Intervention de Maryse Bergé-Lavigne

Réunion du 22 mars 2005 à 16h00
Accords avec la bosnie-herzégovie et la lybie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements — Adoption de deux projets de loi

Photo de Maryse Bergé-LavigneMaryse Bergé-Lavigne, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 1er septembre 1969, lorsqu'un groupe de jeunes officiers renversa la royauté et proclama la République, s'ouvrit une ère nouvelle dans l'histoire de la Libye. Le gouvernement révolutionnaire, dirigé par le colonel Muammar al-Kadhafi, afficha d'emblée un nationalisme intransigeant, exigeant l'évacuation immédiate des bases anglo-saxonnes. L'administration, l'éducation et le domaine culturel furent intégralement arabisés. En 1973, les sociétés pétrolières furent nationalisées.

En 1977, le colonel Kadhafi proclama la Jamahiriya, Etat des masses, sous le couvert duquel il renforça son pouvoir personnel. Le régime libyen se radicalisa. La Libye prit la tête, aux côtés de la Syrie, du « front de la fermeté », rassemblant à partir de 1978 les Etats arabes hostiles à toute négociation avec Israël. En 1980, Kadhafi rompit avec le Fatah, principale branche de l'Organisation de libération de la Palestine, dont il soutint, dès lors, l'aile la plus radicale. La Libye se trouva ainsi dans une situation d'isolement international.

De plus, la Libye fut accusée par les Etats-Unis, par le Royaume-Uni et par la France d'être impliquée dans deux attentats aériens contre des avions de ligne : l'un américain, qui explosa en vol en 1988 au-dessus de Lockerbie, en Ecosse ; l'autre français, qui s'écrasa dans le Ténéré en 1989. En 1992, un embargo aérien et militaire fut décidé par le Conseil de sécurité des Nations unies.

La Libye est actuellement réintégrée au sein de la communauté internationale, après avoir accepté en 2003 de verser des compensations aux familles des victimes des deux avions de ligne, et après que Muammar Kadhafi eut annoncé l'abandon par son pays des programmes d'acquisition et de développement d'armes de destruction massive. Le 12 septembre 2003, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté la levée des sanctions contre ce pays.

Si la situation économique de la Libye est prospère grâce à la rente pétrolière, elle est encore largement administrée et dépendante du pétrole. La production de pétrole a sensiblement progressé en 2004, passant au-dessus du quota fixé par l'OPEP, de 1, 4 à 1, 7 million de barils par jour.

Compte tenu de sa faible population, 5, 8 millions d'habitants, la Libye est l'un des pays les plus riches d'Afrique.

Dans cette économie dirigée, l'Etat administre les prix, les salaires, le crédit, les taux, et contrôle plus de 70 % du PIB. Enfin, la population vit dans un système d'assistanat fondé sur la rente pétrolière : gratuité des logements et de beaucoup de services.

En ce qui concerne les mesures de libéralisation de l'économie, le Premier ministre, M. Choukri Ghanem, a engagé la privatisation partielle du secteur public libyen en 2003, avant la création, à moyen terme, par la Banque centrale, d'une bourse des valeurs. La privatisation d'une centaine de petites entreprises a déjà été réalisée localement. Le secteur du ciment était en cours de privatisation auprès d'entreprises étrangères avant la fin 2004 et le secteur agroalimentaire devrait suivre en 2005.

Des réformes de l'administration demandées par le FMI sont en cours de réalisation, notamment dans le secteur bancaire.

De nouveaux investissements dans l'exploration pétrolière sont nécessaires afin de maintenir et de développer la production d'hydrocarbures, que le Premier ministre évalue à 30 milliards de dollars jusqu'en 2010.

Il en va de même de la politique des grands travaux. La Libye devra poursuivre son plan de modernisation des infrastructures déjà bien entamé : réseau de lignes à très haute tension, établissement de réseaux téléphoniques fixes et mobiles, transports aériens.

Le retour à un commerce normal et à des relations économiques avec les autres pays permettra à la Libye de retrouver le chemin du développement économique, industriel et social.

Le Premier ministre M. Choukri Ghanem, favorable aux privatisations, a indiqué que le secteur pétrolier ne serait ouvert que progressivement aux investisseurs étrangers. Il a mis en oeuvre une réforme économique unifiant le système du taux de change. Celle-ci a provoqué une dévaluation de la monnaie, destinée à améliorer la compétitivité des sociétés libyennes et à attirer les investissements étrangers.

Du secteur pétrolier proviennent 95 % des recettes d'exportation et près de 75 % du budget de l'Etat. C'est pourquoi la Libye a souffert de la forte baisse du prix du pétrole, mais a largement bénéficié de sa hausse, spécialement en 2003. Ses réserves ont été évaluées à 36 milliards de dollars au 1er janvier 2004, certains experts estimant même que les grands bassins libyens - Syrte, Mourzouq, Ghadamès, Cyrenaïque, Koufra et les possibilités offshore - pourraient contenir jusqu'à 220 milliards de barils.

Je dirai quelques mots sur les rapports entre la France et la Libye.

Une déclaration conjointe franco-libyenne a été signée à Paris, le 4 janvier 2004, entre M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères de la République française et M. Abdurrahman Shalgham, secrétaire du Comité populaire général de liaison extérieure et de coopération internationale de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Elle a permis aux signataires de se réjouir de l'accord venant d'être conclu entre la fondation Kadhafi pour les associations caritatives et les familles des victimes du vol UTA 772, de confirmer que la France, qui a des relations anciennes et profondes avec la Libye, était prête à accompagner celle-ci dans son effort de modernisation et de réforme en profondeur de son système économique afin de faciliter son insertion dans la communauté internationale.

Ultérieurement, les deux parties ont signé quatre accords, dont l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, qui fait l'objet du présent projet de loi.

En matière d'énergie, les contacts vont être intensifiés dans les domaines du pétrole, du gaz et de l'électricité. Ils auront notamment pour but d'accroître la coopération existant entre les compagnies et les industries spécialisées dans les deux pays et la mise en oeuvre par certaines grandes sociétés françaises d'un certain nombre de projets importants dans les domaines de l'électricité, du dessalement de l'eau de mer, du pétrole et du gaz.

Ces relations économiques bilatérales anciennes et étroites peuvent être relancées dans un contexte de levée des sanctions économiques et de rente pétrolière.

Marqués par un déficit commercial structurel, nos échanges commerciaux avec la Libye fluctuent assez fortement d'une année à l'autre : nos importations sont pour 95 % des hydrocarbures, qui représentent environ 2, 5 % de nos approvisionnements.

On peut également citer l'exemple de quelques entreprises intéressées par un développement en Libye : Total, EADS, Vinci Construction, Thalès, Alcatel, Sidem, Alstom, Schneider Electric.

En conclusion, je rappellerai que le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de l'accord signé à Paris le 19 avril 2004 entre la France et la Libye sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements. En effet, en l'absence d'un cadre multilatéral de protection des investissements internationaux, la protection juridique des investisseurs français à l'étranger en dehors des pays de l'OCDE ne peut reposer que sur des accords bilatéraux, tels que celui qui nous est soumis aujourd'hui et qui est du même type que les 97 accords déjà signés avec d'autres nations. Ces accords bilatéraux permettent aux investisseurs français de bénéficier de clauses protectrices en favorisant, en les sécurisant, nos échanges avec les pays d'accueil.

Les sociétés françaises, qui ont toujours été présentes dans ce pays et ont largement participé à son équipement en infrastructures, pourraient bénéficier d'une position favorable dans un contexte de concurrence internationale grandissante.

En conséquence, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter le présent projet de loi.

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