Intervention de Jean-Pierre Plancade

Réunion du 22 mars 2005 à 16h00
Mesures européennes de lutte contre le terrorisme — Discussion d'une question orale européenne avec débat

Photo de Jean-Pierre PlancadeJean-Pierre Plancade :

L'interrogation est d'autant plus légitime que les moyens financiers dont dispose l'Union sont limités et que nombre de ces instruments ne sont pas pleinement utilisés, on le sait. A titre d'exemple, faute d'utilisation par les Etats membres, on a dû dissoudre, en décembre 2003, une cellule antiterroriste d'Europol.

La coordination, déjà difficile entre les Etats membres et l'échelon européen, devient, avec cette inflation, également problématique à l'intérieur de l'échelon européen. N'est-il pas temps d'opérer une vaste réorganisation, et pourquoi pas, d'envisager une structure un peu plus centralisée ?

Monsieur le ministre, je souhaite également attirer votre attention sur certaines carences patentes, notamment sur l'absence d'une législation européenne antiterroriste relative aux transports terrestres.

La sécurisation des transports est un enjeu majeur de la protection contre les attentats, et l'Union a pris nombre de mesures pour les transports maritimes et aériens. Pourtant, rien n'a été fait à propos des transports terrestres ! N'aurait-on pas tiré les leçons de Madrid ou de Moscou ? Je n'ose le croire. Vous en conviendrez, je n'en doute pas, il est urgent de rentrer dans ce dossier pour réparer cette erreur.

Nous le voyons bien, en dépit des efforts, le différentiel entre la volonté, l'ambition de la France, et la réalité reste encore important.

Avant de conclure, mes chers collègues, je souhaite aborder la question capitale de la protection de la vie privée des citoyens.

Sujet déjà sensible et complexe au niveau européen, la gestion des bases de données l'est encore plus dans le cadre d'accords avec des Etats tiers. Qui aura accès à ces informations ? Combien d'agences gouvernementales ? Quelle est la durée de conservation de ces données ? Dans quelles conditions de sécurité ?

Autant de questions auxquelles il faut répondre avant d'accepter la transmission de ces informations. Or, je rappelle que, sur cette question de la protection des données personnelles, nous avons déjà cédé beaucoup de terrain. Je pense à l'accord du 28 mai 2004 entre l'Union européenne et les Etats-Unis sur le traitement et le transfert des données personnelles des passagers pour les vols transatlantiques.

Alors que les députés européens avaient recommandé que le transfert se limite à dix-neuf données, trente-quatre ont été accordées. Alors qu'ils avaient souhaité de plus grandes garanties sur le partage de ces données avec des pays tiers, il n'en a rien été.

Ici même, au Sénat, nous avons d'ailleurs été à la pointe de l'opposition à cet accord, que beaucoup jugeaient excessif. La Commission a passé outre l'avis du Parlement européen. Elle en avait, certes, juridiquement le droit, mais était-ce là chose à faire ?

Je ne m'attarderai pas plus longtemps sur cet épisode, sinon pour dire que nous devons être plus vigilants, donc, changer de logique. Cessons de négocier avec un Etat tiers avant de nous être mis d'accord entre Etats membres. Le cas que je viens de citer est et restera comme le symbole d'une occasion manquée.

Enfin, monsieur le ministre, c'est en quelque sorte un appel à la vigilance sur les dérives du combat contre le terrorisme que je voudrais lancer. Ne laissons pas ce combat être récupéré ! Ne le laissons pas servir de prétexte au durcissement des législations sur l'asile et sur l'immigration ! Nous le savons, il y a, ici et là, des velléités pour faire de la lutte antiterroriste le cheval de Troie des vieux réflexes de repli et des politiques d'immigration réactionnaires.

Nous ne devons pas nous couper du monde au prétexte de nous protéger de quelques-uns. Monsieur le ministre, je crois savoir que vous venez de convaincre notre partenaire allemand d'adopter le code de contrôle aux frontières. Je le sais également, le prochain G5, qui aura lieu en mai, à Paris, portera sur cette question. Je vous demande donc quelle sera votre position et comment vous entendez oeuvrer pour éviter les amalgames et les dérives que je soulignais à l'instant.

Mes chers collègues, il y a un peu plus d'une semaine nous commémorions tristement les terribles attentats de Madrid. Avant-hier, le Japon commémorait les dix ans de l'attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo. Et, chaque année, nous repensons à la terrible tragédie du 11 septembre 2001.

Alors, il doit être redit fermement, clairement, qu'un acte terroriste contre des civils est un crime que rien ne justifie. Le terrorisme doit être combattu avec la plus grande détermination et la plus grande énergie, parce qu'un attentat terroriste est un acte contre la démocratie, contre la liberté et contre la paix. Il est le fruit d'idéologies totalitaires et dominatrices. Autant de choix qui sont à l'opposé des fondements de nos sociétés.

Les risques terroristes sont, d'abord et avant tout, un fléau dont nous cherchons à protéger nos sociétés. La France et l'Europe ne sont pas à l'abri de tels actes. En ces temps d'interrogations, nos concitoyens attendent de l'Europe des réponses concrètes et sûres. Ils veulent que l'Europe leur dise dans quel cadre ils vont vivre, quelle sera cette société nouvelle dans laquelle vivront leurs enfants. Ils veulent, surtout, être débarrassés du terrorisme, ce paramètre qui doit malheureusement être pris en compte.

Alors, monsieur le ministre, pensez-vous que l'Europe soit aujourd'hui à la hauteur de ces ambitions ?

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