Séance en hémicycle du 24 janvier 2007 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens (n°s 31, 161).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les fonds structurels européens constituent une source majeure de financement pour le développement et la compétitivité des territoires. Malgré l'entrée de dix nouveaux États membres nettement plus défavorisés, nous avons obtenu le maintien, pour les territoires français, d'une enveloppe très substantielle. Ainsi, pour les sept années à venir, de 2007 à 2013, nous bénéficierons de 14, 3 milliards d'euros, c'est-à-dire quasiment le même niveau que pour la période 2000-2006, durant laquelle nous avons disposé de 15, 6 milliards d'euros à périmètre équivalent.

Je tiens à remercier votre rapporteur, Mme Catherine Troendle, pour la qualité et l'exhaustivité de son travail nourri de nombreuses auditions qui ont permis de mettre en lumière les différents enjeux liés à la gestion des fonds européens.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

En mars 2006, lors du comité interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, le CIACT, le Gouvernement a décidé que les services de l'État conserveraient, en règle générale, - je dis bien en règle générale - la gestion de ces fonds européens.

Pourquoi avons-nous fait ce choix ?

Je sais qu'un certain nombre de régions souhaitaient gérer elles-mêmes les fonds européens. Je sais aussi que certains départements auraient souhaité gérer une partie de ces fonds...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ..., notamment pour ce qui concerne le Fonds social européen. N'est-ce pas monsieur le président, n'est-ce pas monsieur Hyest ? Je pourrais, d'ailleurs, me poser la question à moi-même !

Sourires

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Il se trouve, en effet, que les fonds structurels européens correspondent à des compétences réparties entre différents niveaux de collectivités - principalement les conseils régionaux, les conseils généraux et les agglomérations - mais aussi l'État.

Pour prendre un exemple, le Fonds social européen comprend un volet « formation » pouvant soutenir les politiques des conseils régionaux, un volet « inclusion sociale » pouvant contribuer aux interventions des conseils généraux ou des agglomérations, ainsi qu'un volet « emploi » répondant aux priorités de l'État dans ce domaine.

Il n'y a donc pas une collectivité, que ce soit la région ou le département, qui soit pleinement légitime pour gérer localement l'intégralité d'un programme européen. À moins d'un fort consensus local, confier cette mission à un type de collectivité risquerait de conduire à la mise sous tutelle des unes par les autres.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

À l'inverse, la gestion par l'État apporte une garantie de neutralité et de cohésion. Elle permet également d'assurer la cohérence d'ensemble des programmes, y compris leur contribution et leur complémentarité avec les priorités nationales. De plus, la gestion par l'État a montré son efficacité. Nous avons réussi à éviter tout dégagement d'office important grâce à une forte mobilisation du Gouvernement depuis 2002. J'ajoute que, contrairement à ce que certains disent parfois, la plupart de nos partenaires européens, dix-sept pour être précis, ont fait le même choix que nous.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Pour autant, nous avons souhaité prendre pleinement en compte la décentralisation, en déconcentrant très largement la gestion auprès des préfets de région.

Nous avons également pris en considération les compétences des collectivités en élargissant le système des subventions globales, leur permettant ainsi de gérer jusqu'à 50 % des fonds structurels européens dans des domaines relevant de leurs compétences principales.

En dehors de la règle générale de gestion des fonds européens par l'État, il existe actuellement des expérimentations de gestion déléguée par les conseils régionaux, notamment en Alsace, pour tous les programmes européens, ainsi que, plus spécifiquement, sur les programmes INTERREG de coopération territoriale européenne.

L'article 44 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a donné une base juridique à ces expérimentations pour la période 2000-2006.

Conformément à cet article, un bilan portant sur l'ensemble des expérimentations a été adressé par le Gouvernement au Parlement. Il résulte de ce bilan un constat globalement positif pour le transfert de la gestion des programmes INTERREG, relatifs à la coopération territoriale européenne transfrontalière et transnationale. Le transfert de gestion au conseil régional d'Alsace, qui porte donc sur une base plus large, s'est également avéré satisfaisant. Toutefois, d'une manière générale, le bilan n'a pas montré que les collectivités géraient mieux ces fonds que l'État.

Pour autant, compte tenu de la durée relativement courte des expérimentations par rapport à la complexité de leur mise en oeuvre, le Gouvernement a indiqué, lors du CIACT du 6 mars, qu'il souhaitait les poursuivre pour pouvoir en tirer un bilan pleinement pertinent.

L'article 44 de la loi du 13 août 2004 n'était valable que pour la période 2000-2006. Ce projet de loi a donc pour objet de permettre la mise en oeuvre de ces décisions en donnant une base juridique pour la période 2007-2013, d'une part, à la gestion déléguée des programmes de coopération territoriale ainsi que de l'instrument européen de voisinage et de partenariat, l'IEVP - c'est l'objet de l'article 1er - d'autre part, à la poursuite de l'expérimentation menée par la région Alsace - tel est l'objet de l'article 2.

Dans l'un et l'autre cas, les autorités expérimentatrices devront dresser un bilan de ces nouvelles expérimentations au 31 décembre 2010. Cela permettra de disposer d'une expérimentation sur une durée de sept ans, équivalente à la durée d'une période de programmation. Le Gouvernement sera alors en mesure de remettre au Parlement un rapport étayé au premier semestre 2011.

Tel est l'objet du texte que j'ai souhaité vous soumettre aujourd'hui. Bien évidemment, je sais qu'un certain nombre d'amendements ont été déposés ; le Gouvernement reste ouvert à la discussion sur la base du débat qui a eu lieu en commission.

Madame le rapporteur, monsieur le président, je souhaite que, au terme de ce débat, les réponses que vous aurez décidé d'apporter nous permettront de relever des défis importants, sachant qu'il s'agit de fonds structurels qui, en matière d'aménagement du territoire, ne sont pas négligeables sur les politiques décidées conjointement par l'État et par les collectivités régionales, départementales et communales.

Je précise, en outre, que tout cela s'inscrit dans un calendrier 2007-2013 au cours duquel les fonds structurels ne pourront être utilisés que pour autant que nous respecterons la stratégie de Lisbonne, laquelle se décline sur la compétitivité des territoires, le développement durable, ainsi que la cohésion sociale et territoriale.

Ce faisant, l'État a voulu couvrir une nouvelle période contractuelle entre lui-même, les régions et les autres collectivités pour que nous puissions avoir un effet de levier grâce aux efforts qu'il consent, aux fonds structurels européens et aux efforts des collectivités, le tout au bénéfice du développement de nos territoires.

Je ne doute pas un seul instant que c'est dans cet état d'esprit que chacun essaiera d'apporter sa contribution tout au long de ce débat. Par avance, je vous remercie de cette détermination.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits alloués par la Communauté européenne au titre de sa politique régionale, dite de « cohésion économique et sociale », constituent une source importante de financements pour la France : 16, 1 milliards d'euros pour la période 2000-2006 et 12, 7 milliards d'euros pour la période 2007-2013.

Leur gestion est soumise à une réglementation détaillée qui précise les objectifs à atteindre, les modalités d'attribution des aides et les contrôles à effectuer. Elle fait l'objet d'une programmation pluriannuelle.

Après avoir rappelé brièvement les principales caractéristiques de la politique régionale européenne pour la période 2007-2013 - brièvement, car les contours et les enjeux de la reforme ont déjà été excellemment exposés par nos collègues Jean François-Poncet et Jacqueline Gourault, au nom de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, et Simon Sutour, au nom de la délégation pour l'Union européenne -, j'évoquerai plus en détail les modalités de gestion des crédits alloués à la France, qui font l'objet du projet de loi dont nous sommes saisis en premier lieu, ainsi que l'esprit des amendements que je compte vous soumettre.

Pour la période 2007-2013, la politique de cohésion s'articule autour de trois objectifs prioritaires.

L'objectif « convergence » est destiné à aider les États et les régions les plus pauvres de l'Union européenne à combler leur retard de développement. En France, seules les quatre régions d'outre-mer y seront éligibles, pour un montant total de 2, 8 milliards d'euros.

L'objectif « compétitivité régionale et emploi » reprend les thèmes d'intervention des objectifs 2 et 3, ainsi que les initiatives communautaires URBAN et EQUAL de la période 2000-2006. Il est accessible à tous les territoires non compris dans l'objectif « convergence ». Le zonage communautaire, qui existait au cours des précédentes programmations, est ainsi supprimé au profit d'une approche plus stratégique et il appartient aux États membres de présenter la liste des régions éligibles. La dotation de la France au titre de cet objectif s'élève à 9, 1 milliards d'euros.

L'objectif « coopération territoriale européenne » tend à développer les actions de coopération décentralisée actuellement subventionnées dans le cadre de l'initiative communautaire INTERREG : 773 millions d'euros seront alloués à la France. Sa mise en oeuvre pourra être confiée à un nouvel instrument de coopération, le groupement européen de coopération territoriale, doté d'une personnalité juridique reconnue à l'échelon européen et regroupant sur une base conventionnelle les administrations nationales, régionales et locales ou d'autres organismes publics ou associatifs.

Ces trois objectifs seront financés par trois fonds : le Fonds de cohésion, auquel la France n'est pas éligible, qui est entièrement dédié à l'objectif « convergence » ; le Fonds européen de développement régional, FEDER, qui doit contribuer à la réalisation des trois objectifs prioritaires ; le Fonds social européen, FSE, qui est consacré aux objectifs «convergence » et « compétitivité régionale et emploi ».

La mise en oeuvre de ces trois objectifs implique, en vertu des règlements communautaires, l'élaboration de programmes opérationnels, à raison d'un par fonds structurel, et la désignation, pour chacun d'eux, de trois autorités distinctes : une autorité de gestion, responsable de la mise en oeuvre du programme ainsi que de l'efficacité et de la régularité de la gestion ; une autorité de certification, appelée autorité de paiement lors des précédentes programmations et chargée non seulement du versement des crédits mais également de la certification des dépenses ; enfin, une autorité d'audit, effectuant les contrôles.

En outre, le suivi de chaque programme doit être assuré par un comité associant des représentants de l'État, des collectivités territoriales, de la société civile et, si elle le souhaite, de la Commission européenne.

Il est à souligner que la politique de développement rural et la politique communautaire de la pêche ne relèvent plus de la politique de cohésion : la première est désormais rattachée à la politique agricole commune et est financée par un fonds spécifique, le FEADER, ou Fonds européen agricole de développement rural ; la seconde est financée par un nouvel instrument, le Fonds européen pour la pêche.

En France comme dans la plupart des pays membres de l'Union européenne, la gestion des crédits de la politique de cohésion est assurée par l'État. Le plus souvent, elle est déconcentrée au niveau des préfets de région.

La Commission européenne, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux y sont associés, dans le cadre non seulement des comités de suivi, dont la création est requise par les règlements communautaires, mais également de comités de programmation coprésidés, au niveau régional, par le représentant de l'État et par le président du conseil régional. Une synergie est, en effet, recherchée avec la politique nationale d'aménagement du territoire conduite dans le cadre de contrats conclus entre l'État et les régions.

Cette compétence étatique relève d'un choix national, puisque la réglementation européenne permet aux États membres de confier la gestion de certains programmes à des collectivités territoriales ainsi qu'à des organismes publics ou privés.

Cette liberté est toutefois encadrée par la double obligation, pour chaque programme opérationnel, de désigner une autorité de gestion unique et de respecter un champ géographique plus ou moins précis en fonction de l'objectif recherché.

Les programmes opérationnels présentés au titre de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » doivent ainsi être établis au niveau national ou régional lorsqu'ils sont financés par le FEDER, le Fonds européen de développement régional, et « au niveau approprié» lorsqu'ils sont financés par le FSE, le Fonds social européen.

Pour la Commission européenne - cela m'a été confirmé lorsque je me suis rendue à Bruxelles -, ce « niveau approprié » est soit le niveau régional, soit le niveau national, mais n'est en aucun cas le niveau départemental.

Dans la mesure où il revient à la Commission d'approuver les programmes opérationnels, il s'avère donc impossible, non pas en principe mais en pratique, d'élaborer des programmes opérationnels départementaux pour l'attribution des crédits du Fonds social européen et de confier leur gestion aux conseils généraux.

Les règlements communautaires ouvrent également la possibilité de recourir à des subventions globales, c'est-à-dire de déléguer la gestion d'une partie d'un programme.

Dans cet espace de « liberté encadrée », des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des groupements d'intérêt public se sont ainsi vu confier, dès 2000, la gestion de crédits destinés à favoriser la coopération interrégionale, dans le cadre des programmes INTERREG, ainsi que la rénovation de quartiers urbains en difficulté, dans le cadre des programmes URBAN.

En 2003, l'État a confié à la région Alsace, par convention, la gestion des crédits affectés à la reconversion des zones en difficulté, crédits dits de l'objectif 2. Les autres collectivités territoriales ont seulement bénéficié de subventions globales, la plus importante, représentant 80 % des crédits, étant consentie à la région Auvergne.

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a donné une base légale à ces initiatives, en les qualifiant de transferts expérimentaux de compétences, organisés sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, et a prévu une évaluation de leurs résultats.

Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet de permettre la poursuite de ces expérimentations au cours de la période 2007-2013 en donnant une base juridique : d'une part, aux transfert expérimentaux des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification des crédits européens qui seront opérés pour la période 2007-2013 au bénéfice de collectivités territoriales, de groupements de collectivités territoriales ou de groupements d'intérêt public au titre des programmes de l'objectif « coopération territoriale » ; d'autre part, à la poursuite, au cours de la période 2007-2013, de l'expérimentation menée par la région Alsace en matière d'exercice des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement de plusieurs programmes de la politique de cohésion au cours de la période 2000-2006, à savoir le programme opérationnel de l'objectif « compétitivité régionale et emploi », financé par le FEDER, et un programme opérationnel de l'objectif « coopération territoriale ».

Un bilan de ces nouvelles expérimentations devra être établi par les autorités qui en auront la charge au 31 décembre 2010.

Le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires du 6 mars 2006 a en effet estimé, d'une part, que l'État restait le mieux à même de garantir la coordination et la cohérence des différentes aides, d'autre part, que les expérimentations conduites sur le fondement de la loi du 13 août 2004 étaient encore trop récentes pour donner des résultats probants.

Le Gouvernement a, en revanche, décidé de poursuivre le recours au mécanisme de la subvention globale au bénéfice, notamment, des autres collectivités territoriales ou de leurs groupements.

Au cours de l'été, le Premier ministre a décidé de fixer le taux des subventions globales à 60 % des crédits pour le volet déconcentré du FSE, soit 50 % du montant total du programme, et à 50 % pour les crédits du FEDER.

Toutefois, la Commission européenne a marqué son opposition à un recours massif au mécanisme de la subvention globale, qui aurait pour conséquence de contourner la double obligation, pour chaque programme opérationnel, de désigner une autorité de gestion unique et de respecter le champ géographique défini par la réglementation communautaire.

Que penser du projet de loi qui nous est soumis ?

S'agissant, tout d'abord, de la démarche retenue, elle peut susciter des interrogations à un double titre.

En premier lieu, la nécessité d'un projet de loi n'est pas évidente. En effet, les règlements communautaires offrent expressément à chaque État membre la possibilité de confier à des collectivités territoriales les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement des programmes opérationnels.

Le Gouvernement a jugé nécessaire de recourir à la loi, car la compétence des préfets de région repose sur une base légale. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a mis fin à leur rôle exclusif en leur confiant la mise en oeuvre des seules politiques communautaires qui relèvent de la compétence de l'État.

Toutefois, malgré les efforts déployés année après année, les compétences de l'État et des collectivités territoriales restent enchevêtrées. Si nombre d'opérations financées par les fonds structurels semblent pouvoir relever des régions, certaines d'entre elles pourraient être rattachées, par exemple, à la politique de l'emploi, qui est restée nationale. Mieux vaut donc prévenir tout risque de contentieux.

En second lieu, compte tenu des délais d'examen du projet de loi, nous pourrions avoir le sentiment, erroné, d'être invités à entériner des choix déjà effectués par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L'élaboration des programmes opérationnels est, en effet, déjà très avancée dans chaque région, fort heureusement d'ailleurs, car sans quoi la France risquerait de perdre une partie des crédits qui lui ont été alloués.

Cette dernière observation m'amène à évoquer le fond de la réforme proposée.

La commission des lois a approuvé le choix du Gouvernement de proroger l'expérimentation autorisée par la loi du 13 août 2004. La plupart des personnes que j'ai rencontrées ont, en effet, salué les résultats des collectivités territoriales participant à cette expérimentation, mais, paradoxalement, elles ont exprimé la crainte d'une gestion totalement décentralisée des crédits de la politique de cohésion.

Le succès des expérimentations en cours tient sans doute à la mise en place, par les collectivités territoriales, d'équipes exclusivement dédiées à la gestion des crédits européens et à l'accent mis sur l'animation des programmes, c'est-à-dire la diffusion de l'information sur les financements susceptibles d'être accordés et l'aide à l'élaboration des projets et des dossiers.

Pour autant, à tort ou à raison, l'État apparaît, pour un grand nombre de personnes, comme le gestionnaire le plus impartial et le mieux à même d'assurer la cohérence des politiques publiques. Aucun choix définitif, entre la centralisation et la décentralisation de la gestion des fonds structurels, ne semble donc possible pour l'instant, et le recours à l'expérimentation constitue la meilleure solution.

Toutefois, pour que cette expérimentation ait du sens, encore faut-il que le nombre des participants soit suffisant pour disposer d'éléments de comparaison.

L'article 1er du projet de loi n'appelle à cet égard aucune observation, et la commission des lois l'a adopté sans modification.

En revanche, elle a jugé nécessaire de permettre à d'autres régions que la région Alsace d'exercer à titre expérimental les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification des programmes régionaux de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » financés par le FEDER, sous une double condition, qui fait le succès actuel de l'expérimentation alsacienne : l'existence d'un consensus politique local minimum, c'est-à-dire l'absence d'opposition des départements concernés ; un engagement de la région sur les moyens à mettre en oeuvre et sur l'association de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements à la gestion des crédits.

Les nombreuses compétences des départements dans les domaines de l'action sociale et de l'insertion justifient sans conteste leur souhait de participer plus activement à la gestion des crédits du Fonds social européen.

Puisque la Commission européenne s'oppose à l'élaboration de programmes opérationnels à un niveau infrarégional et, par voie de conséquence, à la désignation des départements comme autorité de gestion, je forme le voeu que leurs observations soient prises en compte dans le programme opérationnel national et ses déclinaisons régionales, et qu'ils soient eux aussi associés à l'attribution des aides dans le cadre de subventions globales pour les axes des programmes relevant de leurs domaines de compétences.

Enfin, dans la mesure où la réforme de la politique de cohésion suppose l'adaptation de notre législation relative à la coopération décentralisée pour permettre la création de groupements européens de coopération territoriale, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, de saisir cette occasion pour rationaliser les instruments de cette coopération.

Nous avions également envisagé de reprendre les dispositions de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 27 octobre 2005, sur l'initiative de notre collègue Michel Thiollière et sur le rapport de notre collègue Charles Guené, qui tendent à donner une base juridique solide aux actions d'aide au développement et à caractère humanitaire des collectivités territoriales et de leurs groupements. Nous y avons renoncé, car ce texte sera finalement examiné par l'Assemblée nationale, demain, en séance publique et, je l'espère, adopté sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Sous le bénéfice de ces observations et compte tenu de ses amendements, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi.

Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;

Groupe socialiste, 14 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Hubert Haenel.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, de saluer le remarquable travail réalisé par Mme Troendle, au nom de la commission des lois.

Mme Troendle est particulièrement bien placée pour présenter l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens, puisque le transfert à titre expérimental de la gestion du programme de l'objectif 2 a été confié à la région Alsace, Mme Troendle étant conseillère régionale. Par ailleurs, sa commune et la communauté de communes dont elle est vice-présidente sont situées en zone frontalière et ont été bénéficiaires, à des titres divers, des fonds structurels ainsi gérés. Mme Troendle, elle vient de le prouver, sait donc de quoi elle parle !

Sans flagornerie, j'ajoute que son rapport écrit, que j'ai lu très attentivement, est un document de référence, qui non seulement dresse un état des lieux complet mais qui nous donne aussi des comparaisons sur les pratiques d'autres pays européens, ouvrant des perspectives de réforme du système existant.

L'initiateur de l'expérimentation de la régionalisation des transports ferroviaires que je suis salue la décision que vous avez prise, monsieur le ministre, en déposant ce projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens.

Le succès qu'a remporté l'expérimentation de la régionalisation des transports ferroviaires, qui a constitué, chacun le reconnaît aujourd'hui, une véritable révolution institutionnelle, culturelle et technique, ne pouvait qu'inciter les pouvoirs publics à transposer cette méthode dans d'autres domaines.

La France, je le dis souvent, est réformable à condition de s'en donner les moyens, et donc d'adopter la bonne méthode. Je me félicite que l'actuel gouvernement ait choisi d'engager l'État dans cette voie en expérimentant le transfert de la gestion des fonds structurels européens.

J'ai fréquemment recours au slogan suivant : expérimenter pour tester le dispositif, ajuster, convaincre et, le cas échéant, étendre.

Voilà donc une méthode qui, reposant sur la concertation, la confiance et la transparence, a fait ses preuves et mérite d'être étendue, même si l'on n'est pas allé jusqu'au bout de la logique, mais un jour, cela viendra !

Mme le rapporteur a rappelé que, en 2003, l'État a confié à titre expérimental à la région Alsace, par convention, la gestion des crédits affectés à la reconversion des zones en difficulté - il s'agissait des crédits dits de l'objectif 2.

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a donné une base juridique à l'expérimentation du transfert à des collectivités territoriales de la gestion des fonds structurels européens pour la période 2000-2006, en les qualifiant de transferts expérimentaux de compétences organisés sur le fondement de l'article 37- 1 de la Constitution, et a prévu une évaluation de leurs résultats.

Cette expérimentation concerne, notamment, les programmes INTERREG de coopération territoriale européenne transfrontalière et transnationale et, pour la région Alsace, le programme relevant de l'objectif 2 de la politique de cohésion économique et sociale ; quant aux sommes en jeu, comme l'a souligné Mme le rapporteur, elles sont importantes.

Le projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens, que le Sénat est appelé à examiner aujourd'hui, a pour objet de donner une base juridique à deux volets principaux : d'une part, au transfert expérimental des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification des crédits européens qui sera opéré pour la période 2007- 2013 au bénéfice de collectivités territoriales, de groupements de collectivités territoriales ou de groupements d'intérêt public au titre des programmes de coopération territoriale ainsi que du nouvel instrument de voisinage et de partenariat - c'est l'objet de l'article1er - et, d'autre part, à la poursuite, au cours de la période 2007- 2013, de l'expérimentation menée par la région Alsace d'exercice des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement de plusieurs programmes de la politique de cohésion au cours de la période 2000- 2006, concrètement le programme opérationnel de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » financé par le Fonds européen de développement régional, le FEDER et un programme opérationnel de l'objectif coopération territoriale - c'est l'article 2.

Un bilan de ces nouvelles expérimentations devra être établi au 31 décembre 2010 par les autorités qui en auront la charge ; en effet, lors de toute expérimentation, il convient toujours de dresser un bilan afin, éventuellement, d'en tirer les enseignements.

À cet égard, comme l'a démontré notre rapporteur, le bilan des expérimentations en cours est largement positif. L'implication et les résultats des collectivités territoriales chargées de la fonction d'autorité de gestion des programmes INTERREG, URBAN et, en Alsace, de l'objectif 2, ont été unanimement salués.

Les caractéristiques communes de ces expérimentations, qui, d'ailleurs, expliquent leur succès, sont la mise en place d'équipes exclusivement dédiées à l'exercice de cette fonction ainsi que l'accent mis sur l'animation des programmes, c'est-à-dire la diffusion de l'information sur les financements susceptibles d'être accordés et l'aide à l'élaboration des projets et des dossiers ; cela est très important.

Ce travail en amont, réalisé par les équipes des collectivités territoriales chargées de la gestion des fonds structurels, a également permis de raccourcir les délais d'instruction des dossiers.

Enfin, le recours à des organismes tels que la Caisse des dépôts et consignations ou le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA, a donné la possibilité de réduire les délais de paiement.

En tant que vice-président de la région Alsace, je me permets d'insister sur les résultats obtenus. Lorsqu'elle a bénéficié, à sa demande, du transfert à titre expérimental de la gestion du programme objectif 2, à compter du 1er janvier 2003, la région Alsace a mis en place un nouveau mode d'organisation afin d'optimiser la gestion et la consommation des fonds européens.

Dans le respect des principes fixés par la circulaire du Premier ministre du 15 juillet 2002 - gestion séparée des crédits régionaux et européens, contrôle indépendant -, la gestion a été confiée à une équipe unique, territorialisée et polyvalente, tandis que les circuits et procédures de traitement des dossiers ont été simplifiés.

Une animation de proximité a été assurée sur le territoire afin de mieux informer sur l'Europe, ce qui était nécessaire, et d'accompagner les acteurs de terrain et les porteurs de projets. Elle s'est faite grâce à la mobilisation des partenaires - départements, parcs naturels régionaux, secrétariat général pour les affaires régionales et européennes, ou SGARE, et autres services de l'État, chambres d'agriculture agglomérations.

Depuis son transfert, ce programme a fait l'objet de plusieurs évaluations et un bilan de l'expérimentation a été effectué au 31 décembre 2005, apportant la preuve que le mode d'organisation et de gestion mis en place par la région a permis la réussite de l'expérimentation et a entraîné une réelle dynamique dans les territoires.

Les résultats mesurables en 2006 montrent que la région Alsace a atteint l'ensemble des objectifs qu'elle s'était fixés et que j'énumérerai brièvement.

Simplification et rapidité des procédures, grâce au guichet unique : ainsi, 1 358 dossiers ont été subventionnés depuis le 1er janvier 2003, date du transfert, sur 1 749 au total pour la période 2000- 2006. Le service objectif 2 guichet unique, coiffant l'ensemble du circuit d'animation, d'instruction et de contrôle des dossiers, a rendu plus efficace leur traitement, et a également été source de transversalité, en coordonnant les interventions de différents services régionaux et partenaires extérieurs autour d'un même projet.

Raccourcissement des délais d'instruction - réduits à moins de six mois -, des délais de conventionnement - 46 jours contre 123 avant le transfert - et des délais de paiement - deux jours ouvrés pour le FEDER et le Fonds social européen, le FSE, ce qui n'est pas négligeable !

Décentralisation de l'animation et de la gestion des dossiers : c'est ainsi que le service objectif 2 comprenait, au plus fort de son activité, quinze personnes, dont sept animateurs territoriaux, majoritairement installés dans les territoires pour mieux faire connaître l'Europe et ses fonds en Alsace et aider les porteurs de projets à élaborer et finaliser leurs demandes d'aides. En effet, jusque-là, c'était souvent le milieu agricole, très bien organisé et compétent, qui soutenait l'élaboration de certains projets, de telle sorte que certaines communes n'étaient pas aidées de la même manière que d'autres.

