Intervention de André Boyer

Réunion du 22 mars 2005 à 16h00
Accords avec la république de colombie et la république de macédoine relatifs à la coopération en matière de sécurité intérieure — Adoption de deux projets de loi

Photo de André BoyerAndré Boyer, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la République de Macédoine est un pays jeune et un Etat fragile. Elle a pris tardivement son indépendance, en 1991, qu'elle a négociée de manière pacifique avec Belgrade après avoir constaté l'irréversibilité de la désintégration de la fédération yougoslave.

Depuis son indépendance, la République de Macédoine met en place des réformes structurelles.

Le gouvernement macédonien a défini trois priorités d'actions, dont la deuxième, vitale pour l'avenir du pays, a pour objet de lutter contre la corruption et le crime organisé.

Il est indispensable d'aider ce pays à lutter contre la criminalité. L'activité criminelle, en effet, y reste très préoccupante. Un plan de réforme de la police se met en place, des projets de réforme de la justice s'organisent, mais la situation est très critique dans différents domaines criminels.

Le territoire macédonien est traversé par la « route des Balkans », utilisée pour les trafics de stupéfiants comme pour la traite des êtres humains.

Deux voies de pénétration sont utilisées pour les divers trafics, notamment ceux de la drogue, l'une par le sud - Turquie, Bulgarie, Macédoine, Grèce, ou Albanie, et Italie -, l'autre par le nord - Turquie, Bulgarie, Macédoine, Kosovo et Serbie.

Le recours à la route des Balkans a été favorisé par le différend opposant la République de Macédoine à la Grèce, laquelle n'a pas admis la reconnaissance de l'indépendance de ce territoire et a fermé leur frontière commune le 16 février 1994, provoquant une tension majeure entre les deux pays.

Dans un contexte diplomatique très dégradé, où la Grèce contestait à la Macédoine son nom et son drapeau, cette dernière n'a été admise à l'origine à l'ONU, en avril 1993, que sous le nom d'ex-République yougoslave de Macédoine ou FYROM, Former Yugoslav Republic of Macedonia.

Ces événements historiques forts, qui ont marqué la naissance de la jeune République macédonienne, contribuent largement à expliquer les problèmes de sécurité intérieure auxquels elle est confrontée aujourd'hui et qui confèrent une réelle importance à l'assistance que notre pays peut lui apporter.

En effet, la fermeture en 1994, par la Grèce, de toute la frontière gréco-macédonienne, avec, par voie de conséquence, la suppression, pour la République de Macédoine, de l'accès au port de Salonique, a bouleversé les voies commerciales macédoniennes. Pour éviter la paralysie des échanges commerciaux avec l'extérieur, devant l'impossibilité d'emprunter l'axe nord-sud, la République de Macédoine a dû se rabattre sur l'axe est-ouest, la « route des Balkans », usage qui a perduré malgré la réouverture de la frontière gréco-macédonienne en octobre 1995.

Le territoire macédonien est aujourd'hui un « territoire clé » des trafics criminels balkaniques, notamment dans les domaines de la drogue et de la traite des êtres humains.

En ce qui concerne le trafic de drogue, les plus récentes statistiques sont alarmantes. Durant les trois derniers mois de 2003, la police a saisi plus de 200 kilogrammes de drogue, dont 54 kilogrammes d'héroïne, 150 kilogrammes de haschisch et 1898 pilules d'ecstasy. Au cours des premiers mois de 2004, 57 kilogrammes d'héroïne, 250 kilogrammes de haschisch et 65 kilogrammes de cocaïne ont été saisis. De juin à septembre, cinq filières ont été démantelées et dix-neuf personnes ont été arrêtées. La majorité de l'héroïne saisie en 2005 vient de Turquie. En janvier, 40 kilogrammes ont été saisis en provenance d'Albanie.

En ce qui concerne la traite des êtres humains, les filières en provenance d'Ukraine, de Roumanie, de Moldavie et de Bulgarie sont activées en Macédoine. Peu d'opérations visant à la contrarier ont été réalisées par la police criminelle, laquelle est en pleine restructuration.

