Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, de saluer le remarquable travail réalisé par Mme Troendle, au nom de la commission des lois.
Mme Troendle est particulièrement bien placée pour présenter l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens, puisque le transfert à titre expérimental de la gestion du programme de l'objectif 2 a été confié à la région Alsace, Mme Troendle étant conseillère régionale. Par ailleurs, sa commune et la communauté de communes dont elle est vice-présidente sont situées en zone frontalière et ont été bénéficiaires, à des titres divers, des fonds structurels ainsi gérés. Mme Troendle, elle vient de le prouver, sait donc de quoi elle parle !
Sans flagornerie, j'ajoute que son rapport écrit, que j'ai lu très attentivement, est un document de référence, qui non seulement dresse un état des lieux complet mais qui nous donne aussi des comparaisons sur les pratiques d'autres pays européens, ouvrant des perspectives de réforme du système existant.
L'initiateur de l'expérimentation de la régionalisation des transports ferroviaires que je suis salue la décision que vous avez prise, monsieur le ministre, en déposant ce projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens.
Le succès qu'a remporté l'expérimentation de la régionalisation des transports ferroviaires, qui a constitué, chacun le reconnaît aujourd'hui, une véritable révolution institutionnelle, culturelle et technique, ne pouvait qu'inciter les pouvoirs publics à transposer cette méthode dans d'autres domaines.
La France, je le dis souvent, est réformable à condition de s'en donner les moyens, et donc d'adopter la bonne méthode. Je me félicite que l'actuel gouvernement ait choisi d'engager l'État dans cette voie en expérimentant le transfert de la gestion des fonds structurels européens.
J'ai fréquemment recours au slogan suivant : expérimenter pour tester le dispositif, ajuster, convaincre et, le cas échéant, étendre.
Voilà donc une méthode qui, reposant sur la concertation, la confiance et la transparence, a fait ses preuves et mérite d'être étendue, même si l'on n'est pas allé jusqu'au bout de la logique, mais un jour, cela viendra !
Mme le rapporteur a rappelé que, en 2003, l'État a confié à titre expérimental à la région Alsace, par convention, la gestion des crédits affectés à la reconversion des zones en difficulté - il s'agissait des crédits dits de l'objectif 2.
La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a donné une base juridique à l'expérimentation du transfert à des collectivités territoriales de la gestion des fonds structurels européens pour la période 2000-2006, en les qualifiant de transferts expérimentaux de compétences organisés sur le fondement de l'article 37- 1 de la Constitution, et a prévu une évaluation de leurs résultats.
Cette expérimentation concerne, notamment, les programmes INTERREG de coopération territoriale européenne transfrontalière et transnationale et, pour la région Alsace, le programme relevant de l'objectif 2 de la politique de cohésion économique et sociale ; quant aux sommes en jeu, comme l'a souligné Mme le rapporteur, elles sont importantes.
Le projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens, que le Sénat est appelé à examiner aujourd'hui, a pour objet de donner une base juridique à deux volets principaux : d'une part, au transfert expérimental des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de certification des crédits européens qui sera opéré pour la période 2007- 2013 au bénéfice de collectivités territoriales, de groupements de collectivités territoriales ou de groupements d'intérêt public au titre des programmes de coopération territoriale ainsi que du nouvel instrument de voisinage et de partenariat - c'est l'objet de l'article1er - et, d'autre part, à la poursuite, au cours de la période 2007- 2013, de l'expérimentation menée par la région Alsace d'exercice des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement de plusieurs programmes de la politique de cohésion au cours de la période 2000- 2006, concrètement le programme opérationnel de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » financé par le Fonds européen de développement régional, le FEDER et un programme opérationnel de l'objectif coopération territoriale - c'est l'article 2.
Un bilan de ces nouvelles expérimentations devra être établi au 31 décembre 2010 par les autorités qui en auront la charge ; en effet, lors de toute expérimentation, il convient toujours de dresser un bilan afin, éventuellement, d'en tirer les enseignements.
À cet égard, comme l'a démontré notre rapporteur, le bilan des expérimentations en cours est largement positif. L'implication et les résultats des collectivités territoriales chargées de la fonction d'autorité de gestion des programmes INTERREG, URBAN et, en Alsace, de l'objectif 2, ont été unanimement salués.
