Intervention de Jean-Pierre Sueur

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 juillet 2018 à 8h30
Audition de la fédération de force ouvrière fo organisation professionnelle de policiers

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

Je m'associe à l'hommage rendu par Muriel Jourda à la gendarmerie, pour laquelle nous avons de l'estime. Nous sommes élus de territoires et nous connaissons bien nos communes ; nous avons de nombreux contacts avec la gendarmerie, dont nous apprécions le travail.

Nous avons parfois des contacts informels avec les gendarmes et, pour en avoir eu récemment, je ne peux vous cacher qu'il y a des interrogations sur l'ascension rapide de M. Benalla à son grade. Vous avez cité Georges Brassens - « le temps de fait rien à l'affaire » - et vous eussiez pu citer Corneille - « la valeur n'attend point le nombre des années ». Toutefois, nous connaissons dans la réserve de jeunes gens brillants et compétents mais qui ne bénéficient aucunement de cet avancement extrêmement accéléré. Lieutenant-colonel, même dans la réserve, ce n'est pas rien. Ce qui s'est passé vous paraît-il habituel ?

Général Richard Lizurey. - Merci de cette question qui me donne l'occasion de préciser davantage mon propos liminaire. J'ai entendu les interrogations exprimées en interne. J'ai eu beaucoup de remontées de personnels d'active et de réservistes depuis la semaine dernière ; elles manifestent parfois une colère très claire. J'ai fait oeuvre de pédagogie par écrit envers mes personnels, au moyen d'éléments techniques, et j'ai expliqué par visioconférence aux commandants de région certaines choses.

Il n'y a pas eu d'avancement, ce n'est pas une ascension de carrière. Ce sont deux statuts différents. M. Benalla faisait partie de la réserve opérationnelle de sécurité publique, à un grade, qu'il conserve. S'il revient dans cette réserve, il reprendra son grade initial de réserviste opérationnel de sécurité publique.

Le grade dans la réserve spécialiste est un grade temporaire, qui n'emporte aucune prérogative de puissance publique ni de commandement. Il ne s'agit pas d'une logique d'avancement ; ce sont deux statuts complètement différents. Évidemment, on a l'impression, en regardant la cinétique, qu'il est passé de tel grade à tel autre, mais ce n'est pas le même statut. Cela peut susciter des interrogations, de la colère ; je le comprends.

Je m'en suis expliqué avec mes troupes, je continuerai de le faire, mais c'est une décision que j'ai prise en mon âme et conscience par rapport au niveau auquel je souhaitais employer M. Benalla. Il devait être un personnel ressource dans le cadre d'un groupe de réflexion sur la protection des personnels et des infrastructures, et il devait travailler dans ce cadre avec des généraux et des officiers supérieurs, notamment des colonels.

Or, dans le monde militaire - pardon d'être un peu trivial -, quand on discute, le premier réflexe consiste à regarder les épaulettes, le « code-barres ». On peut le regretter, mais c'est la vérité. Quand on a affaire à un officier subalterne, on a tendance à dénigrer ce qu'il dit ; c'est la réalité. Il me paraissait donc important, pour que cette réflexion soit intelligente, que je le positionne à un niveau où les gens l'écouteraient. Mais, encore une fois, ce grade n'emporte aucune conséquence ni aucune autorité quelconque sur quelque personnel de la gendarmerie que ce soit.

Ma question suivante est très précise ; elle porte sur les évènements qui se sont déroulés à l'aéroport de Roissy, à l'occasion du retour de l'équipe de France de football, dont la sécurité était assurée par la gendarmerie nationale. On nous dit que, M. Benalla étant présent, il y a eu quelques discussions, voire quelques problèmes. Je veux savoir ce qu'il s'est passé. Les relations entre le responsable de la gendarmerie et M. Benalla ont-elles été d'une totale sérénité et d'une complémentarité claire ?

Plus largement, ne pensez-vous pas que l'on est face à un système insatisfaisant - c'est peut-être le fond de cette mission d'information -, en raison des interférences constantes ? Nous considérons, dans cette commission, qu'il y a la gendarmerie, avec ses structures et son commandement - c'est logique et cela fonctionne correctement ainsi -, ainsi que le groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) - des gendarmes, des policiers et une autorité qui est en lien avec la police nationale, la gendarmerie nationale et le ministre de l'intérieur -, et que, si des personnes qui ne font pas partie de la police ni de la gendarmerie interviennent tout le temps, avec d'éventuels désaccords, altercations et injonctions, il y a un problème. Quel jugement portez-vous sur les relations entre M. Benalla et les gendarmes et le commandement de la gendarmerie ; sur le fond, que pensez-vous de la situation ainsi créée ?

Général Richard Lizurey. - Je n'ai eu connaissance de l'événement de Roissy auquel vous faites référence que par l'appel téléphonique d'un journaliste. C'est le signe qu'il s'agissait d'un incident mineur et pas d'un clash majeur. Je me suis renseigné auprès du commandant de la gendarmerie des transports aériens, responsable de la zone concernée, qui m'a confirmé que le commandant de la compagnie avait renvoyé M. Benalla vers l'autorité légitime, à savoir le préfet chargé de la sécurité dans les aéroports, sans avoir à déplorer d'altercation. De manière plus large, lors des différents déplacements officiels, je n'ai pas eu connaissance d'incidents résultant de ce que M. Benalla aurait voulu imposer ceci ou cela.

À chaque déplacement officiel, le préfet organise des réunions et le commandant de groupement local dont la zone de compétences est concernée définit clairement les responsabilités dans une note de service. Seuls les gendarmes interviennent sans aucune immixtion de qui que ce soit.

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