Albanie, de l'Azerbaïdjan.
La ratification par ces pays montre l'intérêt qu'ils portent à ce texte susceptible de rénover leurs politiques environnementales et, plus largement, de développer la transparence dans laquelle ils mènent leurs politiques publiques.
Le Gouvernement, conformément à sa ligne de conduite, considère la mention dans ce texte du principe de précaution, de l'accès du public à l'information, de l'évaluation indépendante comme une avancée substantielle et remarquable pour ces différents pays.
Le Parlement européen en a d'ailleurs jugé de même, qui a rendu un avis favorable à la ratification de ce texte par la Communauté.
Quant au vote du Sénat, aujourd'hui, il permettrait de franchir le seuil des seize pays nécessaires à l'entrée en vigueur de ce protocole et serait donc grandement apprécié dans la région.
Bien sûr, ce protocole ne suffit peut-être pas, mais si vous décidez, comme vous l'avez annoncé, de voter ce projet de loi, la France disposera d'un outil sur lequel elle pourra appuyer son action déterminée en faveur d'une plus grande prise en compte des enjeux d'environnement et de santé sur notre continent.
Elle l'a déjà fait lors de la conférence ministérielle sur ce thème qui s'est tenue en juillet dernier à Budapest. Elle le fera aussi au sein du Comité environnement et santé de la région européenne de l'OMS, auquel notre pays a été élu en septembre 2004 et dont nous détenons la présidence depuis janvier. Ce comité, sachez-le, a d'ores et déjà inscrit la lutte contre la pollution de l'eau parmi les cinq grandes priorités qui guideront son action future.
Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement est tout à fait cohérent et fidèle à sa ligne de conduite.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Est autorisée l'approbation du protocole sur l'eau et la santé à la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux, fait à Londres le 17 juin 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous approuvons ce protocole à la convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux, même si s'il ne s'agit encore que d'une réponse incomplète.
En effet, en cette journée mondiale de l'eau organisée par les Nations unies, nous mesurons bien le défi que nous avons à relever, et ce type de protocole montre le décalage profond qui peut exister entre les différents pays quand on sait qu'un milliard de personnes dans le monde n'ont pas accès à de l'eau vraiment potable, avec toutes les conséquences sanitaires que cela peut avoir.
Il est grand temps, me semble-t-il, d'exclure non seulement l'eau de la sphère des règles du commerce - l'eau ne peut être une marchandise comme une autre -, mais aussi d'apporter de nouvelles réponses en matière de coopération et de partenariat pour remédier le plus rapidement possible à cette situation afin d'aider notamment les pays du Sud à construire un avenir.
Il nous faut donc prendre la mesure de la gravité de la situation. La France et l'Union européenne, monsieur le secrétaire d'Etat, se doivent d'apporter promptement des réponses d'une tout autre ampleur que celles qui ont été proposées jusqu'à présent.
Je ne puis laisser passer l'interprétation qu'a faite M. le secrétaire d'Etat de mon intervention à la tribune.
En effet, M. le secrétaire d'Etat semble avoir compris que je déplorais la faible ambition de ce texte. Or ce n'est pas le cas.
J'ai contesté l'affirmation selon laquelle le texte s'adresserait d'abord à des pays européens moins ambitieux que nous ne le serions nous-mêmes et j'ai mis l'accent, au contraire, sur les ambiguïtés, les insuffisances et, partant, le double langage qui marquent parfois la politique de la France en matière de protection de l'eau. D'ailleurs, je suis sûre que M. le ministre m'a fort bien comprise !
Le projet de loi est adopté.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 430, 2003-2004, n° 214) ;
- et du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Macédoine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n°s 21 rectifié, 199).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France a noué une coopération multiforme en matière de sécurité intérieure avec de nombreux pays.
Elle s'efforce depuis quelques années d'harmoniser et de rendre cohérente cette coopération en négociant des accords types dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée transnationale.
Ces accords permettent, pour l'essentiel, de donner une base juridique à une coopération opérationnelle et technique, embryonnaire pour certains pays ou bien implantée pour d'autres, et contribuent à en accélérer le développement avec des pays considérés comme stratégiques pour la France.
Leur signature conduit à un resserrement des liens opérationnels ou de formation avec un Etat donné ainsi qu'en matière de sécurité intérieure.
C'est dans cette optique que s'inscrivent l'accord franco-colombien et l'accord franco-macédonien aujourd'hui soumis à votre approbation.
Participant au renforcement des relations diplomatiques entre la Colombie et la France, l'accord bilatéral s'inscrit dans la ligne directe de l'accord de coopération technique et scientifique signé le 18 septembre 1963 entre les deux gouvernements afin de fixer un cadre général au développement de notre coopération, ainsi que d'un accord complémentaire de coopération signé le 30 août 1993 entre les deux gouvernements.
Celui-ci prévoyait notamment en son article 2 de développer et d'élargir les relations de coopération concernant l'échange d'informations, de fourniture d'équipements, de formation technique dans des domaines relatifs à la prévention, au contrôle, au trafic et à la consommation de stupéfiants, au combat contre le fléau du terrorisme, ou encore au renforcement de la lutte contre le crime organisé.
Le gouvernement colombien s'est dit désireux d'étendre le champ d'action de notre coopération afin de la rendre encore plus efficace dans le domaine de la lutte contre la criminalité internationale, conscient que les organisations criminelles transnationales et leurs activités telles que le terrorisme, le trafic de stupéfiants, le trafic d'armes et le blanchiment d'actifs constituent de sérieuses menaces pour la paix et la stabilité mondiales.
C'est dans ce contexte qu'ont été engagées les négociations qui ont abouti à la signature, le 22 juillet 2003, à Bogota, de l'accord franco-colombien relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure. Cet accord reprend les dispositions habituelles en matière de lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et la criminalité organisée.
La Colombie demeure en effet le premier pays au monde producteur, transformateur et exportateur de cocaïne et l'un des premiers en Amérique latine en matière de production de marijuana
L'intérêt du présent accord est donc manifeste : il constitue un instrument plus contraignant, dont la mise en oeuvre repose sur la responsabilisation de chaque partie. Il devrait ainsi permettre à la police française de mieux lutter contre les réseaux organisés colombiens opérant sur le territoire national.
Entre la République de Macédoine et la France, l'accord bilatéral s'inscrit dans la ligne directe de l'accord de coopération culturelle, éducative, scientifique et technique du 29 janvier 1998. Il fixe trois objectifs principaux : la lutte contre la criminalité internationale, contre le trafic de drogue et contre le terrorisme.
L'accord de coopération en matière de sécurité intérieure va permettre d'améliorer et d'intensifier l'échange de renseignements avec la République de Macédoine, afin de renforcer la lutte contre les filières d'immigration clandestine et de trafic de stupéfiants qui transitent par cette région de l'Europe.
La position géographique de la République de Macédoine est à cet égard importante. Ce pays a, en effet, une frontière commune avec un État « Schengen », la Grèce, et une seconde frontière avec un futur membre de l'Union européenne, la Bulgarie.
Cet accord constitue également un signe tangible d'intérêt de la France pour la construction économique et sociale du nouvel Etat, indépendant depuis 1991, qui se veut un modèle de coexistence ethnique pacifique au sein des Balkans.
C'est dans ce contexte qu'ont été engagées les négociations qui ont abouti à la signature le 18 décembre 2003, à Skopje, de l'accord franco-macédonien relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.
Il devrait ainsi permettre à la police française de mieux lutter contre les réseaux organisés opérant sur le territoire national.
Telles sont les principales dispositions de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Bogota le 22 juillet 2003, et de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Macédoine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Skopje le 18 décembre 2003, qui font l'objet des deux présents projets de loi.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères a approuvé l'accord de coopération en matière de sécurité intérieure signé le 22 juillet 2003 entre la France et la Colombie.
Par son contenu, cet accord est très proche des textes déjà conclus par la France avec plus d'une vingtaine de pays pour donner une base juridique aux relations entre services de sécurité français et étrangers.
L'intérêt de ces accords est évident pour mieux faire face au développement de toutes les formes de criminalité transnationale ayant des retombées sur le territoire français. La Colombie constitue, de ce point de vue, un pays sensible, en raison notamment de sa place prééminente dans le trafic mondial de cocaïne.
La coopération et l'assistance technique en matière de sécurité ont également pour objectif d'aider les autorités colombiennes à renforcer l'efficacité de leurs services confrontés à une situation intérieure particulièrement difficile.
On le sait, la Colombie connaît, depuis des décennies, un conflit interne alimenté par des groupes armés contrôlant des régions entières du pays et une large part du trafic de drogue. Le niveau de violence demeure extrêmement élevé, même si le nombre de meurtres et d'enlèvements a diminué ces derniers mois.
Les différentes tentatives menées jusqu'à présent pour enclencher un processus de paix n'ont pas abouti.
La politique de fermeté engagée depuis 2002 par le président Uribe vise à rétablir l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire national en préalable à la recherche d'une solution négociée du conflit. Elle s'appuie notamment sur un renforcement des moyens des forces de sécurité et bénéficie d'une aide très importante des Etats-Unis, dans le cadre du « plan Colombia », ensemble de mesures destinées à combattre le narcotrafic. L'accent est désormais mis essentiellement sur la lutte contre la guérilla.
L'action des pays européens n'est pas comparable à l'aide américaine, tant par son niveau, beaucoup plus modeste, que par sa nature. Elle vise à favoriser la restauration de l'état de droit et le développement social et économique.
En ce qui concerne la France, l'accord du 22 juillet 2003 permettra d'encadrer et de relancer une coopération mise en place voilà une quinzaine d'années
Il s'agit tout d'abord d'une coopération technique, à travers des actions de formation, particulièrement dans le domaine de la lutte contre la drogue, et une assistance pour la restructuration des institutions et services chargés de la sécurité. L'une des priorités actuelles est l'aide au développement d'une police rurale, sur un modèle proche de notre gendarmerie, destinée à se substituer aux unités actuellement déployées dans les zones reconquises sur les groupes armés et à y assurer la sécurité des personnes et des biens.
Notre coopération touche également au domaine opérationnel, par l'échange de renseignements et d'informations sur les différentes activités criminelles en lien avec notre pays. Elle s'appuie pour cela sur nos attachés de police et officiers de liaison en poste à Bogota. Elle intègre une dimension régionale, puisqu'elle s'effectue en étroite concertation avec nos implantations dans les pays voisins et l'ensemble de la zone caraïbe, mais également une dimension européenne, dans la mesure où des contacts réguliers sont établis avec les dispositifs de coopération de nos partenaires, en particulier l'Espagne et le Royaume-Uni.
L'accord du 22 juillet 2003 définit les principes généraux de cette coopération et de l'assistance mutuelle en matière de sécurité intérieure, et en détaille les diverses modalités. Il a été rédigé sur le modèle de la vingtaine de textes de même nature déjà conclus avec des pays étrangers.
