Intervention de Paul Girod

Réunion du 22 mars 2005 à 16h00
Mesures européennes de lutte contre le terrorisme — Discussion d'une question orale européenne avec débat

Photo de Paul GirodPaul Girod :

A également été instituée, et c'est peut-être plus intéressant, une évaluation par les pairs des politiques de défense et de sécurité des différents pays. Je crois d'ailleurs que nous aurons l'occasion d'en reparler au sein de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Je voudrais maintenant soulever un certain nombre de questions.

Tout d'abord, cet activisme verbal relatif au terrorisme que j'ai évoqué débouche actuellement sur une nouvelle forme d'activisme, dont j'ai récemment eu l'occasion de prendre la mesure et qui tend, me semble-t-il, à détourner l'attention que l'on peut porter aux nécessaires obligations de solidarité au sein de l'Union européenne, pourtant rappelées avec force, vers l'assistance aux populations éprouvées par des catastrophes naturelles : l' « effet tsunami » est en voie de modifier assez profondément, à Bruxelles, les comportements et les préoccupations.

Ma première question sera donc la suivante : que pensez-vous de cette évolution, monsieur le ministre, et quels sont les moyens de faire en sorte que les mesures nécessaires que nous envisageons de prendre, à l'échelon européen, pour venir en aide au reste du monde en cas de catastrophe naturelle ne servent pas de prétexte à un arrêt de la réflexion sur ce que l'Europe a à faire en matière de prévention et de traitement du terrorisme ?

Par ailleurs, j'ai souligné à plusieurs reprises que les recommandations et les résolutions émises par les instances européennes faisaient référence à la participation du public. A cet instant, je voudrais saluer l'exemple que nous a donné le peuple espagnol à l'occasion des attentats du 11 mars 2004 ; ces derniers n'ont d'ailleurs pas eu, d'après ce que nous pouvons en savoir, l'effet escompté par leurs auteurs, dans la mesure où les explosions se sont produites dans des trains éloignés les uns des autres, alors que tout avait été calculé pour que plusieurs au moins des bombes éclatent en gare d'Atocha, ce qui aurait provoqué une catastrophe majeure.

Quoi qu'il en soit, les personnes présentes sur les lieux des attentats ont réagi avec une discipline assez extraordinaire, et la mise en place du dispositif de secours, y compris l'arrivée des camions de transfusion sanguine, n'a pris qu'un quart d'heure. Cela montre qu'une population informée et préparée se comporte très différemment d'une population non préparée, qui risque de s'affoler, ce qui peut imposer de faire garder les hôpitaux par la troupe, mesure qui ne serait pas de nature à apaiser l'émotion générale !

Ma deuxième question, monsieur le ministre, portera donc sur les dispositions qu'il est envisagé de prendre à cet égard à l'échelon européen. Je relève, d'ailleurs, que le rapporteur de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen a proposé la création d'une fondation européenne des victimes du terrorisme : une telle mesure de solidarité permettrait, d'une certaine manière, de faire contrepoids aux effets de l'information du public sur les risques terroristes, puisque l'on prétend, dans ce pays, que respecter l'obligation de vérité peut aboutir à affoler inutilement l'opinion. On doit la vérité à nos concitoyens, sur le terrorisme mais aussi sur les mesures de solidarité qui leur seraient directement accessibles le cas échéant.

Ma troisième question concernera la préparation, la formation et l'entraînement des unités d'intervention contre le terrorisme.

Monsieur le ministre, vous savez mieux que quiconque que les pays européens sont très divers sur les plans de l'organisation, des traditions, des méthodes et des procédures. On a cependant pu le constater, des complémentarités existent. Par exemple, lors des inondations d'Arles, nous avons pu trouver en Allemagne et en République tchèque des pompes d'un débit suffisant pour faire face aux difficultés que nous rencontrions.

Or, en matière d'attentats, la mise en oeuvre des complémentarités et la mobilisation des moyens à l'échelon européen doivent être préparées, les personnels entraînés à travailler ensemble, les procédures rendues conciliables, les systèmes de communication interopérationnels mis au point. Je crois d'ailleurs savoir que les exercices de sécurité civile du type EURATOX ont mis en évidence l'importance de ce dernier aspect et l'intérêt de former des officiers de liaison dans toute l'Europe.

En effet, dans l'hypothèse de la survenue d'un attentat, on pourrait dénombrer non pas 150 ou 200 victimes - chiffre retenu dans le cadre des exercices que nous organisons régulièrement en la matière -, mais bien plutôt 1 000, 2 000 ou 3 000 ; les statisticiens parlent froidement de « kilomorts ». Je crois que nous devons en être conscients, et c'est un élément que je voulais verser au débat. Les autorités et les services d'intervention doivent être prêts à affronter de telles situations.

A ce propos, vous semble-t-il logique, monsieur le ministre, que la recherche et le développement sur des sujets aussi graves soient confiés à la Direction générale de l'environnement de la Commission européenne ? Cela me ramène à la remarque que j'ai formulée tout à l'heure à propos de l' « effet tsunami ».

Enfin, ne pourrait-on imaginer que la France prenne une initiative sur ce plan, afin de mettre en place un centre de formation, d'expérimentation et de liaison, qui profiterait aussi à nos partenaires ? Voilà trois jours, à Bruxelles, j'ai entendu dire que les instances européennes attendent qu'un Etat membre prenne une telle initiative. Vous savez que le site de Cambrai est cher à mon coeur, monsieur le ministre, mais ce n'est pas uniquement pour cette raison que je vous fais cette suggestion !

Monsieur le ministre, nous connaissons votre détermination, et nous savons en outre que le Président de la République a démontré à de nombreuse reprises, notamment en adoptant une attitude parfaitement responsable lors des crises internationales, toute l'attention qu'il portait à la sécurité de notre pays.

Cela étant, la crise que nous risquons de connaître à l'avenir sera une crise majeure, de dimension européenne et découlant peut-être de problématiques internationales, bien que nous sachions maintenant que les attentats de Madrid n'étaient pas liés à la crise irakienne, puisqu'ils étaient en préparation bien avant le déclenchement de celle-ci. Le cas échéant, nous aurons besoin de l'assistance de nos partenaires de l'Union européenne et nous devrons, réciproquement, leur venir en aide.

Dans cette optique, nous souhaitons que les choses évoluent dans le bon sens à Bruxelles, et nous comptons beaucoup sur vous à cette fin.

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