Une gestion plus économe en moyens humains : jusqu'en 2002, date du transfert, les services de l'État comptaient plus de trente personnes directement concernées par la gestion du programme au sein d'administrations diverses, pas toujours identifiables d'ailleurs - SGARE, préfectures, sous-préfectures, directions départementales de l'agriculture et de la forêt, DDAF, direction régionale de l'agriculture et de la forêt, DRAF, direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, DRTEFP, direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, DRIRE, auxquelles s'ajoutaient une dizaine de fonctionnaires occasionnellement sollicités pour un avis technique - agence gouvernementale de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, direction régionale de l'environnement, direction régionale de l'équipement, et j'en passe, soit au total plus de quarante personnes à comparer aux quinze agents de l'équipe régionale du service objectif 2.

Une meilleure consommation des crédits européens : en effet, 122 % de la dotation globale prévue pour la période 2000-2006 sont programmés au 17 octobre 2006 et 90 % de cette dotation ont d'ores et déjà été effectivement versés.

Ces résultats ont été obtenus grâce à l'organisation pragmatique, innovante et totalement axée sur les besoins des zones éligibles que la région a choisi de mettre en place. L'analyse de l'expérimentation alsacienne atteste également des progrès qualitatifs qui ont été apportés à la gestion du programme : souplesse, rapidité, adaptabilité, mais aussi rigueur et contrôle renforcés.

Ce bilan est le fruit d'un travail collectif - je dis bien collectif - interne, celui de l'équipe qui a été créée pour gérer ce programme, enrichi des conclusions d'évaluations externes ainsi que du rapport officiel d'audit réalisé en septembre 2004 par la commission interministérielle de coordination des contrôles portant sur les fonds structurels européens. Le bilan dressé par des auditeurs extérieurs aux services de la région en garantit donc l'objectivité.

Si l'expérimentation menée en Alsace peut paraître encore récente, son bilan - tout le monde sera d'accord avec vous sur ce point, monsieur le ministre - est largement positif, même s'il conviendra d'y apporter certaines améliorations ; elle devra, en outre, être poursuivie au cours de la période 2007-2013.

Avant de conclure, je tiens une nouvelle fois à saluer l'initiative prise par notre rapporteur d'étendre cette expérimentation absolument nécessaire à toutes les régions qui en feraient la demande, dans les conditions définies par la commission des lois.

L'amendement qu'elle proposera à cet effet vise à encadrer les conditions de l'expérimentation en prévoyant que les régions qui souhaiteraient se lancer dans cette voie devront en faire la demande dans un délai de six mois après la promulgation de la loi et que l'avis des départements sera, bien entendu, systématiquement recueilli.

Le rapport de notre collègue Catherine Troendle fait apparaître que, si l'expérimentation alsacienne est jugée concluante, ce dont je suis témoin - M. le président pourrait également l'attester -, c'est parce que les collectivités alsaciennes - région, départements et villes -, toutes tendances politiques confondues, se sont parfaitement entendues sur sa mise en oeuvre.

On aurait sans doute pu, j'imagine, se montrer plus libéral, mais les prochaines années nous offriront, je le pense, l'occasion de progresser dans cette voie. En effet, si, dans une région de gauche, des départements de droite - ou inversement - émettent un avis défavorable sur le transfert à la région de la gestion des fonds, l'expérimentation ne sera pas possible - si j'ai bien compris ce que propose la commission des lois -, ce qui revient en quelque sorte à accorder un droit de veto aux départements.

En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai que le texte que nous examinons, même s'il n'est qu'une étape, constitue une avancée positive.

Ce projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens représente, en effet, une avancée significative en ce qu'il permet, d'une part, la mise en oeuvre des décisions prises lors du comité interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires du 6 mars 2006 - cela prouve que vous avez de la suite dans les idées, monsieur le ministre ! -, et, d'autre part, la prorogation de l'expérimentation prévue par la loi du 13 août 2004, en lui donnant une base juridique.

Grâce à ce texte, le Gouvernement s'inscrit dans une volonté de développer l'expérimentation, méthode efficace s'il en est permettant de contribuer à mieux faire accepter les réformes, de dissiper les craintes, de lever les réticences que suscite souvent toute perspective de changement et de convaincre, en apportant la preuve du bien-fondé des nouvelles mesures proposées. En effet, le fait d'imposer par la loi purement et simplement, du jour au lendemain, des réformes depuis Paris revient à plaquer de la mécanique sur du vivant. Or le vivant n'est-il pas précisément nos collectivités territoriales ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur les travées socialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Notre ami Hubert Haenel est idéalement placé pour juger de l'efficacité de ce transfert au conseil régional d'Alsace !

La parole est à M. François Fortassin.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois dire que tant sur le plan technique que du point de vue sémantique, j'applaudis des deux mains mes deux prédécesseurs - sans oublier, bien sûr, l'intervention brillante de M. le ministre -, tellement j'ai été enthousiasmé par la qualité de leur raisonnement !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Pour autant, je dois avouer que je n'ai pas été convaincu par leurs propos.

Tout d'abord, je rappellerai brièvement que les fonds européens sont globalement en diminution, ce qui, dans le cadre d'une solidarité européenne bien comprise, est certes admissible.

En revanche, il est plus beaucoup plus difficile de parler de cohésion sociale que de cohésion économique, tant il est vrai que, compte tenu de la disparition du zonage, les zones les plus fragiles seront, de fait, fortement pénalisées. En effet, si le maître mot est la compétitivité, ne nous leurrons pas : celle-ci sera plus forte dans les zones bien desservies par les axes de circulation que dans les zones les plus reculées.

Par conséquent, je regrette que le Gouvernement français n'ait pas suffisamment insisté sur le fait que la dernière génération des fonds européens a donné des résultats très convaincants en matière d'aménagement harmonieux et équilibré de notre territoire.

Il y a là une rupture, que vous qualifierez comme vous le voudrez, monsieur le ministre

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Par ailleurs, je n'ai rien contre l'expérimentation en Alsace, bien entendu, mais je trouve que les Alsaciens ont beaucoup de chance ! Naturellement, je ne puis m'expliquer le choix de cette région par le Gouvernement autrement que parce que Strasbourg est capitale européenne !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Et c'est une région qui a voté à droite !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. J'écarte automatiquement toute autre hypothèse, en particulier de nature politique. Cette idée ne m'a même pas traversé l'esprit !

Nouveaux sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Toutefois, M. Raoult, qui a lu attentivement le texte de ce projet de loi, me faisait remarquer que, curieusement, l'Alsace est la seule région qui ne soit pas à gauche !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Certes, mais vous renouvelez l'expérimentation !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je peux vous citer des expérimentations qui marchent bien, mais que vous ne renouvelez pas, ce qui pose tout de même problème !

Madame le rapporteur, vous affirmez que, s'agissant des départements, nous ne disposons pas d'une visibilité suffisante, faute d'une période d'expérimentation assez longue.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Apparemment, la visibilité est parfaite s'agissant de la région Alsace ! Mais passons, mes chers collègues, car, finalement, ce n'est pas gênant.

Monsieur le ministre, je suis prêt à me rallier à votre texte, à la seule condition que l'expérimentation du transfert de la gestion du Fonds social européen se fasse aussi dans les départements. En effet, lorsqu'ils ont eu la possibilité de procéder à cette expérimentation, ils ont montré qu'ils étaient tout à fait capables de gérer ces fonds.

Par ailleurs, l'aide sociale constitue leur coeur de métier, et il serait donc logique, me semble-t-il, que les conseils généraux soient chargés d'allouer ces crédits. Nous déposerons, d'ailleurs, un amendement en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Non, c'est une décision du gouvernement français ! La Commission n'a jamais déclaré expressément que les départements ou toute autre collectivité devaient être exclus de cette répartition.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je vous demande donc d'être cohérents dans votre argumentation.

Je veux bien qu'une expérimentation soit menée en Alsace - j'ai d'ailleurs évoqué le cas de cette région de manière détendue -, et peu importe le domaine auquel elle s'appliquera, mais je ne vois pas pourquoi les autres régions seraient discriminées.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Il y aura des expérimentations dans d'autres régions, demain !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Ce n'est pas la peine d'attendre demain ! On peut étendre immédiatement ce dispositif à toutes les régions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Rien n'interdisait au Gouvernement de traiter de la même façon le Fonds social européen dans toutes les régions, voilà tout !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur Fortassin, j'en suis désolé, mais il me semble que vous n'avez pas du tout écouté Mme le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Commençons par celui de la commission des lois, si vous le voulez bien ! Elle propose que l'expérimentation soit étendue à d'autres régions, à condition que les départements donnent leur accord.

En revanche, monsieur Fortassin - et je m'exprime sous le contrôle de Mme le rapporteur, qui s'est rendue à Bruxelles - la Commission européenne a souligné qu'il ne fallait pas multiplier les interlocuteurs et qu'il n'était pas question de descendre au-dessous du seuil de la région !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur Fortassin, vous ne croyez pas Mme le rapporteur, qui s'est rendue à Bruxelles, ni rien de ce que l'on vous dit !

Veuillez m'excuser, mais c'est tout de même un peu fort ! Au nom de quoi tenez-vous de tels propos ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

La Commission ne dit pas expressément que les départements doivent être exclus !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Elle ne le dit pas expressément, mais elle refuse qu'ils soient concernés !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

C'était au Gouvernement de faire en sorte que les départements ne soient pas écartés du dispositif !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Mes chers collègues, les échanges directs entre sénateurs ne doivent pas être trop nombreux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La discussion générale sert à exposer l'opinion des différents groupes. Chacun pourra ensuite s'exprimer afin d'amender - ou non - le projet de loi, pour le soutenir ou appeler à son rejet.

Nous avons bien compris que la vision de M. François Fortassin et celle de M. le président de la commission des lois ne se recoupaient pas complètement...

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir excuser mon intervention !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je vous en prie, mon cher collègue !

La parole est à Mme Michèle André.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord me féliciter de la préservation des financements des fonds structurels pour l'aménagement du territoire entre 2007 et 2013. En effet, c'était l'enjeu décrit dans le rapport de nos collègues Simon Sutour et Yann Gaillard, déposé le 5 février 2004 et intitulé : Les perspectives d'évolution de la politique de cohésion après 2006.

Ce rapport soulignait que : « La politique régionale représente [...] quasiment 50 % des financements de la politique de l'aménagement du territoire en direction des régions françaises. [...]

« Le cofinancement a un effet de levier sur les dépenses supplémentaires nationales de source publique ou privée, permettant ainsi de créer les masses critiques nécessaires à la réalisation de projets structurants. [...]

« Les collectivités locales ont pris l'habitude d'élaborer leurs projets en anticipant le versement de financements européens. [...] Tous les élus ont à l'esprit des projets structurants pour leur territoire qui n'ont été rendus possibles que grâce à la mobilisation des crédits européens.

« Les collectivités locales sont unanimement attachées au maintien d'une politique régionale ambitieuse. Elles avancent bon nombre d'arguments en ce sens, le plus convaincant étant certainement celui selon lequel les politiques de développement territorial les plus efficaces sont celles qui reposent sur un véritable partenarial local ou, plus simplement, sur une approche décentralisée. Encore celle-ci mériterait-elle à l'avenir d'être renforcée, une piste prometteuse étant évoquée en ce sens par la Commission sous la forme de « contrats tripartites » Europe-Etat-Régions. Si cette formule pouvait en outre améliorer en France la coordination et la cohérence entre contrats de plan et fonds structurels, actuellement déficientes, le bénéfice serait double. »

Toutefois, nous savons tous combien le montage des dossiers est complexe, et parfois décourageant, pour les collectivités. Par ailleurs, les services de l'État n'ont pas toujours eu la disponibilité nécessaire afin d'accompagner les montages et de suivre les dossiers, comme vous le remarquez fort justement dans votre rapport, madame Troendle.

J'évoquerai l'exemple de la région Auvergne : depuis 2003, le conseil régional assure la communication, l'animation, l'inscription, la gestion et le contrôle des dossiers, soit la totalité des tâches de gestion, représentant 80 % de l'enveloppe FEDER attribuée à l'Auvergne.

Dans cette perspective, il a mis en place une équipe de professionnels, qui est aujourd'hui parfaitement opérationnelle au sein de la collectivité. Le retard de programmation et de paiement a été rattrapé, quatre dégagements d'avis ont été évités et nous avons dépassé les moyennes nationales en termes de paiement et de programmation. Je rejoins donc les propos qu'à tenus M. Hubert Haenel s'agissant des qualifications et des compétences des équipes mises en place dans les régions, qui me semblent être de la même qualité en Auvergne qu'en Alsace.

Toutefois, monsieur le ministre, depuis le CIACT, le comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires du 6 mars 2006, votre gouvernement ne reconnaît pas la réussite de ce dispositif à part entière, alors que la Commission européenne le considère comme spécifique et le prend en compte dans le calcul des moyens de subventions globales allouées aux collectivités locales.

L'examen de ce projet de loi aurait pu permettre de reconnaître aujourd'hui la réussite de l'expérimentation en Auvergne. Tel n'est pas le cas et nous le regrettons.

Mes chers collègues, vous comprendrez que mon intervention ne s'inscrit pas contre les intérêts de l'Alsace, que j'aurais bien mauvaise grâce à dénigrer devant un président, un rapporteur et quelques talentueux collègues originaires de cette région !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Toutefois, vous comprendrez aussi que, selon nous, le projet de loi qui nous est soumis se trouve très en retrait par rapport à l'article 44 de la loi du 13 août 2004, ce qui le fait apparaître comme un texte de circonstance. Cette impression est d'ailleurs largement confirmée par les amendements de la commission des lois qui, en outre - nous le regrettons, et nous reviendrons sur cette question -, instaurent une tutelle des départements sur les régions s'agissant de l'élargissement du dispositif à toutes les régions qui le souhaiteraient.

Mes chers collègues, aucune collectivité ne peut exercer une autorité sur une autre collectivité ; nous étions très attachés à ce principe lors des longs débats qu'a suscités ici même la loi de décentralisation.

Vous objecterez sans doute que des consensus peuvent se former. Certes, mais nous observons également des exemples contraires.

Monsieur le ministre, je le dis très solennellement, nous aurions compris que le Gouvernement veuille gérer directement la totalité des crédits dans toutes les régions, nous aurions compris que toutes les régions soient traitées de la même manière, et c'est ce que nous demanderons, mais nous ne comprenons pas ce traitement différencié entre l'Alsace et les autres !

En effet, nous savons que chacun des pays membres de l'Union européenne conserve une grande latitude dans la désignation des autorités chargées de la mise en oeuvre de sa politique économique et sociale. D'ailleurs, comme nos collègues de la commission des lois l'ont fait remarquer, certains États n'ont pas hésité à déléguer largement, y compris parfois au bénéfice d'entités plus petites que nos départements français, qui se voient pourtant contester aujourd'hui la gestion du FSE. Nous avons déposé des amendements sur ce sujet.

Pour conclure, car nous aurons l'occasion de débattre de nouveau de ces questions, si les amendements déposés par les membres du groupe socialiste ne sont pas pris en compte, nous serons désolés de ne pouvoir voter ce projet de loi, qui nous paraît rompre avec le principe de l'égalité entre les territoires et avec celui, qui figure dans notre Constitution, de l'absence de tutelle d'une collectivité sur une autre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Monsieur Fortassin, vous avez tout d'abord souligné - avec retenue, je le reconnais - que l'enveloppe des fonds structurels européens était en diminution par rapport à l'époque précédente, puisqu'elle s'élèvera à 14, 7 milliards d'euros entre 2007 et 2013, contre 15, 6 milliards d'euros entre 2000 et 2006.

Je le rappelle, lorsque j'ai pris mes fonctions au ministère de l'aménagement du territoire, en juin 2005, nous n'obtenions, en l'état des discussions, qu'environ 50 % du montant de l'enveloppe allouée pour la période précédente, et chacun avait admis que nous ne nous en tirions pas trop mal compte tenu de l'entrée dans l'Union européenne de dix nouveaux pays !

Mme le rapporteur acquiesce.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Il n'y avait même pas de polémique ! Cependant, j'ai considéré pour ma part que cette situation était inacceptable, et j'ai réalisé je ne sais combien d'aller-retour entre Paris et Bruxelles afin de faire entendre notre voix, notamment par Danita Hubner.

J'ai fait mesurer que la France devait obtenir un engagement supplémentaire en matière de fonds liés à l'aménagement du territoire. S'agissant en particulier des politiques de compétitivité des territoires, qu'a contestées M. Fortassin et dans lesquelles nous nous engageons conformément à la stratégie de Lisbonne - qui a été validée, je veux le rappeler, par le gouvernement de M. Jospin ! -, il nous fallait recevoir davantage de crédits.

Honnêtement, nous obtenons une enveloppe presque identique à celle de la période précédente - 14, 7 milliards d'euros, contre 15, 6 milliards d'euros -, alors que personne ne pouvait espérer autant en juin 2005. D'ailleurs, depuis quelques mois, au Sénat comme à l'Assemblée nationale et dans la plupart des collectivités territoriales de France, j'ai plutôt entendu des élus, de toutes tendances politiques, qui se réjouissaient du résultat obtenu.

En outre, monsieur Fortassin, vous évoquez les injustices que la suppression du zonage va susciter. Mais pourquoi ai-je voulu cette suppression ? Précisément pour qu'il n'y ait plus un seul territoire de France qui soit exclu de l'accès aux fonds structurels européens.

Sur la période précédente, certains territoires très défavorisés, très isolés, n'ont jamais bénéficié des fonds structurels européens. Désormais, tous y auront accès.

Je le rappelle, c'est sur des projets identifiés comme prioritaires par les collectivités elles-mêmes que l'État veillera à ce que, grâce à la suppression du zonage, ce soient justement les territoires les moins favorisés qui en bénéficient. C'est donc bien dans un esprit de justice et d'équité que le Gouvernement a souhaité apporter une réponse à cette situation.

Je confirme d'ailleurs les propos de M. le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, et de Mme le rapporteur, Catherine Troendle. Monsieur Fortassin, la Commission européenne refuse fermement que l'autorité de gestion soit confiée aux départements. Il est donc inutile de mettre en doute le contenu du rapport ou la parole de Mme le rapporteur : c'est la Commission européenne qui s'y oppose.

Pour autant, ce projet de loi, notamment grâce aux amendements de la commission, offre l'opportunité d'impliquer les départements sans remettre en cause l'opposition formelle de la Commission.

Madame le rapporteur, je tiens à saluer votre intervention. Il est vrai que le dispositif expérimenté en Alsace depuis 2003 s'est révélé globalement positif et permet notamment de limiter le nombre d'interlocuteurs côté français.

Je me félicite également de votre proposition, qui consiste à adapter le droit des collectivités locales pour permettre à la France d'utiliser le nouvel instrument qu'est le groupement européen de coopération territoriale. Ce statut, accordé à toutes les collectivités territoriales transfrontalières ou frontalières, sera certainement très utile et efficace.

Je précise que la France a fortement soutenu cette initiative de la Commission, qui sera notamment utile pour la gestion des fonds européens relatifs à la coopération territoriale européenne transfrontalière et transnationale. L'actuel programme INTERREG III sera pour nous l'un des outils essentiels. Ce nouveau type de groupement pourra ainsi comprendre l'ensemble des acteurs des différents pays européens concernés, que ce soient les collectivités ou l'État, sur le fondement d'une relation symétrique et simplifiée.

Je remercie également M. Hubert Haenel, dont les propos montrent bien l'intérêt de poursuivre l'expérimentation engagée en Alsace en 2003, c'est-à-dire au milieu de la programmation 2000-2006. Cette expérimentation ne dure que depuis trois ans, mais elle est particulièrement importante, puisqu'elle porte plus largement sur la gestion de l'ensemble des fonds structurels européens, notamment ceux de l'ancien objectif 2, qui regroupe la plus grande part de ces fonds.

M. Hubert Haenel a une grande connaissance de l'expérimentation. En effet, c'est en s'appuyant sur un rapport de ce dernier que, en 1995, M. Bernard Pons, alors ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, avait proposé l'expérimentation du transfert des transports express régionaux vers six régions : l'Alsace, le Nord-Pas-de-Calais, la région Rhône-Alpes, la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, la région Centre et la région Midi-Pyrénées. Je m'en souviens, car j'étais alors premier vice-président de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, c'est-à-dire de l'une des régions candidates.

C'est parce que les régions concernées ont pu démontrer toute l'efficacité de ce système que le gouvernement de M. Jospin a ensuite généralisé ce transfert de gestion à l'ensemble des régions françaises. D'ailleurs, les membres de l'opposition du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur avaient d'abord refusé cette expérimentation, avant d'en demander l'extension à toutes les régions, en 1997, une fois qu'ils ont appartenu à la majorité.

On le voit bien, les élus locaux, quel que soit leur bord politique, finissent toujours par faire preuve de pragmatisme.

La grande qualité de ce débat le prouve, ce sont des élus locaux, expérimentés, forts de leurs propres expériences, qui s'expriment. Plutôt que de faire prévaloir des visions idéologiques, ils cherchent à enrichir ce texte, grâce aux résultats qu'ils ont obtenus dans leur région, sur le fondement de ce transfert de gestion ou de leur partenariat avec les autres collectivités locales.

C'est en tout cas ainsi que j'ai interprété votre intervention, madame André. Vous référant à la période au cours de laquelle la région Auvergne a pu faire l'objet d'une expérimentation, vous souhaitez que, par ce texte, elle bénéficie du même statut que la région Alsace. Or, vous le savez, il ne s'agissait pas du même type d'expérimentation : le statut différait quelque peu, puisque le Gouvernement avait accordé à la région Auvergne, dans le cadre de cette expérimentation, une subvention globale.

S'il était adopté, l'amendement n°2 déposé par la commission des lois et visant à élargir cette expérimentation à d'autres régions permettra à l'Auvergne d'acquérir le même statut que l'Alsace. Le Gouvernement n'y serait pas totalement défavorable, je le dis par anticipation, à condition que le partenariat avec les autres collectivités, notamment les collectivités départementales au sein des régions - il en a été beaucoup question dans votre propos, madame André -, soit assuré. Cet amendement et les sous-amendements du Gouvernement permettraient de parvenir à des positions plutôt équilibrées.

Je vous remercie de votre intervention, madame André, qui ne pouvait qu'enrichir notre débat et la réflexion du Gouvernement. Elle conforte en tout cas mon avis quant à la position proposée par la commission des lois.

Tels sont les éléments de réponse que je souhaitais apporter aux différents intervenants, monsieur le président. J'aurai l'occasion d'apporter plus de précisions lors de l'examen des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

À titre expérimental et dans le cadre d'une convention, l'État peut confier aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse si elles en font la demande ou, si celles-ci ne souhaitent pas participer à une expérimentation, aux autres collectivités territoriales, à leurs groupements ou à un groupement d'intérêt public, la fonction d'autorité de gestion et celle d'autorité de certification de programmes relevant, pour la période 2007-2013, de l'objectif de coopération territoriale européenne ou de l'instrument de voisinage et de partenariat de la Communauté européenne.

La convention précise le programme ainsi que les conditions dans lesquelles l'autorité retenue satisfait aux obligations de l'État résultant des règlements communautaires. À ce titre, pour l'ensemble des actions entrant dans le champ de l'expérimentation, et quel que soit le mode d'exercice qu'elle a choisi pour la conduire, la personne publique chargée de l'expérimentation supporte la charge des corrections et sanctions financières décidées à la suite des contrôles nationaux et communautaires ou par des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, sans préjudice des mesures qu'elle peut mettre en oeuvre à l'encontre des personnes dont les actes sont à l'origine de la procédure considérée. Cette charge est une dépense obligatoire au sens de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales.

L'autorité publique expérimentatrice peut, dans ce cadre, confier par convention la fonction d'autorité de certification à un groupement d'intérêt public, tel que défini par le chapitre Ier du titre IV du livre III du code de la recherche, au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, à une institution financière spécialisée, telle que définie à l'article L. 516-1 du code monétaire et financier, ou à des institutions ou services autorisés à effectuer des opérations de banque, tels que définis à l'article L. 518-1 du même code.

La personne publique chargée de l'expérimentation adresse au représentant de l'État dans la région le bilan de l'expérimentation qui lui a été confiée, établi au 31 décembre 2010. Le Gouvernement adresse, au cours du premier semestre 2011, un rapport au Parlement portant sur l'ensemble des expérimentations mises en oeuvre au titre du présent article.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le champ de l'expérimentation proposée par l'article 1er est beaucoup plus restreint dans son objet et dans ses moyens que celui de l'expérimentation prévue à l'article 44 de la loi du 13 août 2004.

En effet, alors que l'article 44 visait l'ensemble des programmes relevant de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne, l'article 1er du projet de loi est limité à l'objectif de coopération territoriale européenne, qui tend à développer les actions subventionnées jusqu'ici par le programme INTERREG III consacré à la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale.

En outre, alors que l'article 44 prévoyait la possibilité pour les départements de se voir confier par l'État les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement, lorsque les actions relèvent du Fonds social européen, l'article 1er exclut d'emblée les départements de la possibilité d'expérimenter l'autorité de gestion.

Or - le rapport le souligne à plusieurs reprises -, les collectivités territoriales, lorsqu'elles se sont vu confier l'autorité de gestion, ont obtenu de bons résultats en termes d'amélioration de la programmation. En outre, les départements ont montré leurs compétences en ce domaine avec la gestion du RMI.

Pourtant, la réglementation de la programmation 2007-2013 fixée par le règlement du Conseil européen du 11 juillet 2006 maintient aux États membres la possibilité de choisir l'échelon géographique approprié pour établir et pour mettre en oeuvre un programme opérationnel de l'objectif 2 « compétitivité régionale et emploi » lorsque les programmes opérationnels sont financés par le Fonds social européen. Ce raisonnement est tout à fait justifié si l'on tient compte du fait que les départements, chefs-de-file de l'action sociale, sont au coeur de tous les dispositifs d'inclusion sociale dont ils sont les principaux animateurs, en relation avec les autres acteurs concernés.

Pour justifier l'exclusion des départements du dispositif d'expérimentation, la commission des lois s'appuie sur l'audition de M. Jean-Charles Leygues, directeur général adjoint de la direction générale de la politique régionale de la Commission européenne, qui a indiqué que, pour la Commission, l'échelon approprié ne pouvait être en aucun cas le département. La commission des lois en conclut qu'« il s'avère donc impossible, non pas en principe mais en pratique, d'élaborer des programmes opérationnels départementaux pour l'attribution des crédits du Fonds social européen et de confier leur gestion aux conseils généraux ».

Or il semble que la position de la Commission sur ce point ne soit pas uniforme, plus particulièrement pour ce qui concerne la mise en oeuvre du FSE. Par ailleurs, le choix de ne pas permettre aux départements d'accéder à cette expérimentation relève, à mon avis, de l'État français.