Notre coopération policière avec la Colombie ne met pas en jeu des moyens humains et financiers considérables. Elle présente toutefois un intérêt certain, car elle répond à une attente de notre partenaire, confronté à un très haut degré d'insécurité, tout en nous permettant d'améliorer la lutte contre les trafics transnationaux en provenance de ce pays, et principalement le trafic de cocaïne.
Pour ces raisons, la commission des affaires étrangères vous demande d'adopter le projet de loi autorisant l'approbation de cet accord de coopération franco-colombien.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la République de Macédoine est un pays jeune et un Etat fragile. Elle a pris tardivement son indépendance, en 1991, qu'elle a négociée de manière pacifique avec Belgrade après avoir constaté l'irréversibilité de la désintégration de la fédération yougoslave.
Depuis son indépendance, la République de Macédoine met en place des réformes structurelles.
Le gouvernement macédonien a défini trois priorités d'actions, dont la deuxième, vitale pour l'avenir du pays, a pour objet de lutter contre la corruption et le crime organisé.
Il est indispensable d'aider ce pays à lutter contre la criminalité. L'activité criminelle, en effet, y reste très préoccupante. Un plan de réforme de la police se met en place, des projets de réforme de la justice s'organisent, mais la situation est très critique dans différents domaines criminels.
Le territoire macédonien est traversé par la « route des Balkans », utilisée pour les trafics de stupéfiants comme pour la traite des êtres humains.
Deux voies de pénétration sont utilisées pour les divers trafics, notamment ceux de la drogue, l'une par le sud - Turquie, Bulgarie, Macédoine, Grèce, ou Albanie, et Italie -, l'autre par le nord - Turquie, Bulgarie, Macédoine, Kosovo et Serbie.
Le recours à la route des Balkans a été favorisé par le différend opposant la République de Macédoine à la Grèce, laquelle n'a pas admis la reconnaissance de l'indépendance de ce territoire et a fermé leur frontière commune le 16 février 1994, provoquant une tension majeure entre les deux pays.
Dans un contexte diplomatique très dégradé, où la Grèce contestait à la Macédoine son nom et son drapeau, cette dernière n'a été admise à l'origine à l'ONU, en avril 1993, que sous le nom d'ex-République yougoslave de Macédoine ou FYROM, Former Yugoslav Republic of Macedonia.
Ces événements historiques forts, qui ont marqué la naissance de la jeune République macédonienne, contribuent largement à expliquer les problèmes de sécurité intérieure auxquels elle est confrontée aujourd'hui et qui confèrent une réelle importance à l'assistance que notre pays peut lui apporter.
En effet, la fermeture en 1994, par la Grèce, de toute la frontière gréco-macédonienne, avec, par voie de conséquence, la suppression, pour la République de Macédoine, de l'accès au port de Salonique, a bouleversé les voies commerciales macédoniennes. Pour éviter la paralysie des échanges commerciaux avec l'extérieur, devant l'impossibilité d'emprunter l'axe nord-sud, la République de Macédoine a dû se rabattre sur l'axe est-ouest, la « route des Balkans », usage qui a perduré malgré la réouverture de la frontière gréco-macédonienne en octobre 1995.
Le territoire macédonien est aujourd'hui un « territoire clé » des trafics criminels balkaniques, notamment dans les domaines de la drogue et de la traite des êtres humains.
En ce qui concerne le trafic de drogue, les plus récentes statistiques sont alarmantes. Durant les trois derniers mois de 2003, la police a saisi plus de 200 kilogrammes de drogue, dont 54 kilogrammes d'héroïne, 150 kilogrammes de haschisch et 1898 pilules d'ecstasy. Au cours des premiers mois de 2004, 57 kilogrammes d'héroïne, 250 kilogrammes de haschisch et 65 kilogrammes de cocaïne ont été saisis. De juin à septembre, cinq filières ont été démantelées et dix-neuf personnes ont été arrêtées. La majorité de l'héroïne saisie en 2005 vient de Turquie. En janvier, 40 kilogrammes ont été saisis en provenance d'Albanie.
En ce qui concerne la traite des êtres humains, les filières en provenance d'Ukraine, de Roumanie, de Moldavie et de Bulgarie sont activées en Macédoine. Peu d'opérations visant à la contrarier ont été réalisées par la police criminelle, laquelle est en pleine restructuration.
Dans le domaine de la prostitution, la Macédoine est devenue un réceptacle et un lieu de transit. Des jeunes femmes en provenance non seulement de Moldavie - aujourd'hui, le pays le plus pauvre d'Europe -, mais aussi d'Ukraine, de Bulgarie et de Roumanie, sont attirées par des réseaux mafieux en Macédoine et y restent bloquées pour être acheminées clandestinement et massivement en Europe occidentale.
En 2003, un rapport des Nations unies sur le bilan des droits de la personne relevait « l'utilisation de la Macédoine comme pays de transit et de destination, notamment pour la traite de femmes et d'enfants à des fins de prostitution ».
Dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine, le ministère de l'intérieur a intensifié la formation des policiers et la création d'une police aux frontières, mais ce problème demeure toutefois crucial. Les immigrants sont d'origine albanaise, moldave, roumaine, bulgare et turque.
Le développement de ces différentes formes de criminalité a justifié qu'un accord franco-macédonien en matière de sécurité intérieure ait été signé le 18 décembre 2003 à Skopje.
Les accords de coopération en matière de sécurité intérieure se présentent comme des « accords-cadres » fixant les principes généraux de la coopération policière. Ils marquent également la volonté politique des pays partenaires de coopérer en matière de sécurité intérieure et de faciliter l'assistance mutuelle.
Ils posent le principe d'une coopération opérationnelle et technique, ainsi que d'une assistance mutuelle entre les deux parties, dans toute une série de domaines touchant à des activités criminelles à dimension internationale.
Notre pays et les nations européennes ont un intérêt tout particulier à conclure des accords de coopération en matière de sécurité intérieure avec la Macédoine, compte tenu de sa position géographique, qui favorise tous les flux criminels. En effet, comme vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, elle a une frontière commune avec un Etat Schengen, la Grèce, et une autre avec un futur membre de l'Union européenne, la Bulgarie.
Les domaines de coopération bilatérale envisagés sont les suivants : la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants, le blanchiment de fonds, le terrorisme, la traite des êtres humains, le trafic d'armes et de matières nucléaires, le trafic d'objets d'art, les contrefaçons, l'immigration illégale, la sécurité des transports, la police technique et scientifique, le maintien de l'ordre et la formation des personnels.
La coopération en matière de lutte contre la drogue prévoit des échanges d'informations et d'échantillons.
S'agissant de la formation des personnels, un certain nombre d'actions de coopération sont programmées pour 2005.
Il s'agit, tout d'abord, de l'appui à la réforme de la police, que deux actions concrétisent : la création d'une unité des missions spéciales de type RAID - Recherche Assistance Intervention Dissuasion -, laquelle est opérationnelle, et la mise en place de formations cynotechniques faisant suite à la création d'un centre de formation en 2004.
Il s'agit, ensuite, de l'appui à l'académie de police. Quatre classes de soixante élèves suivront des cours de français durant les quatre années de la scolarité de l'Académie supérieure de police.
Il s'agit, enfin, de l'appui à la lutte contre la criminalité organisée, grâce à deux manifestations : le séminaire de lutte contre la fraude documentaire et le séminaire sur la sûreté aéroportuaire.
Pour conclure, je préciserai que la République de Macédoine a actuellement signé des accords de coopération en matière de sécurité intérieure avec la Serbie, la Bulgarie, la Roumanie, l'Albanie et l'UNMIK - United Nations Interim Administration Mission in Kosovo - ; mais le seul accord de ce type avec un pays européen est celui qui a été signé avec la France le 18 décembre 2003.
Jusqu'alors, la coopération française avec la République de Macédoine n'était fondée sur aucun texte. Pour formaliser les échanges et placer cette coopération dans un cadre juridique clairement défini, il s'est donc avéré utile, pour chacune des parties, de signer cet accord de coopération en matière de sécurité intérieure, lequel organise notamment, entre la France et la République de Macédoine, les échanges d'informations et la communication de données nécessaires à la lutte contre la criminalité organisée, les filières de proxénétisme et les trafics de drogue. Cet accord favorisera non seulement les échanges réciproques de renseignements, mais aussi leur traitement dans un délai écourté.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande d'adopter le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre la France et la République de Macédoine.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux tout d'abord saluer la qualité du rapport que nous a présenté notre collègue Michel Guerry.
En effet, résumer la situation complexe de la Colombie n'est pas chose aisée : pays de violences depuis une cinquantaine d'années, en proie à la lutte armée entretenue par deux guérillas d'extrême gauche. La première est celle que mènent les forces armées révolutionnaires de Colombie, les FARC, et l'armée de libération nationale, l'ELN, en lutte à l'origine, ne l'oublions pas, pour l'accès à la terre et la réduction des inégalités sociales. La seconde est conduite par les groupes paramilitaires, les autodéfenses unies de Colombie, les AUC, commencée quelque vingt ans plus tard, pour la défense, elle aussi, de cette même terre, mais au profit des grands propriétaires terriens. Tout cela se fait sur fond de narcotrafic lié à la culture de la coca.
Oui, pour lutter contre ce phénomène, la coopération est indispensable. Tous nos interlocuteurs colombiens parlent de la responsabilité des pays consommateurs, et ils ont raison ! Mais attention à la façon de traiter ce problème qui, à ma connaissance, à ce jour, est essentiellement l'affaire des Etats-Unis.
Le système des « fumigations » pour éliminer les plants de coca ne semble guère efficace, car des cultures réapparaissent à d'autres endroits. La quantité produite est pratiquement toujours la même.
En revanche, les conséquences de cette pratique sont dramatiques tant pour les agriculteurs, qui n'ont plus rien, qui fuient leurs terres et vont dans les grandes villes rejoindre les desplazados, que pour la nature, car il devient presque impossible de faire pousser des plantes de substitution.
Je pense que, dans ce pays, tout tourne autour de la possession et de l'utilisation de la terre. Il s'agit d'un problème économique et social que, depuis des années et encore aujourd'hui, on traite par les armes.
Je crois connaître assez bien la Colombie pour m'y être rendue à plusieurs reprises, dans des circonstances différentes, et aussi pour avoir des amis colombiens, aussi bien sur place qu'en France.
J'ai découvert ce pays grâce au groupe d'amitié France-Amérique du Sud du Sénat et à son président, Roland du Luart. Puis, voilà deux ans, le comité permanent des droits de l'homme de Colombie m'a invitée à son dixième forum. Enfin, il y a une quinzaine de jours, je suis rentrée d'une mission organisée dans le cadre de la campagne de Caritas Internationalis pour la paix en Colombie.
