L’article 57 bis a été inséré par la voie d’un amendement du Gouvernement adopté en commission à l’Assemblée nationale.
Il permet aux représentants de l’État à Mayotte et en Guyane de procéder à l’évacuation et à la démolition des bidonvilles, dans des conditions d’efficacité renforcées, comme le résume le rapport.
De fait, l’efficacité recherchée sera de mise, puisque, contrairement au droit positif, ne seraient requis ni l’existence d’un projet d’aménagement et d’assainissement, ni l’avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, le CODERST, ni, surtout, l’ordonnance du juge statuant en la forme des référés.
Cette procédure dérogatoire est, à notre sens, inacceptable. Le Sénat s’honorerait à la supprimer.
Avec 20 000 baraquements de fortune en tôle à Mayotte, les fameux « bangas », et 7 130 hébergements du même type en Guyane, plus de 150 000 personnes seraient probablement concernées. Où iront ces personnes, sur un territoire réduit ?
Aucun relogement n’est garanti, puisque les autorités peuvent se contenter non pas de reloger ces personnes, mais de les placer dans un centre d’hébergement d’urgence – on connaît les conditions de vie, plus que précaires, qui y sont offertes, et les durées d’accueil dérisoires.
Finalement, avec l’article 57 bis, ces infortunés construiront ailleurs, sans aucune garantie supplémentaire de légalité et de salubrité, des habitations que le préfet s’empressera sûrement de démanteler, pour les mêmes raisons et selon la même procédure.
La saisine du juge et celle du CODERST garantissent la conformité d’une telle intervention publique avec les droits fondamentaux les plus élémentaires des personnes et avec la protection des occupants d’un habitat indigne.
Au lieu de financer des démantèlements, finançons plutôt l’amélioration massive et progressive de l’habitat et de son environnement – toitures, dallage, latrines, construction de ruelles… Engageons, comme dans les années 1990, des opérations de RHI – ou résorption de l’habitat insalubre – qui permettent de passer d’un bidonville à de l’habitat en dur.
Enfin, cette dérogation au droit commun est en contradiction avec la sélection de Mayotte pour une mise en œuvre accélérée du plan Logement d’abord.
Si cette situation est source d’importants troubles à l’ordre public, comme le souligne le Gouvernement dans son exposé des motifs, n’oublions pas qu’elle est aussi source de colère et de révolte chez les populations locales.
Aussi ne sommes-nous pas à l’abri d’un nouveau soulèvement social, comme celui qui a eu lieu en Guyane récemment. Ce serait à déplorer, mais nous en connaissons désormais les causes : tentons de les résorber plutôt que de les exacerber. Tel est le sens de cet amendement.