Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi sur lequel nous sommes invités à nous prononcer aujourd’hui vient clore la renégociation d’un accord bilatéral entre la France et l’Autriche qui a débuté il y a plus de dix ans, en 2007.
Cette révision particulièrement longue s’inspire pourtant du modèle classique de l’accord bilatéral de réadmission – et la France a déjà signé des accords de ce type avec une vingtaine d’autres pays de l’Union européenne.
Côté autrichien, comme cela a été rappelé par M. le secrétaire d’État, cette approbation est intervenue en 2015, soit bien avant l’arrivée au pouvoir de l’actuel gouvernement de coalition formé par les conservateurs avec le parti d’extrême droite FPÖ, ou Parti de la liberté d’Autriche.
J’évoquerai cet accord en quelques mots seulement – il ne pose pas, à mon sens, de difficultés notables.
Notre rapporteur, René Danesi, l’a dit : ce texte a une portée très marginale ; chaque année, en effet, seules quelques dizaines de personnes sont concernées et réadmises sur le fondement de ce cadre de coopération franco-autrichienne.
Deux mécanismes sont régis par cet instrument bilatéral.
Le premier consiste dans l’obligation, pour chaque partie, de réadmettre ses ressortissants lorsqu’ils se trouvent en situation irrégulière, du fait d’une mesure d’éloignement, sur le territoire de l’autre partie. Seuls sept Autrichiens ont été renvoyés par ce biais au cours des trois dernières années.
Le second oblige chaque partie à réadmettre sur son territoire des ressortissants de pays tiers ayant séjourné ou transité sur leur sol avant d’entrer sur le territoire de l’autre partie. La France n’a saisi l’Autriche que d’une quarantaine de demandes de réadmission en moyenne chaque année depuis 2015.
Ce mécanisme s’inscrit comme une exception à la directive Retour de 2008, qui prévoit le retour vers l’État tiers d’origine avec l’accord de ce dernier, et qui demeure le principe applicable.
Cette révision, en outre, a une portée technique : elle s’attache uniquement à rendre conforme au droit européen en vigueur un instrument juridique qui existe depuis 1962, dont les dispositions ont été rendues caduques par l’émergence de l’espace Schengen et par la distinction existant désormais entre citoyens européens et citoyens de pays tiers.
J’en viens maintenant à la situation politique particulière de l’Autriche et, plus précisément, à l’inquiétude qui peut régner autour du gouvernement autrichien formé par la droite et l’extrême droite. Cette dernière, l’extrême droite, dirige en effet d’importants ministères : l’intérieur, la défense et les affaires étrangères.
Et, ces derniers mois, un malaise a pu être alimenté par les propositions formulées en matière migratoire par le chancelier, Sebastian Kurz, alors que Vienne exerce depuis le 1er juillet la présidence du Conseil de l’Union européenne.
Le chancelier autrichien a notamment proposé de créer un « axe des volontaires Rome-Vienne-Berlin » pour établir, en la matière, une ligne dure.
Si cette inquiétude est justifiée, nous ne pouvons pas nous permettre pour autant de la laisser amoindrir ou, pire encore, empoisonner les importantes relations bilatérales que nous entretenons depuis de nombreuses années, et aujourd’hui plus que jamais, avec l’Autriche.
Notre rapporteur, René Danesi, a évoqué l’audition que nous avons réalisée de l’ambassadeur d’Autriche à Paris, M. Walter Grahammer. Celui-ci a réaffirmé devant nous, le 5 juillet dernier, la volonté de l’Autriche de s’inscrire dans le cadre des institutions européennes et de ses valeurs et de respecter les principes de l’État de droit.
Nous verrons ce qu’il en est ; en tout cas, cette assurance nous a été donnée. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’entendre cet engagement répété par le même ambassadeur lorsque nous l’avons invité au Sénat, dès le lendemain, dans le cadre des petits-déjeuners du Mouvement européen. Il s’est soumis avec une très grande clarté au jeu des questions des quelque soixante-dix invités qui y participaient.
Nous le savons, les négociations au niveau européen ont souvent à composer avec des priorités et des objectifs divergents ; mais les intérêts et les enjeux sous-jacents, eux, restent communs.
N’oublions pas non plus que, en 2015, année record en matière de mouvements migratoires vers l’Union européenne, l’Autriche a été le deuxième pays européen à accueillir le plus de demandeurs d’asile proportionnellement à sa population. Elle a reçu, cette année-là, plus de 88 000 demandes d’asile, répondant positivement à plus de 35 000 d’entre elles. Comme l’a rappelé notre rapporteur, ce chiffre est, au regard de l’action d’autres pays, y compris de la France, particulièrement élevé.
À plusieurs reprises, le chancelier Kurz a réaffirmé son attachement résolu aux valeurs européennes et démocratiques, mais aussi au projet européen, comme le confirme d’ailleurs le contrat de gouvernement conclu par les partis politiques de la coalition.
Le chancelier autrichien a également fait le choix politique de détacher les affaires européennes du ministère des affaires étrangères, dirigé par un ministre d’extrême droite, pour les rattacher directement à lui.
Et – il faut le dire –, sur plusieurs grands dossiers européens, qu’il s’agisse de la lutte contre le réchauffement climatique, des questions environnementales, de l’imposition de l’économie numérique ou de la très belle initiative concernant le calcul à haute performance, l’Autriche est un partenaire sur lequel nous savons pouvoir compter.
C’est dans cet esprit, refusant toute approche ostracisante, que le groupe La République En Marche soutient le gouvernement français, afin qu’il maintienne un dialogue constructif avec l’Autriche, qui se trouve au carrefour de l’Europe.
Ce dialogue est indispensable pour connaître, comprendre et convaincre, d’autant plus lorsque les négociations sont difficiles. Il est tout aussi essentiel pour opérer une refonte profonde du projet européen et construire une Europe ambitieuse et protectrice.
Pour toutes ces raisons, et parce qu’il apparaîtrait incompréhensible de sanctionner l’adoption de ce projet de loi d’approbation de l’accord, le groupe La République En Marche votera en faveur de ce texte.