Nous étions dix parlementaires de neuf pays d'Europe, dont notre collègue Denis Badré, et nous avons pu nous faire, je le crois, une idée objective et très concrète de la situation, grâce à la diversité des interlocuteurs que nous avons rencontrés : les plus hautes autorités de l'Etat - le Président Uribe, le procureur de la nation, le défenseur du peuple -, des représentants des ONG, des élus, hommes et femmes, des membres de l'Eglise catholique, des représentants de l'Organisation des Nations unies et de la Commission européenne.
A la suite de tous ces entretiens, j'ai de sérieux doutes sur les chiffres qui sont avancés et quant à l'amélioration qui serait due à la politique de sécurité intérieure lancée par l'actuel gouvernement.
Les organisations ou personnalités que j'ai rencontrées demandent à avoir des indicateurs fiables pour fournir des statistiques valables. En tout cas, je veux donner d'autres chiffres qui témoignent de l'inacceptable, car c'est une véritable crise humanitaire que vit ce pays.
Sait-on que la Colombie est au troisième rang mondial pour le nombre de mines antipersonnel ? Qu'en moyenne plus de deux Colombiens sont assassinés chaque heure, que, toutes les six heures, une personne est enlevée ? On ne peut pas oublier ces chiffres, quand bien même ils seraient, selon ce que l'on nous dit, à la baisse !
Un chiffre qui ne baisse pas, c'est celui des assassinats d'élus. Entre 2002 et 2003, le nombre de maires assassinés en Colombie est passé de huit à quatorze, le nombre d'enseignants assassinés a augmenté de 40 %. Et il faut y ajouter des violences particulièrement importantes à l'encontre des populations indiennes, que nous avons rencontrées, ou envers les syndicalistes.
Je précise que quatre-vingt-trois organisations non gouvernementales colombiennes dénoncent la violation des droits de l'homme.
Malheureusement, la priorité est donnée aux dépenses militaires le contingent total est passé de 95 000 hommes à 374 000 hommes, dont environ 27 000 soldats paysans - et au remboursement de la dette extérieure.
Cela se répercute de manière très négative sur les droits économiques, sociaux, culturels et a accentué la pauvreté : les 10 % des Colombiens les plus pauvres ne reçoivent que 0, 94 % du revenu national, contre 42 % pour les plus riches ; environ 7 % des enfants de moins de cinq ans souffrent de dénutrition chronique ; plus d'un million d'enfants ne vont pas à l'école ; sur 1 000 enfants, 25 meurent dans les premières années de leur vie.
La priorité aux dépenses militaires et au remboursement de la dette accroît aussi l'indigence : le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour est en forte augmentation, passant de 22 % à 26 % de la population en cinq ans.
Tels sont les chiffres dont je dispose. Permettez-moi maintenant de vous livrer mes impressions et mes réactions à l'issue de mon séjour en insistant sur deux aspects.
Je commencerai par les desplazados, ces populations civiles qui sont les premières victimes des affrontements.
Menacées par les combats, elles fuient leurs terres et se réfugient dans les villes. On estime à 3 millions le nombre des personnes qui, depuis quinze ans, ont dû quitter leur maison. Là aussi, les chiffres diffèrent : le gouvernement colombien évalue le nombre des « déplacés » à 1, 3 million.
Il s'agit d'une vraie crise humanitaire. Ces hommes et ces femmes sont exclus de tout. Nous avons pu mesurer la réalité de leur vie sur place, en nous rendant dans le nord du pays, puis à la frontière avec le Venezuela. Ces personnes, déracinées de leur milieu naturel, sont en outre rejetées par les personnes défavorisées vivant déjà dans ces quartiers et qui, en conséquence, reçoivent moins d'aides de l'État. Elles ne s'intègrent donc pas dans leur nouveau milieu et, lorsqu'il s'agit de la communauté indienne, l'exclusion est encore plus marquée.
Les familles sont assez souvent séparées, comme me l'a expliqué l'un des hommes avec qui j'ai pu m'entretenir. Tous les droits humains sont bafoués : droit au logement, à la santé, à l'éducation.
Les aides de l'État ne parviennent pas toujours à leurs destinataires. Comme je le disais, la querelle des chiffres n'est pas neutre : si ces femmes et ces hommes ne sont pas « recensés », ils ne reçoivent pas d'aides de l'État.
J'ai également été très marquée par la situation des enfants. Dès l'âge de onze ans, ils sont souvent enrôlés dans des groupes de guérillas, d'extrême droite ou d'extrême gauche. Les plus nombreux ont entre quatorze et dix-sept ans. S'engager, c'est pour eux un moyen de reconnaissance sociale, à travers l'uniforme qu'ils portent. C'est aussi une façon d'échapper à des conditions de vie misérable puisque leur solde est supérieure au salaire minimum. C'est encore une façon de fuir le milieu familial, où ils sont souvent maltraités, de quitter l'école, qui n'est pas attractive, mais aussi d'étancher une soif d'aventure.
On estime leur nombre à 4 000 dans les FARC, à 2 000 dans l'ELN, à 1 000 dans les AUC et à 7 000 dans les milices urbaines.
Parmi eux, 8 % admettent avoir tué, 40 % avoir tiré, 28 % ont été blessés, 60 % ont vu tuer, 78 % ont vu des cadavres, 18 % ont vu torturer, 25 % ont séquestré des personnes.
Ces chiffres m'amènent à poser une question : que représentent la vie et l'être humain pour ces enfants ? Ce sont les adultes de demain. Quelle Colombie prépare-t-on avec cette « formation initiale » ?
L'UNICEF, qui fournit ces chiffres, dénonce avec force les violations des droits des enfants, mais aussi des droits des femmes, très souvent victimes de violences sexuelles.
Alors, je m'interroge : quelle coopération avoir sur la sécurité intérieure quand on sait que la violence et l'exclusion sont bien telles que je viens de les décrire, que les positions se sont radicalisées depuis deux ou trois ans, que, manifestement, la volonté de négocier n'existe pas, que le gouvernement mène une politique de désarmement des paramilitaires, mais que les organisations non gouvernementales, l'Eglise catholique et l'opposition au Parlement mettent en garde contre le risque d'impunité ?
Durant notre séjour, le leader de la communauté de paix de San José de Apartado et sa famille - huit personnes, dont trois enfants - ont été sauvagement assassinés. Je pense que la plupart des sénateurs ont été touchés par la campagne que mènent actuellement les brigades de paix internationales, les BPI. J'ai rencontré quelques-uns de leurs membres au lendemain de ce drame. Certains étaient profondément choqués.
Pendant ce même séjour, un syndicaliste et son garde du corps ont été grièvement blessés.
Alors, quelle garantie peut-on avoir du respect des droits humains ? Comment peut-on s'orienter vers une solution négociée du conflit ? Quelles pressions peut exercer la communauté internationale ? Quelles solutions existe-t-il pour les otages ?
Je souhaite précisément aborder cette question des otages avant de conclure mon intervention.
Ils sont 3 000 à ce jour. En France, la plus connue est Ingrid Betancourt. J'ai eu la chance de la rencontrer alors qu'elle était encore sénatrice. Elle a la double nationalité, française et colombienne. Sa famille s'est beaucoup battue pour qu'on ne l'oublie pas. Elle continue, et elle a raison.
J'ai rencontré pour la quatrième fois Yolanda Pulecio, la mère d'Ingrid, femme digne, combative, mais découragée, car sans nouvelles de sa fille depuis un an et demi.
Une véritable chaîne de solidarité s'est développée en France. C'est bien, mais il ne faut pas oublier qu'il y a d'autres otages et, parmi eux, des militaires et des élus. Je connais d'autres familles qui vivent la même souffrance.
Je crois qu'il faut faire de la popularité d'Ingrid Betancourt et du symbole qu'elle est devenue un levier du combat pour la démocratie, pour la liberté et pour la paix. Il faut diriger le projecteur sur tous les otages afin que la communauté internationale intervienne en vue d'un accord et d'un échange humanitaire.
C'est aussi par le respect du droit international humanitaire que la protection de la population civile pourra s'exercer, car il s'agit bien d'un conflit armé et non de « terrorisme », comme l'affirme le gouvernement du président Uribe.
En conclusion, je dirai que je me suis engagée, à l'issue de cette mission, à témoigner, à alerter, en tout premier lieu, l'assemblée dans laquelle je siège, mais aussi le gouvernement de mon pays et les instances européennes.
Je sais le groupe socialiste du Sénat extrêmement attentif et vigilant sur cette question. Je témoigne avec passion parce que ce pays le mérite, parce que j'ai la chance de parler la langue de ces desplazados qui n'ont rien, ou plutôt qui ont tout perdu et qui gardent malgré tout espoir.
Quelle force la communauté internationale peut-elle déployer pour permettre à des négociations de s'engager, pour aller vers cet accord humanitaire indispensable ? De quels moyens dispose-t-elle pour éviter, comme l'a dit l'un de nos interlocuteurs, que « le crime soit une option de vie pour les Colombiens » ?
Monsieur le secrétaire d'État, quelles initiatives le Gouvernement envisage-t-il de proposer ? §
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Madame la sénatrice, vous avez rappelé quelle était la situation de la Colombie.
Je crois bien connaître ce pays pour m'y être rendu à plusieurs reprises, notamment lors de la prise de fonction du président Uribe. Ce jour-là, le Parlement a été attaqué par un groupe appartenant aux FARC, attaque qui fit quatre victimes et une vingtaine de blessés. Les FARC sont connues en France pour avoir enlevé Mme Betancourt, mais il faut aussi savoir qu'il a attaqué le président Uribe et ce qu'il représente : un président élu démocratiquement, dans une élection non contestable et non contestée.
En Colombie, de nombreux groupes armés enlèvent, torturent, assassinent, déportent. On ne peut que s'émouvoir de la situation de ce pays, par ailleurs très attachant.
N'oublions pas qu'il y a, d'un côté, des actes de guerre, de guérilla, des enlèvements, des assassinats, et, de l'autre, la mise en place d'une démocratie indiscutable, qu'il convient de soutenir.
J'apporte, une nouvelle fois, au nom du gouvernement de la République, tout mon soutien au président Uribe et à son gouvernement. Les deux tiers des personnalités qui composent celui-ci ont eu un proche assassiné. C'est dire que faire de la politique en Colombie - vous avez d'ailleurs évoqué le sort des élus, madame Boyer -, ce n'est pas la même chose que de faire de la politique dans des pays où, au fil des siècles, la démocratie a pu s'affirmer comme une valeur de paix. C'est cette valeur de paix qui permet à tous nos concitoyens de vivre libres et de profiter de la croissance, quel que soit son niveau.
Pour la Colombie, le présent protocole représente un apport considérable, peut-être trop modeste, peut-être insuffisant au regard de la situation que vit ce pays, mais il doit tout de même permettre de faciliter la tâche d'un gouvernement qui, je le répète, a été légitimement et démocratiquement élu et doit faire face à des troubles internes dramatiques.
