Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour la dernière fois dans la chambre haute sur le sujet du transfert de l’eau et l’assainissement.
Vous le savez, le Gouvernement a mené un travail de concertation et a entendu la diversité des situations dans la mise en œuvre de la compétence.
La concertation que j’ai menée depuis de longs mois et pendant l’examen de cette proposition de loi a permis au Gouvernement de mesurer la diversité des situations sur le terrain, appelant des solutions différenciées.
Nous avons donc travaillé collectivement à trouver un texte qui concilie les enjeux d’un transfert de compétences avec ceux, légitimes, d’une adaptation à certaines réalités locales. C’est le sens de la mission que m’a confiée le Premier ministre et qui a abouti à la proposition d’une clause de sauvegarde des libertés communales.
Cette clause de sauvegarde donne la possibilité aux communes appartenant à des communautés de communes de s’opposer au transfert des compétences eau et assainissement avant le 1er juillet 2019, si 25 % d’entre elles représentant au moins 20 % de la population s’expriment en ce sens.
Cette capacité de blocage s’exerce jusqu’au 1er janvier 2026, date à laquelle le transfert devient obligatoire.
Cette possibilité est réservée aux communautés de communes car, d’une part, ce sont elles qui couvrent majoritairement les zones de montagne et les zones rurales, et, d’autre part, parce que les communautés d’agglomération ont déjà, dans leur majorité, effectué le transfert de ces compétences ou sont en train de le préparer.
Les véritables difficultés de transfert se concentrent sur l’eau, et non sur l’assainissement. Ce constat nous a conduits à proposer que les élus locaux puissent transférer, ou pas, dès le 1er janvier 2020 la compétence assainissement et se donner un délai supplémentaire, via la capacité de blocage, pour transférer l’eau s’ils n’y sont pas prêts.
Enfin, nous avons entendu les difficultés liées au mécanisme de représentation-substitution dans les syndicats et avons donc proposé d’assurer la pérennité des structures, sans condition de taille. Je me réjouis d’ailleurs que le Sénat, en première lecture, ait fait sienne cette proposition.
L’ensemble de ces dispositions constitue donc une position équilibrée, fruit d’un compromis, adopté par la Conférence nationale des territoires du 14 décembre à Cahors.
Je ne peux donc que regretter l’échec de la commission mixte paritaire.
Depuis le début de l’examen de ce texte, le Gouvernement a adopté une méthode transparente. Dès le départ, il avait fixé une ligne. Il s’y est tenu et continuera de le faire aujourd’hui.
Toutefois, vous le savez et vous l’avez constaté, je suis animée depuis le début du processus législatif d’un esprit de compromis. Le débat parlementaire a fait émerger de nouveaux sujets pour lesquels je me suis engagée ici, au Sénat, à apporter des réponses au cours de la navette parlementaire.
C’est ce que j’ai fait à l’Assemblée nationale sur deux points : la gestion des eaux pluviales et les conditions de la minorité de blocage pour les communes ayant déjà transféré l’assainissement non collectif à leur communauté de communes.
Je veux d’abord parler de la gestion des eaux pluviales.
Elle constitue un enjeu important, à la convergence de plusieurs champs d’actions des collectivités territoriales et de leurs groupements, tels que l’assainissement, la voirie, voire, en certaines circonstances, la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations », ou GEMAPI.
Dans son rapport au Parlement, prévu par les dispositions de l’article 7 de la loi du 30 décembre 2017 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, dite loi GEMAPI, le Gouvernement a souligné la diversité des moyens techniques pouvant être mobilisés pour assurer une gestion efficiente des eaux pluviales et de ruissellement, ainsi que les liens entretenus avec les compétences « assainissement », « voirie », « aménagement » ou « GEMAPI ».
Il ressort de ces éléments la nécessité de concilier la clarification juridique de la répartition des compétences exercées par les collectivités territoriales et la souplesse utile à la mise en œuvre de ces compétences.
Il apparaît donc opportun de définir une compétence relative à la gestion des eaux pluviales urbaines qui puisse être identifiée de manière distincte.
Le Conseil d’État assimile la gestion des eaux pluviales urbaines à un service public relevant de la compétence « assainissement », lorsque cette dernière est exercée de plein droit par un EPCI. Cette compétence s’exerce « dans les zones urbanisées et à urbaniser », telles qu’énoncées dans les documents d’urbanisme.
Ce rattachement fait pleinement sens dans les zones urbanisées, souvent dotées d’une forte proportion de réseaux unitaires – je pense aux communautés urbaines et aux métropoles. C’est d’ailleurs l’état présent du droit.
Pour les communautés de communes, cependant, le Gouvernement a soutenu les amendements de la majorité à l’Assemblée nationale, qui proposait de faire de la compétence « eaux pluviales urbaines » une compétence facultative, pour des raisons de meilleure adaptation à la diversité des situations rencontrées sur le terrain.
