Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sur le fond, le texte que nous examinons aujourd’hui ne pose pas de difficulté particulière. Il vise, comme son intitulé l’indique, à autoriser l’approbation d’un accord entre le Gouvernement français et le Gouvernement fédéral autrichien.
Les deux pays sont actuellement liés par un accord signé en 1962, permettant le renvoi mutuel de leurs ressortissants ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement ou de citoyens d’États tiers ayant séjourné sur le territoire de l’autre partie. Cet accord, rendu obsolète par la création de l’espace Schengen, a été actualisé en 2007 et doit l’être de nouveau en 2018 afin de le mettre en conformité avec le cadre juridique en vigueur, en particulier au niveau européen.
Sur la forme à présent, je soulignerai que ce projet de loi est soumis à notre chambre trois ans après la ratification de l’accord par l’Autriche. Si l’on ne peut que déplorer la longueur des délais de ratification, il y a lieu toutefois de distinguer ce texte de l’actuel contexte politique autrichien.
La ratification ayant eu lieu voilà trois ans, il faut bien admettre qu’elle ne s’inscrivait nullement dans l’agenda de l’actuel chancelier fédéral d’Autriche. C’est pourquoi nous n’avons pas de raison de nous opposer à ce texte. Le groupe Union Centriste suivra l’avis formulé par le rapporteur, notre collègue René Danesi.
Nonobstant ces remarques, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, il y a également un contexte, un sujet crucial, au regard non seulement des changements politiques intervenus en Autriche, mais plus globalement de l’actuel défi migratoire que doit affronter le continent européen.
Sur le sujet ô combien brûlant, ô combien européen des migrations, les solutions ne peuvent être définies qu’à l’échelle de l’Union européenne. Il s’agit du seul niveau auquel il est possible d’agir avec pertinence et efficacité.
Puisqu’il est question d’Europe et de politique migratoire dans ce texte, je profite du temps qui m’est imparti pour affirmer et même réaffirmer deux positions fortes : d’une part, le refus d’une immigration irréfléchie ; d’autre part, notre franc soutien au droit d’asile.
Ces principes demeurent d’autant plus importants que, à force de passivité de notre part, des migrants arrivent quotidiennement sur les côtes européennes alors que, dans le même temps, les réfugiés ne trouvent pas chez nous l’accueil qu’ils mériteraient.
Le droit d’asile est fils des populations déplacées de la Seconde Guerre mondiale. Ces drames ayant profondément marqué les esprits, les pères fondateurs de l’Europe ne voulaient plus les voir se répéter.
Pour parvenir au pouvoir, les populistes font peser sur l’immigration la responsabilité de tous les maux de leur pays. Ce n’est pas nouveau. Enfant, dans les années soixante-dix, je lisais, affiché devant mon lycée, le slogan de Jean-Marie Le Pen : un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop !
L’émergence de gouvernements xénophobes ne doit pas remettre en cause le droit d’asile. L’absurde projet de déconstruction européenne que prônent les europhobes de tout poil ne saurait amener à brader les principes d’humanisme et de solidarité qui sont les fondements de notre Union. Devant cette menace, les Européens de bonne volonté doivent s’organiser, s’unir et poursuivre la construction européenne.
Toutefois, un droit d’asile efficace a pour corollaire une définition stricte du statut de réfugié, seule à même d’endiguer les arrivées irrégulières. C’est pourquoi il est important de modifier le règlement de Dublin.
Le compromis trouvé récemment au Parlement européen, qui permet certes d’assouplir le principe de responsabilité du premier pays d’accueil, afin que les candidats à l’asile puissent aller là où ils ont déjà de la famille, assorti d’un mécanisme de relocalisation, est un premier pas encourageant, mais insuffisant.
La plupart des migrants ne sont pas éligibles à l’asile et ont donc vocation à être expulsés. Or les éloigner coûte très cher. Tripler les effectifs de garde-côtes et les budgets ne suffira pas. Vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, la principale réponse est économique et passe par le développement de l’économie de l’Afrique. C’est pourquoi je me félicite du choix d’intégrer au budget européen le Fonds européen de développement dès 2021, ce fonds étant pour l’heure le meilleur instrument en vue de la résolution de la crise migratoire actuelle.
La mise en place de « hot spots » dans les pays de départ, que certains voient comme la solution miracle à la crise migratoire, ne peut s’inscrire dans la vision humaniste que nous défendons tous au sein du groupe Union Centriste. Elle ne manque pas de nous rappeler une époque sombre, pas si lointaine, que nous ne voulons en aucun cas voir reparaître.
Il est vrai, néanmoins, que l’ensemble des pays touchés par cette crise doivent être directement concernés par les réponses que nous tentons d’y apporter. Nous savons pertinemment que les garde-côtes libyens ferment parfois les yeux sur les départs illégaux de nombreux bateaux. Nous pouvons le comprendre, car, sous-payés, ils souffrent des problèmes économiques de leur pays. Nous ne pouvons cependant admettre que les États d’embarquement laissent prospérer le chaos sans jamais subir la moindre sanction. Les responsabiliser par le recours au droit est le seul moyen de pouvoir les compter comme des alliés en vue de relever cet immense défi.
À l’heure où l’image de l’Union européenne est mise à mal, il convient de rappeler qu’elle constitue l’espace où des millions de personnes rêvent de vivre, mais aussi que plusieurs pays des Balkans souhaitent l’intégrer. Au moment où nous parlons de Brexit, deux tiers des Nord-Irlandais souhaitent désormais rester dans l’Union européenne. Parce que l’Europe est la meilleure réponse à nos problèmes, la réciprocité et les partenariats entre ses États membres constituent pour nous la voie à suivre pour que les Européens vivent en paix et dans la prospérité.