Nous devons aider ce gouvernement à lutter pour affirmer la démocratie, pour affirmer l'autorité de Bogotá et la volonté populaire. C'est incontestablement le seul moyen d'endiguer la culture du pavot, de la coca ou la production de toutes les substances dangereuses qui circulent à travers le monde.
C'est pourquoi le Gouvernement a demandé à l'ONF de réfléchir à des projets de reforestation. Nous avons élaboré de nombreux dispositifs, mais ils ne pourront être réellement mis en place que si une solution politique est trouvée au conflit qui déchire actuellement la Colombie.
S'agissant des enlèvements, le gouvernement français a d'emblée mis en avant sa préférence pour l'échange humanitaire. C'est d'ailleurs le choix qui a été fait par la famille de Mme Betancourt. Il n'est pas de réunion internationale ou bilatérale avec la Colombie où les Français ou les Américains n'interviennent auprès du président Uribe pour que le cas de ces personnes enlevées soit traité dans un échange humanitaire.
Un certain nombre de nos compatriotes sont retenus à travers le monde. Certains cas sont plus médiatisés que d'autres, mais il nous faut nous battre pour chacun d'entre eux. C'est ce que fait le ministère au quotidien, parfois avec beaucoup de discrétion ; mais nous souhaitons le faire avec la plus grande efficacité possible.
Applaudissements
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 430.
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Bogota le 22 juillet 2003 et dont le texte est annexé à la présente loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 21 rectifié.
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Skopje le 18 décembre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole à la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne, établie par le Conseil conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne (nos 82, 216) ;
- et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention, établie par le Conseil conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne, relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne (nos 83, 216).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale, signée à Bruxelles le 29 mai 2000, complète les instruments d'entraide judiciaire pénale entre les Etats membres de l'Union européenne actuellement en vigueur.
Première convention à avoir été adoptée après l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne, elle vise à faciliter l'entraide judiciaire pénale entre les Etats membres en la rendant plus rapide et plus souple. A cette fin, elle comporte plusieurs dispositions d'une particulière importance.
Tout d'abord, elle étend le champ de l'entraide pénale aux enquêtes portant sur des faits qui peuvent faire l'objet de sanctions administratives et aux procédures susceptibles d'engager la responsabilité d'une personne morale dans l'État membre requérant.
Ensuite, elle facilite et accélère la transmission des demandes d'entraide en consacrant le principe de la transmission directe entre autorités judiciaires, sauf quelques exceptions justifiées par l'objet de la demande.
Elle facilite également l'utilisation par l'État requérant des éléments de preuve recueillis dans le cadre d'une demande d'entraide en posant le principe du respect des formalités et procédures qu'il aura expressément demandées.
Enfin, et surtout, elle modernise profondément l'entraide en en réglementant certaines formes particulières.
Ainsi, elle autorise et réglemente le recours aux nouvelles technologies de communication. De plus, elle instaure un cadre juridique pour la coopération en matière de livraisons surveillées et de réalisation d'« enquêtes discrètes », et la possibilité de mettre en place des équipes communes d'enquête. En outre, elle définit un cadre juridique pour la coopération en matière d'interception de télécommunications prenant en compte les évolutions les plus récentes de la technologie et donne ainsi au traitement des demandes d'entraide en ce domaine une base conventionnelle explicite qui, jusqu'ici, faisait défaut.
Le protocole additionnel à cette convention, signé à Luxembourg le 16 octobre 2001, a été proposé par la France, au cours de sa présidence de l'Union européenne, pour donner suite aux conclusions du Conseil européen de Tampere d'octobre 1999.
Il vise à améliorer la coopération en offrant aux autorités judiciaires des outils leur permettant d'accroître l'efficacité de leur action en matière d'investigations financières hors frontières, notamment en garantissant un meilleur accès aux informations bancaires disponibles dans un Etat membre.
A cette fin, le protocole fait peser sur chaque Etat membre, sous certaines conditions, une double obligation : d'une part, l'obligation d'identifier les comptes bancaires détenus ou contrôlés par une personne physique ou morale dans une quelconque des banques situées sur son territoire ; d'autre part, l'obligation de fournir le détail des opérations bancaires réalisées pendant une période déterminée sur un ou plusieurs comptes.
Par ailleurs, il encourage et facilite le recours aux demandes d'entraide complémentaires dont l'opportunité apparaîtrait lors de l'exécution d'une demande initiale.
Enfin, il limite et encadre les motifs de rejet des demandes d'entraide, notamment au regard du secret bancaire et de la nature fiscale ou politique de l'infraction, et fait obligation à un Etat membre qui oppose un refus persistant d'exécution de la demande de transmettre au Conseil sa décision de rejet motivée.
La mise en oeuvre de la convention d'entraide du 29 mai 2000 et de son protocole additionnel n'imposera à notre pays aucune adaptation législative, les dispositions nécessaires ayant déjà été adoptées dans le cadre de la loi du 9 mars 2004, qui définit notamment le cadre juridique pour le développement des équipes communes d'enquête.
Aussi la France envisage-t-elle de faire une déclaration d'entrée en vigueur anticipée, qui permettra d'appliquer les dispositions de la présente convention avec les Etats membres ayant effectué la même déclaration sans attendre la ratification de la convention par tous les Etats membres de l'Union.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent ces deux projets de loi.
Applaudissements.
M. Jacques Peyrat, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mes chers collègues, je voudrais tout d'abord, remercier Mme Bergé-Lavigne et M. Goulet d'avoir accepté de céder leur tour, M. le président d'y avoir consenti, et M. le secrétaire d'Etat d'avoir fait semblant de solliciter cette modification de l'ordre de nos travaux alors que c'est moi qui la sollicitais : c'est d'une extrême délicatesse, ce qui ne m'étonne ni d'un membre du Gouvernement ni d'un Marseillais !
Sourires
Nouveaux sourires
L'accélération de la circulation des personnes et des biens, des capitaux et des informations, rendue possible par la mondialisation, n'a pas seulement contribué à l'augmentation des échanges économiques : elle a pour corollaire l'augmentation du caractère transnational de la criminalité.
Il a fallu plus de six années de discussions pour parvenir aux textes que nous examinons aujourd'hui. La commission a été unanime à déplorer de tels délais de ratification, qui donnent des arguments aux institutions communautaires pour privilégier des instruments juridiques ne nécessitant pas le recours aux Parlements nationaux, telle la décision cadre.
Pourtant, la convention d'entraide judiciaire représente un progrès notable dans la coopération judiciaire européenne : elle élargit le champ de l'entraide judiciaire, elle en améliore les procédures et en modernise les instruments.
J'évoquerai deux points principaux.
En premier lieu, le principe de l'entraide judiciaire directe prévoit que la transmission directe des demandes d'entraide judicaire se fera d'autorité judiciaire à autorité judiciaire, ce qui constitue une exception notable au principe de territorialité de la loi pénale, mais favorisera en contrepartie la pratique de la coopération judiciaire.
En second lieu, le principe de l'application de la procédure de l'Etat requérant : la convention oblige les Etats membres à se plier à des formes procédurales étrangères, pourvu qu'elles ne soient pas contraires à leurs principes fondamentaux.
En outre, la convention modernise les instruments de l'entraide en visant de façon précise un certain nombre de techniques. Elle prévoit ainsi que l'entraide peut prendre la forme de livraisons surveillées et d'investigations « sous couverture ». Les Etats membres doivent disposer toutefois d'une législation autorisant ces techniques, risquées mais efficaces dans la lutte contre le crime organisé.
Autre possibilité ouverte par la convention : la constitution d'équipes communes d'enquête par deux Etats ou plus pour enquêter sur leur territoire ; M. de Villepin y a fait tout à l'heure une allusion directe à propos de la France et de l'Espagne, qui ont déjà mis en oeuvre ce procédé.
Par ailleurs, le recours aux nouvelles technologies est pris en compte par la convention, qui prévoit l'utilisation de la vidéoconférence et consacre un volet important à l'interception des télécommunications.
Enfin, les dispositions du protocole de 2001 prévoient que les secrets bancaire et fiscal ne peuvent jamais être opposés comme motif de refus d'entraide judiciaire. Elles imposent aux Etats membres d'organiser un fichier centralisé des comptes bancaires en vue de pouvoir fournir, dans des cas certes limités, la liste des comptes détenus par une personne sur leur territoire.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, rapidement énoncées, les principales observations de la commission des affaires étrangères sur la convention d'entraide judiciaire en matière pénale et son protocole ; la commission s'est prononcée en faveur de l'adoption de ces deux projets de loi.
Ces deux textes mettent en place des outils indispensables à une action efficace des autorités judiciaires. Ils ouvrent la voie à l'harmonisation des procédures, qui reste l'un des objectifs majeurs de la construction européenne. Trop souvent, les magistrats sont confrontés à des difficultés alors même que les affaires sont élucidées ; la coopération doit apporter de véritables réponses et faciliter leur action.
Les premiers bilans de l'application du mandat d'arrêt européen, qui a permis de réduire les délais moyens d'exécution des demandes de neuf mois à quarante-cinq jours, sont encourageants et doivent nous inciter à renforcer l'intégration des procédures.
Le défi ainsi lancé à l'espace de liberté que constitue l'Union européenne reste considérable et appelle non seulement un renforcement de la coopération judiciaire et policière sur le terrain juridique, auquel nous procéderons si nous votons ces textes, mais aussi un changement de mentalité de tous les acteurs en faveur d'une véritable coopération ; mais là, la tâche est peut-être un peu plus difficile.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 82.
Est autorisée l'approbation du protocole à la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne, établi par le Conseil conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne, signé à Luxembourg le 16 octobre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 83.
Est autorisée l'approbation de la convention établie par le Conseil conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne, faite à Bruxelles le 29 mai 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Bosnie-Herzégovine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 443, 2003-2004, 218) ;
- et du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 123, 200).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le dynamisme de l'économie française repose notamment sur la capacité de nos entreprises à se projeter dans la mondialisation des échanges et à tirer parti de l'ouverture économique des autres nations. La France est une destination privilégiée de l'investissement international ; elle est aussi et doit demeurer parmi les premiers investisseurs mondiaux.
Un cadre juridique stable est nécessaire à ces investissements. Hors des pays de l'OCDE, nous souscrivons, comme vous le savez, des accords d'encouragement et de protection des investissements. Ainsi sont aujourd'hui soumis à votre examen deux nouveaux accords de protection des investissements, conclus respectivement avec la Bosnie-Herzégovine et la Libye.
Quatre-vingt-six autres textes de ce type sont à ce jour en vigueur ; votre autorisation ayant déjà été requise sur ces textes, vous en connaissez la trame habituelle. Rappelons néanmoins les traits caractéristiques de ces accords, qui reflètent quatre préoccupations essentielles de la France et de ses investisseurs.