Les caractéristiques communes de ces expérimentations, qui, d'ailleurs, expliquent leur succès, sont la mise en place d'équipes exclusivement dédiées à l'exercice de cette fonction ainsi que l'accent mis sur l'animation des programmes, c'est-à-dire la diffusion de l'information sur les financements susceptibles d'être accordés et l'aide à l'élaboration des projets et des dossiers ; cela est très important.
Ce travail en amont, réalisé par les équipes des collectivités territoriales chargées de la gestion des fonds structurels, a également permis de raccourcir les délais d'instruction des dossiers.
Enfin, le recours à des organismes tels que la Caisse des dépôts et consignations ou le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA, a donné la possibilité de réduire les délais de paiement.
En tant que vice-président de la région Alsace, je me permets d'insister sur les résultats obtenus. Lorsqu'elle a bénéficié, à sa demande, du transfert à titre expérimental de la gestion du programme objectif 2, à compter du 1er janvier 2003, la région Alsace a mis en place un nouveau mode d'organisation afin d'optimiser la gestion et la consommation des fonds européens.
Dans le respect des principes fixés par la circulaire du Premier ministre du 15 juillet 2002 - gestion séparée des crédits régionaux et européens, contrôle indépendant -, la gestion a été confiée à une équipe unique, territorialisée et polyvalente, tandis que les circuits et procédures de traitement des dossiers ont été simplifiés.
Une animation de proximité a été assurée sur le territoire afin de mieux informer sur l'Europe, ce qui était nécessaire, et d'accompagner les acteurs de terrain et les porteurs de projets. Elle s'est faite grâce à la mobilisation des partenaires - départements, parcs naturels régionaux, secrétariat général pour les affaires régionales et européennes, ou SGARE, et autres services de l'État, chambres d'agriculture agglomérations.
Depuis son transfert, ce programme a fait l'objet de plusieurs évaluations et un bilan de l'expérimentation a été effectué au 31 décembre 2005, apportant la preuve que le mode d'organisation et de gestion mis en place par la région a permis la réussite de l'expérimentation et a entraîné une réelle dynamique dans les territoires.
Les résultats mesurables en 2006 montrent que la région Alsace a atteint l'ensemble des objectifs qu'elle s'était fixés et que j'énumérerai brièvement.
Simplification et rapidité des procédures, grâce au guichet unique : ainsi, 1 358 dossiers ont été subventionnés depuis le 1er janvier 2003, date du transfert, sur 1 749 au total pour la période 2000- 2006. Le service objectif 2 guichet unique, coiffant l'ensemble du circuit d'animation, d'instruction et de contrôle des dossiers, a rendu plus efficace leur traitement, et a également été source de transversalité, en coordonnant les interventions de différents services régionaux et partenaires extérieurs autour d'un même projet.
Raccourcissement des délais d'instruction - réduits à moins de six mois -, des délais de conventionnement - 46 jours contre 123 avant le transfert - et des délais de paiement - deux jours ouvrés pour le FEDER et le Fonds social européen, le FSE, ce qui n'est pas négligeable !
Décentralisation de l'animation et de la gestion des dossiers : c'est ainsi que le service objectif 2 comprenait, au plus fort de son activité, quinze personnes, dont sept animateurs territoriaux, majoritairement installés dans les territoires pour mieux faire connaître l'Europe et ses fonds en Alsace et aider les porteurs de projets à élaborer et finaliser leurs demandes d'aides. En effet, jusque-là, c'était souvent le milieu agricole, très bien organisé et compétent, qui soutenait l'élaboration de certains projets, de telle sorte que certaines communes n'étaient pas aidées de la même manière que d'autres.
