Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il n’est pas dans les habitudes de notre commission de recourir à des motions de procédure. Depuis des années, nous avons toujours essayé de trouver des compromis utiles avec l’Assemblée nationale, afin d’améliorer le travail législatif.
Ce fut le cas sous la précédente majorité concernant la réforme de l’AFP, du second dividende numérique et même de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « LCAP ».
La proposition de loi que nous examinons se distingue de ces précédents textes sur le fond comme sur la forme. Un mot tout d’abord sur la méthode retenue. Le fait de recourir à une proposition de loi, qui plus est en procédure accélérée, pour traduire une initiative présidentielle, n’aura permis de gagner ni en efficacité, ni en qualité, ni en temps. Elle aura surtout privé le Parlement d’une étude d’impact sérieuse et empêché un travail en amont par le Conseil d’État dont l’avis – plutôt sévère – du 19 avril a contraint nos collègues députés à une refonte en profondeur.
Nous aurions pu essayer de réécrire le texte à notre tour, mais cela aurait voulu dire l’amputer de ses principales dispositions. D’après les conversations que j’ai pu avoir, rien ne me laisse penser que la majorité de l’Assemblée nationale était prête à renoncer à son texte.
Si nous avons dû nous résoudre, à contrecœur, je dois le dire, madame la ministre, à envisager un rejet global de cette proposition de loi, c’est que nous avons pris conscience à mesure que nous auditionnions les professionnels du double péril que porte ce texte.
Tout d’abord, pratiquement tous nos interlocuteurs ont jugé impossible d’éradiquer les fake news grâce au dispositif juridique prévu. À cet égard, je citerai le Conseil d’État : « L’intervention institutionnelle ne saurait, en tout état de cause, résoudre le problème informationnel lié aux réseaux sociaux, en effet, ces derniers créent indépendamment des fake news des bulles informationnelles qui mettent en avant les contenus adaptés aux profils de leurs utilisateurs et, par la suite, renforcent les convictions de chacun, sans plus les confronter à des points de vue divergents ».
De surcroît, une quasi-unanimité s’est fait jour quant aux risques que ce texte fait peser sur la sécurité juridique et le fonctionnement de nos médias. Fallait-il donc un texte qui donne à tous le sentiment qu’informer constituera un délit à l’avenir ? Les objections juridiques sont nombreuses.
Je rappellerai, pour ma part, que ce texte comprend trois types de dispositions d’importance différente, dont aucune ne donne satisfaction.
Il y a tout d’abord les mesures en trompe-l’œil relatives aux plateformes numériques, qui sont d’autant plus décevantes qu’internet est à la fois le lieu où apparaissent les fausses informations et celui où elles prospèrent. La proposition de loi esquisse une « suprarégulation », qui a seulement le goût d’une « autorégulation ».
La responsabilité des Google, et autres Facebook, dont le rôle est considéré comme technique et passif, n’est selon moi toujours pas reconnue à sa juste mesure ; ce qui rappelle l’urgence d’une initiative européenne. Oui, monsieur Malhuret, nous voulons légiférer, mais à un niveau qui soit pertinent.