Tout d'abord, la sécurité contre le risque politique : ces accords interdisent l'expropriation arbitraire et garantissent l'indemnisation prompte et adéquate de toute dépossession ; les investisseurs français auront également, à compter de l'entrée en vigueur de ces accords, la faculté d'être assurés par la COFACE, la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, dont l'intervention est toujours demandée pour l'investissement dans ces pays.
Ensuite, une situation de compétition équitable entre les investisseurs français et leurs concurrents : c'est la raison pour laquelle les accords de protection des investissements comportent la clause de traitement de la nation la plus favorisée et la clause de traitement national.
Par ailleurs, la libre disposition par les investisseurs de leurs revenus est également centrale : les deux textes comportent à cette fin la clause de libre transfert.
Enfin, des voies de recours juridique - y compris devant l'arbitrage international - sont ouvertes aux investisseurs français en cas de différend avec le pays d'accueil de leur investissement.
Avant d'évoquer plus particulièrement le contexte dans lesquels ces textes avec la Bosnie-Herzégovine et la Libye ont été conclus, je souhaite également souligner que ces deux accords comportent une stipulation à laquelle la France est attachée, au-delà de la seule protection des investissements : il s'agit de la clause de diversité culturelle et linguistique, qui garantit notre faculté de soutenir, par des dispositifs de protection et de financement spécifiques, la création française et francophone.
Les deux textes, malgré toute la différence qui existe entre les économies de la Bosnie-Herzégovine et de la Libye, reflètent une même volonté de la France de renouer le fil et de contribuer à l'essor de ces pays, après des périodes troublées.
La Libye a longtemps refusé les investissements étrangers. A cette fermeture idéologique s'est ajouté l'embargo international lié à l'attitude de la Jamahiriya libyenne dans plusieurs affaires aujourd'hui réglées.
Cette période est derrière nous, et comme l'a souligné lors de sa visite le Président de la République, la Libye a opéré plusieurs « changements fondamentaux », à la fois sur les plans politique et économique. C'est un véritable « partenariat économique » que la France est en train de nouer avec la Libye, dont l'accord de protection et d'encouragement des investissements est un fondement important.
La France est d'ores et déjà fortement présente en Libye, dont elle est le cinquième partenaire commercial. Il existe néanmoins encore d'importantes marges de progression, le commerce avec la Libye étant moins intense qu'avec les autres pays du Maghreb. Dans le domaine des investissements proprement dits, plusieurs entreprises françaises sont déjà fortement implantées, notamment Total. Nos entreprises sont également présentes dans d'autres secteurs, à titre d'exemple je citerai le dessalement de l'eau de mer, l'agroalimentaire ou les infrastructures publiques.
Le signal politique que la France envoie avec son accord de protection des investissements avec la Bosnie-Herzégovine répond à d'autres considérations.
La Bosnie - aujourd'hui en paix - doit relever le défi d'un nouvel élan économique.
A cet essor, il convient que les entreprises françaises prennent part. Elles doivent, comme leurs concurrentes d'autres pays de l'Union européenne, prendre pied en Bosnie où leur présence est encore trop timorée, limitée à quelques magasins ou entreprises de services. L'économie et la monnaie bosniennes sont aujourd'hui stables, l'accueil d'investisseurs étrangers est une priorité des autorités bosniennes : aux entreprises françaises, aidées et protégées dans le cadre de cet accord de protection des investissements, d'en tirer parti.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations qu'appellent de ma part ces deux accords, qui font l'objet des projets de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre pays a conclu, le 12 décembre 2003, un accord d'encouragement et de protection des investissements avec la Bosnie-Herzégovine.
Cet accord s'ajoute aux 97 autres déjà signés par la France avec des pays n'appartenant pas à l'OCDE.
Dans la zone des Balkans, des accords ont déjà été conclus avec l'Albanie et la Roumanie en 1995, la Croatie et la Macédoine en 1996, et la Slovénie en 1998.
S'agissant de la Bosnie-Herzégovine, les institutions actuelles de ce pays, le plus pauvre des Etats issus de l'ex-Yougoslavie, ont été instaurées par l'accord de Dayton, conclu en 1995. Ces institutions sont extrêmement complexes, et l'une des priorités de la communauté internationale, représentée à Sarajevo par Lord Ashdown, est de parvenir à les simplifier.
L'économie du pays repose sur une agriculture peu productive et des ressources minières permettant une forte production d'aluminium.
Les investissements directs étrangers restent insuffisants pour compenser les destructions de la plupart des sites industriels découlant de la guerre contre les forces fédérales yougoslaves. Le secteur public, qui absorbe 60 % du PIB, n'est guère productif.
L'importante aide internationale reçue après Dayton a cependant permis la reconstruction des principales infrastructures, mais il reste aux autorités bosniennes à mener les réformes structurelles nécessaires à l'établissement d'une croissance économique, d'autant que le pays est candidat à l'intégration dans l'Union européenne à l'horizon 2009.
La France veut ainsi marquer son intérêt pour la stabilisation de ce pays, comme l'a illustré la présence du ministre des affaires étrangères M. Michel Barnier lors de l'inauguration du nouveau pont de Mostar, le 23 juillet 2004.
Le premier accord signé entre la France et la Bosnie, en 2002, portait ainsi sur la coopération culturelle, scientifique et technique.
Le présent accord constitue donc une indication claire visant à inciter les investisseurs français à prospecter plus avant le marché bosnien, qui est encore en devenir.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande, mes chers collègues, l'adoption de ce projet de loi..)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 1er septembre 1969, lorsqu'un groupe de jeunes officiers renversa la royauté et proclama la République, s'ouvrit une ère nouvelle dans l'histoire de la Libye. Le gouvernement révolutionnaire, dirigé par le colonel Muammar al-Kadhafi, afficha d'emblée un nationalisme intransigeant, exigeant l'évacuation immédiate des bases anglo-saxonnes. L'administration, l'éducation et le domaine culturel furent intégralement arabisés. En 1973, les sociétés pétrolières furent nationalisées.
En 1977, le colonel Kadhafi proclama la Jamahiriya, Etat des masses, sous le couvert duquel il renforça son pouvoir personnel. Le régime libyen se radicalisa. La Libye prit la tête, aux côtés de la Syrie, du « front de la fermeté », rassemblant à partir de 1978 les Etats arabes hostiles à toute négociation avec Israël. En 1980, Kadhafi rompit avec le Fatah, principale branche de l'Organisation de libération de la Palestine, dont il soutint, dès lors, l'aile la plus radicale. La Libye se trouva ainsi dans une situation d'isolement international.
De plus, la Libye fut accusée par les Etats-Unis, par le Royaume-Uni et par la France d'être impliquée dans deux attentats aériens contre des avions de ligne : l'un américain, qui explosa en vol en 1988 au-dessus de Lockerbie, en Ecosse ; l'autre français, qui s'écrasa dans le Ténéré en 1989. En 1992, un embargo aérien et militaire fut décidé par le Conseil de sécurité des Nations unies.
La Libye est actuellement réintégrée au sein de la communauté internationale, après avoir accepté en 2003 de verser des compensations aux familles des victimes des deux avions de ligne, et après que Muammar Kadhafi eut annoncé l'abandon par son pays des programmes d'acquisition et de développement d'armes de destruction massive. Le 12 septembre 2003, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté la levée des sanctions contre ce pays.
Si la situation économique de la Libye est prospère grâce à la rente pétrolière, elle est encore largement administrée et dépendante du pétrole. La production de pétrole a sensiblement progressé en 2004, passant au-dessus du quota fixé par l'OPEP, de 1, 4 à 1, 7 million de barils par jour.
Compte tenu de sa faible population, 5, 8 millions d'habitants, la Libye est l'un des pays les plus riches d'Afrique.
Dans cette économie dirigée, l'Etat administre les prix, les salaires, le crédit, les taux, et contrôle plus de 70 % du PIB. Enfin, la population vit dans un système d'assistanat fondé sur la rente pétrolière : gratuité des logements et de beaucoup de services.
En ce qui concerne les mesures de libéralisation de l'économie, le Premier ministre, M. Choukri Ghanem, a engagé la privatisation partielle du secteur public libyen en 2003, avant la création, à moyen terme, par la Banque centrale, d'une bourse des valeurs. La privatisation d'une centaine de petites entreprises a déjà été réalisée localement. Le secteur du ciment était en cours de privatisation auprès d'entreprises étrangères avant la fin 2004 et le secteur agroalimentaire devrait suivre en 2005.
Des réformes de l'administration demandées par le FMI sont en cours de réalisation, notamment dans le secteur bancaire.
De nouveaux investissements dans l'exploration pétrolière sont nécessaires afin de maintenir et de développer la production d'hydrocarbures, que le Premier ministre évalue à 30 milliards de dollars jusqu'en 2010.
Il en va de même de la politique des grands travaux. La Libye devra poursuivre son plan de modernisation des infrastructures déjà bien entamé : réseau de lignes à très haute tension, établissement de réseaux téléphoniques fixes et mobiles, transports aériens.
Le retour à un commerce normal et à des relations économiques avec les autres pays permettra à la Libye de retrouver le chemin du développement économique, industriel et social.
Le Premier ministre M. Choukri Ghanem, favorable aux privatisations, a indiqué que le secteur pétrolier ne serait ouvert que progressivement aux investisseurs étrangers. Il a mis en oeuvre une réforme économique unifiant le système du taux de change. Celle-ci a provoqué une dévaluation de la monnaie, destinée à améliorer la compétitivité des sociétés libyennes et à attirer les investissements étrangers.
Du secteur pétrolier proviennent 95 % des recettes d'exportation et près de 75 % du budget de l'Etat. C'est pourquoi la Libye a souffert de la forte baisse du prix du pétrole, mais a largement bénéficié de sa hausse, spécialement en 2003. Ses réserves ont été évaluées à 36 milliards de dollars au 1er janvier 2004, certains experts estimant même que les grands bassins libyens - Syrte, Mourzouq, Ghadamès, Cyrenaïque, Koufra et les possibilités offshore - pourraient contenir jusqu'à 220 milliards de barils.
Je dirai quelques mots sur les rapports entre la France et la Libye.
Une déclaration conjointe franco-libyenne a été signée à Paris, le 4 janvier 2004, entre M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères de la République française et M. Abdurrahman Shalgham, secrétaire du Comité populaire général de liaison extérieure et de coopération internationale de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Elle a permis aux signataires de se réjouir de l'accord venant d'être conclu entre la fondation Kadhafi pour les associations caritatives et les familles des victimes du vol UTA 772, de confirmer que la France, qui a des relations anciennes et profondes avec la Libye, était prête à accompagner celle-ci dans son effort de modernisation et de réforme en profondeur de son système économique afin de faciliter son insertion dans la communauté internationale.
