Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits alloués par la Communauté européenne au titre de sa politique régionale, dite de « cohésion économique et sociale », constituent une source importante de financements pour la France : 16, 1 milliards d'euros pour la période 2000-2006 et 12, 7 milliards d'euros pour la période 2007-2013.
Leur gestion est soumise à une réglementation détaillée qui précise les objectifs à atteindre, les modalités d'attribution des aides et les contrôles à effectuer. Elle fait l'objet d'une programmation pluriannuelle.
Après avoir rappelé brièvement les principales caractéristiques de la politique régionale européenne pour la période 2007-2013 - brièvement, car les contours et les enjeux de la reforme ont déjà été excellemment exposés par nos collègues Jean François-Poncet et Jacqueline Gourault, au nom de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, et Simon Sutour, au nom de la délégation pour l'Union européenne -, j'évoquerai plus en détail les modalités de gestion des crédits alloués à la France, qui font l'objet du projet de loi dont nous sommes saisis en premier lieu, ainsi que l'esprit des amendements que je compte vous soumettre.
Pour la période 2007-2013, la politique de cohésion s'articule autour de trois objectifs prioritaires.
L'objectif « convergence » est destiné à aider les États et les régions les plus pauvres de l'Union européenne à combler leur retard de développement. En France, seules les quatre régions d'outre-mer y seront éligibles, pour un montant total de 2, 8 milliards d'euros.
L'objectif « compétitivité régionale et emploi » reprend les thèmes d'intervention des objectifs 2 et 3, ainsi que les initiatives communautaires URBAN et EQUAL de la période 2000-2006. Il est accessible à tous les territoires non compris dans l'objectif « convergence ». Le zonage communautaire, qui existait au cours des précédentes programmations, est ainsi supprimé au profit d'une approche plus stratégique et il appartient aux États membres de présenter la liste des régions éligibles. La dotation de la France au titre de cet objectif s'élève à 9, 1 milliards d'euros.
L'objectif « coopération territoriale européenne » tend à développer les actions de coopération décentralisée actuellement subventionnées dans le cadre de l'initiative communautaire INTERREG : 773 millions d'euros seront alloués à la France. Sa mise en oeuvre pourra être confiée à un nouvel instrument de coopération, le groupement européen de coopération territoriale, doté d'une personnalité juridique reconnue à l'échelon européen et regroupant sur une base conventionnelle les administrations nationales, régionales et locales ou d'autres organismes publics ou associatifs.
Ces trois objectifs seront financés par trois fonds : le Fonds de cohésion, auquel la France n'est pas éligible, qui est entièrement dédié à l'objectif « convergence » ; le Fonds européen de développement régional, FEDER, qui doit contribuer à la réalisation des trois objectifs prioritaires ; le Fonds social européen, FSE, qui est consacré aux objectifs «convergence » et « compétitivité régionale et emploi ».
La mise en oeuvre de ces trois objectifs implique, en vertu des règlements communautaires, l'élaboration de programmes opérationnels, à raison d'un par fonds structurel, et la désignation, pour chacun d'eux, de trois autorités distinctes : une autorité de gestion, responsable de la mise en oeuvre du programme ainsi que de l'efficacité et de la régularité de la gestion ; une autorité de certification, appelée autorité de paiement lors des précédentes programmations et chargée non seulement du versement des crédits mais également de la certification des dépenses ; enfin, une autorité d'audit, effectuant les contrôles.
En outre, le suivi de chaque programme doit être assuré par un comité associant des représentants de l'État, des collectivités territoriales, de la société civile et, si elle le souhaite, de la Commission européenne.
Il est à souligner que la politique de développement rural et la politique communautaire de la pêche ne relèvent plus de la politique de cohésion : la première est désormais rattachée à la politique agricole commune et est financée par un fonds spécifique, le FEADER, ou Fonds européen agricole de développement rural ; la seconde est financée par un nouvel instrument, le Fonds européen pour la pêche.
En France comme dans la plupart des pays membres de l'Union européenne, la gestion des crédits de la politique de cohésion est assurée par l'État. Le plus souvent, elle est déconcentrée au niveau des préfets de région.
La Commission européenne, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux y sont associés, dans le cadre non seulement des comités de suivi, dont la création est requise par les règlements communautaires, mais également de comités de programmation coprésidés, au niveau régional, par le représentant de l'État et par le président du conseil régional. Une synergie est, en effet, recherchée avec la politique nationale d'aménagement du territoire conduite dans le cadre de contrats conclus entre l'État et les régions.
Cette compétence étatique relève d'un choix national, puisque la réglementation européenne permet aux États membres de confier la gestion de certains programmes à des collectivités territoriales ainsi qu'à des organismes publics ou privés.
Cette liberté est toutefois encadrée par la double obligation, pour chaque programme opérationnel, de désigner une autorité de gestion unique et de respecter un champ géographique plus ou moins précis en fonction de l'objectif recherché.
