Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 26 juillet 2018 à 8h30
Audition de M. Jacques Toubon défenseur des droits

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président :

Un aspect important des questions posées est celui dégagé par Jean-Yves Leconte sur l'existence tout à fait officielle de proches conseillers du Président de la République qui sont également des proches conseillers du Premier ministre. C'est la première fois dans l'histoire de nos institutions que ce choix a été fait.

Vous nous dites que vous ne voyez pas ce qu'il pourrait y avoir de contraire à la séparation des pouvoirs dans cette forme d'organisation. C'est pour nous un questionnement important car le titre de la Constitution traitant des responsabilités du Gouvernement est bien sûr distinct du titre de la Constitution qui traite de la responsabilité du Président de la République. Ces responsabilités ne sont pas de même nature.

Le Gouvernement dispose de l'administration et de la force armée. Lui seul exerce à travers les ministres une autorité sur les directeurs d'administration centrale. Le Premier ministre, à travers son cabinet, prend des décisions. Ces décisions figurent dans les relevés de conclusion des réunions interministérielles que l'on appelle communément « les bleus ». Si un conseiller du Président de la République est également conseiller du Premier ministre, l'on est en droit de se demander si la décision du Gouvernement est une décision du Président de la République ou une décision du Gouvernement.

Or, le Président de la République, de par son statut constitutionnel, n'est pas responsable, ni devant le Parlement ni sur le plan pénal, pendant la durée de ses fonctions et pour les décisions qu'il prend en application de ses compétences constitutionnelles. Le Gouvernement, quant à lui, est responsable devant le Parlement. Si bien que, quand un conseiller du Premier ministre prend une décision qui a été validée sous forme de « bleu » de Matignon, pour utiliser le langage commun, cette décision engage la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement et peut faire l'objet d'un contrôle du Parlement au titre de sa mission de contrôle du Gouvernement.

Néanmoins, si cette décision peut apparaître comme une décision d'un collaborateur du Président de la République, la situation est tout autre. Je crois donc qu'il y là une véritable question sur la séparation des pouvoirs dans un régime de dualité de l'exécutif entre présidence de la République et Gouvernement, qui mérite d'être posée. De ce point de vue, il me semble que la question de M. Jean-Yves Leconte est tout à fait légitime.

Ce qui fait l'objet de notre commission d'enquête est justement l'interférence entre un conseiller de la présidence de la République avec le fonctionnement normal d'une opération de maintien de l'ordre. Je suis donc obligé de vous dire, de même que vous avez fait examiner à la suite de notre audition d'hier du directeur de cabinet la question des déclarations d'intérêts et de patrimoine des collaborateurs du Président de la République auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qu'il y a là de mon point de vue une sorte de désordre institutionnel et de confusion à laquelle je crois qu'il serait bon de remédier. J'ai bien entendu la réponse que vous nous avez faite tout à l'heure.

Je crois que, avec beaucoup de spontanéité vous avez considéré qu'il n'y avait pas de problème et que personne ne vous l'avait signalé. Je vous le signale, parce que ce n'est ni une question simple, ni une question banale. Il s'agit de la fusion du Gouvernement et de la présidence de la République, fusion qui n'est pas prévue par la Constitution.

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