Ultérieurement, les deux parties ont signé quatre accords, dont l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, qui fait l'objet du présent projet de loi.
En matière d'énergie, les contacts vont être intensifiés dans les domaines du pétrole, du gaz et de l'électricité. Ils auront notamment pour but d'accroître la coopération existant entre les compagnies et les industries spécialisées dans les deux pays et la mise en oeuvre par certaines grandes sociétés françaises d'un certain nombre de projets importants dans les domaines de l'électricité, du dessalement de l'eau de mer, du pétrole et du gaz.
Ces relations économiques bilatérales anciennes et étroites peuvent être relancées dans un contexte de levée des sanctions économiques et de rente pétrolière.
Marqués par un déficit commercial structurel, nos échanges commerciaux avec la Libye fluctuent assez fortement d'une année à l'autre : nos importations sont pour 95 % des hydrocarbures, qui représentent environ 2, 5 % de nos approvisionnements.
On peut également citer l'exemple de quelques entreprises intéressées par un développement en Libye : Total, EADS, Vinci Construction, Thalès, Alcatel, Sidem, Alstom, Schneider Electric.
En conclusion, je rappellerai que le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de l'accord signé à Paris le 19 avril 2004 entre la France et la Libye sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. En effet, en l'absence d'un cadre multilatéral de protection des investissements internationaux, la protection juridique des investisseurs français à l'étranger en dehors des pays de l'OCDE ne peut reposer que sur des accords bilatéraux, tels que celui qui nous est soumis aujourd'hui et qui est du même type que les 97 accords déjà signés avec d'autres nations. Ces accords bilatéraux permettent aux investisseurs français de bénéficier de clauses protectrices en favorisant, en les sécurisant, nos échanges avec les pays d'accueil.
Les sociétés françaises, qui ont toujours été présentes dans ce pays et ont largement participé à son équipement en infrastructures, pourraient bénéficier d'une position favorable dans un contexte de concurrence internationale grandissante.
En conséquence, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter le présent projet de loi.
Applaudissements
Personne ne demande la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 443.
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Bosnie-Herzégovine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Paris le 12 décembre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 123.
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Paris le 19 avril 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement à l'accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, signé à Paris le 29 mai 1990, en vue d'admettre la Mongolie comme pays d'opérations, adopté à Londres le 30 janvier 2004 (n° 444, 2003-2004 ; n° 179).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD, a été créée par un accord international signé à Paris le 29 mai 1990.
Son champ d'intervention géographique se limitait aux pays d'Europe centrale et orientale qui s'engageaient à respecter et à mettre en pratique les principes de la démocratie pluraliste et de l'économie de marché. Il comprenait l'ensemble des Etats issus de l'ex-URSS. Etaient exclus, en revanche, tous les autres Etats en transition, au premier rang desquels la Mongolie.
Or, en 2000, la Mongolie a manifesté son souhait de devenir un pays d'opérations de la BERD, au motif qu'elle partageait nombre des caractéristiques politiques et économiques des Etats issus de l'ex-URSS.
En réponse, les Etats membres de la BERD ont autorisé la Mongolie à devenir actionnaire de la BERD, mais sans lui octroyer le statut de pays d'opérations, ce qui la privait, notamment, du droit de bénéficier des financements de la banque. Toutefois, en mars 2001, la Mongolie a été rendue éligible à un fonds d'assistance technique géré par la BERD.
En octobre 2003, le conseil d'administration de la banque a écarté la voie de l'interprétation des statuts pour retenir celle de l'amendement du traité. Il en a résulté un amendement à l'article 1er, adopté à l'unanimité le 30 janvier 2004 par le conseil des gouverneurs de la BERD.
En conséquence, le projet d'amendement a pour objet de modifier, par l'ajout de deux phrases, l'article 1er de l'accord portant création de la BERD, pour élargir à la Mongolie l'acception des termes « Etats d'Europe centrale et orientale ».
L'amendement, qui vise explicitement la Mongolie, n'introduit donc pas de dispositions « ouvertes », dont l'interprétation pourrait bénéficier à d'autres Etats en transition. Il s'agit clairement d'une révision visant à résoudre le cas spécifique de la Mongolie, et non d'un amendement infléchissant fondamentalement l'objet social de la BERD.
Conformément aux statuts de la BERD, la procédure d'adoption comprend trois étapes.
Première étape : une approbation par le conseil d'administration, à la majorité des deux tiers des voix attribuées aux membres prenant part au vote. Celle-ci a été obtenue le 16 décembre 2003, à l'unanimité.
Deuxième étape : une résolution du conseil des gouverneurs, approuvée à la majorité des voix attribuées aux membres prenant part au vote, avec un quorum d'au moins deux tiers des membres représentant au moins deux tiers des voix. Celle-ci a fait l'objet d'un vote à l'unanimité, le 30 janvier 2004.
Troisième étape : une adoption à l'unanimité par les Etats membres de la BERD, conformément à leurs procédures nationales.
L'adoption du présent projet de loi permettra donc à la France d'accomplir, en ce qui la concerne, la troisième étape et accélérera l'entrée en vigueur de l'amendement du 30 janvier 2004.
L'impact opérationnel et financier de cette extension devrait être limité pour la BERD, comme le souligne l'expérience de la banque en Asie centrale. Cependant, compte tenu de la pauvreté et du manque criant d'infrastructures de la Mongolie, l'intervention de la BERD devrait emporter des bénéfices majeurs pour ce pays, notamment en termes de transition économique.
La France a plaidé en faveur d'un élargissement du champ d'intervention à la Mongolie, soulignant notamment qu'elle était résolument attachée au développement économique de ce pays.
La position française s'inscrit également dans le cadre d'une politique de renforcement des relations diplomatiques entre la France et la Mongolie, comme en atteste la visite que j'ai effectuée dans ce pays en juin 2003 et l'installation, à cette occasion, d'un ambassadeur de France résident permanent en Mongolie. Je tiens à saluer la qualité de l'accueil qui m'a été réservé à Oulan-Bator et à souligner la beauté et l'histoire de ce pays. Nous nous sommes rendus sur le fameux site de Golmod, édifié par les tribus nomades qui régnaient sur les steppes mongoles et situé non loin de Karakorum. Ces tribus s'y retrouvaient chaque fois que leurs chefs disparaissaient. Le site renferme ainsi leurs sépultures, ce qui prouve que ce peuple nomade avait établi un lieu de sédentarité à Golmod, au fin fond des steppes de ce pays absolument extraordinaire.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Et je ne vous parle pas de Karakorum, qui est également un endroit merveilleux. Quant aux yeux de mouton qui nous ont été servis lors du dîner avec le président mongol, c'est, je vous le garantis, un mets succulent !
Sourires
Ce pays, qui fut longtemps un marché stratégique de l'Union soviétique, a été trop longtemps délaissé d'un point de vue économique, et il importe désormais que les pays européens appuient de façon concrète les vigoureux efforts qu'il a effectués pour mener de pair une réelle démocratisation et une transition graduelle de son économie.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations qu'appelle de ma part l'amendement de l'accord portant création de la BERD signé à Paris le 29 mai 1990, en vue d'admettre la Mongolie comme pays d'opérations, adopté à Londres le 30 janvier 2004, et qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis aujourd'hui à votre approbation.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD, a en effet été créée sur la base d'un accord signé à Paris le 29 mai 1990. Dans la continuité de l'Acte final d'Helsinki, elle avait pour objectif de contribuer au progrès et à la reconstruction économique des pays d'Europe centrale et orientale, et de favoriser ainsi la transition de leurs économies vers des économies de marché.
Le champ d'intervention de la banque est donc défini par un critère géographique.
La BERD répartit ses engagements en fonction du stade d'avancement des Etats dans la transition vers une économie de marché. Sont ainsi considérés comme « aux stades avancés de la transition » les huit pays d'intervention qui ont rejoint l'Union européenne en 2004, ainsi que la Croatie. Les autres Etats d'intervention, ceux des Balkans occidentaux, d'Asie centrale et du Caucase sont « aux premiers stades ou aux stades intermédiaires de la transition ».
Les nouvelles orientations décidées par le conseil d'administration de la Banque devraient la conduire, tout en lui permettant de poursuivre ses engagements dans les nouveaux Etats membres de l'Union européenne, à augmenter le volume de ses interventions dans les pays les plus pauvres, accentuant ainsi sa dimension de développement.
Au cours de sa première décennie de fonctionnement, le nombre des pays d'opérations de la banque est passé ainsi de huit à vingt-sept, sans que la zone d'intervention de celle-ci s'en trouve pour autant élargie, sous l'effet des disparitions successives de l'URSS, de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie, mais aussi de la République démocratique allemande.
En 2000, la Mongolie a fait part de son souhait de devenir un pays d'intervention de la BERD, arguant qu'elle partageait les caractéristiques politiques et économiques des pays de l'ex-URSS. La Mongolie a été rapidement autorisée à devenir actionnaire de la Banque, mais ne peut en recevoir de financements que par le biais d'un fonds d'assistance technique spécifique.
Une modification de l'accord portant création de la BERD a été jugée nécessaire pour admettre la Mongolie comme pays d'opérations, ce qui a été effectué sous la forme d'un amendement à l'article 1er, adopté le 30 janvier 2004 par le conseil des gouverneurs.
L'amendement limite strictement l'extension du champ d'intervention de la BERD à la seule Mongolie, sans que soit attribuée à cette dernière une compétence générale étendue aux pays en transition.
Malgré une transition remarquable vers la démocratie et l'économie de marché, la Mongolie, qui compte 2, 5 millions d'habitants et dont l'économie est très peu diversifiée, reste donc très dépendante à l'égard de l'aide internationale.
Le PIB de la Mongolie s'élève à environ 500 dollars par habitant. Aux côtés des pays du Caucase et d'Asie centrale, elle devrait figurer parmi les pays destinataires des engagements de la BERD, parmi les plus pauvres.
L'économie mongole dépend, pour l'essentiel, de l'extraction de minerais et de l'élevage pour la production de textiles. La dépendance alimentaire du pays s'élève à plus de 70 % et la Mongolie est confrontée à un phénomène d'exode rural massif, particulièrement déstabilisant sur le plan social.
Bien que largement dépourvu d'infrastructures, le pays a un potentiel de développement, notamment dans le secteur du tourisme et dans ses liens économiques avec la Chine voisine. Il occupe une position stratégique, aux confins de la Chine et de la Russie, qui suscite l'intérêt de nombreux pays, comme vient de le démontrer M. le secrétaire d'Etat.
Mes chers collègues, la commission vous demande, en conséquence, de bien vouloir approuver le présent projet de loi.