Une gestion plus économe en moyens humains : jusqu'en 2002, date du transfert, les services de l'État comptaient plus de trente personnes directement concernées par la gestion du programme au sein d'administrations diverses, pas toujours identifiables d'ailleurs - SGARE, préfectures, sous-préfectures, directions départementales de l'agriculture et de la forêt, DDAF, direction régionale de l'agriculture et de la forêt, DRAF, direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, DRTEFP, direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, DRIRE, auxquelles s'ajoutaient une dizaine de fonctionnaires occasionnellement sollicités pour un avis technique - agence gouvernementale de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, direction régionale de l'environnement, direction régionale de l'équipement, et j'en passe, soit au total plus de quarante personnes à comparer aux quinze agents de l'équipe régionale du service objectif 2.
Une meilleure consommation des crédits européens : en effet, 122 % de la dotation globale prévue pour la période 2000-2006 sont programmés au 17 octobre 2006 et 90 % de cette dotation ont d'ores et déjà été effectivement versés.
Ces résultats ont été obtenus grâce à l'organisation pragmatique, innovante et totalement axée sur les besoins des zones éligibles que la région a choisi de mettre en place. L'analyse de l'expérimentation alsacienne atteste également des progrès qualitatifs qui ont été apportés à la gestion du programme : souplesse, rapidité, adaptabilité, mais aussi rigueur et contrôle renforcés.
Ce bilan est le fruit d'un travail collectif - je dis bien collectif - interne, celui de l'équipe qui a été créée pour gérer ce programme, enrichi des conclusions d'évaluations externes ainsi que du rapport officiel d'audit réalisé en septembre 2004 par la commission interministérielle de coordination des contrôles portant sur les fonds structurels européens. Le bilan dressé par des auditeurs extérieurs aux services de la région en garantit donc l'objectivité.
Si l'expérimentation menée en Alsace peut paraître encore récente, son bilan - tout le monde sera d'accord avec vous sur ce point, monsieur le ministre - est largement positif, même s'il conviendra d'y apporter certaines améliorations ; elle devra, en outre, être poursuivie au cours de la période 2007-2013.
Avant de conclure, je tiens une nouvelle fois à saluer l'initiative prise par notre rapporteur d'étendre cette expérimentation absolument nécessaire à toutes les régions qui en feraient la demande, dans les conditions définies par la commission des lois.
L'amendement qu'elle proposera à cet effet vise à encadrer les conditions de l'expérimentation en prévoyant que les régions qui souhaiteraient se lancer dans cette voie devront en faire la demande dans un délai de six mois après la promulgation de la loi et que l'avis des départements sera, bien entendu, systématiquement recueilli.
Le rapport de notre collègue Catherine Troendle fait apparaître que, si l'expérimentation alsacienne est jugée concluante, ce dont je suis témoin - M. le président pourrait également l'attester -, c'est parce que les collectivités alsaciennes - région, départements et villes -, toutes tendances politiques confondues, se sont parfaitement entendues sur sa mise en oeuvre.
On aurait sans doute pu, j'imagine, se montrer plus libéral, mais les prochaines années nous offriront, je le pense, l'occasion de progresser dans cette voie. En effet, si, dans une région de gauche, des départements de droite - ou inversement - émettent un avis défavorable sur le transfert à la région de la gestion des fonds, l'expérimentation ne sera pas possible - si j'ai bien compris ce que propose la commission des lois -, ce qui revient en quelque sorte à accorder un droit de veto aux départements.
En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai que le texte que nous examinons, même s'il n'est qu'une étape, constitue une avancée positive.
Ce projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens représente, en effet, une avancée significative en ce qu'il permet, d'une part, la mise en oeuvre des décisions prises lors du comité interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires du 6 mars 2006 - cela prouve que vous avez de la suite dans les idées, monsieur le ministre ! -, et, d'autre part, la prorogation de l'expérimentation prévue par la loi du 13 août 2004, en lui donnant une base juridique.
Grâce à ce texte, le Gouvernement s'inscrit dans une volonté de développer l'expérimentation, méthode efficace s'il en est permettant de contribuer à mieux faire accepter les réformes, de dissiper les craintes, de lever les réticences que suscite souvent toute perspective de changement et de convaincre, en apportant la preuve du bien-fondé des nouvelles mesures proposées. En effet, le fait d'imposer par la loi purement et simplement, du jour au lendemain, des réformes depuis Paris revient à plaquer de la mécanique sur du vivant. Or le vivant n'est-il pas précisément nos collectivités territoriales ?