Intervention de Christine Lavarde

Réunion du 25 juillet 2018 à 14h30
Services de paiement dans le marché intérieur — Adoption définitive en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde :

Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de parler du contenu de ce texte, il me semble nécessaire de revenir sur la procédure.

Madame le secrétaire d’État, sur la forme, notre groupe tient en effet à vous faire part de ses regrets de voir l’inscription aussi tardive à notre ordre du jour de ce projet de loi, en nouvelle lecture. Cela illustre, une nouvelle fois, la complète désorganisation de nos débats, du fait de la très mauvaise gestion de l’ordre du jour par le Gouvernement.

Dois-je vous rappeler que nous sommes le 25 juillet 2018, que ce texte a été déposé par le Gouvernement sur le bureau de l’Assemblée nationale le 7 novembre 2017, puis inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 8 février 2018 seulement, soit trois mois plus tard ? Le Sénat, lui, l’a examiné en séance publique dès le 22 mars. La commission mixte paritaire s’est tenue le 19 avril ; la nouvelle lecture n’a eu lieu à l’Assemblée nationale que le 5 juillet, et, aujourd’hui, 25 juillet, au Sénat.

Ainsi, la gestation de ce projet de loi, depuis son dépôt, aura pris quasiment neuf mois, alors même qu’il s’agit de transposer une directive de 2015… Ce n’est absolument pas sérieux vis-à-vis du Parlement européen et du Conseil !

J’exprime ce mécontentement au nom du groupe auquel j’appartiens, et tout particulièrement au nom de Jean-François Rapin, rapporteur pour la commission des affaires européennes, qui n’a pas pu adapter son agenda aux changements de dernière minute qu’a connus notre ordre du jour et qui aurait dû porter ce message.

Cette méthode est d’autant moins sérieuse que ce texte ne pose pas de réelles difficultés. Notre groupe avait rappelé, en première lecture, l’intérêt de ce projet de loi de ratification, qui va permettre la transposition en droit français de la directive européenne du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, dite « DSP 2 ».

Cette seconde directive prend en compte les évolutions technologiques survenues depuis la directive DSP 1 de 2007, même si, depuis 2015, nous sommes peut-être déjà en retard. Elle prend notamment en compte l’émergence de nouveaux acteurs, tant pour l’initiation de paiement que pour l’information sur les comptes. L’enjeu va au-delà de la simple dématérialisation des services bancaires : désormais, des acteurs externes aux banques permettent aux utilisateurs de consulter sur un même site l’ensemble de leurs comptes détenus dans plusieurs établissements bancaires et de donner des ordres de paiement sans même passer par leur banque. En résultent de légitimes questions d’agrément de ces nouveaux acteurs et de sécurité des transactions.

En dix ans, une réglementation a été mise en place, plus allégée que pour les institutions bancaires traditionnelles, puisque ces nouveaux acteurs ne disposent pas de fonds. Ces agrégateurs de comptes et initiateurs de paiement demeurent néanmoins soumis au superviseur, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui peut prendre des mesures conservatoires temporaires allant jusqu’à la suspension du service.

Ce texte apporte donc des garanties, pour les banques comme pour les utilisateurs, et va permettre le développement des nouveaux services de paiement dans un cadre mieux défini. C’est la raison pour laquelle le Sénat a adopté le projet de loi à l’unanimité en première lecture.

Toutefois, la commission mixte paritaire a échoué.

Nous constatons une fois encore que les initiatives du Sénat sont systématiquement censurées par la majorité de l’Assemblée nationale, même lorsqu’il s’agit de mesures de bon sens, adoptées très largement, voire à l’unanimité par la Haute Assemblée.

La commission mixte paritaire a échoué, car les députés n’ont pas souhaité retenir l’article 1er ter A inséré dans le texte par le Sénat. Les précédents orateurs l’ont déjà largement rappelé : cet article visait à permettre d’amorcer le débat sur la question des comptes d’épargne, qui ne sont pas concernés par la directive, étant donné que cette dernière se limite aux comptes de paiement. C’est pourtant une question essentielle, puisque l’utilisateur, souvent sans en avoir conscience, prend le risque de se retrouver seul responsable en cas de fraude sur les comptes non couverts par la directive. Dans une telle situation, il ne pourrait obtenir un remboursement ni auprès de sa banque, dans la mesure où il a donné à un tiers ses identifiants d’accès, ni auprès du prestataire tiers, qui ne serait de toute façon pas solvable, en l’absence d’assurance.

Dans l’attente d’une solution européenne sur la question des comptes d’épargne, cet article proposait donc de garantir la possibilité pour l’utilisateur d’obtenir un remboursement auprès du prestataire tiers, en affirmant la possibilité d’engager la responsabilité du prestataire tiers en cas de fraude, afin de rendre inopposables les clauses contractuelles contraires ; en introduisant une obligation d’assurance, afin de garantir la solvabilité du prestataire tiers ; et, enfin, en fixant une obligation d’immatriculation auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, afin de permettre un suivi de ces activités.

Notre rapporteur, Albéric de Montgolfier, dont je tiens à saluer la qualité du travail sur ce texte, a déposé un amendement pour insérer de nouveau cet article. Il est bel et bien nécessaire d’évoluer très rapidement sur ce point à l’échelle européenne. Notre groupe soutiendra cet amendement, et vos réponses, madame le secrétaire d’État, guideront notre vote sur l’ensemble du texte.

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