Dans le domaine de la prostitution, la Macédoine est devenue un réceptacle et un lieu de transit. Des jeunes femmes en provenance non seulement de Moldavie - aujourd'hui, le pays le plus pauvre d'Europe -, mais aussi d'Ukraine, de Bulgarie et de Roumanie, sont attirées par des réseaux mafieux en Macédoine et y restent bloquées pour être acheminées clandestinement et massivement en Europe occidentale.

En 2003, un rapport des Nations unies sur le bilan des droits de la personne relevait « l'utilisation de la Macédoine comme pays de transit et de destination, notamment pour la traite de femmes et d'enfants à des fins de prostitution ».

Dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine, le ministère de l'intérieur a intensifié la formation des policiers et la création d'une police aux frontières, mais ce problème demeure toutefois crucial. Les immigrants sont d'origine albanaise, moldave, roumaine, bulgare et turque.

Le développement de ces différentes formes de criminalité a justifié qu'un accord franco-macédonien en matière de sécurité intérieure ait été signé le 18 décembre 2003 à Skopje.

Les accords de coopération en matière de sécurité intérieure se présentent comme des « accords-cadres » fixant les principes généraux de la coopération policière. Ils marquent également la volonté politique des pays partenaires de coopérer en matière de sécurité intérieure et de faciliter l'assistance mutuelle.

Ils posent le principe d'une coopération opérationnelle et technique, ainsi que d'une assistance mutuelle entre les deux parties, dans toute une série de domaines touchant à des activités criminelles à dimension internationale.

Notre pays et les nations européennes ont un intérêt tout particulier à conclure des accords de coopération en matière de sécurité intérieure avec la Macédoine, compte tenu de sa position géographique, qui favorise tous les flux criminels. En effet, comme vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, elle a une frontière commune avec un Etat Schengen, la Grèce, et une autre avec un futur membre de l'Union européenne, la Bulgarie.

Les domaines de coopération bilatérale envisagés sont les suivants : la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants, le blanchiment de fonds, le terrorisme, la traite des êtres humains, le trafic d'armes et de matières nucléaires, le trafic d'objets d'art, les contrefaçons, l'immigration illégale, la sécurité des transports, la police technique et scientifique, le maintien de l'ordre et la formation des personnels.

La coopération en matière de lutte contre la drogue prévoit des échanges d'informations et d'échantillons.

S'agissant de la formation des personnels, un certain nombre d'actions de coopération sont programmées pour 2005.

Il s'agit, tout d'abord, de l'appui à la réforme de la police, que deux actions concrétisent : la création d'une unité des missions spéciales de type RAID - Recherche Assistance Intervention Dissuasion -, laquelle est opérationnelle, et la mise en place de formations cynotechniques faisant suite à la création d'un centre de formation en 2004.

Il s'agit, ensuite, de l'appui à l'académie de police. Quatre classes de soixante élèves suivront des cours de français durant les quatre années de la scolarité de l'Académie supérieure de police.

Il s'agit, enfin, de l'appui à la lutte contre la criminalité organisée, grâce à deux manifestations : le séminaire de lutte contre la fraude documentaire et le séminaire sur la sûreté aéroportuaire.

Pour conclure, je préciserai que la République de Macédoine a actuellement signé des accords de coopération en matière de sécurité intérieure avec la Serbie, la Bulgarie, la Roumanie, l'Albanie et l'UNMIK - United Nations Interim Administration Mission in Kosovo - ; mais le seul accord de ce type avec un pays européen est celui qui a été signé avec la France le 18 décembre 2003.

Jusqu'alors, la coopération française avec la République de Macédoine n'était fondée sur aucun texte. Pour formaliser les échanges et placer cette coopération dans un cadre juridique clairement défini, il s'est donc avéré utile, pour chacune des parties, de signer cet accord de coopération en matière de sécurité intérieure, lequel organise notamment, entre la France et la République de Macédoine, les échanges d'informations et la communication de données nécessaires à la lutte contre la criminalité organisée, les filières de proxénétisme et les trafics de drogue. Cet accord favorisera non seulement les échanges réciproques de renseignements, mais aussi leur traitement dans un délai écourté.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande d'adopter le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre la France et la République de Macédoine.

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