Applaudissements
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Est autorisée l'approbation de l'amendement à l'accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, signée à Paris le 29 mai 1990, en vue d'admettre la Mongolie comme pays d'opérations, adopté à Londres le 30 janvier 2004.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique pour l'échange d'informations relatives à des opérations financières effectuées par l'entremise d'institutions financières pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent (nos 35 et 197).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique ont signé un accord de coopération pour l'échange d'informations relatives à des opérations financières effectuées par l'entremise d'institutions financières, pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent, accord signé le 6 octobre 1997 à Paris, à l'occasion de la visite d'Etat du président Zedillo.
Le chef de l'Etat mexicain, qui avait fait de la lutte contre la drogue et ses implications financières l'une des priorités de sa mandature, avait tout naturellement tenu à ce que sa visite en France soit l'occasion de développer la coopération bilatérale en la matière.
La signature de cet accord a ainsi complété, le même jour, celle d'un accord général de coopération en matière de lutte contre l'usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes.
Comme vous le savez, le Mexique, zone de production, de transit et de redistribution, est particulièrement exposé aux conséquences du trafic de drogue : lors de la signature du présent accord, les revenus générés par ce trafic étaient estimés à l'équivalent des exportations licites de ce pays.
L'accord qui vous est soumis aujourd'hui est conforme au droit français existant en la matière.
Il précise, tout d'abord, l'objet et la portée de la collaboration qu'il institue, à savoir l'échange d'informations permettant de détecter et de bloquer les opérations financières susceptibles d'avoir été réalisées avec des fonds provenant d'activités illicites ou de blanchiment.
Il définit, ensuite, certaines notions fondamentales telles que « opération financière », « institution financière » ou encore « autorité compétente ». Sur ce dernier point, l'autorité française désignée compétente est TRACFIN, la cellule chargée du traitement du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins, relevant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, l'autorité mexicaine compétente étant l'homologue de TRACFIN.
Les informations relatives aux opérations financières doivent être conservées pendant une durée minimale de cinq ans, tandis que les modalités de présentation des demandes d'assistance adressées par les autorités compétentes font l'objet d'une attention particulière. Celles-ci, qui peuvent être rédigées dans l'une ou l'autre langue, doivent notifier le but de la requête et les services qui seront autorisés à avoir accès à l'information, indiquer les délits soupçonnés et préciser l'état de l'enquête.
Les conditions d'octroi de l'assistance sont soigneusement encadrées. Ainsi, les informations transmises ont un caractère confidentiel et sont soumises à la législation interne sur la protection des fichiers. Il en est de même pour la transmission de documents. Il a été vérifié que la législation du Mexique offrait, sur ce point, une protection suffisante des données personnelles.
Par ailleurs, la partie requise peut refuser de répondre à une demande d'information, en cas de procédure judiciaire déjà entreprise pour les mêmes faits ou d'atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public et aux intérêts essentiels de l'Etat.
Dans le cadre de cette coopération, il est également prévu que les parties ont la possibilité de transmettre spontanément des informations et que les objectifs de la coopération peuvent être ultérieurement élargis à des recherches conjointes et à l'échange de connaissances techniques.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l'accord de coopération pour l'échange d'informations relatives à des opérations financières effectuées par l'entremise d'institutions financières pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le blanchiment de l'argent sale n'est pas une activité récente. Le terme « blanchiment » est, en effet, apparu aux Etats-Unis à l'époque de la prohibition. A Chicago, notamment, les mafieux avaient acquis des entreprises qui leur permettaient de mélanger habilement les revenus issus de la vente illégale d'alcool et les revenus desdites entreprises. Celles-ci étant, pour la plupart, des laveries automatiques ou des ateliers de nettoyage des voitures, l'habitude avait été prise de parler d'« argent blanchi », car « lavé ».
Aujourd'hui, le phénomène du blanchiment a connu, hélas ! un essor et une évolution alarmants et s'est mondialisé, nécessitant la mise au point de techniques efficaces de lutte.
Le mécanisme du blanchiment repose sur des opérations ayant pour objet de dissimuler l'origine illicite de gains issus de la délinquance financière et des activités criminelles menées désormais à l'échelle mondiale, afin que leur utilisation ne permette pas la connaissance et l'arrestation de leurs détenteurs.
Ces opérations consistent à déplacer ces fonds ou à modifier leur forme. Ainsi, les liquidités transitent principalement par des bureaux de change, des banques, des entreprises de négociants en métaux précieux ou en import-export, ainsi que par des casinos.
Si le blanchiment d'argent est souvent lié à des activités illicites, que l'on pourrait qualifier de « classiques » - prostitution, trafic de drogues ou d'alcool -, il s'étend maintenant aux activités liées au terrorisme.
Les techniques du blanchiment sont diverses et elles ont pour but de transformer des sommes issues d'activités illicites en une monnaie utilisable, grâce à la suppression, au gommage, de toute preuve de l'origine des fonds.
Le GAFI, le Groupe d'action financière internationale, institué en 1989 à l'occasion d'une réunion du G7, a défini de telles techniques dès 1990, en exposant les trois étapes principales du blanchiment : le placement, l'empilage et l'intégration.
Le marché des métaux et pierres précieuses s'inscrit dans les circuits de blanchiment, car la plus grande partie des ventes et achats s'effectuent en argent liquide. L'or, qui peut être utilisé comme monnaie, est le minerai préféré des blanchisseurs, les diamants venant en seconde position.
Le commerce des oeuvres d'art est également une filière classique de blanchiment, car il est à la fois difficile d'identifier certaines oeuvres et, plus encore, de leur donner une valeur précise, même si cette dernière est très élevée. L'une des techniques les plus répandues est celle de la fausse vente aux enchères, qui consiste, pour un trafiquant, à mettre en vente des objets d'art difficilement identifiables et évaluables et à remettre en même temps à un complice une somme d'argent en liquide assez importante pour acquérir ces objets, même au prix fort. Cette somme est ensuite remise par le commissaire-priseur au vendeur, ce qui blanchit l'argent liquide en question.
Les établissements de jeux et les loteries sont également utilisés pour blanchir de l'argent.
Les courses de chevaux constituent une dernière option : le blanchisseur acquiert des tickets gagnants auprès de leurs détenteurs légitimes pour une valeur souvent supérieure au gain réel. Il peut ensuite justifier en grande partie l'origine de ses fonds.
Les méthodes de détection du blanchiment ont pour fondement deux opérations principales : la déclaration de soupçon et les enquêtes financières classiques.
La déclaration de soupçon, qui constitue un moyen d'action important, doit être réalisée, en France, par les entreprises du secteur bancaire et financier, y compris, notamment, le Trésor public, la Banque de France, la Caisse des dépôts et consignations, les services financiers de La Poste, les sociétés et courtiers d'assurance.
Cette déclaration déclenche une action de recherche approfondie de TRACFIN, la cellule chargée du traitement du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins, qui est un service administratif créé en 1990 et rattaché au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Si ces recherches conduisent à transformer le soupçon né de la déclaration en présomption de blanchiment, TRACFIN transmet les informations au procureur de la République territorialement compétent et, éventuellement, aux officiers de police judiciaire spécialisés.
Les enquêtes judiciaires relatives aux opérations de blanchiment revêtent deux formes d'approche : une poursuite a priori lorsque l'enquêteur peut mettre en évidence les relations entre une personne soupçonnée de blanchiment et l'auteur d'une infraction ; une approche a posteriori quand l'enquêteur procède à une interpellation qui lui permettra ensuite de constater des relations avec des tierces personnes bénéficiant de revenus issus de la criminalité. Ces enquêtes sont généralement menées par des policiers ou des gendarmes.
Les textes internationaux, notamment européens, et nationaux de lutte contre le blanchiment des capitaux étant détaillés dans mon rapport, je n'insiste pas sur ce point.
Au niveau national, TRACFIN a pour tâche le recueil, le traitement et - ce dernier point est essentiel - la diffusion dans les services du ministère des finances des renseignements touchant aux circuits financiers clandestins et au blanchiment de capitaux, afin de coordonner l'action de ces services et, bien sûr, de développer la coopération avec les autres organismes nationaux et internationaux. Il doit également approfondir les déclarations de soupçons communiquées par les établissements financiers.
Je rappelle que TRACFIN collabore très étroitement avec les cellules de renseignement étrangères et qu'il a d'ailleurs signé de nombreux accords bilatéraux, aussi bien avec des pays européens qu'avec les Etats-Unis, l'Amérique latine ou l'Australie.
De 1990, date de sa création, à 2003, TRACFIN a reçu près de 32 707 déclarations de soupçons, ce qui est énorme ! Il serait intéressant de connaître un jour, monsieur le secrétaire d'Etat, le nombre de déclarations ayant fait l'objet d'un suivi et le nombre de celles qui ne relevaient que de soupçons infondés, car nous ne sommes pas en possession de ces informations, alors que le nombre de telles déclarations, qui est déjà important, va croissant.
Au Mexique, la drogue constitue un problème très grave. En effet, ce pays est à la fois un pays de transit, de culture, de fabrication et de consommation des différentes drogues aujourd'hui disponibles sur le marché mondial. La lutte contre ce phénomène est l'apanage des autorités fédérales, du parquet fédéral et des forces armées.
Je me propose maintenant de définir très rapidement l'intérêt et, surtout, la particularité de l'accord France-Mexique pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent.
Tout d'abord, j'évoquerai l'intérêt et le contenu de cet accord.
La France, comme tant d'autres pays, doit absolument collaborer de façon très active avec de nombreux Etats, afin de lutter avec efficacité contre le blanchiment de capitaux provenant d'activités illicites et contre le financement du terrorisme, activités qui se sont très largement internationalisées.
Cette collaboration internationale repose de façon importante sur des échanges d'informations concernant les mouvements de personnes et, surtout, de capitaux.
Ensuite, j'insisterai sur la particularité de cet accord.
Je rappelle que TRACFIN a conclu, depuis 1991, plusieurs accords de coopération bilatérale, que j'ai cités à l'instant.
Tous ces accords ont pris la forme d'arrangements administratifs signés entre le secrétaire général de TRACFIN et les responsables des cellules de renseignement financier des pays concernés.
L'accord avec le Mexique déroge à cette pratique de simples arrangements administratifs, car le président mexicain, ayant fait de la lutte contre la drogue l'une de ses priorités, a souhaité conférer une certaine solennité à la coopération franco-mexicaine en signant un texte au niveau intergouvernemental.
En conséquence, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter le présent projet de loi.
Applaudissements.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Est autorisée l'approbation de l'accord de coopération mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis du Mexique pour l'échange d'informations relatives à des opérations financières effectuées par l'entremise d'institutions financières pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent, signé à Paris le 6 octobre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre dans le domaine de l'enseignement (nos 80, 217).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les relations entre la France et Andorre sont anciennes et très spécifiques. Leur origine remonte au XIIIe siècle, lorsqu'une rivalité entre le comte de Foix et l'évêque d'Urgell pour la suzeraineté des vallées d'Andorre aboutit en 1278 au premier acte de paréage, c'est-à-dire de co-souveraineté et de partage de l'administration, qui attribua aux deux seigneurs des droits identiques sur Andorre. Les droits du comte de Foix passèrent ensuite successivement à la couronne de France, puis au Président de la République, qui a le titre de co-prince d'Andorre.