Je veux ensuite évoquer le cas des conditions de la minorité de blocage pour les communes ayant déjà transféré l’assainissement non collectif à leur communauté de communes.
Vous le savez, le transfert de manière facultative de l’assainissement non collectif est très présent dans le monde rural. Les acteurs concernés comprennent, spontanément, que l’intercommunalité peut régler certains problèmes mieux que chaque commune dispersée. La moitié des communautés exerçant la compétence « assainissement non collectif » n’exercent pas la compétence « assainissement collectif ».
La loi NOTRe, en prévoyant un bloc de compétences indissociable, conduisait à ce que les communes membres de communautés de communes exerçant une partie de la compétence ne puissent bénéficier de la faculté de blocage.
Nous avons entendu cette contradiction et nous sommes favorables à ce que les communes puissent, en utilisant la minorité de blocage, exercer l’assainissement collectif au niveau communal et l’assainissement non collectif au niveau de la communauté de communes, jusqu’en 2026. Il est en effet limité et justifié par les caractéristiques particulières de l’organisation de l’assainissement non collectif.
Un nouvel assouplissement vous sera proposé pour la mutualisation des fonctions support des régies en matière d’eau et d’assainissement.
S’ajoute à ces deux assouplissements votés à l’Assemblée nationale et que la commission des lois du Sénat a entérinés une dernière proposition que nous vous soumettrons par voie d’amendement au cours du débat, relative aux régies multiservices.
Notre amendement vise, d’une part, à concilier les objectifs de mutualisation des moyens et des personnels au sein d’une même structure en charge de la gestion des services publics de l’eau et de l’assainissement et, d’autre part, à répondre à la nécessité d’individualiser le coût de chacun de ces deux services publics industriels et commerciaux au sein de budgets annexes distincts.
Vous connaissez la mécanique parlementaire qui veut que seuls les amendements adoptés par le Sénat seront examinés lors de la dernière lecture à l’Assemblée nationale. J’espère donc que vous vous rallierez, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, à cette proposition pragmatique, qui répond notamment à la demande du député de votre groupe politique, Raphaël Schellenberger.
Bien entendu, les enjeux écologiques et financiers qui nous attendent nécessitent une large réflexion sur l’eau et l’assainissement.
Je tiens à remercier tous les sénateurs qui se sont engagés dans ce texte et qui ont compris que, face aux enjeux devant lesquels nous nous trouvons, il est nécessaire d’apporter des solutions concrètes aux difficultés d’aujourd’hui et d’anticiper la modernisation de nos réseaux de demain.
L’impératif écologique lié au réchauffement climatique doit nous faire prendre conscience de l’urgence d’améliorer deux choses : l’accès et la qualité de l’eau en tout point du territoire.
L’évolution de nos modes d’agriculture, comme l’évolution de notre consommation et de notre système de production, rend nécessaire la modernisation de nos réseaux d’eau.
Or, d’un point de vue économique, nos installations sont vieillissantes ou vétustes. Aujourd’hui, un litre d’eau sur cinq que nous traitons dans nos usines finit dans la nature.
Les travaux menés au sein des Assises de l’eau tendent également à prouver que le taux de connaissance des réseaux est trop faible – cela m’a beaucoup frappée sur l’ensemble du territoire – et que l’émiettement de la compétence entre de très nombreuses structures nuit à son efficacité.
Les agences de l’eau auront pour objectifs prioritaires d’aider les collectivités à améliorer l’état des réseaux et de les accompagner dans la recherche des meilleurs outils techniques, juridiques et financiers. Les six ans de délai que devrait permettre la minorité de blocage donneront la latitude nécessaire pour ce faire.
Pour répondre à cette multiplicité d’enjeux, un premier mouvement de mutualisation s’est enclenché entre 2010 et 2016. Nous pensons qu’il pourra se poursuivre dans le dialogue, avec cette capacité que nous vous proposons de voter.
Les communes ne feront efficacement face aux risques d’amoindrissement de la qualité de la ressource en eau que si elles interconnectent leurs réseaux et si elles mutualisent leurs moyens à des échelles plus larges. Je rappelle que, naturellement, transfert à l’intercommunalité ne veut pas dire disparition des syndicats.
C’est pourquoi le Gouvernement s’opposera, une nouvelle fois, à l’optionalité du transfert, considérant que le texte qu’il a proposé à l’Assemblée nationale est celui qui rassemble l’ensemble des opinions et des positions.
Je crois nécessaire de rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale : nous serons donc favorables aux amendements qui y tendent.
Après les heures de débat avec les associations d’élus, et au sein de chacun des hémicycles, il nous faut apporter des réponses rapides aux élus locaux sur ce texte aux conséquences importantes pour l’ensemble des Français, peu importe leur lieu d’habitation.