Intervention de Guillaume Arnell

Réunion du 26 juillet 2018 à 10h30
Accord avec l'autriche sur la réadmission des personnes en situation irrégulière — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Guillaume ArnellGuillaume Arnell :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en dehors du cadre de la procédure simplifiée, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et l’Autriche relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, certains de nos collègues ayant manifesté la volonté de débattre plus largement du sort des migrants sur le continent européen.

Il faut reconnaître que, au sein de l’Union européenne, l’émergence de gouvernements très conservateurs, voire d’extrême droite, menace la cohésion européenne à bien des égards.

S’agissant de l’Autriche, l’évolution de sa situation politique intérieure interroge quelque peu, d’autant que ce pays exerce actuellement la présidence de l’Union européenne.

L’arrivée au pouvoir, à la fin de 2017, d’une coalition alliant le parti conservateur ÖVP et le parti de la liberté d’Autriche, le FPÖ, soulève bien des craintes.

On sait que le programme du Gouvernement autrichien comprend des mesures, en matière d’asile et d’immigration, qui restreignent certains droits. Je citerai la limitation de la prise en charge sociale des demandeurs d’asile, le renforcement de la politique de retour ou encore la réduction des délais de recours dans le cadre des procédures accélérées.

Ce durcissement n’est pas sans conséquence sur l’orientation que souhaite donner l’Autriche à la politique européenne. Nous l’avons bien mesuré lors du Conseil européen des ministres de l’intérieur du 12 juillet dernier, à l’occasion duquel le ministre autrichien a promu l’idée de créer des « plateformes de retour » dans les « pays tiers », destinées à accueillir les migrants qui auraient été déboutés du droit d’asile en Europe.

Ces propositions, déjà avancées par Vienne au Conseil européen du 28 juin dernier, ont été repoussées ; souhaitons que ce soit pour de bonnes raisons. Nous le savons, les pays qui pourraient être concernés par l’installation de tels centres, notamment le Maroc ou la Tunisie, n’y sont pas favorables.

Pour ma part, il me semble que c’est non pas tant la question de la localisation de ces structures hors d’Europe qui pose problème, que celle des standards juridiques qui seraient appliqués aux personnes retenues. Si certains pays européens ont pu trouver l’idée séduisante, nous devons rappeler qu’externaliser la politique d’accueil des réfugiés hors d’Europe suppose que les pays abritant des plateformes de retour appliquent les mêmes règles que nous en matière de droits et de procédures.

À ce stade, il ne me semble pas souhaitable que l’Union européenne avance dans cette voie, qui pourrait être contraire à la Convention européenne des droits de l’homme.

Les conclusions du dernier Conseil européen évoquent la mise en place de plateformes régionales de débarquement en coopération avec les pays tiers, un concept qui semble rejoindre l’idée du Gouvernement autrichien. Alors même que les flux migratoires s’affaiblissent, il ne faudrait pas que la politique migratoire subisse l’influence de solutions radicales. Les principes de dignité et de solidarité doivent demeurer intangibles en matière d’accueil et de gestion des réfugiés et des migrants.

En attendant une occasion plus appropriée pour débattre de la politique migratoire de l’Union européenne, je ferme cette parenthèse, pour en revenir au projet de loi qui nous occupe directement.

S’agissant de l’accord entre la France et l’Autriche relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, le groupe du RDSE ne voit aucun obstacle à son adoption, au regard de plusieurs éléments.

Tout d’abord, notre collègue rapporteur l’a souligné, le texte a une portée très limitée, puisque l’on a constaté que, depuis 2012, entre trente et quarante personnes par an étaient concernées par des procédures d’éloignement vers l’Autriche.

Ensuite, l’accord de réadmission de 2007, révisé en 2014 par le biais d’un protocole, est avant tout destiné à actualiser un texte bien plus ancien, devenu obsolète depuis la création de l’espace Schengen. Compte tenu de la longueur de ce cheminement, on peut s’abstraire de la donne politique en Autriche, qui a bien entendu changé entre 2007 et 2018.

Par ailleurs, l’accord contient des dispositions assez classiques pour les accords bilatéraux de ce type. La France en a signé avec une quarantaine de pays, dont vingt États membres de l’Union européenne.

Sur le fond, il s’agit de traiter principalement trois cas de figure : la réadmission par une partie de ses propres ressortissants qui se trouveraient en situation irrégulière sur le territoire de l’autre partie ; une dérogation à la directive Retour avec la réadmission des ressortissants de pays tiers qui se sont déplacés du territoire de l’une des parties à celui de l’autre ; enfin, le transit via la France ou l’Autriche.

Cet accord prévoyant le même type de dispositions que n’importe quel autre accord du même ordre avec nos partenaires européens, le fond du texte ne soulève pas de difficultés particulières.

Je veux également rappeler que l’Autriche, malgré ses prises de position actuelles sur l’immigration, a consenti des efforts notables en matière d’asile au cours de ces dernières années, plus importants que ceux de notre pays, si on les rapporte au nombre d’habitants. Je donnerai un seul chiffre, fourni par Eurostat : le rapport du nombre de titres de séjour délivrés en 2016 à la population globale est de 0, 57 % en Autriche, contre 0, 35 % en France. Si le présent texte concerne avant tout les personnes en situation irrégulière, on peut tout de même établir un parallèle avec l’accueil réservé aux demandeurs d’asile, qui s’est révélé plus généreux chez notre partenaire.

Enfin, cet accord de réadmission s’inscrit dans le cadre juridique européen, qui pose des règles en matière d’asile et d’immigration. Si l’Autriche venait à s’abstraire de ces règles, elle pourrait faire l’objet de sanctions, à l’instar de ce qui se passe actuellement pour la Hongrie de Viktor Orbán, contre laquelle la Commission européenne a engagé une procédure d’infraction devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Mes chers collègues, sans méconnaître les défis que doit relever l’Europe, notamment l’existence d’un bloc de pays plus durs en matière de politique migratoire, le groupe du RDSE votera ce projet de loi, dont les mesures techniques permettront de régler les cas de réadmission de personnes en situation irrégulière entre l’Autriche et la France.

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