Les programmes opérationnels présentés au titre de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » doivent ainsi être établis au niveau national ou régional lorsqu'ils sont financés par le FEDER, le Fonds européen de développement régional, et « au niveau approprié» lorsqu'ils sont financés par le FSE, le Fonds social européen.
Pour la Commission européenne - cela m'a été confirmé lorsque je me suis rendue à Bruxelles -, ce « niveau approprié » est soit le niveau régional, soit le niveau national, mais n'est en aucun cas le niveau départemental.
Dans la mesure où il revient à la Commission d'approuver les programmes opérationnels, il s'avère donc impossible, non pas en principe mais en pratique, d'élaborer des programmes opérationnels départementaux pour l'attribution des crédits du Fonds social européen et de confier leur gestion aux conseils généraux.
Les règlements communautaires ouvrent également la possibilité de recourir à des subventions globales, c'est-à-dire de déléguer la gestion d'une partie d'un programme.
Dans cet espace de « liberté encadrée », des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des groupements d'intérêt public se sont ainsi vu confier, dès 2000, la gestion de crédits destinés à favoriser la coopération interrégionale, dans le cadre des programmes INTERREG, ainsi que la rénovation de quartiers urbains en difficulté, dans le cadre des programmes URBAN.
En 2003, l'État a confié à la région Alsace, par convention, la gestion des crédits affectés à la reconversion des zones en difficulté, crédits dits de l'objectif 2. Les autres collectivités territoriales ont seulement bénéficié de subventions globales, la plus importante, représentant 80 % des crédits, étant consentie à la région Auvergne.
La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a donné une base légale à ces initiatives, en les qualifiant de transferts expérimentaux de compétences, organisés sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, et a prévu une évaluation de leurs résultats.
Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet de permettre la poursuite de ces expérimentations au cours de la période 2007-2013 en donnant une base juridique : d'une part, aux transfert expérimentaux des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification des crédits européens qui seront opérés pour la période 2007-2013 au bénéfice de collectivités territoriales, de groupements de collectivités territoriales ou de groupements d'intérêt public au titre des programmes de l'objectif « coopération territoriale » ; d'autre part, à la poursuite, au cours de la période 2007-2013, de l'expérimentation menée par la région Alsace en matière d'exercice des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement de plusieurs programmes de la politique de cohésion au cours de la période 2000-2006, à savoir le programme opérationnel de l'objectif « compétitivité régionale et emploi », financé par le FEDER, et un programme opérationnel de l'objectif « coopération territoriale ».
Un bilan de ces nouvelles expérimentations devra être établi par les autorités qui en auront la charge au 31 décembre 2010.
Le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires du 6 mars 2006 a en effet estimé, d'une part, que l'État restait le mieux à même de garantir la coordination et la cohérence des différentes aides, d'autre part, que les expérimentations conduites sur le fondement de la loi du 13 août 2004 étaient encore trop récentes pour donner des résultats probants.
Le Gouvernement a, en revanche, décidé de poursuivre le recours au mécanisme de la subvention globale au bénéfice, notamment, des autres collectivités territoriales ou de leurs groupements.
Au cours de l'été, le Premier ministre a décidé de fixer le taux des subventions globales à 60 % des crédits pour le volet déconcentré du FSE, soit 50 % du montant total du programme, et à 50 % pour les crédits du FEDER.
Toutefois, la Commission européenne a marqué son opposition à un recours massif au mécanisme de la subvention globale, qui aurait pour conséquence de contourner la double obligation, pour chaque programme opérationnel, de désigner une autorité de gestion unique et de respecter le champ géographique défini par la réglementation communautaire.
Que penser du projet de loi qui nous est soumis ?
S'agissant, tout d'abord, de la démarche retenue, elle peut susciter des interrogations à un double titre.
En premier lieu, la nécessité d'un projet de loi n'est pas évidente. En effet, les règlements communautaires offrent expressément à chaque État membre la possibilité de confier à des collectivités territoriales les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement des programmes opérationnels.
Le Gouvernement a jugé nécessaire de recourir à la loi, car la compétence des préfets de région repose sur une base légale. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a mis fin à leur rôle exclusif en leur confiant la mise en oeuvre des seules politiques communautaires qui relèvent de la compétence de l'État.
Toutefois, malgré les efforts déployés année après année, les compétences de l'État et des collectivités territoriales restent enchevêtrées. Si nombre d'opérations financées par les fonds structurels semblent pouvoir relever des régions, certaines d'entre elles pourraient être rattachées, par exemple, à la politique de l'emploi, qui est restée nationale. Mieux vaut donc prévenir tout risque de contentieux.
En second lieu, compte tenu des délais d'examen du projet de loi, nous pourrions avoir le sentiment, erroné, d'être invités à entériner des choix déjà effectués par le Gouvernement.