En 1989, les dirigeants d'Andorre se sont prononcés en faveur de l'élaboration d'une Constitution. Celle-ci fut adoptée en 1993, tandis que la France, l'Espagne et Andorre signaient un traité de bon voisinage, d'amitié et de coopération.
Après cette accession d'Andorre à la souveraineté internationale, il est devenu nécessaire d'officialiser par des accords les principaux domaines de coopération franco-andorrane, qui relevaient jusqu'alors de la coutume et du droit interne français.
C'est le cas en particulier pour l'enseignement, puisqu'une première convention décennale a été signée le 19 mars 1993 et une seconde le 24 septembre 2003 - celle qui vous est soumise aujourd'hui - organisant ainsi les relations dans le domaine de l'éducation entre la France et Andorre.
Ces relations vont au-delà d'une simple coopération puisque le système éducatif français fait partie intégrante du service public de l'éducation d'Andorre.
La création d'écoles primaires reconnues et subventionnées par le Gouvernement français avait été permise par un décret du 18 juin 1917. Un collège a été créé en 1972 et un lycée en 1979. Le réseau français scolarise aujourd'hui 3 600 élèves, soit environ 40 % des effectifs scolaires. Les autres élèves sont pris en charge par le réseau espagnol ou andorran. Ainsi, 337 personnes relevant du ministère français de l'éducation nationale sont affectées en Andorre.
L'enseignement français en Andorre, qui est gratuit et obligatoire, est à la charge des finances publiques françaises.
La reconnaissance par les deux pays de diplômes sanctionnant leurs enseignements est prévue par la convention.
La convention a également institué une commission mixte franco-andorrane, qui se réunit chaque année, pour l'enseignement, de caractère intergouvernemental.
L'étude de la langue et de la civilisation andorranes constitue l'une des stipulations essentielles de cette convention. Au nom de l'affirmation d'une identité andorrane forte, les autorités andorranes ont en effet souhaité un renforcement significatif de l'enseignement du catalan.
Parallèlement, les Andorrans sont très attachés au maintien du réseau éducatif français. Celui-ci permet en effet à Andorre de rééquilibrer ses relations avec notre pays, alors qu'il y a aujourd'hui plus d'habitants espagnols en Andorre que d'Andorrans et que l'utilisation du français tend à décliner. Cette convention est donc un instrument essentiel pour le maintien de la présence culturelle de la France et pour l'utilisation de notre langue en Andorre.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre dans le domaine de l'enseignement qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
Applaudissements.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, parmi les nombreux liens qui unissent notre pays à la Principauté d'Andorre figure la participation française au système d'éducation primaire et secondaire de ce pays. En effet, le secteur éducatif de la Principauté est assuré par la coexistence de trois systèmes, qui scolarisent chacun environ un tiers des élèves.
Le système andorran accueillait ainsi, durant l'année scolaire 2004-2005, 3 330 élèves répartis dans quatorze établissements primaires et secondaires. Le système espagnol, pour sa part, scolarisait 3 600 élèves, dans quinze établissements publics et privés. Enfin, le système français s'adressait à 3 700 élèves dans quinze établissements publics.
Cette présence française est ancienne, puisque c'est un décret de 1917 qui a institué les premières écoles publiques subventionnées par notre pays. Puis, un collège a été créé en 1972, et un lycée en 1979.
Le présent texte réaffirme la gratuité de l'enseignement offert par les établissements français.
En effet, la France prend financièrement en charge les enseignements assurés dans le cadre des programmes français, et la Principauté finance les enseignements de langue catalane et des institutions andorranes.
En 2004, notre pays a consacré aux établissements français d'enseignement en Andorre une dotation horaire globale de plus de 2 500 heures, pour un volume financier d'environ 15 millions d'euros.
Cet effort vise à pérenniser et à étendre la formation d'une élite francophone, comme vous le dites si bien, monsieur le secrétaire d'Etat. Je crois d'ailleurs qu'il faut que nous soyons très attentifs en matière de francophonie, notamment dans les pays qui nous sont proches, comme la Principauté d'Andorre, dont la langue officielle est le catalan et qui est spontanément tournée vers l'Espagne.
Mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande donc l'adoption de cette convention.
Applaudissements.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre dans le domaine de l'enseignement (ensemble deux annexes), signée à Andorre la Vieille le 24 septembre 2003 et dont le texte est annexé à la présente loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre ( n° 88, 215).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la négociation de l'accord franco-roumain relatif à l'emploi salarié des personnes à charges des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre a été menée promptement : en avril 2003, la Roumanie a émis le souhait de conclure avec la France un tel accord, qui a pu être signé à Paris le 21 novembre 2003, à l'occasion de la visite officielle en France du président Iliescu.
Cet accord de réciprocité a pour objet de permettre aux personnes à charge, essentiellement les conjoints des agents des missions diplomatiques ou consulaires, d'exercer une activité professionnelle salariée dans le pays d'accueil, alors que cette possibilité leur est normalement fermée en raison de leur statut de résident dérogatoire au droit commun et de l'existence de privilèges et immunités dont ils bénéficient en application des conventions de Vienne de 1961 et 1963 qui y font obstacle.
L'exercice d'une profession par les deux membres d'un couple correspond à l'évolution de la société et, en outre, s'avère souhaitable pour l'équilibre de celui-ci. La conclusion d'accords sur l'emploi des conjoints de diplomates est donc destinée à répondre au souhait de ces conjoints de ne pas interrompre leur carrière professionnelle pendant la durée de leur séjour à l'étranger et, en même temps, à faciliter les affectations à l'étranger des personnels servant dans les postes diplomatiques et consulaires, ou leurs services annexes.
Ces accords sont donc des instruments utiles pour la politique des ressources humaines du ministère des affaires étrangères et des autres administrations détachant des personnels à l'étranger, en particulier en élargissant le vivier des candidatures de qualité.
La France est liée par des accords comparables avec le Canada, l'Argentine, l'Australie, ainsi qu'avec un accord avec le Brésil. Des négociations ont été proposées à une dizaine d'autres pays, notamment d'Amérique latine.
L'entrée en vigueur de cet accord permettra ainsi aux conjoints de diplomates des deux pays d'exercer une activité professionnelle.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l'accord sur l'emploi des conjoints de diplomates qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'accord conclu entre la France et la Roumanie le 21 novembre 2003 vise à permettre aux personnes à charge des membres des missions diplomatiques, c'est-à-dire essentiellement aux conjoints, de pouvoir occuper un emploi salarié dans le pays de résidence.Ce texte s'ajoutera à la vingtaine de ceux de même type déjà conclus, ou en cours de négociation, depuis une quinzaine d'années.
A l'heure actuelle, notre ambassade à Bucarest compte une soixantaine de Français, et les effectifs de l'ambassade de Roumanie en France comportent une cinquantaine d'expatriés. Le ministre des affaires étrangères estime à une trentaine les bénéficiaires potentiels de l'accord dans l'un et l'autre pays.
C'est à la demande de Bucarest que cet accord a été conclu, car il facilitera l'affectation des diplomates roumains dans notre pays. En effet, la différence de niveau de vie entre la France et la Roumanie pourra être, au moins partiellement, compensée par les revenus tirés des emplois occupés par les personnes à charge.
L'économie roumaine connaît, certes, une croissance soutenue de près de 5 % par an depuis l'année 2000, et la Commission européenne a reconnu à ce pays le statut d'économie fonctionnelle de marché. Ce redressement de l'activité est soutenu par un flux important d'investissements directs étrangers, dans lequel la France occupe la deuxième place, avec plus de 10 % de parts de marché. Il s'agit là d'une évolution très positive, qui s'inscrit dans la perspective de l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne, prévue pour 2007.
Cet accord s'inscrit dans cette dynamique, et c'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande de l'adopter, mes chers collègues. Il contribuera, en effet, à faciliter la gestion de notre personnel diplomatique en poste à l'étranger et permettra aux diplomates roumains une affectation dans de bonnes conditions en France.
Applaudissements
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre, signé à Paris le 21 novembre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Le projet de loi est adopté.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2844 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur l'avenir de l'école.
Le rapport sera imprimé sous le n° 259 et distribué.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 23 mars 2005, à seize heures et le soir :
1. Examen de demandes d'autorisation présentées :
- par la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en vue de se rendre en Inde. Cette mission interviendrait dans le prolongement des travaux que cette commission consacre à l'étude des phénomènes de délocalisation des emplois de service ;
- par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en vue de se rendre au Canada pour étudier le processus de simplification du droit et de réforme de l'Etat et à Saint-Pierre-et-Miquelon, pour étudier les perspectives d'évolution statutaire de cette collectivité d'outre-mer.
2. Discussion du projet de loi (n° 172, 2004-2005) portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ;
Rapport (n° 251, 2004-205) de Mme Jacqueline Gourault, fait au nom de commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
3. Suite de la discussion des conclusions du rapport (n° 230, 2004-2005) de M. Jean Bizet fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur :
- la proposition de résolution (n° 177, 2004-2005) présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E-2520) ;
- sa proposition de résolution (n° 182, 2004-2005) présentée en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E-2520) ;
- la proposition de résolution (n° 209, 2004-2005) de MM. Robert Bret, Gérard Le Cam, Mmes Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Michel Billout, Yves Coquelle, Mme Eliane Assassi, M. François Autain, Mme Marie-France Beaufils, M. Pierre Biarnès, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Annie David, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, M. Robert Hue, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera et Jean-François Voguet, présentée en application de l'article 73 bis du règlement relative à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E-2520) ;
Avis (n°236, 2004-2005) de M. Denis Badré, au nom de la Délégation pour l'Union européenne.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale (n° 208, 2004-2005) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 23 mars 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 23 mars 2005, à seize heures.
Débat sur le rapport d'information (n° 25, 2004-2005) établi par MM. Joël Bourdin et Marc Massion, au nom de la commission des finances sur la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires (SOPEXA) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 25 mars 2005, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur :
- la proposition de loi tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples par un dispositif global de prévention, d'aide aux victimes et de répression, présentée par M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues (n° 62, 2004-2005) ;
- et la proposition de loi relative à la lutte contre les violences au sein des couples, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues (n° 95, 2004 2005) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 25 mars 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 24 mars 2005, à seize heures.
Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux (n° 183, 2004-2005) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 29 mars 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 29 mars 2005, à dix-sept heures.
Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux aéroports (A.N., n° 1914) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 30 mars 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 29 mars 2005, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures vingt.