Intervention de Dominique de Villepin

Réunion du 22 mars 2005 à 16h00
Mesures européennes de lutte contre le terrorisme — Discussion d'une question orale européenne avec débat

Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord vous dire ma satisfaction de répondre devant la Haute Assemblée à votre invitation. Permettez-moi de saluer, en particulier, le président de la délégation pour l'Union européenne, M. Hubert Haenel. Sur ces questions, je connais, monsieur le sénateur, votre engagement et votre compétence, qui sont d'ailleurs partagés par les membres de la délégation.

Je tiens à saluer également MM. Bret, Girod, Pelletier, Plancade et Zocchetto pour la grande qualité de leurs interventions sur ce sujet majeur et difficile.

Terre, terreur, terrorisme, voilà bien la terrible litanie, quand l'homme vient à enflammer la terre, à conjuguer la terre et le feu, la force et la foudre avec la haine et la folie.

Face à ce mal, l'Europe et la France ont vocation à tracer un chemin d'exigence et d'exemplarité. Je veux vous remercier d'y contribuer si excellemment les uns et les autres cet après-midi.

Face au terrorisme, nous avons deux atouts.

Notre premier atout, c'est notre unité. Voilà pourquoi j'attache tant d'importance à notre rencontre aujourd'hui. Un an après les attentats de Madrid, à quelques semaines du référendum sur la Constitution européenne, il est essentiel que la représentation nationale puisse échanger avec le Gouvernement sur une question qui concerne chaque citoyen, chacun d'entre nous.

Notre second atout, c'est l'Europe. Préoccupation récente de l'Union européenne, la lutte contre le terrorisme est cependant devenue prioritaire après les attentats du 11 septembre 2001 et du 11 mars 2004 à Madrid, une priorité illustrée notamment par la stratégie de sécurité pour l'Europe, définie en décembre 2003, puis, surtout, par les conclusions du Conseil européen du 24 mars 2004, qui constituent un véritable programme.

L'évolution de la menace impose plus que jamais de porter la lutte contre le terrorisme à l'échelle européenne.

Le terrorisme a changé.

Il a d'abord changé dans son organisation, se composant dorénavant de cellules autonomes aux ramifications mouvantes, implantées pour certaines dans la société européenne, plus difficiles à appréhender qu'une structure hiérarchique et rigide.

Pour autant, il n'existe pas de génération spontanée de terroristes. Ces cellules semblent garder un lien à l'extérieur du territoire avec des membres d'Al-Qaida. Nous l'avons constaté lors de l'enquête sur les attentats de Madrid, qui a mis en évidence un lien entre le Groupe islamique des combattants marocains et un haut responsable d'Al-Qaida.

Le terrorisme a ensuite changé dans ses méthodes.

Pour accroître leur capacité de destruction, certains groupes tentent d'accéder à des armes de destruction massive, notamment chimiques, biologiques et radiologiques. Le démantèlement, en décembre 2002, par la direction de la surveillance du territoire de la cellule de Romainville - La Courneuve, qui préparait des attentats au gaz cyanuré, en est un bon exemple. Nous poursuivons l'enquête et nous avons arrêté trois individus liés à cette cellule au mois de janvier et deux autres mardi dernier.

Nous savons également qu'il n'est pas exclu que certains individus puissent un jour perpétrer des attentats suicides en Europe comme sur notre sol.

Sur le plan opérationnel, nous avons deux préoccupations essentielles.

D'abord, les filières de recrutement. En France et dans d'autres pays d'Europe, des cellules islamistes s'efforcent de monter des filières pour conduire de jeunes adultes à l'étranger, soit dans des camps d'entraînement, soit dans des madrasas fondamentalistes. L'Irak est l'une de ces destinations, avec l'Afghanistan et la Tchétchénie. De telles filières peuvent exister sur notre territoire, comme l'a démontré le démantèlement récent d'une filière dans le XlXe arrondissement de Paris. Le risque principal est de voir ces jihadistes revenir ensuite en France pour y commettre, forts de leur expérience, des attentats.

Je vois un deuxième motif de préoccupation dans la mouvance islamiste radicale, qui s'efforce d'étendre son influence, notamment dans les grands centres urbains. Or, comme en témoignent tous les rapports des renseignements généraux dont je dispose, il existe aujourd'hui une continuité entre, d'une part, les prédicateurs extrémistes, les planificateurs des attentats, c'est-à-dire les organisateurs et, d'autre part, les « petites mains », les poseurs de bombes.

Confrontés à cette menace, nous avons adapté notre réponse nationale, nous fixant deux objectifs.

Premier objectif : doter notre pays d'une stratégie cohérente en présence d'une menace dont nous ne pouvons exclure qu'elle soit durable. J'ai lancé, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, l'élaboration d'un Livre blanc contre le terrorisme, un livre concernant notre sécurité intérieure face au terrorisme. J'assurerai personnellement le pilotage de la rédaction de ce Livre blanc.

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