En effet, l'implication des départements s'est accrue de 2004 à 2006 dans la gestion directe des crédits du FSE. Aujourd'hui, plus de cinquante-trois départements sont présents dans la gestion de ces crédits. Le renforcement de leurs services et de leurs équipes pour répondre aux règles de gestion spécifique au FSE prouve cette forte mobilisation. Celle-ci devrait encore s'accroître au-delà des cinquante-trois départements précités pour la période de programmation 2007-2013.

Certains de ces départements ont exprimé officiellement au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement leur souhait d'expérimenter l'autorité de gestion des crédits, conformément aux facultés que leur offrait la loi du 13 août 2004. Tel est l'objet de l'amendement n° 10 rectifié, que je considère donc comme défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 9 est présenté par M. Fortassin.

L'amendement n° 10 rectifié est présenté par Mme M. André, MM. Vézinhet, Sutour, Peyronnet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Durant cette même période, l'Etat peut aussi confier cette mission aux conseils généraux lorsque les actions relèvent du Fonds social européen, dans le cadre des objectifs « Compétitivité régionale et emploi » et « Convergence ».

La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l'amendement n° 9.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Comme cela vient d'être rappelé, c'est à l'unanimité que les départements regrettent que les dispositions votées lors de l'acte II de la décentralisation aient disparu du nouveau projet de loi.

En effet, les départements sont les chefs-de-file en matière d'aide sociale. En outre, le FSE s'adresse à tous les bénéficiaires de l'insertion sociale, et les expérimentations qui ont été engagées dans cinquante-trois départements ont largement porté leurs fruits.

Nous demandons donc au Gouvernement français d'étendre cette faculté à l'ensemble des départements. Après tout, les départements n'ont pas demandé à supporter la charge du RMI. Ils l'ont accepté, puisqu'une loi a été votée en ce sens. Il faudrait donc, par cohérence, confier aux départements la gestion du FSE.

En outre, je persiste à croire que la position de la Commission européenne présente une anomalie.

En effet, la Commission accepte que les États confient la gestion des fonds structurels à des collectivités territoriales. Or les conseils généraux sont des collectivités territoriales, qui ont fait la preuve de leur capacité à gérer le Fonds social européen.

L'exclusion des départements par la Commission européenne constitue donc, je le répète, une anomalie par rapport à la position antérieure de cette dernière. L'adoption de la disposition contenue dans l'amendement n° 9 serait donc une manière élégante de lui faire admettre qu'une telle anomalie n'est pas acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 10 rectifié a été défendu.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur Fortassin, je ne peux que confirmer qu'il s'agit bien là d'une anomalie. Nous le regrettons.

Mais, en l'état actuel des choses, je ne peux que répéter, à la suite de M. le ministre, qu'il n'est absolument pas question d'étendre cette faculté aux départements.

Les nombreuses compétences des départements dans les domaines de l'action sociale et de l'insertion justifient sans conteste le souhait de ces collectivités de participer plus activement à la gestion des crédits FSE. Toutefois, les programmes opérationnels présentés au titre de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » doivent être établis au niveau national ou régional lorsqu'ils sont financés par le FEDER, comme l'indique très bien la Commission européenne, et « au niveau approprié » lorsqu'ils sont financés par le FSE. Cela ferme toute porte à l'échelon départemental.

La Commission européenne s'oppose donc à l'élaboration de programmes à un niveau infrarégional et, par voie de conséquence, à la désignation des départements comme autorité de gestion.

De surcroît, le Gouvernement a fait le choix d'un programme national pour les fonds structurels européens. Il importe donc que les départements puissent bénéficier des subventions globales dans ce cadre.

Quant à l'objectif « convergence », il concerne exclusivement les régions et les départements d'outre-mer. Il semble préférable que l'État conserve la responsabilité des programmes, compte tenu de l'importance des crédits et des particularités locales.

Pour toutes ces raisons, la commission vous demande, monsieur Fortassin, madame André, de bien vouloir retirer vos amendements, faute de quoi, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Madame André, monsieur Fortassin, comme vous, la position prise par la Commission européenne à l'égard des départements ne m'enthousiasme pas. Pour autant, vais-je bloquer le dispositif d'attribution de fonds par l'Union européenne à la France et à ses collectivités en acceptant des amendements qui, en fait, retarderaient votre action, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui êtes les représentants des départements, à l'égard d'un certain nombre de dossiers ?

Par ailleurs, étudions en détail la situation. Que représenterait le financement du FSE pour un département ? Les fonds attribués ne seraient pas supérieurs à une somme estimée entre 1 million d'euros et 3 millions d'euros. Vous voyez donc la complexité de gestion !

Même si je n'aurais pas vu d'un mauvais oeil que soit déléguée aux départements la faculté de gérer les crédits FSE, je reste fortement attaché au principe fondamental selon lequel une collectivité ne doit pas pouvoir exercer une tutelle sur une autre.

Or, la part de fonds structurels européens consommée par les départements, au titre de l'inclusion sociale, est généralement bien inférieure à celle qui est consacrée par une région à la formation professionnelle. Autrement dit, l'adoption des amendements identiques qui nous sont proposés reviendrait à faire exercer par le département, qui consomme une part moindre de crédits FSE, une tutelle sur les régions, qui dépensent une part de crédits susvisés plus importante. Je peux donc parfaitement comprendre les régions qui n'accepteraient pas une telle tutelle. Pourtant, Dieu sait si je suis un défenseur de la collectivité départementale !

Permettre aux conseils généraux, comme aux autres collectivités concernées, de bénéficier d'une subvention globale au titre du FSE me paraît apporter la meilleure réponse possible aux préoccupations légitimes des départements. Cette subvention peut représenter jusqu'à 40 % de l'enveloppe régionale pour les régions et les départements, et jusqu'à 60 % en y ajoutant les autres collectivités et organismes ne dépendant pas de l'État. Nous proposons donc qu'une part importante des crédits FSE puisse être confiée aux départements, par voie de subvention globale.

Pour toutes ces raisons, et après vous avoir indiqué les conséquences qu'aurait l'adoption de ces amendements identiques, je vous demande, madame André, monsieur Fortassin, à la suite de Mme le rapporteur, de bien vouloir retirer ces derniers.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Certes, je connais le sort qui sera réservé à cet amendement. Malgré tout, je le maintiens avec sérénité, dans la mesure où cinquante-trois départements ont déjà procédé à cette expérimentation à la satisfaction générale

M. le président de la commission des lois proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le risque évoqué par M. le ministre ne me semblant pas très grand, je le maintiens également, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Monsieur le ministre, le refus de prendre en compte le découpage départemental pose un problème de fond quant à la réflexion de la Commission européenne sur les zonages. Souvenez-vous que le Hainaut français, qui, d'un point administratif, n'existe pas, a obtenu des crédits au titre de l'objectif 1 parce qu'une province du Hainaut belge allait en bénéficier. À l'époque, il a fallu sérieusement argumenter pour que trois arrondissements du sud du département du Nord obtiennent lesdits crédits.

Aujourd'hui, les crédits européens sont renégociés et la même problématique ressurgit. En effet, on a calculé le revenu par habitant sur l'ensemble du territoire du Nord-Pas-de-Calais et on en a déduit que le Hainaut français ne pouvait plus obtenir de crédits au titre de l'objectif 1 en raison du seuil imposé pour pouvoir bénéficier de tels crédits. Comme le découpage belge est resté le même, le Hainaut belge, quant à lui, continuera à percevoir les mêmes fonds au titre de l'objectif 1. Concrètement, le zonage français effectué par département défavorise notre pays.

De surcroît, selon le rapport de la commission des lois, en matière de coopération transfrontalière, trente-six départements français, regroupés en plusieurs espaces de coopération, sont éligibles à un financement. Le premier espace est ainsi dénommé : « France/Royaume-Uni/Flandres/Pays-Bas ». Il y aurait donc un pays dénommé « Flandres » ? Quant au deuxième espace, il est ainsi intitulé : « France/Belgique : Pas-de-Calais, Aisne, Ardennes », sans que le Nord soit mentionné.

Concrètement, le zonage des départements français conduit à des aberrations ! Le département du Nord, dont le nombre d'habitants s'élève à 2, 5 millions, est certainement plus peuplé que les territoires belges voisins. Or, on refuse d'attribuer des fonds à des départements français alors que des territoires belges, dont le nombre d'habitants est bien inférieur, peuvent en bénéficier ! C'est totalement illogique et défavorable à notre pays !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Monsieur Fortassin, vous avez proféré une fausse affirmation : ce ne sont pas cinquante-trois départements qui se sont vu confier la gestion de fonds du FSE ; cinquante-trois départements français ont expérimenté la gestion d'une subvention globale, ce que nous reconduisons. L'argument que vous avez donc développé afin de justifier le maintien de votre amendement ne tient donc pas.

Monsieur Raoult, c'est justement parce que le Hainaut français n'a pas bénéficié de la reconduction des crédits au titre de l'objectif 1, contrairement au Hainaut belge, que j'ai obtenu une subvention complémentaire de 70 millions d'euros, à titre de compensation. Je suis particulièrement satisfait d'avoir remporté ce combat, parmi d'autres.

De la même façon, la Sardaigne ayant obtenu la reconduction de fonds au titre de l'objectif 1, contrairement à la Corse, une seconde dérogation a été adoptée en faveur de cette dernière, avec une subvention compensatoire de 30 millions d'euros.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Monsieur le ministre, nous avons pris note de votre action à Bruxelles tendant à ce que les départements puissent être gestionnaires des crédits FSE. Malheureusement, elle n'a pas été suivie d'effet.

Je mets aux voix l'article 1er.

L'article 1 er est adopté.

La convention par laquelle l'État a confié à titre expérimental à la région Alsace les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement de certains programmes européens peut être prorogée pour lui confier les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification pour les programmes relevant, pour la période 2007-2013, de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne.

En cas de prorogation de la convention, les trois derniers alinéas de l'article 1er sont applicables.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Cet article du projet de loi avait pour objet unique de proroger l'expérimentation menée par la région Alsace.

La commission des lois a estimé, d'une part, que l'expérimentation conduite en Alsace méritait d'être poursuivie et, d'autre part, qu'il fallait permettre aux autres régions et à la collectivité territoriale de Corse d'exercer elles aussi, à titre expérimental, les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification des programmes opérationnels relevant de l'objectif « compétitivité territoriale et emploi » de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne pour la période 2007-2013, à condition que les candidatures fassent l'objet d'un consensus politique local. C'est ce qui a justifié le dépôt, par ladite commission, de l'amendement n° 2.

Il est ainsi proposé d'étendre cette expérimentation de la gestion des crédits décentralisés des programmes financés par les fonds structurels européens. L'objectif affiché est de pouvoir disposer d'éléments de comparaison entre les différents services de l'État et les collectivités territoriales.

Les membres du groupe socialiste sont naturellement favorables au principe de l'extension de l'expérimentation alsacienne à l'ensemble des régions et à la collectivité de Corse. Mais, aux termes de la rédaction proposée, le transfert est proposé à des conditions difficilement acceptables.

En effet, l'extension de cette expérimentation aux autres régions est subordonnée à une double condition : aucun des départements situés sur leur territoire ne doit s'y opposer et la région doit s'engager sur les moyens à mettre en oeuvre.

Les sous-amendements déposés par le Gouvernement ne changeront rien en l'espèce.

Il est institué une sorte de « droit de veto » - l'expression a été employée par M. Haenel -, de tutelle des départements sur les régions. Sur ce point, monsieur le ministre, j'ai bien compris que nous partagions le même avis. De surcroît, cela conditionnerait une décision prise par l'État.

Une telle proposition, qui remettrait en cause la pratique de la décentralisation et des transferts de compétences, me paraît inconstitutionnelle.

Les départements qui sont exclus de l'expérimentation de l'autorité de gestion et de certification des programmes opérationnels relevant de l'objectif « compétitivité territoriale et emploi » financés par le FSE pourraient paradoxalement empêcher la région d'en bénéficier.

On peut se demander, au regard des conditions dont serait assorti l'élargissement de l'expérimentation alsacienne aux autres régions, s'il ne s'agit pas plutôt de consacrer un statut particulier pour la région Alsace, ce qui serait dommageable pour les autres régions. Cette disposition ne fait que confirmer qu'il s'agit bien d'un texte de circonstance. Une telle formalisation peut être préjudiciable. Il ne faudrait pas opposer les départements et les régions.

Je note aussi que l'amendement n° 2 a été déposé sans concertation préalable avec les régions et les départements, et que cela pose problème.

Les choix qui pourraient être faits risquent de l'être pour des raisons qui ne sont pas toujours faciles à préciser dans cet hémicycle. Il aurait été préférable d'instituer des partenariats plus souples.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 2, présenté par Mme Troendle, au nom de la commission, est ainsi libellé :

A. Avant le premier alinéa de cet article, ajouter six alinéas ainsi rédigés :

I. À titre expérimental et dans le cadre d'une convention, l'État peut confier aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse, si elles en font la demande et si aucun des départements situés sur leur territoire ne s'y oppose, la fonction d'autorité de gestion et celle d'autorité de certification de programmes opérationnels relevant de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne pour la période 2007-2013.

La délibération par laquelle un conseil régional ou l'Assemblée de Corse décide de présenter sa candidature est adoptée dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi.

Elle comporte une présentation, d'une part, des moyens qui seront mis en oeuvre pour assurer la fonction d'autorité de gestion et celle d'autorité de certification et, d'autre part, des modalités d'association du représentant de l'État, des autres collectivités territoriales et de leurs groupements à l'exercice de la fonction d'autorité de gestion.

Elle est transmise au représentant de l'État qui la notifie sans délai aux départements concernés. À défaut de délibération dans un délai de quatre mois à compter de cette notification, leur avis est réputé favorable.

Le ministre chargé de l'intérieur se prononce sur les candidatures qui lui sont transmises par les représentants de l'État dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi.

Les trois derniers alinéas de l'article 1er de la présente loi sont applicables aux collectivités territoriales dont la candidature a été retenue. Un décret publie leur liste.

B. En conséquence, rédiger comme suit le début de cet article :

II. Par dérogation au I, la convention...

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Cet amendement a pour objet de permettre à des régions autres que l'Alsace et à la collectivité territoriale de Corse d'exercer, à titre expérimental, les fonctions d'autorité de gestion et de certification des programmes opérationnels relevant de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » de la politique de cohésion sociale de la Communauté européenne pour la période 2007-2013.

En effet, les résultats obtenus depuis 2003 par la région Alsace sont positifs et justifient la poursuite de l'expérimentation. Toutefois, pour que cette dernière soit significative, il faut disposer d'éléments de comparaison.

Si la participation d'autres régions à cette expérimentation s'avère nécessaire, il importe de veiller à ce qu'elle n'entraîne pas de difficultés dans la gestion des fonds structurels occasionnant des retards ou des pertes de crédits préjudiciables pour notre pays.

Par conséquent, l'amendement n° 2 tend à subordonner l'extension de l'expérimentation à des conditions de fond et de délais.

S'agissant des conditions de fond, les candidatures devront faire l'objet d'un consensus politique local minimal, qui se traduira par la double exigence d'un accord des départements concernés et d'une association du préfet, des autres collectivités territoriales et de leurs groupements à la gestion des fonds structurels, et elles devront être assorties d'un engagement de la région sur les moyens à mettre en oeuvre.

Quant aux délais, ils doivent être impérativement brefs pour que l'expérimentation puisse démarrer rapidement. Les candidatures devront donc être présentées dans les six mois suivant la promulgation de la loi. Les départements disposeront de quatre mois pour faire connaître leur avis, ce dernier étant réputé favorable en l'absence de délibération dans ce délai. La sélection des candidatures sera opérée par le ministre de l'intérieur dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi. De la sorte, les expérimentations pourront débuter simultanément, au plus tard au mois de février ou de mars 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le sous-amendement n° 11, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. Dans le premier alinéa du I du A de l'amendement n° 2, supprimer les mots :

et si aucun des départements situés sur le territoire ne s'y oppose

II. Compléter le même alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette mission leur est confiée dans les mêmes conditions que celles accordées à la région Alsace lors de la signature de la convention entre l'État et cette région le 15 février 2003.

III. Supprimer les deuxième à cinquième alinéas du I du A de l'amendement n° 2.

La parole est à Mme Michèle André.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'ai déjà en partie présenté ce sous-amendement lors de mon intervention sur l'article.

Il me semble que notre groupe pourrait voter sans difficulté l'amendement n° 2 s'il était ainsi modifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le sous-amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du I du A de l'amendement n° 2, remplacer les mots :

si aucun des départements situés sur leur territoire ne s'y oppose

par les mots :

si tous les départements situés sur leur territoire donnent leur accord après délibération

II. - À la fin du quatrième alinéa du I du A du même amendement, remplacer le mot :

favorable

par le mot :

défavorable

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Le Gouvernement souhaite renforcer encore le dispositif proposé par la commission en imposant que les départements concernés prennent une délibération favorable à la demande d'expérimentation d'une région. Leur accord n'est pas un accord par défaut : il doit être exprimé explicitement dans un délai de quatre mois.

Notre choix, madame André, est celui non pas d'une opposition entre départements et régions, mais, au contraire, d'un vrai consensus entre ces collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le sous-amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le troisième alinéa du I du A de l'amendement n° 2 :

Elle comporte des engagements, d'une part, sur les moyens qui seront mis en oeuvre pour assurer la fonction d'autorité de gestion et celle d'autorité de certification et, d'autre part, sur les modalités d'association du représentant de l'État, des autres collectivités territoriales et de leurs groupements à l'exercice de la fonction d'autorité de gestion.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Il convient que les arguments venant à l'appui de la candidature d'une région non seulement fassent l'objet d'une présentation mais correspondent aussi à des engagements susceptibles d'être repris dans la convention qui sera établie entre l'État et la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le sous-amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le cinquième alinéa du I du A de l'amendement n° 2 :

Dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, un décret publie la liste des régions ou de la collectivité territoriale de Corse dont la candidature est retenue au regard des engagements mentionnés au troisième alinéa du présent article.

II. - La seconde phrase du dernier alinéa du I du A du même amendement est supprimée.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

La décision de l'État quant au choix des régions retenues devant s'exprimer par un décret mentionné dans l'amendement, il ne paraît pas utile d'indiquer le ministre chargé du processus de décision, ni la transmission par le représentant de l'État. En revanche, il convient, d'une part, de préciser le délai total de douze mois pour la sélection des candidatures à compter de la publication de la loi et, d'autre part, d'indiquer que l'examen des candidatures sera fait au regard des engagements sur les critères indiqués au troisième alinéa du I de l'amendement n° 2, à savoir les « moyens qui seront mis en oeuvre pour assurer la fonction d'autorité de gestion et celle d'autorité de certification » et les « modalités d'association du représentant de l'État, des autres collectivités territoriales et de leurs groupements à l'exercice de la fonction d'autorité de gestion. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Le sous-amendement n° 11 ayant pour objet de supprimer toutes les conditions de fond et de délai, il est contraire à la position de la commission, qui émet un avis défavorable. J'aimerais simplement insister sur le fait que, dans tous les cas de figure, on ne peut pas parler de tutelle au sens juridique du terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La modification proposée par le sous-amendement n° 4 va garantir effectivement la réalité du consensus politique local, sur lequel j'ai beaucoup insisté. Sans consensus politique local, il n'y aura pas de bonne gestion des fonds structurels européens. La commission émet donc un avis favorable sur ce sous-amendement.

La modification prévue par le sous-amendement n° 5 constitue une précision utile, et la commission y est également favorable.

Le sous-amendement n° 6 tend à apporter une précision qui peut sembler utile, même si la commission ne l'avait pas jugée nécessaire. Bien évidemment, la sélection des candidatures sera réalisée au vu des engagements pris par les régions. À l'inverse, ce sous-amendement vise à supprimer des précisions qui ne semblent pas inutiles à la commission mais qui ne sont peut-être pas non plus indispensables : cette dernière s'en remet par conséquent à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 et sur le sous-amendement n° 11 ?

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

L'amendement n° 2 vise à permettre d'ouvrir de nouvelles expérimentations pour la gestion par les régions de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » au-delà de la poursuite de l'expérimentation actuelle en Alsace.

Je comprends parfaitement ce souhait. Cet amendement va beaucoup plus loin que la position adoptée par le Gouvernement lors du comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires, le CIACT, du 6 mars 2006, qui visait la seule reconduction de l'expérimentation actuelle.

Le Gouvernement est bien évidemment très ouvert à cet amendement, et il s'en remet à la sagesse du Sénat, sous réserve de l'adoption de ses propres sous-amendements, lesquels tendent à une plus grande équité, à un plus grand consensus entre les différents échelons territoriaux. L'amendement n° 2 prévoit que, dès lors que les départements ne se sont pas prononcés, l'expérimentation souhaitée par une collectivité régionale devient de fait opérationnelle ; à cet égard, le Gouvernement souhaite inverser les choses et indiquer qu'il appartient aux départements, dans le délai de quatre mois, de donner un avis favorable, sachant que, si le département n'a pas donné un avis favorable durant ledit délai, le souhait de la région ne pourra alors pas être retenu.

Le Gouvernement ne peut accepter qu'une tutelle s'exerce d'une collectivité sur une autre sans l'accord de cette autre collectivité.

Quant au sous-amendement n° 11, madame André, le Gouvernement le considère comme totalement incompréhensible : vous souteniez tout à l'heure un amendement par lequel vous demandiez un renforcement du pouvoir du département par un transfert de la gestion des FSE ; mais quand le Gouvernement propose de renforcer le rôle du département et son autorité sur le partenariat avec la collectivité régionale, vous cherchez au contraire à affaiblir le département ! Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 11.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le ministre, s'agissant de la position des départements, les choses sont très compliquées.

On peut imaginer - ce cas de figure ne se présentera peut-être jamais, mais il suffirait qu'il survienne une seule fois - qu'un département qui n'aurait pas de FSE à gérer ou qui vivrait un peu à part - cela arrive - n'ait pas du tout envie de faciliter l'expérimentation par la région de laquelle il relève géographiquement. Telle est notre crainte.

Je me permets de citer l'exemple du département du Puy-de-Dôme, qui, à une certaine époque, tenta en vain de parvenir à un accord avec la région Auvergne pour verser des aides économiques au tournage de films. Ces aides étaient bien considérées comme des aides économiques par Bruxelles. Le fait que la région n'ait pas entendu l'argument du département a fait « capoter » l'affaire.

À l'inverse, une région peut vouloir quelque chose, et un seul département peut bloquer le mécanisme.

C'est pour cette raison que nous craignons l'effet tutelle. Il s'agirait, comme le disait notre collègue M. Haenel, du « veto » d'un département sur la volonté de la région.

Ce blocage peut se produire dans les deux sens, et c'est bien cela qui nous inquiète. Cela a d'ailleurs suscité de nombreux débats au moment de l'examen des lois de décentralisation.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Vous prenez un mauvais exemple, celui d'une région qui refuse d'accéder au souhait d'un département.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'ai dit que cela pouvait se produire dans les deux sens !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Or, votre amendement a pour objet d'affaiblir plus encore le département par rapport à la région !

S'il y a désaccord entre le département et la région, qui reste le mieux placé pour être garant de la justice et de l'équité ? C'est l'État !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je tiens tout d'abord à remercier M. le ministre puisque, grâce à lui, grâce au travail qu'il a accompli depuis deux ans et qu'il convient de saluer, d'une part, les fonds structurels européens ont véritablement un sens sur le plan national, alors que nous risquions de les voir disparaître en grande partie, et, d'autre part, les zonages ont été supprimés. Chacun se souvient de toutes les difficultés que ces derniers avaient engendrées : certains territoires plus favorisés que des territoires voisins étaient aussi mieux traités !

Lors de l'examen de l'article 1er, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les arguments de la commission et du Gouvernement sur les amendements n° 9 et 10 rectifié. M. le ministre a apaisé mes inquiétudes - comment admettre, en effet, qu'en matière sociale les départements n'aient pas la possibilité d'accéder facilement aux crédits du FSE ? -, et son propos m'a dissuadé d'approuver ces amendements, ce que j'étais assez tenté de faire.

Nous sommes maintenant dans une situation qui peut nous donner satisfaction et qui compense largement ce que nous aurions pu obtenir, si la Commission européenne n'avait pris la position qu'elle a adoptée, par le vote des amendements identiques n° 9 et 10 rectifié.

J'en viens à l'amendement n° 2 et aux sous-amendements du Gouvernement : il est très bon qu'un véritable partenariat se crée, sur la base d'un vrai consensus. Ainsi, la discussion entre les régions et les départements va pouvoir s'engager sur un certain nombre de sujets.

On sait bien que, contrairement à ce qui se produit maintenant, la situation résultant des premiers contrats de plan État-région était souvent imposée aux départements, compte tenu des difficultés à obtenir un consensus et un partenariat.

Aujourd'hui, la possibilité va enfin être offerte de négocier et d'obtenir un consensus. La négociation fera d'ailleurs du bien à tous les acteurs, aussi bien aux départements qu'aux régions.

Les départements auront du mal à refuser certaines choses, sous peine de se voir mis en avant auprès de la population par les régions, qui les accuseront de les avoir empêchés d'obtenir les fonds structurels ; mais inversement, les départements pourront recommander aux régions de ne pas réaliser à nouveau des zonages et de réserver les fonds structurels à certains au détriment des autres.

Si, madame André, vous voulez tourner des films, venez dans ma région ! Elle fait... beaucoup de cinéma

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Pour ma part, en tout cas, je n'ai aucune crainte : on ouvre enfin, grâce à la loi - il est d'ailleurs malheureux d'être obligé d'en passer par là -, la possibilité de parvenir à un véritable consensus et on corrige des anomalies.

Tout à l'heure, nous avons bien senti le poids de la région Alsace : M. le président est originaire d'Alsace, comme Mme le rapporteur et l'un des intervenants, M. Haenel. Nous qui sommes d'autres régions, nous sommes sentis un peu à part)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Mais les départements ont repris du poids. J'ai d'ailleurs observé la présence cet après-midi, dans cet hémicycle, de tous les sénateurs élus du Loiret ! Désormais, les départements seront à égalité avec les régions, s'agissant de ces problèmes européens qui sont fort complexes et qui, probablement, nous obligeront, à l'avenir, à réfléchir encore, dans le cadre de la décentralisation, à un certain nombre d'améliorations qu'il me paraît indispensable d'apporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Si l'Alsace compte dans un certain nombre de domaines des spécificités qui peuvent être copiés, il peut être utile de les évoquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je ne fais bien sûr aucune allusion précise.

La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

C'est vrai, monsieur le ministre, vous vous êtes battu pour obtenir les 70 millions d'euros, ce qui n'était pas facile, je le reconnais.

Cela dit, le Hainaut belge continue, lui, de l'autre côté de la frontière, de se voir attribuer 400 millions d'euros de crédits, ce qui accroît sa capacité d'attractivité par rapport au Hainaut français.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Les 70 millions d'euros viennent en plus, ils ne sont pas à comparer aux 400 millions d'euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Certes, mais le Hainaut belge en bénéficiera néanmoins, c'est-à-dire qu'il continuera de percevoir des crédits au titre de l'objectif 1.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Ils sont transitoires. Les 70 millions d'euros compensent la transition !

