Je vous remercie de nous donner la parole sur un sujet éminemment important pour nous, car il a porté atteinte à nos institutions. L'objet de l'audition est non pas d'entrer dans le détail mais de recentrer le débat sur ce qui nous paraît fondamental, qui est pourtant éludé dans les différentes interventions que l'on entend.
Ce qui importe est, selon nous, de savoir quelles étaient les fonctions, les missions de M. Benalla et d'autres personnes, comme M. Crase. Il suffit de regarder les vidéos et les photographies qui circulent pour le voir : tout en ayant le titre de chef de cabinet adjoint du Président de la République, M. Benalla s'occupait directement de la sécurité rapprochée du Président de la République ; il était, soyons clairs, son garde du corps. On le voit en permanence sur les vidéos à moins de cinquante centimètres du Président. Ce monsieur, même si on nous le présente comme quelqu'un qui s'occupait des bagages des joueurs de l'équipe de France de football - ce qui est étonnant, surtout après sa suspension - avait un titre qui lui conférait un véritable pouvoir, notamment aux yeux de l'autorité que nous incarnons.
Pourtant - c'est là que réside le problème -, il y a au sein du ministère de l'intérieur le service de la protection (SDLP), ancien service de protection des hautes personnalités, qui intègre le groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR). Plusieurs dizaines de personnes sont chargées au quotidien de la sécurité rapprochée du Président de la République ; ce sont des policiers ou des gendarmes, à la tête desquels se trouvent un colonel de la gendarmerie et son adjoint, un commissaire de police. Ces agents sont formés et aguerris, ce sont des professionnels de la sécurité. Or on se rend compte qu'un certain nombre de personnes - M. Benalla, M. Crase, peut-être d'autres - ont des prérogatives que l'on n'arrive pas à bien identifier et qui, par leur positionnement et la voix qu'ils portent, celle de la présidence de la République, se voient conférer une autorité naturelle sur des forces de sécurité intérieure, qui devraient avoir cette autorité.
Notre problème est de savoir si ces gens doivent ou non exister. À mon avis, la réponse est claire : on a des gens au GSPR - presque quatre-vingts personnes - qui sont payés par nos concitoyens pour le faire. Pourquoi en employer d'autres ? Y a-t-il une défiance de la présidence de la République vis-à-vis des forces de l'ordre ? Si on ne les utilise pas, il doit y avoir une raison. En outre, cela pose des difficultés à nos collègues chargés de la sécurité du Président de la République ; avoir en permanence dans les pattes des personnes qui se substituent à eux pour faire de la sécurité rapprochée un jour et participer à des réunions de préparation le lendemain doit être assez étonnant.
La confusion des rôles, l'ambiguïté des fonctions de M. Benalla et des gens qui l'entourent posent de graves problèmes sur la lisibilité des instructions qu'ils pourraient être amenés à donner à nos collaborateurs. Je le rappelle, un certain nombre de policiers ont été suspendus et mis en examen pour avoir communiqué des informations indues à M. Benalla. Je veux bien qu'ils aient commis des erreurs, mais, quand des personnes se présentent comme l'émanation de l'autorité suprême et sollicitent des éléments auprès de policiers, il est très difficile d'y résister. Le coeur du problème est donc de savoir quelles sont les missions de ces gens-là et s'ils ont une raison d'être. À mon avis, je le répète, ils n'en ont pas, car le GSPR est chargé de la sécurité rapprochée de la présidence de la République.