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Ils sont transitoires, nous sommes bien d'accord. Cependant, il subsiste bien, aujourd'hui, un décalage entre les deux régions.

Cela dit, monsieur le ministre, je comprends qu'à quelques semaines d'importantes échéances électorales il soit difficile d'engager un grand débat sur la manière de gérer ces crédits européens et qu'il faille agir dans une certaine précipitation. Au demeurant, la situation de l'Alsace devait être précisée. Je regrette néanmoins que l'on n'ait pas profité de cette discussion pour poser la seule vraie question, à savoir celle-ci : comment gérer efficacement les crédits européens dans notre pays ?

Pour ma part, participant depuis de nombreuses années aux réunions organisées à la préfecture du Nord-Pas-de-Calais, je sais très bien qu'une telle procédure est tout de même extrêmement lourde et inefficace et qu'elle rend très difficile la consommation des crédits européens.

Je ne serais d'ailleurs pas le seul à pouvoir en témoigner. Je regrette que M. Borloo ne soit pas présent parmi nous, car, avant d'être ministre, lui aussi participait régulièrement à ces réunions et tempêtait contre la lourdeur du système, tout comme M. Legendre, ancien maire de Cambrai, et M. Vernier, actuel maire de Douai. Les uns et les autres, à gauche comme à droite, nous avons donc tous dénoncé la lourdeur incroyable du système, dans lequel tous les crédits doivent transiter par la DATAR.

En tant que président d'un parc naturel régional, je suis l'un des « consommateurs » de ces crédits européens et je connais bien les données du problème. Dans la pratique, la procédure de récupération de telles subventions, qui représentent maintenant jusqu'à 40 % des crédits de fonctionnement du parc, dure en moyenne deux ans. Résultat des courses, il faut faire un prêt-relais le temps de récupérer cette somme !

À l'évidence, il faut casser le système actuel. L'exemple de l'Alsace, évoqué tout à l'heure, le montre bien : à partir du moment où les régions se voient accorder le droit de gérer au plus près les crédits européens, l'efficacité est beaucoup plus grande.

Personnellement, je ne comprends pas que tant de frilosité et de timidité apparaissent lorsqu'il est question d'élargir ce système aux régions qui en acceptent le principe. Au-delà des rendez-vous électoraux qui nous attendent, j'espère que mon interrogation sera relayée et que, tous ensemble, nous pourrons réfléchir sereinement sur ce sujet et faire de meilleures suggestions que celles qui nous sont proposées aujourd'hui. En effet, je le répète, un grand nombre de crédits européens nous a « échappé » en raison de la lourdeur de la procédure.

Le sous-amendement n'est pas adopté.

Le sous-amendement est adopté.

Le sous-amendement est adopté.

Le sous-amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 7, présenté par Mme M. André et M. Charasse, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Au vu de l'expérience menée en Auvergne depuis 2003 en tant qu'autorité de gestion déléguée et des compétences techniques acquises par les services du conseil régional d'Auvergne, la convention d'autorité de gestion déléguée est transformée pour s'appliquer dans les mêmes conditions que la convention conclue entre la région Alsace et l'État pour la période 2007-2013.

La parole est à Mme Michèle André.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite souligner ici la qualité de l'expérimentation menée depuis 2003 par la région Auvergne. Le président du conseil régional de l'époque, M. Giscard d'Estaing, avait eu la chance de se voir confier la gestion d'une somme importante au titre des crédits FEDER. Comme cela ne vous a sans doute pas échappé, la présidence de région a changé et nous avons apporté la preuve de notre capacité à gérer en partenariat ces crédits de manière efficace. Nous appuyant sur l'exemple de l'Alsace, nous aimerions donc aller plus loin dans le dispositif.

C'est la raison pour laquelle cet amendement, que j'ai cosigné avec mon collègue Michel Charasse, a pour objet d'accorder à l'Auvergne un traitement similaire à celui de l'Alsace.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Madame André, j'observe tout d'abord que cet amendement est partiellement satisfait par l'adoption de l'amendement n° 2 de la commission. À en croire notre collègue Pierre Jarlier, qui s'est exprimé sur ce sujet la semaine dernière en réunion de commission, la candidature de la région Auvergne devrait pouvoir remplir sans difficultés les conditions posées à l'amendement n° 2, lesquelles, je le rappelle, ont pour objet de garantir une gestion efficace des crédits : il s'agit d'un consensus politique local et des moyens suffisants.

J'observe, ensuite, que la région Auvergne ne se trouve pas dans la même situation que la région Alsace. Si elle a certes bénéficié d'une subvention globale plus importante que les autres régions, elle n'a toutefois pas assumé, à la différence de l'Alsace, les fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement des crédits de l'objectif 2. En conséquence, elle doit être soumise aux mêmes règles que les autres régions.

C'est la raison pour laquelle la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Monsieur Raoult, puisque tout ce que nous disons dans cet hémicycle est retranscrit au Journal officiel, je ne voudrais pas les habitants du Nord-Pas-de-calais, notamment ceux du Hainaut français, ne reçoivent qu'une seule information, la vôtre en l'occurrence. Je tiens donc à apporter quelques précisions.

Vous avez en effet affirmé que le Hainaut belge percevait 400 millions d'euros de subventions, contre 70 millions d'euros pour le Hainaut français, tout en saluant néanmoins l'action du Gouvernement en faveur de ce dernier, ce dont je vous remercie.

En réalité, il faut comparer ce qui est comparable. La région Nord-Pas-de-Calais reçoit exactement un milliard d'euros de crédits, lesquels sont décomposés de la manière suivante : 653 millions d'euros au titre du FEDER et 349 millions d'euros au titre du FSE. En plus de cette somme - c'est bien en effet d'un supplément qu'il s'agit -, le Hainaut français bénéficie de 47 millions d'euros par le FEDER et de 31 millions d'euros par le FSE, soit plus de 70 millions d'euros qui viennent s'ajouter au milliard d'euros prévu à l'origine. Voilà la réalité des chiffres, monsieur Raoult !

Par ailleurs, vous avez indiqué que ces crédits transitaient par la DATAR. C'est totalement faux ! Cela n'a jamais été le cas : leur affectation est systématiquement décidée par l'autorité de gestion, comme tout autre crédit accordé ou voté.

En tout état de cause, mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprendrez que je ne pouvais pas ne pas réagir devant de telles affirmations.

Madame André, j'ai déjà largement répondu tout à l'heure sur le cas de l'Auvergne, et Mme le rapporteur a parfaitement précisé la situation. Vous ne pouvez pas laisser entendre que l'Auvergne avait précédemment le même statut que l'Alsace, car c'est également totalement faux. Je le répète, une subvention globale lui a été accordée à compter du 1er janvier 2003. Nous allons d'ailleurs continuer à procéder de cette façon, en attribuant des subventions globales non seulement aux régions, mais aussi aux départements.

En l'espèce, l'Auvergne aura l'opportunité, si un accord intervient entre cette région et l'ensemble des conseils généraux concernés, de pouvoir bénéficier, pour la première fois, du même statut que celui de la région Alsace. À mon sens, vous ne pouvez que vous satisfaire des propositions figurant tant dans le projet de loi que dans l'amendement de la commission, qui vient d'être adopté.

Par conséquent, madame André, je ne peux que vous recommander de retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'ai bien compris les arguments avancés par M. le ministre. Je sais fort bien que, depuis le début, les expérimentations menées en Alsace et en Auvergne diffèrent quelque peu.

Je tenais tout de même à le souligner, le conseil régional d'Auvergne a mis en place une équipe de professionnels tout à fait performants pour assurer l'animation, l'instruction et la gestion des fonds qui sont effectivement délégués.

Par conséquent, je maintiens naturellement ma proposition, car il importe que l'Auvergne et l'Alsace soient traitées de la même manière, d'autant que les liens historiques entre ces deux régions sont parfaitement connus.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Même si j'admets que le vote précédent satisfait effectivement en partie l'amendement n° 7, je souhaite maintenir ce dernier, monsieur le président.

Au demeurant, je ne doute pas que, dès demain matin, si j'ose dire, la région Auvergne cherchera à trouver un accord avec les départements concernés pour créer des partenariats permettant d'aligner son statut sur celui de l'Alsace. Je souhaite d'ailleurs qu'il en soit de même dans toutes les régions qui nous entourent. Je tenais aujourd'hui à insister plus particulièrement sur l'aspect positif des actions menées en la matière dans ma région.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 8, présenté par Mme M. André et M. Charasse, est ainsi libellé :

Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La convention par laquelle l'État a confié à titre expérimental à la région Auvergne les fonctions d'autorité de gestion déléguée de certains programmes européens peut être prorogée pour lui confier les fonctions d'autorité de gestion déléguée pour la période 2007-2013, de la politique de cohésion économique et sociale de la communauté européenne.

En cas de prorogation de la convention, le dernier alinéa de l'article 1er est applicable.

La parole est à Mme Michèle André.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à mon premier amendement, qui vise à autoriser la poursuite de l'expérimentation actuellement menée. Compte tenu des votes précédents, je n'irai pas plus loin dans la défense de cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Madame André, comme vous le savez très bien, cette question ne relève pas du domaine de la loi. Les règlements communautaires permettent à une autorité de gestion d'un programme opérationnel de déléguer la gestion d'une partie des crédits sous la forme de subventions globales. Aucune disposition législative française n'y fait obstacle.

Par conséquent, la question que vous soulevez dans cet amendement ne se posera pas si la région Auvergne obtient, au terme de la procédure prévue à l'amendement n° 2, le transfert expérimental des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement.

La commission souhaite donc le retrait de cet amendement. Mais j'ai cru comprendre, madame André, que vous vous orientiez vers cette solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 8 est retiré.

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Troendle, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Les articles L. 1115-2 et L. 1115-3 sont abrogés.

2° L'article L. 1115-4 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France, adhérer à un organisme public de droit étranger ou participer au capital d'une personne morale de droit étranger auquel adhère ou participe au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État membre du Conseil de l'Europe.

b) La première phrase du deuxième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées

Cette adhésion ou cette participation est autorisée par arrêté du représentant de l'État dans la région. Elle fait l'objet d'une convention avec l'ensemble des membres adhérant à l'organisme public en cause ou participant au capital de la personne morale en cause.

3° L'article L. 1114-4-1 devient l'article L. 1115-4-1 et il est inséré, après cet article L. 1115-4-1, un article L. 1115-4-2 ainsi rédigé :

« Art. 1115-4-2. Dans le cadre de la coopération transfrontalière, transnationale ou interrégionale, les collectivités territoriales, leurs groupements et, après autorisation de leur autorité de tutelle, les établissements publics administratifs peuvent, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France, créer avec les collectivités territoriales, les groupements de collectivités territoriales, les établissements publics et les États membres de l'Union européenne un groupement européen de coopération territoriale de droit français, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière.

« Cette création est autorisée par arrêté du représentant de l'État dans la région où le groupement européen de coopération territoriale a son siège. La personnalité juridique de droit public lui est reconnue à partir de la date d'entrée en vigueur de la décision de création. Les dispositions du titre II du livre VII de la cinquième partie qui ne sont pas contraires aux règlements communautaires en vigueur lui sont applicables.

« Un groupement européen de coopération territoriale de droit français peut être dissous par décret motivé pris en Conseil des ministres et publié au Journal officiel.

« Les collectivités territoriales, leurs groupements et, après autorisation de leur autorité de tutelle, les établissements publics administratifs peuvent, dans les limites de leurs compétences, dans le respect des engagements internationaux de la France et sous réserve de l'autorisation préalable du représentant de l'État dans la région, adhérer à un groupement européen de coopération territoriale. »

4° L'article L. 1115-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1115-5.- Aucune convention, de quelque nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales et un État étranger, sauf si elle a vocation à permettre la création d'un groupement européen de coopération territoriale. Dans ce cas, la signature de la convention doit être préalablement autorisée par le représentant de l'État dans la région. »

II. Les groupements d'intérêt public créés en application des articles L. 1115-2 et L. 1115-3 du code général des collectivités territoriales restent régis, pour la durée de leur existence, par les dispositions de ces articles dans leur rédaction antérieure à leur abrogation par la présente loi.

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Cet amendement a tout d'abord pour objet de rénover les instruments de la coopération décentralisée, en prenant en compte les modifications imposées par deux textes : d'une part, le règlement communautaire du 5 juillet 2006 prévoyant la création d'un groupement européen de coopération territoriale, qui constitue l'un des instruments de la politique de cohésion économique et sociale pour la période 2007-2013 ; d'autre part, le protocole additionnel n° 2 à la convention dite de Madrid, signée en 1980 sous les auspices du Conseil de l'Europe et relative à la coopération décentralisée.

Les modifications proposées tendent à prévoir les règles nationales relatives au groupement européen de coopération territoriale, qui est la principale innovation consistant à permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de déroger, dans ce seul cas, à l'interdiction expresse de passer des conventions avec des États étrangers et, en contrepartie, à autoriser la dissolution du groupement par décret motivé pris en conseil des ministres.

Cet amendement vise, ensuite, à supprimer la possibilité de recourir à la formule des groupements d'intérêt public, sous réserve du maintien jusqu'à son terme du seul groupement existant.

Il tend, enfin, à autoriser, conformément au protocole additionnel n° 2 à la convention de Madrid, les collectivités territoriales à « adhérer à un organisme public de droit étranger » ou à « participer au capital d'une personne morale de droit étranger », à condition qu'y adhère ou participe au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État membre de l'Europe, en dehors du cadre restrictif actuel de la coopération transfrontalière.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le préciser, l'adoption de cet amendement permettra à la France d'adapter le droit de la coopération décentralisée et, partant, d'utiliser le nouvel instrument institué par le règlement communautaire. Elle permettra surtout de prendre en compte la ratification, qui est en cours, du protocole additionnel n° 2 à la convention de Madrid, signée par la France sous les auspices du Conseil de l'Europe.

Je rappelle également que ce protocole élargit le champ de la participation des collectivités territoriales à des structures de coopération décentralisée de droit étranger à l'ensemble des États membres tant de l'Union européenne que du Conseil de l'Europe, alors qu'un tel champ est actuellement limité à la coopération transfrontalière avec des États européens.

Par cette proposition, la commission des lois du Sénat rejoint pleinement la volonté du Gouvernement, qui s'est notamment exprimée dans les travaux que nous avons menés au ministère de l'intérieur avec la direction générale des collectivités locales.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Troendle, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter comme suit l'intitulé du projet de loi :

et à la coopération décentralisée

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Il s'agit d'un amendement de coordination qui tend à prendre en compte, dans l'intitulé même du projet de loi, la réforme des instruments de la coopération décentralisée.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Avis très favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

En conséquence, l'intitulé du projet de loi est ainsi modifié.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il a été question à plusieurs reprises, au cours de cette discussion, de l'expérimentation réalisée en Alsace. Je tiens à faire remarquer que les présidents de conseils généraux, interrogés par le préfet, ont donné leur avis sur cette expérimentation et se sont exprimés de façon formelle, exactement comme cela est prévu dans le projet de loi qui vient d'être adopté !

J'ajouterai que nous pouvons remercier M. le ministre pour l'ampleur des crédits obtenus. Comme il l'a rappelé, nous avons échappé de peu à une réduction drastique de ces derniers. Nous allons ainsi pouvoir poursuivre le développement de nos territoires.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (nos 155, 163).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui est plus qu'un texte technique puisqu'il tend à améliorer, concrètement, la qualité de la mise sur le marché et de la fabrication des médicaments, ainsi que les conditions de leur bon usage, et à garantir plus de transparence dans le fonctionnement de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS.

L'objet principal de ce texte est de transposer en droit français la directive instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Ce texte s'inscrit, plus globalement, dans une démarche de révision de l'ensemble du champ pharmaceutique. À l'issue du vote de ce projet de loi, un second volet portera, par voie d'ordonnance, sur la révision des règles régissant le médicament vétérinaire et certains autres produits de santé.

Ce projet de loi est l'aboutissement d'une large concertation avec les professionnels de santé, les associations de patients et les industriels de tous les secteurs concernés.

Sous ses aspects techniques, il va permettre aux malades de disposer plus rapidement de produits de santé mieux sécurisés puisqu'il améliore l'accès à certains traitements, ainsi que leurs conditions d'utilisation. Il élargit ainsi les possibilités de traitement des personnes malades dont le pronostic vital est engagé, en étendant les conditions de délivrance d'autorisations temporaires d'utilisation nominatives, dans les situations où aucun traitement approprié n'est disponible.

Il prévoit, en outre, des mesures permettant de faciliter et d'accélérer l'arrivée des médicaments génériques sur le marché. Il tend à définir la notion de médicaments biologiques similaires et à préciser celle de médicament homéopathique.

Le projet de loi vise également à limiter l'influence sur le public et les professionnels de santé de l'industrie pharmaceutique, en réglementant la publicité sur les médicaments. Il permet ainsi d'assurer l'indépendance des professionnels de santé, en complétant le dispositif « anti-cadeau ».

Ce texte permet ensuite d'améliorer la sécurité sanitaire des produits en encadrant mieux la fabrication et la mise sur le marché des médicaments.

Tout d'abord, il comporte des dispositions relatives aux matières premières à usage pharmaceutique, notamment en imposant aux personnes autorisées à fabriquer ou à préparer des médicaments l'obligation de n'utiliser que des matières premières fabriquées selon de bonnes pratiques.

Il modifie, ensuite, le régime juridique des autorisations de mise sur le marché, ou AMM, en accroissant les exigences de sécurité sanitaire des médicaments.

Enfin, il allège le régime des importations de médicaments par les particuliers.

Ce texte introduit également des mesures visant à améliorer la transparence du fonctionnement de l'AFSSAPS. Des voix s'étaient élevées, au sein de la Haute Assemblée, pour obtenir ce type de garanties.

L'AFSSAPS a d'ailleurs largement anticipé les exigences de la directive et s'est engagée dans une démarche de transparence du processus d'évaluation et de décision dans le domaine du médicament. À ce titre, elle rend publics les comptes rendus des deux commissions évaluant les médicaments, la commission d'autorisation de mise sur le marché et la commission nationale de pharmacovigilance.

Par ailleurs, depuis juin 2004, l'Agence publie des rapports publics d'évaluation pour chaque nouvelle autorisation de mise sur le marché ou pour les modifications majeures d'autorisation de mise sur le marché.

Le projet de loi prévoit l'adoption, par voie réglementaire, des conditions dans lesquelles l'AFSSAPS doit rendre publics les débats scientifiques concernant cette évaluation. Il étend aussi l'obligation de fournir une déclaration d'intérêts à l'ensemble des agents de l'AFSSAPS, alors que seuls les membres de commissions et de conseils relevant de cette agence et des collaborateurs occasionnels y étaient jusqu'alors tenus. Ainsi, me souvenant de débats organisés au sein de la commission des affaires sociales du Sénat, sous votre présidence, monsieur About, je peux vous dire qu'en ce début d'année l'ensemble du personnel de l'AFSSAPS a d'ores déjà fait sa déclaration d'intérêt.

L'article 29 du projet de loi prévoit également que le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de huit mois, des dispositions destinées à transposer des directives communautaires, sur des sujets plus ou moins techniques.

Une disposition de cet article concerne cependant une question qui doit être développée devant cette assemblée : c'est celle qui a trait aux programmes d'accompagnement des patients prenant des traitements médicamenteux. Sur ce sujet, je serai très clair : il ne doit pas y avoir d'interférence entre le professionnel de santé et son patient, et personne ne doit s'immiscer dans leur relation.

Pourtant, ne nous voilons pas la face. Aujourd'hui, ces programmes existent en dehors de tout encadrement. Ils sont parfois même exigés par les autorités européennes lors de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché, dans le cadre des plans de gestion de risque. Ils peuvent répondre à un besoin dans le cas de maladies chroniques, pour des produits de maniement difficile nécessitant une éducation spécifique des patients. Il peut s'agir, notamment, d'aide à l'appropriation de gestes techniques.

Bien sûr, il serait possible de ne rien faire, de laisser faire. Je ne le souhaite pas, et il n'est pas dans mes habitudes de ne pas assumer mes responsabilités.

Ne rien faire reviendrait à fermer les yeux et à laisser ces programmes, qui existent d'ores et déjà, se développer sans aucun encadrement. Mais, en l'état actuel des textes, une interdiction pure et simple de toute intervention des laboratoires dans ces programmes n'est pas possible non plus, puisque les AMM européennes les exigent parfois.

Je partage l'avis de ceux qui estiment qu'il faut porter ce débat au niveau européen. J'aurais d'ailleurs bien d'autres choses à dire sur l'AMM européenne. Il serait souhaitable, en effet, que celle-ci exige des essais comparatifs par rapport au médicament de référence, et non par rapport au placebo. Cela nous permettrait de gagner beaucoup de temps au moment de l'évaluation, en France, en vue de l'inscription de ces produits au remboursement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Mais, dans l'immédiat, il faut encadrer les programmes qui existent, afin d'apporter toutes les garanties nécessaires aux patients, et s'assurer que cette aide au bon usage se fait dans des conditions excluant toute dérive d'ordre promotionnel.

C'est à la puissance publique et à l'assurance maladie d'organiser, avant tout autre acteur, l'accompagnement des patients et leur éducation thérapeutique. Si les responsables d'un laboratoire estiment pouvoir apporter une plus-value en termes de bon usage pour un produit, dans le cadre d'un programme de ce type, ils devront le démontrer auprès des professionnels de santé, qui donneront ou non leur accord. C'est, en effet, uniquement sur prescription initiale du médecin que de tels programmes pourront être mis en place.

Je veux vous rappeler les principes auxquels je tiens.

Chaque programme devra être soumis à une autorisation préalable de l'AFSSAPS, celle-ci devant se prononcer sur l'opportunité et le contenu du programme. Il faut donc prévoir des critères permettant de garantir que le programme vise à renforcer réellement, et uniquement, le bon usage du médicament. Le médecin devra prescrire le programme et le patient devra l'avoir accepté. Celui-ci pourra également y renoncer à tout moment.

Aucun contact direct entre le laboratoire et le patient ne sera autorisé, les programmes devant obligatoirement faire appel à des professionnels de santé.

Cette nouvelle procédure fera bien entendu l'objet d'une évaluation.

Sur la forme, le projet de loi qui vous est présenté prévoit que la définition de l'ensemble de ces garanties et des modalités d'encadrement de ces programmes lorsqu'ils sont financés par l'industrie pharmaceutique sera fixée par ordonnance.

J'ai écouté les arguments des uns et des autres, notamment ceux qui ont été exposés à l'Assemblée nationale. J'ai par ailleurs reçu à de multiples reprises les associations et l'ensemble des acteurs concernés par ce dossier. J'ai également entendu les propos de votre rapporteur, M. Barbier, dont je salue la qualité du travail. J'ai donc compris que le principe de l'ordonnance ne faisait pas l'unanimité.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé, lors du débat à l'Assemblée nationale, un amendement tendant à préciser les principales dispositions devant figurer dans l'ordonnance, amendement qui a été adopté à l'issue d'un débat approfondi. Je me suis alors engagé à poursuivre la concertation avec tous les acteurs concernés, en vue d'une éventuelle amélioration de ces dispositions lors de l'examen du texte au Sénat.

J'ai soumis un projet de texte à l'ensemble des partenaires concernés par ce dossier. Un débat a eu lieu. Mais, pour parler franchement, et bien que les positions des uns et des autres aient évolué, il semble que le sujet ne soit pas encore mûr. La rédaction du texte n'a donc pu être ni finalisée ni validée dans un délai aussi court.

Je crois en la concertation - cela ne signifie pas la codécision -, car elle permet souvent de trouver la bonne solution. Ce sujet d'importance nécessite de mener une réflexion approfondie dans un climat serein. Or le climat actuel, s'il est plus serein qu'auparavant, ne l'est pas encore suffisamment.

Afin de tenir compte des préoccupations exprimées, j'ai donc décidé de ne pas déposer d'amendement et de poursuivre la concertation et le débat.

Ce débat, qui fut déjà important et fructueux à l'Assemblée nationale, nous allons l'avoir à nouveau, au sein de la Haute Assemblée. Il nous permettra d'avancer et de rassurer les uns et les autres, sur le fondement de principes auxquels je tiens et qui - je n'en doute pas un seul instant - sont largement partagés dans cette assemblée, au-delà des clivages politiques.

Enfin, j'ai déposé un amendement visant à mettre fin à la collecte et à l'utilisation des médicaments non utilisés, comme l'a recommandé, dans son rapport de janvier 2005, l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Aujourd'hui, moins de 5 % des médicaments non utilisés collectés auprès du public font l'objet d'une redistribution, à des fins humanitaires, en France ou dans les pays en développement. Cette activité s'effectue en dehors de tout cadre réglementaire et présente plusieurs inconvénients majeurs, dénoncés clairement par l'IGAS.

Tout d'abord, ni la qualité ni la traçabilité de ces médicaments ne peuvent vraiment être garanties.

Ensuite, ces médicaments non utilisés ne sont pas toujours adaptés aux besoins des populations destinataires. On y trouve ainsi de nombreux médicaments de confort et très peu d'antibiotiques.

De plus, il ne s'agit pas de médicaments génériques, ce qui va à l'encontre des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, alors même que la majorité des médicaments déclarés essentiels par cette institution - je pense aux antibiotiques et aux antalgiques - sont désormais « génériqués ».

Enfin, l'expédition de ces médicaments non utilisés dans les pays en voie de développement peut perturber les politiques pharmaceutiques mises en place localement. Ces pays doivent bénéficier d'un circuit pharmaceutique de qualité. De nombreux « génériqueurs » sont désormais installés en Afrique ou en Asie. Grâce à l'émergence des centrales d'achat locales, ces pays pourront bénéficier de produits de qualité.

L'intérêt humanitaire de ce recyclage est très clairement contesté par l'OMS, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, la Banque mondiale, les organisations non gouvernementales les plus actives, le ministère des affaires étrangères, ainsi que par l'ordre des pharmaciens et l'Académie nationale de pharmacie.

Tous les autres pays européens ont désormais cessé de recycler les médicaments non utilisés. La France doit faire de même et remplacer cette source d'approvisionnement pour les associations humanitaires par des médicaments neufs, provenant de dons de l'industrie ou achetés à des génériqueurs. Un travail est en cours avec le LEEM - les entreprises du médicament -, qui s'est exprimé de façon claire sur ce sujet.

Afin d'accompagner les organisations non gouvernementales lors de ce changement, je vous propose de retenir un délai de transition de dix-huit mois à l'issue duquel la collecte et l'utilisation des médicaments non utilisés seront interdites. Je m'engage à aider ces organisations, pendant cette période de transition, à formaliser leurs besoins et à trouver de nouvelles sources d'approvisionnement : dons, achats de génériques, obtention de subventions pour les associations particulièrement impliquées. Nous pourrons ainsi donner à ces pays les médicaments dont ils ont réellement besoin.

Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi, au-delà de ses aspects techniques, est un texte important, qui va nous permettre d'améliorer la qualité et la sécurité des produits de santé mis sur le marché, ainsi que les conditions de leur bon usage, c'est-à-dire, finalement, l'accès aux soins.

C'est bien cet objectif, à savoir l'amélioration de l'accès à des soins de qualité, qui aura constitué le principe directeur de notre travail en la matière.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'harmonisation européenne dans le domaine du médicament a débuté voilà plus de quarante ans, avec la publication d'une première directive, en 1965. Elle s'est poursuivie depuis lors, et une étape importante a été franchie en 1995, lors de la création de l'Agence européenne du médicament.

À la lumière de l'expérience acquise et des évolutions du secteur, les autorités européennes ont estimé nécessaire de modifier ou de préciser un certain nombre de points de la législation communautaire en matière de médicament.

Cette initiative s'est concrétisée sous la forme d'un « paquet médicament », adopté en 2004 après de très longues discussions, qui se compose d'un nouveau règlement et de trois directives, respectivement consacrées aux médicaments à usage humain, aux médicaments traditionnels à base de plantes et aux médicaments vétérinaires.

Le projet de loi qui nous est présenté assure, pour l'essentiel, la transposition des mesures législatives de la directive n° 2004/27/CE du 31 mars 2004 du Parlement européen et du Conseil, qui modifiait une précédente directive datant de 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

Toutefois, le Gouvernement sollicite également, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, une habilitation pour la transposition par voie d'ordonnance de cinq autres directives.

Avant de revenir sur la question des ordonnances, je voudrais évoquer les principaux éléments du projet de loi.

Le premier apport de ce texte tient à la clarification de la notion de médicament. Il vise à tenir compte des évolutions scientifiques récentes et de leur impact dans le domaine du médicament.

Les différentes catégories de médicaments sont dotées d'un statut. C'est le cas des médicaments génériques : le projet de loi apporte un certain nombre de réponses aux questions afférentes à leur commercialisation.

Le deuxième apport du texte réside dans la révision des procédures de mise sur le marché.

M. le ministre y a fait allusion, les autorités européennes ont mis cette réforme à profit pour étendre le champ d'application de la procédure centralisée d'autorisation de mise sur le marché.

Cette procédure devient obligatoire pour les médicaments orphelins et pour tout médicament à usage humain contenant une nouvelle substance active n'ayant jamais été autorisée dans la Communauté européenne et dont l'indication thérapeutique porte sur le sida, le cancer, le diabète ou une maladie neurodégénérative.

La directive précise que cette autorisation est toujours délivrée pour cinq ans et introduit la notion de caducité, qui peut s'exercer à l'encontre des médicaments qui ne sont pas commercialisés dans un délai de trois ans après la délivrance de l'autorisation.

Cette modification du régime des AMM est, nous semble-t-il, inachevée.

La mission d'information consacrée aux conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments, mission que j'ai eu l'honneur de présider, avait conclu, sur le rapport de nos collègues Mmes Marie-Thérèse Hermange et Anne-Marie Payet, à la nécessité de rendre les essais comparatifs obligatoires dans le cadre des essais cliniques précédant la demande d'AMM. Or les autorités européennes ne l'ont pas fait.

Cette situation ne nous dispense pas d'une réflexion sur l'optimisation de l'usage des critères d'efficacité des médicaments dans la fixation de leurs conditions de remboursement, domaine qui demeure de la compétence des États.

Le troisième apport du texte est le renforcement de l'indépendance de l'expertise et de la transparence des travaux menés par les agences sanitaires.

La mission d'information avait insisté à juste titre sur ces points, et, désormais, trois nouvelles obligations incomberont à l'AFSSAPS.

Tout d'abord, l'AFSSAPS devra rendre accessible au public un rapport d'information sur l'autorisation de tout nouveau médicament, retraçant les essais menés et leur actualisation, ainsi que les motivations de la décision prise par l'Agence.

Ensuite, elle devra publier son règlement interne et celui de ses commissions, l'ordre du jour et les comptes rendus des réunions, assortis des décisions prises, du détail des votes et des explications de votes, y compris en ce qui concerne les opinions minoritaires.

Nous reviendrons, lors de l'examen des articles, sur l'interprétation par le projet de loi des dispositions de la directive.

Enfin, l'AFSSAPS devra mieux organiser la gestion des conflits d'intérêts concernant les experts qui travaillent pour son compte en imposant une déclaration annuelle d'intérêts, et ce pour tous les agents.

Je souligne toutefois que l'AFSSAPS respecte déjà, dans les faits, ces nouvelles exigences : son site Internet met à la disposition du public tout ou partie de ces éléments.

La mission d'information s'était aussi penchée sur la question de la qualité des travaux d'expertise de l'AFSSAPS. Nous avions ainsi plaidé pour que le travail des experts soit mieux valorisé, notamment par la prise en compte de l'activité d'expertise dans le déroulement de la carrière des praticiens hospitaliers et universitaires.

Dans le même esprit, il serait utile de définir un statut de l'expert qui soit commun à toutes les agences sanitaires, afin de rationaliser les recrutements et de gérer les conflits d'intérêts.

Enfin, nous étions favorables au développement de la recherche publique en matière de sécurité sanitaire.

Ces sujets dépassent certes le cadre de ce projet de loi, mais je sais, monsieur le ministre, que vous partagez ces préoccupations, centrales pour la qualité de notre système d'expertise.

Le quatrième apport du texte concerne les relations entre entreprises pharmaceutiques, prescripteurs et patients.

À ce titre, je considère comme très positif le maintien d'une réglementation restrictive de la publicité pour le médicament et l'attribution de moyens d'actions juridiques supplémentaires à l'AFSSAPS. La transposition de la directive permet, là encore, un véritable progrès.

Ce projet de loi, à l'occasion de son examen par l'Assemblée nationale, s'est enrichi de plusieurs dispositions nouvelles.

Je m'en tiendrai aux dispositions touchant directement au secteur du médicament : deux d'entre elles m'ont semblé susciter des réactions.

La première concerne la fabrication des médicaments dérivés du sang, plus particulièrement des médicaments conçus à partir du sang rémunéré.

D'un côté, les donneurs de sang sont préoccupés par cette situation qui, selon eux, pourrait remettre en cause notre système.

De l'autre, les professionnels de santé s'inquiètent des risques de pénurie de médicaments.

Pour l'instant, le code de la santé publique a trouvé un équilibre entre ces deux positions : une AMM provisoire de deux ans est délivrée aux produits issus du sang rémunéré.

Cette durée a été portée à trois ans par l'Assemblée nationale. Cet allongement soulève quelques interrogations. Nous aurons probablement un débat sur ce sujet. Je crois, à titre personnel, que le principe de précaution doit nous conduire à prendre en compte les risques liés à la pénurie et qu'une durée de trois ans semble, à cet égard, relativement satisfaisante.

La seconde modification se rapporte au dispositif organisant la récupération à des fins humanitaires des médicaments non utilisés. M. le ministre vient de le mentionner, l'Assemblée nationale a adopté une mesure de suppression du réseau Cyclamed.

Cette suppression, soutenue par l'OMS, n'est pas bien comprise par certaines associations ou organisations non gouvernementales. Elle est pourtant justifiée au nom de la sécurité sanitaire des médicaments. Au moment où le présent projet de loi vise à mettre en place un dispositif de traçabilité des médicaments, de la fabrication à l'officine, il serait paradoxal d'autoriser la distribution de médicaments sortis de ce système et dont les conditions de conservation, pour n'évoquer que ce seul point, sont inconnues. C'est pour cette raison que la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Comme je l'ai dit, le Gouvernement sollicite par ce texte une habilitation pour intervenir par voie d'ordonnance sur la transposition de plusieurs directives ayant trait au médicament, d'une part, et sur diverses mesures relevant du domaine de la loi, d'autre part.

La première partie de cette demande révèle, une nouvelle fois, le retard préoccupant avec lequel la France procède à la transposition des directives en droit interne : il est fréquent que la Commission européenne engage à l'encontre de la France des procédures pouvant conduire à la condamnation de cette dernière à des astreintes financières.

C'est pourquoi je me vois conduit, mes chers collègues, à vous conseiller d'autoriser ce recours aux ordonnances, pour transposer cinq autres directives qui, pour les plus anciennes, datent de 2002 et portent sur divers domaines de la santé publique. Le délai d'intervention demandé est de huit mois. Il ne paraît pas excessif en la matière.

Je serai plus réservé, en revanche, quant au second volet de cette demande d'habilitation. Il vise successivement les autorisations d'importation des médicaments à usage humain, les insecticides et acaricides destinés à l'homme, les aliments diététiques et l'exercice des pouvoirs d'enquête de l'AFSSAPS.

Le délai demandé pour ces habilitations est également de huit mois. Cette fois, compte tenu des sujets concernés, ce délai paraît excessif.

Je comprends mal comment le Parlement pourrait autoriser le recours aux ordonnances au-delà du terme de la présente législature, c'est-à-dire habiliter par avance un gouvernement encore indéterminé. Certes, aucune disposition constitutionnelle ne s'y oppose expressément, mais une telle situation me semblerait bien singulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

C'est pourquoi nous vous proposerons de ramener ce délai à trois mois et d'en restreindre le champ pour certaines des mesures dénuées de caractère d'urgence, telles les mesures de sanctions accordées à l'AFSSAPS et celles qui organisent les actions d'accompagnement des patients par les laboratoires. M. le ministre s'est exprimé à ce sujet, et un débat peut bien entendu avoir lieu.

Cette dernière disposition a récemment suscité une polémique, car ces pratiques, qui s'inspirent de certains exemples étrangers, laissent craindre des dérives commerciales, allant jusqu'à l'envoi d'un contrôleur au domicile des patients.

Dès lors, le choix d'une demande d'habilitation à légiférer par ordonnances ne constitue peut-être pas le moyen d'action juridique le plus approprié.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

C'est ce que la commission est disposée à faire.

Enfin, avant de conclure, je me dois d'évoquer les deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale, relatifs à l'usage du titre de psychothérapeute.

Sur la forme, on peut s'étonner que ces amendements portent sur un texte intégralement consacré au médicament.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

D'une part, ces amendements visent, sur le fond, à créer une commission régionale chargée de valider les dossiers des professionnels qui exercent depuis au moins trois ans sous la dénomination de « psychothérapeute ».

L'équilibre du texte adopté en 2004 s'en trouve perturbé, puisque nous avions alors opté pour la détermination par décret de ces règles transitoires. Or ce décret, m'a-t-on dit, est sur le point d'être publié.

D'autre part, le texte adopté par l'Assemblée nationale limite la formation à la psychopathologie clinique, formation rendue obligatoire par la même loi de 2004, à la formation assurée dans le seul cadre universitaire.

La commission des affaires sociales n'a pas été convaincue par ces arguments et proposera donc de supprimer ces mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

M. Gilbert Barbier, rapporteur. Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques observations que je tenais à porter à votre connaissance.

Applaudissementssur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;

Groupe socialiste, 23 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Autain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en proposant ce texte à notre approbation, le Gouvernement vise à procéder - hélas ! beaucoup trop tardivement, comme c'est devenu l'habitude - à une transposition de la directive relative aux médicaments.

Cette transposition est incomplète et infidèle. Elle est assortie de dispositions qui lui sont totalement étrangères et qui sont souvent inutiles, à l'exception peut-être de l'article concernant Cyclamed.

Qui plus est, ces dispositions sont, pour l'une d'entre elles au moins, contraires au droit européen : vous l'aurez compris, monsieur le ministre, je veux bien évidemment parler des programmes industriels d'aide à l'observance.

Heureusement, votre projet de loi a été amélioré lors de son examen par l'Assemblée nationale, et plusieurs de ses lacunes ont été comblées.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Par le Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Laissez à nos collègues députés ce qui leur revient, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En l'occurrence, laissez-moi aussi ce qui me revient !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En matière de sécurité des médicaments, essentielle pour les patients et les professionnels de santé, les députés ont opté pour une transposition rigoureuse de la directive, ce dont on ne peut que se réjouir.

La transparence des travaux des commissions a été améliorée, mais insuffisamment à mon sens. Si l'AFSSAPS a commencé de se mettre en conformité avec la directive sur ce point, force est de reconnaître qu'il lui reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

On peut d'ailleurs se demander comment elle parviendra, comme son directeur général s'y est engagé, à rendre accessible sur son site d'ici à la fin de 2008 la totalité des autorisations de mise sur le marché délivrées en France depuis l'origine, alors même qu'un tiers seulement des spécialités commercialisées y sont aujourd'hui consultables.

Les investigations auxquelles a procédé la mission sénatoriale sur le médicament, dont il me plaît de saluer ici son président, Gilbert Barbier, rapporteur sur ce texte, ont fait apparaître de nombreux dysfonctionnements témoignant des difficultés que rencontre l'AFSSAPS pour faire respecter les règles déontologiques et légales de l'expertise, malgré l'existence en son sein d'un « groupe référent » créé spécialement à cet effet.

D'où la nécessité, reconnue non seulement par la mission d'information sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments, mais aussi par plusieurs rapports publiés antérieurement, de créer une instance indépendante chargée d'élaborer un statut qui établirait les droits et les devoirs des experts et contrôlerait leur activité au regard de la déontologie et de la loi.

Aussi, afin de ne pas créer une nouvelle structure dans un paysage qui en comporte déjà beaucoup trop, nous proposons, par l'un de nos amendements, de confier cette mission à la Haute autorité de santé.

Venons-en maintenant, monsieur le ministre, aux programmes industriels d'aide à l'observance.

Je constate non sans satisfaction que votre position a sensiblement évolué, de jour en jour. On ne peut que s'en féliciter !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je suis pragmatique !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Si cette évolution se poursuivait jusqu'à son terme, il n'est pas interdit de penser que votre position finirait par rejoindre la nôtre ! Dans ces conditions, rien ne s'opposerait à ce que nous finissions par voter ce texte !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne voudrais pas vous gêner !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

M. François Autain. Ne précipitons pas les choses !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous savez néanmoins, monsieur le ministre, qu'il existait une divergence de fond sur ce sujet, parce que nous sommes opposés au principe même de ces programmes gérés et financés par l'industrie pharmaceutique.

Pour nous, il s'agit moins d'améliorer le suivi des patients, pourtant nécessaire dans certains cas, que d'augmenter les ventes des médicaments nouveaux les plus chers et les moins sûrs - l'industrie pharmaceutique rencontre, c'est vrai, des difficultés... - en fidélisant les patients. Quiconque fait profession de vendre vous dira en effet qu'il est bien moins coûteux de fidéliser un client que d'en trouver un nouveau.

Par ce moyen, les firmes pharmaceutiques tentent de réintroduire par la fenêtre la publicité grand public qu'elles n'avaient pas pu faire entrer par la porte à Bruxelles. En effet, la Commission européenne, dont la direction générale « Entreprises et industrie », seule compétente en matière de médicaments, aussi paradoxal que cela puisse paraître, est tout entière acquise aux intérêts des industriels, avait échoué auprès du Parlement dans sa tentative de lever l'interdiction de la publicité grand public en Europe.

Mais l'industrie, devant ces difficultés, n'a pas renoncé à ce projet. Elle est en train de remobiliser la Commission européenne qui, n'ayant visiblement pas apprécié le vote des députés européens, n'a pas l'intention d'en rester là et s'apprête à prendre des initiatives en matière d'« information des patients ».

Cela ne trompera personne. Quelle différence existe-t-il en effet entre une publicité pharmaceutique et une information santé sur un médicament lorsqu'elle émane de l'entreprise qui l'exploite ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Monsieur le président de la commission, vous exagérez !

Faut-il rappeler que la publicité directe grand public et le coaching sont fortement contestés dans les deux seuls pays où ils sont autorisés, à savoir les États-Unis et la Nouvelle-Zélande ? La publicité entraîne une forte augmentation de la consommation de médicaments. Vous imaginez quelles seraient les conséquences si un tel projet était étendu à la France, qui est en tête des pays européens, voire en tête de tous les pays du monde, s'agissant de la consommation de médicaments !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Elle est vice-championne du monde !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Force est de constater, monsieur le ministre, que l'industrie pharmaceutique a cru trouver en vous un interlocuteur beaucoup plus compréhensif que le Parlement européen, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J'ai plutôt entendu le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

...même si, à vous entendre, on pourrait avoir l'impression qu'elle s'est trompée !

En effet, contrairement à ce que vous avez déclaré à l'Assemblée nationale, les programmes industriels d'aide à l'observance sont totalement étrangers à la législation européenne. Vous ne pouvez donc pas utiliser cet argument pour ne pas les interdire en France.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je vais vous répondre !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En effet, la réglementation européenne de l'autorisation de mise sur le marché ne mentionne aucune obligation de mettre en oeuvre des programmes d'aide à l'observance réalisés par les firmes pharmaceutiques. Elle précise seulement que, pour certains médicaments, un plan de gestion des risques doit être mis en place, ce qui est totalement différent. Tout au plus, une annexe d'une recommandation de l'Agence européenne du médicament, sans portée réglementaire, évoque des « programmes spécifiques d'éducation » qui pourraient être envisagés dans certaines circonstances. Aucun détail n'est fourni sur la nature de ces programmes éventuels, ni sur leurs financements ni sur les modalités de leur réalisation.

Je peux, si vous le souhaitez, vous donner les références de ce document de trente-deux pages datant du 14 novembre 2005. Mais sans doute est-il déjà en votre possession.

J'attends donc, monsieur le ministre, que vous reconnaissiez qu'il n'existe en la matière aucune contrainte européenne - d'ailleurs, aucun pays européen n'a légiféré sur cette question - et qu'il s'agit en l'occurrence d'une initiative strictement française dont vous n'avez aucune raison de ne pas vouloir assumer la responsabilité, ne serait-ce que pour clarifier le débat. Mais il semble que vous ne vouliez plus assumer cette responsabilité.

M. le ministre le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous devez vous expliquer sur les raisons profondes qui vous conduisent à maintenir une disposition qui a provoqué un véritable tollé comme on en a rarement vu dans le monde de la santé. Le comité de liaison inter-ordres, les syndicats de médecins et de pharmaciens, le centre national des professions de santé, le syndicat national des infirmiers, l'AFSSAPS, la Haute autorité de santé, tous se sont prononcés contre le texte proposé. À cette liste, il faut ajouter le collectif Europe et médicament, qui comprend 60 organisations réparties dans douze pays de la Communauté européenne, et, en France, l'association Que Choisir, la revue Prescrire et la Mutualité. Seule l'industrie pharmaceutique le soutient, quoique certains avancent que même elle vous aurait lâché. C'est le comble ! Vous vous retrouveriez alors bien seul...

Sur ce sujet complexe, un véritable débat, serein et prolongé, serait nécessaire, quand vous nous proposez une mesure expéditive et bâclée en fin de session, comme s'il s'agissait d'un forfait qu'il faudrait dissimuler.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il ne faut quand même pas exagérer !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pourtant, ce projet n'est pas anodin. Il porte atteinte au droit des patients et cause un préjudice grave aux médecins. Ces derniers ont nettement l'impression de se faire court-circuiter par l'industrie pharmaceutique, et ce avec le concours actif du Gouvernement, alors que la réforme de 2004 était censée leur donner un rôle pivot dans le parcours coordonné de soins, rôle qui est remis implicitement en cause par ce projet.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et la loi de 2002 !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous renforcez l'emprise que l'industrie pharmaceutique exerce déjà sur notre système de santé.

Elle finance les associations de malades ; elle a déjà un pied dans l'université ; elle maîtrise totalement la formation médicale continue, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

...ce qui serait impossible dans tout autre pays, même aux États-Unis ; elle peut maintenant s'immiscer dans l'évaluation des pratiques professionnelles ; elle assure pratiquement à elle seule le financement de la sécurité sanitaire des médicaments ; elle exerce un quasi-monopole sur l'information des médecins et des patients, au point que même la très indépendante Haute autorité de santé est contrainte, faute de moyens, de sous-traiter aux visiteurs médicaux rétribués par les firmes la diffusion aux médecins de ses fiches d'information sur les médicaments.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vos propos sont limites !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Cela fait dire ceci à un responsable syndical quelque peu désabusé : « L'industrie devrait aussi prendre directement en charge la rémunération des médecins ; ainsi, la boucle serait bouclée » ! Il n'a pas complètement tort, même s'il s'agit d'une boutade.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et les taxes sur l'industrie ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Certes, personne ne nie qu'il soit parfois utile, voire indispensable, que les patients atteints d'une maladie chronique et âgés, comme c'est souvent le cas, soient aidés ; mais les firmes pharmaceutiques, dont la vocation naturelle est de vendre le plus possible de médicaments, sont les plus mal placées pour leur rendre ce service.

On ne peut être à la fois juge et partie. Chacun des acteurs de notre système de santé doit rester dans son rôle : les médecins prescrivent des soins et en assurent le suivi, seuls ou en réseau ; les firmes industrielles mettent à la disposition des patients des produits de santé dont la balance bénéfices-risques est bien établie et dont les modalités d'utilisation sont sécurisées ; les patients, de leur côté, seuls ou regroupés en association, doivent être en mesure, informés et conseillés par les soignants, de décider leurs soins.

C'est la voie tracée par l'excellent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, publié récemment et dont vous ne pouvez pas ne pas avoir eu connaissance.

M. le ministre rit.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il est dommage que vous n'ayez pas voulu ou pu, faute de temps peut-être, vous en inspirer. Nous aurions sans doute été à vos côtés pour vous soutenir dans cette démarche.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je vous remercie de votre confiance !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pour l'heure, monsieur le ministre, la sagesse serait de renoncer à ce projet funeste et de poursuivre le débat sereinement, avec tous les acteurs du système de santé, mais sur les bases du rapport. Nul doute qu'il serait possible de parvenir à un accord, personne ne contestant l'utilité de ces programmes d'aide thérapeutique - disease management, comme disent les Anglo-Saxons, ce qui est différent du coaching et du risk management -, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Est-ce une conversion de votre part ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

...dès lors que l'industrie pharmaceutique resterait à sa place.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C'est exactement ce que j'ai dit ! Vous commencez à me rejoindre !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Monsieur le ministre, je vous ai dit qu'il n'était pas impossible que nous finissions par nous rejoindre !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il ne faut pas que cela vous coûte !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ce serait une grave erreur de penser pouvoir traiter dans l'urgence un tel sujet au motif que, utilisant à leur profit un regrettable vide juridique, certaines entreprises pharmaceutiques harcèlent l'AFSSAPS.

Je constate que vous êtes sur la bonne voie et que vous êtes en train de prendre la bonne décision, celle qui répond aux impératifs de la santé publique. De cette décision dépendra bien sûr notre attitude. L'amendement de suppression adopté par la commission constitue une opportunité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Si vous savez la saisir, rien ne s'opposera alors à ce que le groupe CRC vote ce texte ainsi modifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quoique d'une apparence très technique, ce texte est extrêmement important, puisqu'il concerne la santé quotidienne de nos concitoyens.

Je serai très bref, me réservant d'intervenir lors de la discussion des articles. J'exprimerai simplement à cet instant la position du groupe socialiste.

Nous sommes plutôt favorables à la transposition de la directive de 2004 puisqu'elle apporte des améliorations, notamment s'agissant des autorisations de mise sur le marché des médicaments, de la transparence, de l'information du public, mais encore du développement des médicaments génériques et des médicaments innovants.

Sur ce point, seul l'article 9 bis a retenu notre attention. Nous ne pouvons pas l'accepter puisqu'il remet en cause le strict encadrement de l'utilisation du sang issu de prélèvements rémunérés. Cette disposition soulève en outre d'importants problèmes éthiques. Aussi, nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

En revanche, la deuxième partie de votre texte est beaucoup plus contestable.

D'abord, vous avez cru devoir rattraper le retard accumulé par les différents gouvernements qui se sont succédé - celui auquel vous appartenez n'est pas seul en cause - en demandant au Parlement d'habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnances, c'est-à-dire sans aucun débat parlementaire, cinq directives.

Seule la transposition de la directive de 2004 sur les médicaments fera l'objet d'une discussion, dans le cadre du présent texte.

Si certaines de ces directives ne soulèvent guère de problèmes « philosophiques », deux d'entre elles au moins - celle qui est relative aux produits sanguins et celle qui porte sur les produits dérivés du corps humain - posent de graves problèmes éthiques. De ce fait, elles ne sauraient être transposées dans notre droit par de simples ordonnances.

Le Parlement doit pouvoir débattre de ces questions. Bien que la France accuse un certain retard dans ce domaine, et quand bien même Bruxelles pourrait nous imposer des sanctions financières, nous ne pouvons pas habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnances ces directives européennes. Il fallait s'y employer auparavant, et rien ne justifie de bâcler maintenant ce travail de transposition.

Trois autres questions posent problème. François Autain y ayant longuement insisté, je ne m'étendrai pas outre mesure.

Le premier point qui pose problème concerne l'accompagnement des programmes des patients par les laboratoires pharmaceutiques. Nous y sommes hostiles. La commission des affaires sociales a réglé la question, sous l'impulsion de son président, Nicolas About, avec l'accord de son rapporteur, Gilbert Barbier, et j'espère, monsieur le ministre, que vous n'irez pas à l'encontre de sa sagesse.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ce n'est pas dans mes habitudes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Le deuxième point litigieux a trait à la collecte et à la redistribution des médicaments inutilisés. Pour ma part, je suis partagé. Que devons-nous faire ? Pour le savoir, nous devons débattre de ce sujet.

Enfin, la troisième disposition délicate est relative aux psychothérapeutes, et nous y sommes également défavorables. La commission des affaires sociales a adopté une position sage, puisqu'elle a déposé des amendements visant à supprimer les mesures introduites par l'Assemblée nationale.

Telle est la position du groupe socialiste. Nous ne pouvons malheureusement pas voter ce texte en l'état. Nous reviendrons peut-être sur cette décision au cours de la discussion, monsieur le ministre, si vous êtes aussi sage que la commission des affaires sociales, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous connaissez mes habitudes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. ...c'est-à-dire si vous acceptez un certain nombre d'amendements que nous présenterons ou approuverons. Dans ce cas, comme nous l'avons fait récemment sur d'autres textes, et parce qu'il y va de l'intérêt des malades, nous voterons ce projet de loi. Encore faut-il qu'il soit entouré de certaines précautions indispensables...

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous entamons l'examen est très technique. Mais il n'en est pas moins important. Il s'agit principalement de transposer dans notre droit la directive européenne du 31 mars 2004. Il était temps ! Cette transposition aurait dû intervenir avant le 30 octobre 2005. Une fois de plus, la France s'illustre par ses difficultés à se conformer au droit communautaire dans les délais qui lui sont impartis.

Cela étant, notre retard est sans doute justifié par la délicatesse de la question. Le médicament est une substance active, qui a une incidence sur le fonctionnement de notre organisme. Mais le médicament est aussi une source d'espoir. Comme il nous a permis, par le passé, d'obtenir des progrès considérables, il pourrait à l'avenir nous aider à vaincre des maladies invalidantes. En tant qu'élue de la Réunion, je pense tout de suite, naturellement, aux maladies dites tropicales telles que le paludisme ou le Chikungunya. Autant de pathologies invalidantes qui affectent chaque année des millions de personnes !

Si tout remède produit des effets sur notre organisme, tout médicament remboursé a également des conséquences sur nos organismes de sécurité sociale.

La problématique du médicament est donc à la fois médicale et financière. Mais il ne s'agit pas d'arbitrer entre ces deux impératifs. Il nous faut les concilier. C'est ce que nous tentons de faire avec la promotion du médicament générique. Promouvoir les molécules dérivées est, en termes financiers, une excellente chose.

Mais, afin de concilier gains financiers et amélioration de la qualité des soins, il est impératif que les économies réalisées grâce aux molécules dérivées servent à mieux financer la recherche et les molécules innovantes.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et leur prise en charge !

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

Ainsi, nous alimenterions un cercle vertueux.

Si le présent projet de loi est presque intégralement consacré à la transposition de la directive relative aux médicaments, son article 29 tend aussi à autoriser le Gouvernement à transposer par ordonnances cinq autres directives portant sur des produits à usage médicaux.

Nous ne voyons rien à redire au fait de transposer des directives très techniques par ordonnances. Il n'y a là aucun empiètement de l'exécutif sur le législatif.

En revanche, monsieur le ministre, vous nous demandez aussi, par l'article 29, de pouvoir légiférer par ordonnances dans le domaine du droit de la santé publique. Et le champ de l'habilitation que vous requerrez est large.

Vous souhaitez en particulier pouvoir dresser, par ordonnance, le cadre juridique des « programmes d'observance ». Il s'agit, pour les entreprises pharmaceutiques, de mettre en place des programmes d'assistance à certains patients. L'observance peut être une bonne chose lorsque le respect des prescriptions s'avère particulièrement important pour la santé des intéressés. Mais l'observance doit pouvoir être menée dans un cadre médical bien défini. Il me paraît préférable, monsieur le ministre, de soustraire ces programmes d'observance des patients du champ de l'habilitation à prendre des ordonnances. C'est la position qu'a adoptée la commission des affaires sociales ce matin, et je m'en réjouis.

Par ailleurs, à la suite de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, deux autres questions importantes ont fait leur entrée dans nos débats.

La première question, celle du statut des psychothérapeutes, est à nouveau posée par l'insertion dans le texte des articles 28 sexies et 28 septies. Nous ne sommes pas favorables à ces articles. Lors de la première lecture au Sénat du projet de loi relatif à la politique de santé publique, la commission des affaires sociales était parvenue à un consensus satisfaisant, consensus auquel nous nous étions ralliés et qui est devenu l'article 52 de la loi du 9 août 2004. Sur le fondement de cet article, a été élaboré un projet de décret prévoyant que la formation spécifique en psychopathologie clinique comprendra quatre cents heures de cours théoriques et un stage pratique de cinq mois minimum, ce qui correspond à un enseignement consistant.

Si les articles 28 sexies et 28 septies étaient adoptés, le décret devrait être réécrit, et nous nous retrouverions dans une situation de vide juridique identique à celle qui avait cours avant la loi de 2004. Or il faut encadrer l'exercice des psychothérapies pour les crédibiliser et les expurger de tout charlatanisme.

De même, il paraîtrait normal que des institutions privées sous convention, et pas seulement les universités, puissent former aux psychothérapies. C'est une pratique courante en matière médicale.

C'est pourquoi nous voterons les amendements de suppression déposés par la commission des affaires sociales.

La seconde question épineuse est celle de la collecte des médicaments non utilisés. Comme nombre d'entre vous, nous avons été saisis par Cyclamed et par l'Ordre de Malte à la suite de l'adoption de l'article 28 ter du présent projet de loi, qui interdit la redistribution des médicaments inutilisés. Nous comprenons bien les arguments de ces organisations. Il peut en effet paraître inique de supprimer un mécanisme d'entraide humanitaire. Cependant, l'interdiction d'expédier ces médicaments ne nous semble pas dénuée de justification. Comme vous l'avez précisé tout à l'heure, monsieur le ministre, Cyclamed ne recueillait que 5 % des médicaments vendus chaque année, soit une faible part de ceux qui n'avaient pas été consommés. De plus, la redistribution de ces médicaments ne garantissait pas leur qualité, leur adaptation aux besoins réels de leurs récipiendaires et leur traçabilité. La France est le seul pays européen à recourir encore à de tels médicaments dans le cadre de programmes d'aide internationale.

Mais nous nous interrogeons. Une fois ce projet de loi adopté, ne devrait-on pas réfléchir à un système permettant un tri efficace des médicaments non utilisés ? C'est à mon avis certain.

Nous nous posons une autre question, monsieur le ministre : ne peut-on imaginer que le Cyclamed, aujourd'hui exonéré de la collecte sélective des emballages de médicaments, soit désormais agréé pour mettre en place une collecte sélective des déchets des activités de soins à risques, principalement en pharmacie, chez les professionnels de santé et dans les centres hospitaliers ? Cette collecte sélective serait prise en charge par les industriels producteurs des produits d'activités de soins sous la forme d'une « écocontribution ».

En conclusion, le groupe UC-UDF votera ce texte en fonction des réponses qui seront apportées à nos inquiétudes et interrogations.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'harmonisation des règles européennes dans le domaine du médicament a débuté en 1965, mais une nouvelle étape a été franchie en 2004 par l'adoption d'un « paquet médicament » constitué d'un nouveau règlement et de trois directives.

Comme l'ont dit un certain nombre de nos collègues, cette transposition aurait dû être réalisée au plus tard le 30 octobre 2005. Si cette opération avait été faite, et en dépit de l'affaire du Vioxx, la mission d'information sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments n'aurait pas été créée au Sénat. Mais, lorsque la proposition de résolution de M. Autain a été déposée sur le bureau du Sénat, la commission des affaires sociales avait le choix entre une mission d'information et une mission d'enquête. Elle a décidé de proposer à la Haute Assemblée la création d'une mission d'information, parce que la directive 2004/27/CE prévoyait notamment un certain nombre de mesures visant à assurer la transparence.

Cette directive clarifie donc la notion de médicament, révise les procédures de mise sur le marché, renforce la transparence et améliore les relations entre les entreprises, les prescripteurs et les patients.

Je voudrais, au nom du groupe UMP, formuler quelques observations.

S'agissant de la notion de médicament, je ne reviendrai pas sur les dispositions relatives au générique. Avec la procédure « allégée » d'autorisation de mise sur le marché, qui ne sera pas permise au cours des huit premières années de commercialisation du princeps, ces mesures permettent de protéger le propriétaire du médicament de référence sans obérer le développement des génériques.

Je ne reviendrai pas non plus, monsieur le ministre, sur l'article 12, si ce n'est pour le mentionner, puisque celui-ci étend les conditions de délivrance des autorisations temporaires d'utilisation nominatives, c'est-à-dire l'accès à des traitements encore en phase d'expérimentation clinique, pour répondre aux situations dans lesquelles des personnes atteintes de maladies graves sont confrontées à un risque létal, alors qu'aucun traitement approprié n'est disponible.

Le nom du médicament sera désormais prescrit en dénomination commune internationale, ou DCI, pour qu'une même molécule ait un nom identique dans tous les pays de l'Union européenne. Nous ne pouvons que nous en féliciter, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

...d'autant que cette préconisation fait partie des recommandations, susceptibles de contribuer à l'amélioration de l'information des prescripteurs, émises par la mission d'information du Sénat à laquelle nous avons participé. En effet, celle-ci a affirmé la nécessité d'assurer l'indépendance des logiciels de prescription ou d'informer les utilisateurs sur les concepteurs du logiciel et les liens qu'ils peuvent entretenir avec l'industrie pharmaceutique.

Mais je souhaiterais pointer du doigt la notion même de médicament. Si, comme je l'ai dit tout à l'heure, la directive permet une clarification, elle prévoit, sous des aspects techniques, une extension du médicament.

L'article 3 du projet de loi, dans le texte proposé pour le premier alinéa de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique, stipule notamment ceci : « On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ».

Et le texte proposé pour un nouvel alinéa de ce même article du code de la santé publique, toujours à l'article 3, précise qu'« il est, en cas de doute, considéré comme un médicament ».

Je voudrais souligner - j'y reviendrai tout à l'heure à titre personnel, lors du vote sur l'article 3 - le risque que nous prenons, même s'il s'agit de la transposition d'une directive, à considérer le corps humain ainsi que les cellules souches embryonnaires comme des matériaux de laboratoires en franchissant un pas vers la brevetabilité du corps humain.

Je souhaiterais également aborder la question, que j'ai soulevée en commission, des médicaments dérivés du sang et des procédures de mise sur le marché. La France autorise l'importation de ces médicaments provenant de pays où le don du sang est rémunéré à la seule condition qu'ils apportent une amélioration en termes de sécurité ou d'efficacité thérapeutique.

Cette autorisation est limitée à deux ans. Nos collègues députés ont souhaité porter cette durée à trois ans, considérant qu'un tel délai pouvait sécuriser un marché en pénurie chronique et permettait, par ailleurs, d'éviter un certain nombre de paperasseries. Pour autant, l'allongement de ce délai me paraît constituer un signal fort en faveur du don rémunéré tel qu'il est pratiqué dans certains pays. C'est pourquoi j'ai déposé, avec Paul Blanc, Sylvie Desmarescaux et plusieurs de nos collègues, un amendement tendant à revenir au délai de deux ans, et j'invite notre assemblée à nous suivre dans cette démarche.

Je ferai ensuite plusieurs observations sur les procédures de mise sur le marché.

La principale innovation réside dans l'officialisation du rapport bénéfice-risque. Ainsi, une autorisation de mise sur le marché sera désormais refusée lorsqu'il apparaîtra que ce rapport n'est pas considéré comme favorable.

Cependant, mon groupe regrette que l'idée d'introduire l'obligation de réaliser des essais comparatifs entre le nouveau médicament faisant l'objet de la demande d'AMM et les médicaments existant dans la même classe thérapeutique ait été écartée. C'était là l'une des recommandations émises, l'année dernière, par la mission d'information de la commission des affaires sociales sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments. Le recours à une telle évaluation aurait permis en effet de juger la valeur thérapeutique ajoutée des produits et, surtout, de procéder à des études comparatives avec les médicaments déjà commercialisés.

Enfin, s'agissant de la collecte des médicaments non utilisés, vous proposez, monsieur le ministre, conformément aux indications de l'inspection générale des affaires sociales, que notre pays cesse de recycler les médicaments non utilisés. Nous le comprenons bien évidemment, mais il faut savoir qu'une telle décision aurait pour conséquence de priver de nombreuses organisations humanitaires de cette source d'approvisionnement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Quelques-unes !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Vous prévoyez d'instaurer une période de transition de dix-huit mois afin de mettre en place de nouvelles sources d'approvisionnement. Mais on ne voit pas très bien comment vous ferez puisqu'il faudrait injecter dans une telle opération de grosses sommes, trop lourdes pour notre système d'assurance maladie et pour l'État.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cinq millions d'euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Pourriez-vous nous donner quelques précisions à cet égard ?

De même, pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous envisagez de prendre en faveur du recyclage des médicaments que nous possédons tous dans nos pharmacies personnelles, de façon à éviter qu'ils ne deviennent des déchets publics, ce qui serait fort dommageable au regard de notre politique de l'environnement.

La dernière observation que je vous livre, au nom de mon groupe, concerne le problème de l'usage du titre de psychothérapeute.

D'abord, il nous paraît regrettable de voir cette notion introduite dans une directive relative aux médicaments.

Ensuite, nous souhaitons bien évidemment que toutes les garanties soient apportées aux patients - qui sont des personnes en souffrance psychique, psychosociale ou atteintes de psychopathologies - sur la formation et la compétence des praticiens auxquels ils se confient. Il nous paraît donc indispensable d'adosser la formation de ces praticiens à l'université, comme Francis Giraud l'a rappelé ce matin, en commission des affaires sociales.

Par ailleurs, nous souhaitons également avoir des explications très précises sur la mention « à titre temporaire » inscrite dans le décret d'application de l'article 52 de la loi de 2004. En effet, alors que nous, législateurs, sommes censés encadrer une profession qui vit actuellement dans le non-droit, nous semblons, par cette mention, confirmer l'exercice de cette profession par des personnes au nombre desquelles figurent précisément celles qui sont dangereuses pour les patients.

En effet, l'inscription de la mention « à titre temporaire » pourrait autoriser ces « psychothérapeutes » à faire publiquement usage du titre, en particulier dans tous les documents destinés aux usagers, au moment même où sera diffusée l'information selon laquelle la profession est enfin encadrée et sécurisée.

Telles sont, monsieur le ministre, les quelques questions que notre groupe souhaite soulever à l'occasion de l'examen du texte qui nous est soumis portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'employer à définir les conditions d'exercice de la profession de psychothérapeute n'est pas a priori contestable. Il s'agit là d'une tâche utile, donc légitime.

Ce qui, en revanche, est hautement contestable, c'est l'acharnement à vouloir accomplir ce travail en se fondant sur un texte totalement contradictoire dans ses termes et c'est le consentement à ce que cette question légitime soit continuellement instrumentalisée par d'autres causes, tout particulièrement par les croisades menées par un certain nombre d'adeptes du comportementalisme pour disqualifier à la fois la psychanalyse et les psychothérapies relationnelles.

Les deux nouveaux amendements que M. Accoyer a déposés à l'Assemblée nationale et qui sont devenus les articles 28 sexies et 28 septies du texte qui nous est soumis, procèdent de cette double dérive.

En premier lieu, je veux à mon tour souligner que ces amendements ont été déposés au sein d'un texte relatif aux médicaments. Alors que l'Assemblée nationale examinait le même jour, le 11 janvier dernier, un projet de loi sur les professions de santé et le présent texte sur les médicaments, M. Accoyer a choisi ce dernier pour traiter des psychothérapeutes. Ses deux amendements n'ont évidemment rien à voir avec le sujet. Ce sont des cavaliers, tout le monde l'a dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En effet, monsieur le président de la commission, il devait avoir ses raisons...

À bien y réfléchir, il y a là quelque chose de profondément symptomatique.

Il faut en effet se souvenir, mes chers collègues, que ce qu'il faut désormais appeler le premier amendement Accoyer - qui a connu cinq rédactions successives au fil des débats et dont la dernière constitue l'article 52 de la loi de 2004 relative à la politique de santé publique - témoignait, dans sa première version, de la volonté d'une mainmise explicite de la sphère médicale sur la totalité du traitement de la souffrance psychique. Nul ne pouvait, selon cette version originelle, traiter de la souffrance psychique s'il n'était pas médecin.

C'était un nouveau Triomphe de la médecine, un retour explicite aux thèses « hygiénistes », pour reprendre le terme de Jacques-Alain Miller.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Et c'était la version brute, radicale, du credo comportementaliste en vertu duquel il fallait désormais substituer à la psychanalyse et aux méthodes qui en sont issues, d'une manière ou d'une autre, les thérapies cognitivo-comportementales, dont les deux composantes sont, d'une part, des protocoles fondés sur des questionnaires codifiés, d'autre part, des prescriptions médicamenteuses.

Nous y voilà ! Il est, mes chers collègues, symptomatique que M. Accoyer inscrive matériellement ses nouveaux amendements sur l'exercice d'une profession traitant de la souffrance psychique au beau milieu d'une série de dispositions qui traitent exclusivement du médicament. C'est, au choix, un nouveau lapsus ou une véritable provocation. En tout cas, c'est à la fois le symptôme et le symbole du prurit hygiéniste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En deuxième lieu, je tiens à rappeler que l'article de loi issu du premier amendement Accoyer auquel il a été fait référence à plusieurs reprises tout à l'heure, soit l'article 52 de la loi de 2004, est contradictoire dans ses termes.

En effet, en raison d'une maladresse, d'un lapsus, d'une incohérence ou d'une incapacité à surmonter la différence entre deux approches distinctes - on peut d'ailleurs en débattre -, l'avant-dernier alinéa de cet article dispose que les médecins, les psychanalystes et les psychologues diplômés peuvent de droit porter le titre de psychothérapeute, c'est-à-dire sans aucune condition...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Pour s'inscrire, oui ! Pour pratiquer, non ! Vous le savez aussi bien que moi ! Il ne faut pas dire n'importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cependant, monsieur le président de la commission, le dernier alinéa du même article écrit l'exact contraire, à savoir que toute personne voulant se prévaloir du titre de psychothérapeute devra avoir subi une formation spécifique en psychopathologie.

L'avant-dernier alinéa relève d'une logique que Roland Gori qualifie justement d'opportuniste, puisqu'il s'agissait et qu'il s'agit toujours - par le biais des projets et des avant-projets de décret -, de tenter de calmer les protestations issues de la première version de l'amendement Accoyer en donnant sans condition - et j'insiste sur ce point - le bénéfice du titre à l'ensemble des médecins, des psychanalystes et des psychologues.

Je qualifierai le dernier alinéa du même article d'exigeant, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

... puisque son application aurait pour effet de contraindre les médecins qui ne sont pas spécialistes de cette discipline, les psychanalystes et les psychologues de suivre, au même titre que les actuels psychothérapeutes, des formations en psychopathologie pour pouvoir se prévaloir du titre de psychothérapeute.

Comme l'a dit Claude Evin, lors du débat à l'Assemblée nationale, « il y aurait [...] beaucoup à dire notamment sur ce troisième alinéa, qui permet à des personnes n'ayant reçu aucune formation » - j'entends : aucune formation spécifique - « de bénéficier du titre de psychothérapeute ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La contradiction est donc patente ! L'on aurait pu penser, dès lors que M. Accoyer revenait devant le Parlement pour proposer de nouveaux amendements, que ces derniers auraient pour objet de clarifier les choses et de supprimer cette contradiction, afin que les textes d'application puissent être rédigés sur une base claire.

Mais, très significativement, alors que M. Accoyer ne peut pas ignorer cette contradiction, sur laquelle de très nombreux articles ont été publiés, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Est-il nécessaire de personnaliser à ce point le débat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce sont les amendements qui ont été déposés par M. Accoyer !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

On a l'impression que vous en faites un débat entre vous-même et M. Accoyer ! Nous parlons de la loi en général !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ne vous inquiétez pas, je vais bientôt parler aussi du ministre !

Très significativement, alors que M. Accoyer ne peut ignorer cette contradiction, il choisit sciemment non seulement de la maintenir, mais, de surcroît, de l'aggraver.

En effet, les deux amendements qu'il propose auraient des effets concrets s'ils étaient adoptés. Le premier établit la composition d'une commission d'habilitation pour les psychothérapeutes en exercice et prévoit que tout médecin, quelle que soit sa spécialité, peut faire partie de cette commission, ce qui renforce incontestablement le préjugé hygiéniste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En troisième lieu, mes chers collègues, j'aborderai la question des décrets.

M. Douste-Blazy - vous le voyez, monsieur le ministre, je change de personnage ! - avait déclaré qu'il ne publierait pas le décret d'application de l'article 52 de la loi du 9 août 2004 compte tenu des contradictions internes à cet article. Votre position est différente puisque vous vous êtes efforcé, au fil de quatre rédactions successives, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Oh, bien plus !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous n'avez pas eu connaissance de tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je n'ai pas eu connaissance de tout, monsieur le ministre, mais j'ai suivi de près votre travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a un micro dans le bureau !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Non, monsieur le président, ces rédactions ont été rendues publiques !

Vous vous êtes efforcé d'écrire le décret en vous fondant sur ce texte contradictoire. Le résultat est que l'ensemble des avant-projets de décret, y compris le dernier, sont eux-mêmes contradictoires dans leurs termes.

Il est en effet très difficile d'écrire un décret qui ne soit pas contraire soit au troisième, soit au quatrième alinéa de l'article 52 de la loi de 2004, et je ne sais pas, monsieur le ministre, comment vous pourrez expliquer que le dernier avant-projet de décret est conforme au principe d'égalité, car il est clair que l'on n'y traite pas de la même manière les différents professionnels, eu égard en particulier aux exigences de formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il y avait assurément une autre manière de prendre le problème qui ne se serait assimilée ni à l'avant-dernier ni au dernier alinéa de l'article 52 et qui aurait consisté à partir des exigences de formation, de déontologie et d'exercice de la profession qui ont d'ores et déjà été définies par les professionnels - comme l'on procède de facto, vous le savez très bien, monsieur le ministre, pour les psychanalystes - pour établir des règles, des textes réglementaires, voire législatifs. C'eût été une tout autre démarche que celle du premier amendement Accoyer, qui a instauré la loi comme préalable alors qu'elle aurait pu être un aboutissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En matière de formation, cette démarche pragmatique aurait été à l'antipode de ce qu'imposent les nouveaux amendements Accoyer. En effet, selon ceux-ci, la formation des futurs psychothérapeutes ne peut être qu'universitaire et ne doit être qu'universitaire. Or l'université ne dispense pratiquement pas de formation à la psychothérapie !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour le moment, elle ne le fait pas, monsieur le président de la commission !

Il est absurde de nier les institutions qui existent et qui pourraient tout à fait être agréées par l'université ou par l'État. Je ne récuse pas plus que M. le rapporteur ou les orateurs qui sont déjà intervenus le rôle que peut jouer l'université dans ce domaine. Il me paraît cependant tout à fait indiqué de refuser un monopole qui n'aurait pas aujourd'hui de justification pratique puisqu'il serait concrètement impossible à mettre en oeuvre.

Alors, puisque vous m'invitez à conclure, monsieur le président, je le ferai en soulignant que, visiblement, il faut s'y prendre autrement. Il est certes tout à fait légitime de lutter contre les dérives sectaires ; des lois existent à ce sujet, elles s'appliquent à tous. Mais il est inacceptable de qualifier l'ensemble des représentants d'une profession, ou « la plupart » d'entre eux, de charlatans ou de membres de sectes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président de la commission, je pourrai produire, si vous le souhaitez, un certain nombre de déclarations !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C'est pourquoi il est important de traiter du sujet. Mais il faut en traiter, monsieur le président de la commission, d'une manière qui soit plus cohérente.

Je salue la décision de la commission des affaires sociales, qui nous propose de supprimer purement et simplement les deux nouveaux amendements Accoyer. Mais au-delà, monsieur le ministre, je pense qu'il faut reprendre cette question sur des bases saines et refuser de s'enfoncer dans des contradictions insolubles.

J'espère avoir contribué, monsieur le ministre, à vous en convaincre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur Autain, vous avez évoqué des « mesures expéditives » de « fin de mandat ». Pourtant, vous avez à différentes reprises appelé ce texte de vos voeux ! Je tiens à vous indiquer qu'il a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale dès le mois de mai dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

J'aurais préféré qu'il soit inscrit plus tôt à l'ordre du jour de nos travaux !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Moi également ! Une fois de plus, nous nous rejoignons, ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

C'est vous qui avez la maîtrise de l'ordre du jour !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre... à cette différence près que je le fais dès le début de mon propos : vous voyez que tous les espoirs sont permis, monsieur le sénateur !

Sourires

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ce texte, vous le réclamiez : ne me dites pas qu'il s'agit d'une mesure expéditive au moment où le Gouvernement exauce vos voeux - ce n'est d'ailleurs ni la première ni la seule fois. J'imagine que vous aurez quelque difficulté à masquer la gêne dans laquelle je vous place !

Nouveaux sourires

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous m'avez demandé pourquoi le décret sur le conflit d'intérêts des professionnels de santé, décret relatif au droit des malades, n'est toujours pas paru. La raison en est simple : sur ce sujet - je pourrais d'ailleurs passer des heures à évoquer les nombreux décrets qu'a pris le ministère de la santé et des solidarités -, un travail de concertation très important a été mené avec l'ensemble des professionnels. Je peux vous annoncer qu'il va enfin être rédigé et soumis au Conseil d'État.

Trois cents décrets ont été publiés par le ministère de la santé et des solidarités depuis le début de cette législature, sans compter les autres textes réglementaires. Il est vrai que ce ministère a beaucoup de textes à publier ! Au demeurant, je voudrais faire observer, comme je l'ai fait ce matin à propos de la loi relative à la politique de santé publique - qui est, comme la loi de 2002, une grande, une belle loi -, qu'à l'avenir nous devrions, chaque fois que nous rédigeons des projets de loi, préparer en même temps les avant-projets des textes réglementaires qui les accompagneront.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En effet, si le droit d'amendement du Parlement est évidemment imprescriptible, s'il est le plus important qui soit, nous savons bien que les amendements ne portent en définitive que sur une faible part des textes législatifs et que, si la concertation porte en même temps sur la loi et sur le décret, il suffira ensuite de modifier les décrets de façon à tenir compte de la volonté que le législateur aura exprimée.

C'est de cette façon que j'ai procédé pour la réforme de l'assurance maladie, ce qui a permis qu'à la fin de l'année 2004, soit un peu plus de quatre mois après la promulgation de la loi, 80 % des textes réglementaires soient publiés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Que ne l'avez-vous fait pour les autres textes !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous devons en la matière être au rendez-vous de l'effectivité : tant que les modalités d'application d'une loi ne sont pas entrées dans le quotidien de nos concitoyens, celle-ci n'existe pas pour eux, et à juste titre.

Voilà de quelle façon, pour ce qui me concerne, j'entends travailler et je veillerai à ce que l'ensemble des textes qui ressortissent à ma compétence puissent être publiés au mieux.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous me pardonnerez cette digression, mais il est vrai aussi que, dans le domaine de la santé, les matières sont peut-être un peu plus complexes qu'ailleurs, et les intervenants beaucoup plus nombreux.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et si vous croyez à la concertation - ce dont je ne doute pas ! - comme j'y crois, vous savez également que vous avez tout intérêt à n'oublier aucun interlocuteur !

Par ailleurs, vous vous apercevez quand vous prenez le temps de la concertation qu'il est possible de déterminer des points d'équilibre grâce auxquels vous pouvez continuer d'avancer. Souvent, et c'est particulièrement vrai du projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, quand on veut aller trop vite dans la concertation, on passe à côté des bonnes solutions.

Je n'aurai pas le même point de vue sur le décret relatif aux psychothérapeutes. J'y ai consacré beaucoup de temps, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais, quand une loi est promulguée, il faut la traduire dans les faits : à partir du moment où l'article 52 exigeait un décret, il fallait publier celui-ci.

Je n'ai pas ménagé ma peine. Certains prédisaient qu'il serait impossible de rapprocher des points de vue qui semblaient de prime abord inconciliables. Pourtant, une voie d'équilibre a été trouvée, et c'est pour cette raison que je serai favorable à la suppression de ces amendements devenus articles.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je m'en suis expliqué ce matin encore devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, où il était justement question du suivi de la loi de 2004 relative à la politique de santé publique. Nous avons eu de longs échanges sur son article 52, et j'ai eu à coeur de répondre aux interrogations et aux inquiétudes qu'ont exprimées certains députés : j'ai adopté la position même que je viens de décrire, je n'ai pas changé d'avis en venant devant le Sénat.

J'imagine que vous tiendrez vous aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, à me poser un certain nombre de questions qui me permettront de confirmer la position du Gouvernement sur ce décret.

Madame Hermange, je sais l'intérêt que vous portez aux questions liées au médicament et la compétence qui vous est reconnue dans ce domaine - ce n'est d'ailleurs pas le seul. Il est vrai que la réglementation de l'AMM n'exige pas de supériorité du nouveau produit sur les anciens. On peut le regretter.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C'est cependant la décision qui a été prise au niveau communautaire, ainsi que je vous l'ai indiqué.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Un sujet comme celui-ci - il en est d'autres - doit être davantage débattu à l'échelon communautaire : si nous voulons être plus efficaces au niveau national, nous devons bien évidemment nous en donner les moyens au niveau communautaire. Aujourd'hui, il appartient à chaque État de mettre en place une certaine sélectivité en matière de remboursement s'il le juge opportun. La France le fait. Mais si les choses étaient plus simples à l'échelon européen, nous pourrions aller plus vite et donc être plus efficaces.

Monsieur le rapporteur, vous demandez une réduction du délai pour l'habilitation. Nombre d'ordonnances sont déjà prêtes ; mais si l'on réduit aujourd'hui ce délai, cela posera un problème, notamment sur la question des sanctions pénales, qui demande un important travail de concertation interministérielle, impossible de mener à bien en si peu de temps. Mais nous aurons l'occasion de revenir sur ce point tout à l'heure et j'ai bon espoir de pouvoir vous convaincre.

Monsieur Michel, vous vous êtes opposé au principe de l'ordonnance pour les produits sanguins. Mon but n'est pas de priver la Haute Assemblée d'un débat de fond, il s'agit seulement d'introduire la distinction entre l'activité de délivrance pour un patient donné et l'activité de distribution à proprement parler. Mon objectif était d'alléger le travail du Parlement. Cependant, si vous voulez que nous allions plus loin dans la réflexion sur les principes qui présideront à la rédaction de ce texte, j'y suis bien évidemment tout à fait favorable.

Monsieur le rapporteur, vous avez également demandé que nous revenions sur la question du statut de l'expert, sujet important sur lequel ce n'est pas la première fois que vous vous exprimez puisque vous l'avez déjà abordé lors de différentes missions et réunions de commission. Les services du ministère ont engagé des travaux afin d'améliorer la qualité de l'expertise, mais aussi l'indépendance des experts. L'expertise externe, nous le savons, est indispensable à une évaluation de qualité ; nous réfléchissons également aux moyens de valoriser ces travaux d'expertise afin qu'ils soient suffisamment attractifs pour apporter les garanties souhaitées.

Marie-Thérèse Hermange ainsi que François Autain se sont longuement exprimés sur les programmes pour les patients : nous reviendrons plus en détail sur cette question lors de la discussion des amendements, qui me donnera l'occasion d'indiquer la position du Gouvernement et de vous faire d'autres propositions. J'ai exposé tout à l'heure quels étaient mes principes et il m'a semblé qu'en définitive les positions des uns et des autres différaient très peu de celle du Gouvernement.

Pour ce qui est de Cyclamed, que Gilbert Barbier a également évoqué, il s'agit de supprimer non pas cette structure, mais la valorisation humanitaire des médicaments récupérés. En clair, je préfère bien évidemment que l'on rapporte à la pharmacie, à l'officine, les médicaments que l'on n'a pas complètement utilisés plutôt que de les garder chez soi et de s'en débarrasser en les mettant à la poubelle. Cette collecte va continuer, et j'y tiens. Quant à la valorisation humanitaire, rappelons qu'elle ne représentait que 5 % de l'ensemble des médicaments ainsi recueillis.

Au demeurant, et nous aurons l'occasion d'y revenir, il faut tout de même se poser une question - à laquelle j'ai pour ma part une réponse, mais l'industrie ne va pas assez vite à mon goût -, celle des conditionnements, mais aussi, si vous me permettez le terme, celle de l'observance des traitements.

Aujourd'hui, j'ai le sentiment que les boîtes de médicaments ne correspondent pas suffisamment aux besoins liés aux pathologies des patients : les trois quarts des boîtes de médicaments qui sont ouvertes ne sont jamais terminées. J'ai commencé à m'engager dans cette voie en obtenant des conditionnements de trois mois. Il a fallu se battre, je ne vous le cache pas. Nous travaillons également sur les petits conditionnements ; mais, là aussi, il faut convaincre, alors que c'est une question de bon sens.

Ce sujet ne peut pas être déconnecté des hospitalisations liées à l'iatrogénie médicamenteuse. Et si je veux, en particulier, mieux organiser l'automédication, c'est que je préfère que chacun acquière le réflexe de se tourner vers le professionnel de santé, médecin ou pharmacien, plutôt que celui d'ouvrir son armoire à pharmacie. On trouve beaucoup trop de choses dans une armoire à pharmacie, et même si l'on pense avoir les symptômes de la fois précédente, on ne souffre pas forcément de la même pathologie. On a cependant tendance à croire que l'on peut se soigner soi-même.

Voilà pourquoi je veux réfléchir à l'automédication et améliorer son organisation. Cela suppose d'abord que les conditionnements soient mieux adaptés et que les notices, qui nous semblent aujourd'hui complètes mais n'indiquent pas suffisamment ce que l'on a besoin de savoir, soient révisées. Je n'oublierai pas non plus la question des prix, car j'en ai assez du yoyo que jouent les prix des médicaments non remboursés, et ce exclusivement à la hausse ; cela est autant inadmissible qu'incompréhensible.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous reviendrons certainement sur cette question, ainsi que sur celle des psychothérapeutes. Je ne suis cependant pas certains que nous ayons véritablement un débat, car, d'après ce que j'ai entendu ici, cet après-midi, la position du Gouvernement devrait correspondre à celle d'un certain nombre d'entre vous.

Je viens, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous apporter une première réponse. Bien évidemment, le Gouvernement reste à l'entière disposition de la Haute Assemblée pour apporter tous les éclaircissements qu'elle souhaitera et essayer de remporter et l'adhésion et le soutien des différents groupes.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

CHAPITRE Ier

Dispositions relatives aux médicaments

L'article L. 3110-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Les mots : « hors des conditions normales d'utilisation prévues par l'autorisation de mise sur le marché » sont remplacés par les mots : « en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d'utilisation prévues par son autorisation de mise sur le marché ou son autorisation temporaire d'utilisation, ou bien d'un médicament ne faisant l'objet d'aucune de ces autorisations, » ;

2° Les mots : « avait été recommandée » sont remplacés par les mots : « a été recommandée ou exigée » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le fabricant d'un médicament ne peut davantage être tenu pour responsable des dommages résultant de l'utilisation d'un médicament en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d'utilisation prévues par son autorisation de mise sur le marché ou son autorisation temporaire d'utilisation, ou bien de celle d'un médicament ne faisant l'objet d'aucune de ces autorisations, lorsque cette utilisation a été recommandée ou exigée par le ministre chargé de la santé en application de l'article L. 3110-1. Il en va de même pour le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché, de l'autorisation temporaire d'utilisation ou de l'autorisation d'importation du médicament en cause. Les dispositions du présent alinéa ne les exonèrent pas de l'engagement de leur responsabilité dans les conditions de droit commun en raison de la fabrication ou de la mise sur le marché du médicament. »

L'article 1 er est adopté.

Dans le troisième alinéa de l'article L. 4113-6 du code de la santé publique, les mots : «, reste accessoire par rapport à l'objectif principal de la réunion » sont remplacés par les mots : « et limitée à l'objectif professionnel et scientifique principal de la manifestation ». -

Adopté.

L'article L. 5111-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d'autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Le législateur a posé quelques principes dans la loi relative à la bioéthique de 2004 en affirmant qu'un embryon humain ne peut être utilisé à des fins commerciales ou industrielles.

Or, aujourd'hui, le glissement sémantique de la nouvelle définition du médicament cache une réalité éminemment importante puisqu'elle intègre désormais les thérapies géniques, parmi lesquelles se trouvent les thérapies fondées sur des expérimentations sur des cellules souches embryonnaires.

En outre, la directive dont nous autorisons la transposition par voie d'ordonnances devrait s'appliquer, selon son septième considérant, « aux tissus et cellules foetaux et aux cellules souches adultes et embryonnaires ».

Sans décortiquer davantage ces textes, on mesure bien la portée d'une décision qui, sous couvert de quelques garanties, tend à permettre, à petites touches certes, mais à permettre tout de même, à l'industrie de se saisir du corps humain comme d'un matériau de travail qu'elle pourra vendre, en contradiction avec le principe de la non-patrimonialité du corps humain et de ses éléments.

Telle est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet article.

L'article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 21, présenté par Mme Schillinger, MM. Godefroy et Cazeau et Mme Printz, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le neuvième alinéa () de l'article L. 4211-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« 8° La vente au détail et toute dispensation de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à être utilisés par le public, à l'exception des tests destinés au diagnostic de la grossesse. »

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Aujourd'hui, en France, les tests de grossesse figurent parmi les produits non médicamenteux dont la vente au public est exclusivement réservée aux officines. Le prix de vente moyen du test de grossesse en pharmacie se situe aux environs de 12 euros et il n'est pas remboursé par la sécurité sociale.

La situation actuelle a pour effet de tirer les prix de vente vers la hausse, puisque les pharmaciens sont affranchis des règles de la concurrence, comme des mesures de contrôle des prix des médicaments.

La suppression du monopole des autotests de grossesse permettrait d'en faciliter l'accès car ils seraient commercialisés légalement dans tous les circuits de distribution. Une offre plus étendue et moins chère inciterait les jeunes femmes à s'informer de leur état au plus tôt et à prendre ainsi, dans les meilleurs délais, toute décision, tout comportement adaptés : arrêt du tabac et de la prise d'alcool ou de médicaments, recours à l'IVG par voie médicamenteuse, etc.

Par ailleurs, une diffusion plus généralisée du test de grossesse pourrait déjouer certains a priori et tabous sociaux : chaque femme n'a pas forcément envie que son pharmacien sache qu'elle souhaite être enceinte. Elle est parfois amenée à acheter plusieurs tests dans l'année, voire pendant des années.

Il est certain qu'une ouverture à la concurrence engendrerait immédiatement une baisse significative des prix. Cette baisse des prix n'affecterait pas le niveau de qualité et de sécurité des produits, qui demeurerait rigoureusement identique. En effet, ces produits jouissent d'un statut juridique communautaire unifié du fait de l'entrée en vigueur de la directive 98/79/CE relative aux « dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ».

Cette directive prévoit un ensemble de règles destinées à assurer que seuls sont mis sur le marché des produits sans danger pour les consommateurs. Elle prévoit notamment une évaluation de la conformité et de la sécurité de ces produits garantie par l'apposition d'un marquage CE, délivré par un organisme indépendant. L'organisme chargé de ce contrôle en France est le G-MED.

Dans ces conditions, une loi qui instaure un monopole générant un prix de vente élevé pour le consommateur est-elle encore légitime pour ce genre de produits ? Peut-on continuer plus longtemps d'en favoriser l'accès aux catégories les plus favorisées de la population ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez, le 25 avril 2006, mis en avant les avantages d'une diffusion généralisée des tests de grossesse en ces termes : « Une suppression du monopole des autotests de grossesse permettrait d'en faciliter l'accès, notamment aux plus jeunes, et de favoriser le diagnostic rapide de la grossesse. Cela permettrait aux femmes qui sont dans les situations les plus difficiles d'avoir accès dans de meilleures conditions à l'interruption volontaire de grossesse, notamment à la voie médicamenteuse ».

Pour toutes ces raisons, une disposition visant à la sortie du monopole pharmaceutique des autotests de grossesse constituerait une avancée considérable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Cet amendement, qui tend à supprimer le monopole de vente des tests destinés au diagnostic de grossesse, pose un problème sérieux en raison des difficultés psychologiques qui peuvent être liées à l'utilisation de ces tests dans certains cas.

La commission des affaires sociales a longuement débattu de cette question. Pour ma part, je crains que banaliser cette vente dans les grandes surfaces et dans les magasins ne risque de faire en sorte qu'un certain nombre de jeunes filles, notamment les adolescentes, les mineures, utilisent ce test dans de mauvaises conditions. On risque d'avoir des tests négatifs et, quelques semaines ou quelques mois plus tard, la confirmation d'une grossesse. Je pense que le pharmacien a un rôle de conseil important, même si ce n'est pas toujours le cas.

Par ailleurs, comment seront prises en charge les jeunes filles qui, à la sortie de la grande surface, apprendront qu'elles sont enceintes ? Que se passera-t-il ensuite ? À ce moment-là, ces jeunes filles peuvent se trouver dans une grande détresse morale et psychologique : elles ont besoin d'être conseillées, orientées. Or, malheureusement, ce ne pourra être le cas dans les grandes surfaces.

Les pharmaciens font-ils ce travail ? À mon sens, ils devraient le faire. Le font-ils correctement ? La question peut être posée. En tout cas, nous devons réfléchir aux conséquences psychologiques et quelquefois physiques de l'utilisation de ces tests, qui peuvent être réalisés à la sauvette. Quelle sera l'attitude ultérieure des jeunes femmes qui y auront eu recours ?

Il s'agit d'un problème que l'on ne peut pas aborder uniquement sur le plan matériel, au regard du coût ou de la facilité d'emploi. Je rappelle que les pharmaciens ont un devoir de réserve, la caissière de la grande surface, pas forcément. La question mérite réflexion et la commission souhaite, sur ce point, connaître l'avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le Gouvernement émet le même avis défavorable que la commission, pour des raisons similaires à celles qu'a fort bien présentées M. le rapporteur.

Il est vrai, madame la sénatrice, que j'ai répondu comme vous l'avez rapporté, à une question posée sur ce sujet en avril 2006. Mais j'ai beaucoup consulté depuis. La véritable question est la suivante : y a-t-il aujourd'hui des restrictions d'accès à ces tests de grossesse ? Je ne le pense pas. Les prix ont singulièrement baissé ; les ventes se sont développées de façon très importante au cours des trois dernières années, avec un rythme de progression de plus de 100 000 par an.

Je crois, quant à moi, au rôle de conseil du pharmacien. Le test de grossesse n'est pas anodin et j'ai à son égard la même position que sur l'automédication. Nous devons renforcer l'information avec des notices plus claires et plus détaillées. Pour ma part, je ne peux pas être favorable aujourd'hui à la vente de ces tests dans les grandes surfaces, parce que ce ne sont pas des produits comme les autres ; ils ont une dimension psychologique qu'il ne faut pas négliger ; leur usage, leur interprétation peut poser des questions.

Bien évidemment, le service de conseil ne sera pas le même dans toutes les officines, je vous l'accorde. Mais il faut admettre que le pharmacien peut jouer un rôle qui n'existe pas dans les grandes et moyennes surfaces.

Vous objectez que la personne concernée peut hésiter à aller chez son pharmacien. Soit, mais elle peut aller chez un autre pharmacien qui ne la connaît pas. Il n'y a aucune difficulté à cela, le réseau des officines en France étant très dense.

En ce qui concerne le monopole de vente des pharmacies, le conseil de la concurrence s'est exprimé sur ce point et j'ai pris moi-même le temps de rencontrer les différents acteurs.

Telles sont les raisons pour lesquelles j'ai adopté cette position aujourd'hui, même si certains arguments peuvent plaider dans votre sens, madame, arguments que j'avais moi-même développés en réponse à la question écrite de Mme Catherine Troendle en avril 2006.

Après mûres réflexions, le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Blanc

J'adopterai la même position défavorable sur cet amendement.

Je comprends très bien les motivations de notre collègue Patricia Schillinger, mais il faut penser aussi au cas où le test est négatif, car la contraception n'est pas assez développée dans notre pays, ce qui, malheureusement, provoque encore trop d'avortements.

Le fait que les tests de grossesse soient délivrés par un pharmacien peut permettre à ce dernier de conseiller aux femmes concernées d'aller voir leur médecin pour trouver un moyen de contraception. Si ces tests sont vendus dans les grandes surfaces, personne n'incitera les jeunes filles à adopter une contraception et on risque d'assister à une recrudescence des avortements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le ministre, votre position nous déçoit beaucoup puisque, il y a moins d'un an, vous étiez favorable à cette mesure et qu'aujourd'hui vous ne l'êtes plus.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je vous ai expliqué pourquoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

En fait, il s'agit de ne pas déplaire à l'ordre des pharmaciens en n'entamant pas leur monopole !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Savez-vous combien cela représente pour eux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Aujourd'hui, que trouve-t-on dans les grandes surfaces ?

On y trouve des préservatifs. En la matière également, on pourrait considérer qu'il faut aller chez le pharmacien pour demander conseil. En effet, comment les jeunes qui achètent pour la première fois des préservatifs dans les grandes surfaces s'en servent-ils ? Certains les utilisent plusieurs fois, avec quelles conséquences...

On y trouve aussi des vitamines, des produits amincissants, euphorisants.

Ce qui doit nous faire réfléchir - il suffit d'interroger les infirmières et les médecins scolaires pour en prendre conscience -, c'est qu'un nombre de plus en plus grand de jeunes filles mineures, âgées de quatorze ou quinze ans, se trouvent enceintes. Souvent, elles ne s'en aperçoivent pas - en tout cas, c'est ce qu'elles disent - et elles vont voir le médecin alors que la grossesse est déjà très avancée.

S'il n'est pas trop tard, la jeune fille aura recours à l'avortement, avec, malheureusement, tous les traumatismes que cela peut engendrer. Il aurait mieux valu que ces petites filles, je ne dirai même pas ces jeunes filles, puissent aller dans une grande surface acheter un test de grossesse et s'en servir, y compris dans les toilettes, et qu'à la sortie elles sachent ce qui leur arrive. Si le test est positif, elles iront peut-être voir une assistante sociale, elles se confieront peut-être à la mère d'une amie, à leur infirmière scolaire, et la question sera mieux résolue que par un avortement précipité.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai pour l'amendement de Mme Schillinger.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je ferai d'abord remarquer à M. le rapporteur, avec toute la courtoisie qui sied, que les choses ne se sont pas tout à fait déroulées comme il l'a dit en commission des affaires sociales, ce matin. Nous avons eu un long débat et nous avons conclu que nous demanderions l'avis du Gouvernement. Or M. le rapporteur a d'emblée donné un avis défavorable susceptible d'influencer le jugement de nos collègues ; je le regrette.

Monsieur le ministre, vous aviez pris une position, il y a quelque temps, puis, après réflexion, avez-vous dit, vous avez changé de position, ce qui est tout à fait honorable, mais notre objectif était de vous demander votre avis sans vous influencer.

Ce que vient de dire M. Michel s'agissant des jeunes filles vaut pour toutes les femmes. Une femme qui souhaite savoir si elle est enceinte ne doit pas être obligée d'acheter un autotest dans sa pharmacie, dans la pharmacie que fréquente sa famille. En effet, elle pourra y rencontrer des gens qu'elle connaît. Or elle peut souhaiter que sa démarche reste personnelle, individuelle. Même lorsque deux personnes vivent ensemble, la femme peut souhaiter acheter un autotest sans que son compagnon le sache immédiatement. Si elle achète un autotest dans sa pharmacie familiale, cela se saura.

Monsieur le ministre, dans les petites communes, il n'y a souvent qu'une seule pharmacie, lorsqu'il y en a une...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous n'allez jamais faire vos courses en ville ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Justement, si l'on va faire ses courses en ville, pour avoir une garantie de discrétion, cela implique la suppression du monopole des pharmaciens !

De toute façon, le fait de permettre à une femme de savoir rapidement si elle est enceinte est essentiel et ce n'est pas parce qu'elle achètera un autotest dans une pharmacie qu'elle bénéficiera des conseils du pharmacien. Ce dernier peut ne rien dire. Il faut donc que les notices expliquent clairement qu'il ne s'agit que d'un test et que la femme devra, le cas échéant, consulter son médecin, se faire faire une prise de sang. Si le pharmacien ne donne aucun conseil et si les explications figurant sur la notice ne sont pas suffisamment claires, un mauvais diagnostic est possible. L'argument qui nous a été opposé ne tient donc pas.

Je pense, comme Jean-Pierre Michel, qu'il y a derrière cette décision la volonté des pharmaciens de conserver leur monopole.

Les grandes surfaces vendent des produits euphorisants, dynamisants, dont on ne sait pas trop comment ils sont fabriqués ni comment ils sont contrôlés. Ce sont bien des médicaments et pourtant ils sont en vente libre ! Dans le domaine qui nous occupe, il ne s'agit que d'autoriser la vente dans les grandes surfaces d'un test qui n'aura aucune incidence sur la santé. Pourquoi le refuser ? Si la femme est informée, elle prendra ses responsabilités en fonction des résultats du test. Pourquoi lui refuser cette acquisition anonyme d'une information qui peut l'aider ?

Monsieur le ministre, je ne vois pas pourquoi vous avez changé d'avis depuis l'année dernière. La commission s'est réunie ce matin et nous assistons manifestement depuis à un mouvement visant à inciter le Sénat à prendre une position conforme aux souhaits de M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ce matin, en commission, mon avis était partagé, je le reconnais. Mais, à la lumière du débat qui vient de s'instaurer et après avoir entendu les explications de Mme Schillinger, je suis plutôt favorable à cet amendement.

On s'est interrogé sur la fiabilité des tests vendus en grandes surfaces. Mais la fiabilité d'un test n'est en rien liée à son lieu de vente. En revanche, leur vente dans les grandes surfaces les rendra plus accessibles à des jeunes filles en situation de détresse morale, souvent démunies et qui ont besoin d'acheter un test de grossesse rapidement, à un prix aussi bas que possible.

Par ailleurs, et c'est tout aussi déterminant, cette réforme a été sollicitée à deux reprises par le Conseil national de la consommation. Ses avantages ont même été mis en avant par le gouvernement de l'époque, dont j'ai oublié l'étiquette politique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ce devrait être une raison supplémentaire pour le Sénat de suivre l'avis qui avait alors été donné et de voter l'amendement n° 21.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Monsieur le ministre, je me suis exprimée en tant que femme. Beaucoup d'hommes sont présents en cet instant sur nos travées, mais ce ne sont pas les hommes qui achètent des tests de grossesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

C'est rare ! Quoi qu'il en soit, un test de grossesse vendu dans les grandes surfaces aura une efficacité identique à un test distribué dans les pharmacies. Il donnera la même réponse puisqu'il aura subi les mêmes contrôles. Je souhaite donc que l'on puisse acheter ces produits partout.

Il n'est pas facile pour une jeune fille de franchir le pas. Une jeune fille de quatorze ans qui entre dans une pharmacie et demande un test de grossesse aura l'impression d'être l'objet de suspicion ; elle n'écoutera même pas ce qu'on lui dira. C'est pourquoi, la sénatrice mais aussi la mère que je suis considère qu'il est important que ce test puisse être acheté partout.

Au demeurant, monsieur le ministre, si vous refusez que ce test soit distribué dans les grandes surfaces, si vous souhaitez préserver le monopole des pharmacies, je vous suggère que son coût soit pris en charge par le Gouvernement et qu'il soit mis gratuitement à la disposition des femmes dans les pharmacies.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. François Autain applaudit également.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Commençons par écarter les fantasmes : le manque à gagner de cette mesure serait de l'ordre de 500 euros par an et par officine. Quel enjeu financier colossal, phénoménal ! Il faut ramener les choses à leur juste proportion.

De toute façon, dès que l'on veut prendre une décision en termes de santé, on est toujours suspecté d'agir non pas au nom de la santé publique, mais dans l'objectif de faire des économies de trois francs six sous ou afin de préserver les intérêts des uns ou des autres. Finissons-en ! Lorsque je prends une décision, je raisonne en termes de santé publique. C'est ainsi que je travaille. Cela vaut pour le sujet qui nous occupe mais également pour l'automédication. Ce qui m'intéresse, c'est l'enjeu de santé publique.

Madame la sénatrice, vous vous êtes exprimée en tant que femme. Pour ma part, je suis certes ministre de la santé, mais j'ai aussi une épouse et j'ai pris l'avis de nombreuses femmes ; je n'ai pas décidé tout seul dans mon bureau.

Vous avez évoqué la notion de fiabilité. Mais la vraie fiabilité réside dans les tests sanguins, vous le savez. Et ce test sanguin n'est pas uniquement prescrit par le médecin de famille. Certaines femmes peuvent éprouver des réticences à consulter leur médecin de famille. Voilà pourquoi, lorsque nous avons institué le médecin traitant, nous avons tenu compte de cette situation. Voilà pourquoi, lorsque nous avons instauré le dossier médical personnel, nous avons pris des dispositions spécifiques.

Et n'oublions pas les centres de planning familial, qui font un travail extraordinaire. Nous faisons ce qu'il faut pour tendre la main aux jeunes filles confrontées aux problèmes que vous évoquez, madame la sénatrice.

N'allons pas dire que la situation actuelle risque de provoquer des problèmes de santé publique alors que les tests de grossesse se vendent de plus en plus et que leur prix baisse régulièrement et que, de toute façon, lorsqu'une femme veut savoir si elle est enceinte, seul le test sanguin peut lui apporter une réponse réellement fiable !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne puis accepter un tel commentaire, madame la sénatrice ! Je peux comprendre qu'un débat soit empreint de passion, mais compte tenu des enjeux de santé publique, je ne peux laisser tenir de tels propos.

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Elle dit tout et n'importe quoi ; c'est pénible !

L'article L. 5121-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le 5° est ainsi rédigé :

« 5° a) Sans préjudice des articles L. 611-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, spécialité générique d'une spécialité de référence, celle qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées. Une spécialité ne peut être qualifiée de spécialité de référence que si son autorisation de mise sur le marché a été délivrée au vu d'un dossier comportant, dans des conditions fixées par voie réglementaire, l'ensemble des données nécessaires et suffisantes à elles seules pour son évaluation. Pour l'application du présent alinéa, les différentes formes pharmaceutiques orales à libération immédiate sont considérées comme une même forme pharmaceutique. De même, les différents sels, esters, éthers, isomères, mélanges d'isomères, complexes ou dérivés d'un principe actif sont regardés comme ayant la même composition qualitative en principe actif, sauf s'ils présentent des propriétés sensiblement différentes au regard de la sécurité ou de l'efficacité. Dans ce cas, des informations supplémentaires fournissant la preuve de la sécurité et de l'efficacité des différents sels, esters ou dérivés d'une substance active autorisée doivent être données par le demandeur de l'autorisation de mise sur le marché ;

« b) Groupe générique, le regroupement d'une spécialité de référence et des spécialités qui en sont génériques. Toutefois, une spécialité remplissant les conditions pour être une spécialité de référence, qui présente la même composition qualitative et quantitative en principes actifs et la même forme pharmaceutique qu'une spécialité de référence d'un groupe générique déjà existant, et dont la bioéquivalence avec cette spécialité est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées, peut aussi figurer dans ce groupe générique, à condition que ces deux spécialités soient considérées comme relevant d'une même autorisation de mise sur le marché globale, définie par voie réglementaire. En l'absence de spécialité de référence, un groupe générique peut être constitué de spécialités ayant la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont les caractéristiques en termes de sécurité et d'efficacité sont équivalentes. » ;

2° Dans le 11°, les mots : « produits, substances ou composition appelés » sont remplacés par les mots : « substances appelées » ;

3° Sont ajoutés un 14° et un 15° ainsi rédigés :

« 14° Médicament biologique, tout médicament dont la substance active est produite à partir d'une source biologique ou en est extraite et dont la caractérisation et la détermination de la qualité nécessitent une combinaison d'essais physiques, chimiques et biologiques ainsi que la connaissance de son procédé de fabrication et de son contrôle ;

« 15° Sans préjudice des articles L. 611-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, médicament biologique similaire, tout médicament biologique de même composition qualitative et quantitative en substance active et de même forme pharmaceutique qu'un médicament biologique de référence mais qui ne remplit pas les conditions prévues au a du 5° du présent article pour être regardée comme une spécialité générique en raison de différences liées notamment à la variabilité de la matière première ou aux procédés de fabrication et nécessitant que soient produites des données précliniques et cliniques supplémentaires dans des conditions déterminées par voie réglementaire. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 66, présenté par M. Barbier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

1° A Le 1° est ainsi rédigé :

« 1º Préparation magistrale, tout médicament préparé extemporanément au vu de la prescription destinée à un malade déterminé, soit dans la pharmacie dispensatrice, soit, dans des conditions définies par décret, dans une pharmacie à laquelle celle-ci confie l'exécution de la préparation par un contrat écrit et qui est soumise pour l'exercice de cette activité de sous-traitance à une autorisation préalable délivrée par représentant de l'État dans le département après avis du directeur régional des affaires sanitaires et sociales ; »

1° B Dans le 3°, les mots : « selon les indications de la pharmacopée » sont remplacés par les mots : «, inscrit à la pharmacopée ou au formulaire national ».

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Cet amendement vise à permettre et encadrer la sous-traitance de la réalisation des préparations magistrales.

Les conditions de cette sous-traitance d'une officine à une autre seront précisées par voie réglementaire.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Vous avez tous en mémoire le drame vécu par des patients qui avaient pris une préparation magistrale réalisée dans une pharmacie de Paris. A la suite de cette terrible affaire, j'ai commandé un rapport à l'IGAS et je souhaitais mettre ses conclusions en pratique.

Je ne peux donc que vous remercier de votre initiative, monsieur le rapporteur. Elle nous permettra d'encadrer, dans des conditions très sécurisées, la sous-traitance entre les officines et donc de garantir la qualité des préparations.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Autain, Fischer et Muzeau, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par le 1° cet article pour le 5° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la spécialité ne répond pas à la définition de la spécialité générique visée au précédent alinéa ou lorsque la bioéquivalence ne peut être démontrée au moyen d'études de biodisponibilité ou en cas de changement du ou des principes actifs, des indications thérapeutiques, du dosage de la forme pharmaceutique ou de la voie d'administration par rapport à ceux de la spécialité de référence, les résultats des essais précliniques ou cliniques appropriés sont fournis dans des conditions déterminées par voie réglementaire.

La parole est à M. François Autain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Cet amendement vise à faire figurer dans le code de la santé publique, comme le prévoit le paragraphe 3 de l'article 10 modifié de la directive 2001/83, les médicaments qui ne sont ni des génériques ni des spécialités princeps.

Ces médicaments présentent des caractéristiques communes par rapport à des médicaments de référence, mais ils ne peuvent pas satisfaire à la définition de médicaments génériques en raison des différences portant sur un ou plusieurs éléments de cette définition, qui nécessitent que soient produites des données supplémentaires.

L'insertion de cette disposition dans le code de la santé publique me semble nécessaire pour deux raisons.

Tout d'abord, cette définition figure dans la directive au même titre que celle du médicament princeps et du générique. Il devrait en être de même du code de la santé publique : pour quelles raisons les quasi génériques, qui ne sont ni des spécialités princeps ni des génériques, ne bénéficieraient-ils pas du même traitement législatif ?

Ensuite, au troisième alinéa de l'article 9 et au dernier alinéa de l'article 11 du présent projet de loi, la définition du quasi générique est reprise dans des termes beaucoup plus succincts que ceux de la directive.

Si cet amendement était adopté, il offrirait l'avantage d'alléger la rédaction du troisième alinéa de l'article 9 et le dernier alinéa de l'article 11, puisqu'il suffirait de remplacer cette redondance de définition par une simple référence au 5° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique.

Il me semble plus logique d'insérer la définition spécifique d'une catégorie de médicaments dans l'article 4 plutôt que dans des articles qui traitent des conditions de commercialisation et d'obtention d'autorisation de mise sur le marché applicables à l'ensemble des médicaments. C'est une question très technique mais néanmoins importante.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

M. Autain souhaite préciser les définitions à l'article 4. Or cet article dispose que, si les médicaments en question présentent des propriétés sensiblement différentes au regard de la sécurité ou de l'efficacité, des informations supplémentaires fournissant la preuve de la sécurité et de l'efficacité des différents produits doivent être données par le demandeur de l'autorisation de mise sur le marché.

La difficulté que soulève M. Autain me semble donc couverte par cette rédaction. L'amendement étant satisfait, la commission y est défavorable.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 23 rectifié.

Monsieur Autain, la nature des différences entre le générique et le quasi-générique, ainsi que les données à fournir en la matière sont des précisions qui relèvent du domaine réglementaire. Elles sont d'ailleurs prévues, je tiens à vous le dire, dans les projets de décret auxquels nous avons déjà commencé à travailler.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En déposant cet amendement, je voulais faire oeuvre de simplification du code, ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

... ce qui me semble tout de même méritoire, en particulier au moment où chacun déplore le trop grand nombre de textes et d'articles de loi !

Je rappelle que la définition en question se trouve, malgré tout, aux articles 9 et 11 du projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, mais dans un libellé beaucoup moins complet que celui qui figure dans la directive européenne.

Je ne comprends donc pas pourquoi vous vous opposez à ce que cette définition figure à l'article 4, ce qui permettrait d'éviter de la reprendre aux articles 9 et 11. Pour quelle raison ne vous ralliez-vous pas à cette logique ? En l'occurrence, vous faites preuve d'une crispation dogmatique, ce qui, de votre part, me surprend. Vous avez en effet montré, pas plus tard que tout à l'heure, votre très grand pragmatisme !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous voulez des lois moins bavardes, oui ou non ?

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

L'article L. 5121-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « et la distribution » sont remplacés par les mots : «, l'exportation et la distribution en gros » ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« La dispensation des médicaments doit être réalisée en conformité avec des bonnes pratiques dont les principes sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé.

« Ces bonnes pratiques prévoient notamment les modalités de suivi permettant d'assurer, à l'occasion de chacune des opérations susmentionnées, la traçabilité des médicaments. » -

Adopté.

I. - L'article L. 5121-8 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Les deux premiers alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Toute spécialité pharmaceutique ou tout autre médicament fabriqué industriellement ou selon une méthode dans laquelle intervient un processus industriel ainsi que tout générateur, trousse ou précurseur qui ne fait pas l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Communauté européenne en application du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments doit faire l'objet, avant sa mise sur le marché ou sa distribution à titre gratuit, d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. L'autorisation peut être assortie de conditions appropriées.

« Le demandeur de l'autorisation peut être dispensé de produire certaines données et études dans des conditions fixées par voie réglementaire.

« Une autorisation de mise sur le marché ne peut être délivrée qu'à un demandeur établi dans un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

« L'autorisation est délivrée pour une durée de cinq ans et peut ensuite être renouvelée, le cas échéant, sans limitation de durée, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'État, sauf si l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé décide, pour des raisons justifiées ayant trait à la pharmacovigilance, de procéder à un renouvellement supplémentaire, sur la base d'une réévaluation des effets thérapeutiques positifs du médicament ou produit au regard des risques tels que définis au premier alinéa de l'article L. 5121-9. Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles elle peut devenir caduque. » ;

bis Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« L'autorisation peut être modifiée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. » ;

2° Dans le dernier alinéa, les mots : « ou, s'il » sont remplacés par les mots : « et, s'il ».

II. - Les durées, déterminées par voie réglementaire, qui servent de référence pour la mise en oeuvre du deuxième alinéa de l'article L. 5121-8 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du I du présent article sont applicables dès lors que la demande d'autorisation de mise sur le marché du médicament ou de la spécialité de référence a été déposée postérieurement au 29 octobre 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 24, présenté par MM. Autain, Fischer et Muzeau, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du dernier alinéa du 1° du I de cet article par les mots :

, prenant en compte l'ensemble des données cliniques pertinentes disponibles au niveau international

La parole est à M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En l'état actuel, le renouvellement quinquennal des autorisations de mise sur le marché du médicament est, on le sait, une procédure largement formelle, alors même que l'observation du médicament en situation réelle devrait conduire les agences sanitaires à un réexamen approfondi de sa balance bénéfice-risque. En effet, les essais cliniques, qui portent sur des patients choisis, ne pourront jamais révéler entièrement tous les effets d'un médicament : des effets indésirables peuvent survenir et de nouvelles indications thérapeutiques émerger.

Pourtant, si l'on se réfère aux chiffres fournis par la Cour des comptes, il s'avère que l'AMM n'est quasiment jamais remise en cause lors de son renouvellement quinquennal : de 1994 à 1997, sur 622 demandes formulées, seuls 14 avis négatifs ont été rendus.

Avec la transposition de la directive européenne 2004/27, le renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché initiale se fera pour une durée illimitée. Dès lors, il convient de s'assurer que la phase de renouvellement, qui intervient cinq ans après l'AMM initiale, soit véritablement l'occasion d'apprécier la valeur thérapeutique du médicament : on le sait d'expérience, il est plus facile de ne pas renouveler l'AMM d'un médicament que de le retirer du marché. L'affaire du Vioxx nous l'a amplement démontré, puisque ce médicament fut retiré du marché, non pas à la suite d'une demande de l'AFSSAPS, mais par décision unilatérale du laboratoire.

C'est pourquoi l'article 24 de la directive elle-même prévoit que le renouvellement est accordé « sur la base d'une évaluation du rapport bénéfice-risque du médicament ».

Néanmoins, si l'on veut un changement véritable, il convient de donner un sens à cette réévaluation : en précisant qu'elle est établie à partir de l'ensemble des données cliniques pertinentes disponibles au niveau international, on s'assure que le renouvellement est non pas une simple formalité administrative, mais qu'il correspond bien à une nouvelle évaluation de la balance bénéfice-risque.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

La rédaction actuelle de l'article fait référence à la notion de risques « tels que définis au premier alinéa de l'article L. 5121-9 du code de la santé publique ».

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

La directive prévoit un renouvellement moins administratif. En outre, la mesure proposée relève du domaine réglementaire et non pas du domaine législatif.

Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 24.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 25, présenté par MM. Autain, Fischer et Muzeau, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le 1° du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour se voir délivrer l'autorisation, le demandeur doit obligatoirement présenter dans son dossier des essais cliniques comparatifs démontrant les avantages, les risques, les contraintes et l'efficacité de sa spécialité évaluée par comparaison avec les meilleures méthodes diagnostiques, thérapeutiques ou de prévention en usage ».

La parole est à M. François Autain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Cet amendement, qui vise à imposer la production d'essais cliniques comparatifs lors du dépôt de la demande d'autorisation de mise sur le marché du médicament par le laboratoire, reprend ainsi l'une des préconisations de la mission d'information sénatoriale sur les conditions de mise sur le marché des médicaments.

Je constate que, comme moi, la commission des affaires sociales déplore, dans son rapport, que cette réforme des procédures d'autorisation de mise sur le marché des médicaments « n'ait pas été mise à profit pour introduire une obligation de réaliser des essais de comparaison entre le nouveau médicament à autoriser et les médicaments existant dans la même classe thérapeutique ».

Pour ma part, je ne me le tiens pas pour dit, puisque tout le monde semble d'accord pour souligner l'utilité de ces essais comparatifs, qui sont destinés à juger de la valeur thérapeutique d'un médicament.

Ces essais permettraient d'éviter que prolifèrent sur le marché des médicaments qui ne sont ni plus ni moins que de fausses innovations, dont le prix est généralement beaucoup plus élevé que celui des médicaments plus anciens et plus sûrs de la même classe thérapeutique, et dont la supériorité clinique n'est pas démontrée. Ces « innovations », par ailleurs, présentent souvent des risques supplémentaires pour la santé : l'affaire du Vioxx est, de ce point de vue, tout à fait éclairante, puisque ce médicament, dont la supériorité sur les anti-inflammatoires de première génération n'avait pas été prouvée, possédait un prix trois fois supérieur à ces derniers. Par la suite, ses risques pour la santé publique ont provoqué son retrait du marché.

La Déclaration d'Helsinki de l'Association médicale mondiale de 2004, dont nous avons repris les termes dans cet amendement, préconise de réaliser des comparaisons avec les thérapeutiques en usage afin d'évaluer l'efficacité de toute nouvelle méthode.

J'ajoute que la réglementation européenne n'oblige pas les demandeurs d'une AMM à présenter dans leurs dossiers des essais comparatifs sauf s'il s'agit - et c'est nouveau - d'une demande d'autorisation pour une ou plusieurs indications thérapeutiques nouvelles intervenant au cours des huit premières années suivant l'autorisation de la spécialité de référence.

Cet amendement vise donc à étendre cette obligation à toutes les demandes d'autorisation. Une telle disposition ne pourrait pas concerner, bien entendu, les autorisations bénéficiant d'une procédure centralisée tant que la réglementation européenne n'aura pas été modifiée sur ce point.

Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, pour reconnaître que, désormais, il faudra avant tout faire pression sur les autorités européennes pour obtenir, dans ce domaine, des avancées.

Mais rien n'interdit à la législation française d'aller au-delà de la réglementation européenne, comme on peut d'ailleurs s'en rendre compte avec la transposition de cette directive en ce qui concerne notamment la publicité des liens d'intérêts des experts, propre à la législation française, et qui n'est absolument pas rendue obligatoire par la directive européenne.

Par ailleurs, une telle mesure serait très facile à appliquer en France puisque, selon les déclarations de M. Christophe Weber, président des LIR, les laboratoires internationaux de recherche, qui regroupent une quinzaine d'entreprises pharmaceutiques de dimension mondiale, lors de son audition devant la mission d'information sénatoriale, « les laboratoires ont systématiquement recours aux essais comparatifs lorsqu'il existe déjà une solution thérapeutique pour traiter la pathologie concernée. Ces essais sont joints au dossier remis aux autorités sanitaires ».

Il s'agirait donc, en quelque sorte, d'une validation législative, puisque cette mesure, aux dires de ce haut responsable de l'industrie pharmaceutique, serait déjà appliquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Ce sujet a passionné la mission d'information.

Quoi qu'il en soit, ce projet de loi vise à transposer le droit communautaire dans le domaine du médicament. Même si la mission d'information s'était prononcée en faveur des essais comparatifs, il ne semble pas possible, aujourd'hui, de nous différencier de la législation européenne.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 25.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Aujourd'hui, une telle disposition n'est pas compatible avec la réglementation européenne.

Monsieur Autain, si nous voulons changer les choses, comme dans de nombreux autres domaines relatifs à la santé, il faut porter ces sujets au niveau européen. Je vous ai d'ailleurs dit clairement, reprenant ainsi les propos que j'ai tenus au Forum pharmaceutique européen, ce que je pense de l'AMM européenne.

Le pire, c'est que nous sommes d'accord !

Rires

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ce n'est pas un lapsus : je voulais montrer que nous étions en harmonie ! Vous m'aurez compris, monsieur About. En la matière, je fais confiance à votre esprit toujours alerte ! Le mieux, c'est que nous sommes d'accord, le pire, c'est que je suis obligé d'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 25.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Monsieur le ministre, cet amendement ne sort pas de nulle part puisqu'il reprend l'article 29 de la Déclaration d'Helsinki. La Communauté européenne ne devrait-elle pas respecter les termes d'une déclaration adoptée par l'Association médicale mondiale ?

Par ailleurs, ce n'est pas parce que l'Europe ne nous autorise pas, ce que je comprends très bien, à préconiser des essais comparatifs pour une procédure centralisée d'AMM que nous ne devons pas les imposer dans le cadre d'une procédure nationale.

À cet égard, je regrette que vous n'ayez pas pu nous donner satisfaction, mais je suis très heureux de constater que vous êtes d'accord pour considérer qu'il y a un problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Le groupe socialiste votera l'amendement n° 25.

Votre réponse, monsieur le ministre, me laisse dubitatif concernant les procédures d'AMM nationales. Doivent-elles continuer d'exister ? Votre argumentation tend à indiquer qu'il faut s'en remettre à la procédure d'AMM européenne.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je n'ai jamais dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Or, dans le cadre de la mission d'information sur le médicament, nous nous sommes rendus à Bruxelles, où nous avons pu observer la manière dont la Commission appréhende ce problème, en fonction de deux perspectives différentes, la première étant d'ordre sanitaire et la seconde d'ordre économique. Nous avons compris que le point de vue économique prévalait en toute occasion. Par conséquent, nous sommes tentés de penser que notre procédure nationale est tout de même meilleure que la procédure européenne.

Dès lors, dites-nous, monsieur le ministre, si nous devons abandonner toute procédure nationale en la matière !

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 27, présenté par MM. Autain, Fischer et Muzeau, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 5121-8-1.- L'impact environnemental de toute spécialité pharmaceutique faisant l'objet d'une demande d'autorisation de mise sur le marché, conformément à l'article L. 5121-8, est étudié et, au cas par cas, des dispositions particulières visant à le limiter sont envisagées. ».

La parole est à M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Il est rare d'aborder la question des médicaments sous l'angle de la pollution. Certes, la question des déchets médicaux n'est pas récente, mais elle a été plus particulièrement évoquée sous l'angle des déchets hospitaliers. Pour les médicaments, la France a plutôt eu tendance à se désintéresser de la question en utilisant un subterfuge assez commode, celui du recyclage, qui permettait de renvoyer aux pays tiers l'élimination des déchets. Nous en reparlerons à la fin de l'examen du texte, en évoquant la suppression de Cyclamed.

La question de la pollution du médicament se pose en réalité de plusieurs points de vue.

Il s'agit, tout d'abord, du point de vue traditionnel lié à la production de toute activité industrielle. Dans cette perspective, il convient d'appliquer le droit communautaire environnemental, qui, notamment depuis la directive de 1997, impose une évaluation des incidences environnementales des projets industriels. Des études américaines ayant montré que la pollution médicamenteuse affectait, notamment, les eaux de surface, mais aussi les eaux souterraines, une véritable politique de réduction des rejets s'avère nécessaire.

L'autre point de vue, celui qui nous intéresse ici, est autrement plus complexe, puisqu'il tient au médicament lui-même. La recherche d'efficacité du médicament va, en effet, souvent conduire à privilégier les molécules stables, donc a priori peu biodégradables et à concentration plus importante, donc plus polluantes.

Parallèlement, l'identification de la pollution est souvent difficile, puisqu'elle est liée non seulement aux médicaments non consommés, mais également aux médicaments absorbés, transformés au cours du métabolisme et excrétés sous forme de substances que l'on retrouve notamment dans les eaux usées.

Enfin, la spécificité du médicament, qui est de soigner l'homme, conduit souvent à opposer droit de l'environnement et droit du patient, et cela parfois jusqu'à la caricature dans le cas des produits ménagers qui sont affichés comme des produits préventifs. Songeons aux divers savons dits « antibactériens », qui n'aboutissent qu'à accroître cette pollution.

Aussi devient-il de plus en plus difficile d'ignorer la dimension environnementale liée à la production et à la consommation du médicament. Il faut saluer le texte de la directive, dans lequel cette question est abordée de front puisque, dans le dix-huitième considérant, on peut lire : « L'impact environnemental devrait être étudié et, au cas par cas, des dispositions particulières visant à le limiter devraient être envisagées. Pour autant, cet impact ne devrait pas être un critère de refus d'autorisation de mise sur le marché. »

C'est pourquoi on peut d'autant plus regretter la fin de non-recevoir opposée, à l'Assemblée nationale, à cet amendement ainsi qu'à l'amendement n° 38, à l'article 15, qui tend à introduire dans le projet de loi le principe de prise en compte de l'évaluation de l'impact environnemental des médicaments.

Ces deux amendements ont été rejetés au motif que les dispositions proposées relevaient du domaine réglementaire. Cet argument a de quoi étonner. En effet, la consécration législative n'est, selon moi, qu'une déclinaison de la Charte constitutionnelle de l'environnement, qui dispose, dans son article 3 : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. »

Dans le même sens et eu égard au sujet qui nous intéresse, l'article 6 dispose : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. »

Prendre en compte l'impact environnemental dans les dossiers d'AMM permet de décliner ces deux principes. Le partage des pouvoirs est donc pleinement respecté : au législateur de poser le principe selon lequel le dossier d'AMM doit comporter une évaluation des risques pour l'environnement du médicament et les mesures pour limiter ces risques ; au réglementaire de décliner la forme selon laquelle cette évaluation peut être effectuée.

Nous ne sommes pas particulièrement attachés à la rédaction même de cet amendement, qui pourrait être allégée, tout comme l'argumentaire que je viens de développer !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Bien sûr, je souscris à votre argumentation, monsieur le sénateur, mais cette disposition relève du domaine réglementaire et n'a pas sa place dans le texte.

Je serai amené à vous faire cette remarque à de nombreuses reprises, tout comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale, car, dans la transposition de la directive, il faut choisir entre les matières qui sont du domaine de la loi et les autres, qui ont un caractère réglementaire. Je suis très attentif, en effet, à bien séparer, conformément à la Constitution, ce qui ressortit à l'article 34 et ce qui ressortit à l'article 37.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je vous remercie !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous avez pris l'engagement dans votre intervention liminaire de veiller, chaque fois qu'un article ferait référence à un décret, à présenter les dispositions de ce dernier. En l'occurrence, vous souhaitez, ce que je comprends, fixer par un décret en Conseil d'État les conditions de l'autorisation de mise sur le marché. Nous souhaiterions donc que vous nous exposiez, voire succinctement, la teneur des dispositions réglementaires relatives à l'impact des médicaments sur l'environnement. Je vous remercie par avance, monsieur le ministre.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le projet d'arrêté relatif au contenu du dossier accompagnant la demande d'AMM précise, en son onzième alinéa : « L'évaluation et l'indication des risques que le médicament est susceptible de présenter pour l'environnement. Cet impact est étudié et, au cas par cas, des dispositions particulières visant à le limiter sont envisagées. »

Voilà exactement ce que nous prévoyons, et cela sans jouer les magiciens ; nous avons tout simplement repris la directive ! Comme je vous l'ai effectivement indiqué, pour ce qui ressort de ma responsabilité, parallèlement à l'élaboration d'un texte législatif, nous préparons le texte réglementaire correspondant.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 26, présenté par MM. Autain, Fischer et Muzeau, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 5121-9 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L - Lorsqu'un médicament a obtenu une première autorisation de mise sur le marché, tout dosage, forme pharmaceutique, voie d'administration et présentation supplémentaire, modification et extension ainsi que toute association avec un médicament ayant également obtenu une première autorisation de mise sur le marché, doivent également obtenir une autorisation ou être inclus dans l'autorisation de mise sur le marché initiale. Toutes ces autorisations de mise sur le marché sont considérées comme faisant partie d'une même autorisation globale, notamment aux fins de l'application de l'article L. 5121-10 du présent code.

« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État. ».

La parole est à M. François Autain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Monsieur le ministre, cet amendement a pour objet d'appeler votre attention sur les nombreux problèmes que pose l'autorisation de mise sur le marché d'associations de médicaments, notamment lorsque ces derniers sont utilisés par les firmes pour contourner la réglementation sur les génériques.

Si l'instauration de l'AMM globale par la directive transcrite dans notre règlement par décret le 18 février 2005 doit permettre désormais d'éviter que soient considérés comme de nouveaux médicaments princeps donnant lieu à une nouvelle AMM et à l'ouverture de nouveaux droits relatifs notamment à la propriété intellectuelle les nouveaux dosages, formes pharmaceutiques, voies d'administration ou présentation supplémentaire d'un même princeps, il n'en va pas de même - hélas ! - pour les associations de médicaments.

Même sur un plan strictement médical, ces associations de médicaments déjà disponibles sur le marché et pouvant être prescrites séparément par un médecin sont déjà très controversées. Elles interdisent toute modulation de leurs composants, pourtant rendue nécessaire par l'évolution de l'état de santé du patient.

L'amélioration du service médical rendu n'est qu'exceptionnellement supérieure au service médical rendu de chaque composant pris séparément.

Le nom de l'association médicamenteuse n'a souvent rien à voir avec le nom ou la dénomination commune internationale de chaque composant, si bien qu'il peut masquer la présence de ces derniers et conduire à des erreurs de prescription.

Il est anormal - c'est le terme le plus faible que j'ai trouvé ! - que toute association nouvelle donne de nouveaux droits relatifs à la propriété intellectuelle alors qu'il s'agit, non pas de nouvelles molécules, mais souvent de molécules qui sont sur le point de tomber dans le droit commun !

Lors de l'examen en commission, j'ai certes entendu M. le rapporteur, qui va s'exprimer à nouveau, mais, sur ce problème particulier, votre avis m'importe, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Avec cet amendement, notre collègue évoque le problème de la réglementation relative à l'AMM globale. Cette question, qui ne relève pas du domaine de la loi, a déjà fait l'objet d'une transposition dans le décret du 18 février 2005 relatif aux modifications d'autorisation de mise sur le marché ; M. le ministre le confirmera.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le Gouvernement émet le même avis. L'article 15 traduit bien ce que vient d'évoquer M. le rapporteur et je confirme que les dispositions feront l'objet d'un décret en Conseil d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pardonnez-moi, mais je ne suis pas d'accord, monsieur le ministre. Le décret de 2005 ne prend nullement en considération le problème posé par les associations médicamenteuses ! Le problème reste entier.

Sans aller jusqu'à vous demander d'approuver cet amendement d'appel, j'aurais au moins souhaité obtenir une réponse, afin de savoir si le Gouvernement estime qu'il y a là un problème, s'il envisage d'y remédier et de quelle façon. Si votre réponse me paraissait satisfaisante, monsieur le ministre, je retirerais volontiers mon amendement !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Je n'ai pas examiné ce point, mais si c'est nécessaire nous compléterons le décret. Il y a, dans cet hémicycle, suffisamment de spécialistes du médicament, dont vous faites partie depuis longtemps, monsieur le sénateur, pour que je sois tenté de m'en remettre à vous. Dans ce cas, le décret en Conseil d'État sera étendu aux associations de médicaments, complétant ainsi ce qui était initialement prévu.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

M. François Autain. Dans ces conditions, je retire l'amendement.

Murmures d'approbation sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 26 est retiré.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq.