Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'harmonisation européenne dans le domaine du médicament a débuté voilà plus de quarante ans, avec la publication d'une première directive, en 1965. Elle s'est poursuivie depuis lors, et une étape importante a été franchie en 1995, lors de la création de l'Agence européenne du médicament.
À la lumière de l'expérience acquise et des évolutions du secteur, les autorités européennes ont estimé nécessaire de modifier ou de préciser un certain nombre de points de la législation communautaire en matière de médicament.
Cette initiative s'est concrétisée sous la forme d'un « paquet médicament », adopté en 2004 après de très longues discussions, qui se compose d'un nouveau règlement et de trois directives, respectivement consacrées aux médicaments à usage humain, aux médicaments traditionnels à base de plantes et aux médicaments vétérinaires.
Le projet de loi qui nous est présenté assure, pour l'essentiel, la transposition des mesures législatives de la directive n° 2004/27/CE du 31 mars 2004 du Parlement européen et du Conseil, qui modifiait une précédente directive datant de 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.
Toutefois, le Gouvernement sollicite également, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, une habilitation pour la transposition par voie d'ordonnance de cinq autres directives.
Avant de revenir sur la question des ordonnances, je voudrais évoquer les principaux éléments du projet de loi.
Le premier apport de ce texte tient à la clarification de la notion de médicament. Il vise à tenir compte des évolutions scientifiques récentes et de leur impact dans le domaine du médicament.
Les différentes catégories de médicaments sont dotées d'un statut. C'est le cas des médicaments génériques : le projet de loi apporte un certain nombre de réponses aux questions afférentes à leur commercialisation.
Le deuxième apport du texte réside dans la révision des procédures de mise sur le marché.
M. le ministre y a fait allusion, les autorités européennes ont mis cette réforme à profit pour étendre le champ d'application de la procédure centralisée d'autorisation de mise sur le marché.
Cette procédure devient obligatoire pour les médicaments orphelins et pour tout médicament à usage humain contenant une nouvelle substance active n'ayant jamais été autorisée dans la Communauté européenne et dont l'indication thérapeutique porte sur le sida, le cancer, le diabète ou une maladie neurodégénérative.
La directive précise que cette autorisation est toujours délivrée pour cinq ans et introduit la notion de caducité, qui peut s'exercer à l'encontre des médicaments qui ne sont pas commercialisés dans un délai de trois ans après la délivrance de l'autorisation.
Cette modification du régime des AMM est, nous semble-t-il, inachevée.
La mission d'information consacrée aux conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments, mission que j'ai eu l'honneur de présider, avait conclu, sur le rapport de nos collègues Mmes Marie-Thérèse Hermange et Anne-Marie Payet, à la nécessité de rendre les essais comparatifs obligatoires dans le cadre des essais cliniques précédant la demande d'AMM. Or les autorités européennes ne l'ont pas fait.
Cette situation ne nous dispense pas d'une réflexion sur l'optimisation de l'usage des critères d'efficacité des médicaments dans la fixation de leurs conditions de remboursement, domaine qui demeure de la compétence des États.
Le troisième apport du texte est le renforcement de l'indépendance de l'expertise et de la transparence des travaux menés par les agences sanitaires.
La mission d'information avait insisté à juste titre sur ces points, et, désormais, trois nouvelles obligations incomberont à l'AFSSAPS.
Tout d'abord, l'AFSSAPS devra rendre accessible au public un rapport d'information sur l'autorisation de tout nouveau médicament, retraçant les essais menés et leur actualisation, ainsi que les motivations de la décision prise par l'Agence.
Ensuite, elle devra publier son règlement interne et celui de ses commissions, l'ordre du jour et les comptes rendus des réunions, assortis des décisions prises, du détail des votes et des explications de votes, y compris en ce qui concerne les opinions minoritaires.
Nous reviendrons, lors de l'examen des articles, sur l'interprétation par le projet de loi des dispositions de la directive.
Enfin, l'AFSSAPS devra mieux organiser la gestion des conflits d'intérêts concernant les experts qui travaillent pour son compte en imposant une déclaration annuelle d'intérêts, et ce pour tous les agents.
Je souligne toutefois que l'AFSSAPS respecte déjà, dans les faits, ces nouvelles exigences : son site Internet met à la disposition du public tout ou partie de ces éléments.
La mission d'information s'était aussi penchée sur la question de la qualité des travaux d'expertise de l'AFSSAPS. Nous avions ainsi plaidé pour que le travail des experts soit mieux valorisé, notamment par la prise en compte de l'activité d'expertise dans le déroulement de la carrière des praticiens hospitaliers et universitaires.
Dans le même esprit, il serait utile de définir un statut de l'expert qui soit commun à toutes les agences sanitaires, afin de rationaliser les recrutements et de gérer les conflits d'intérêts.
Enfin, nous étions favorables au développement de la recherche publique en matière de sécurité sanitaire.
Ces sujets dépassent certes le cadre de ce projet de loi, mais je sais, monsieur le ministre, que vous partagez ces préoccupations, centrales pour la qualité de notre système d'expertise.
Le quatrième apport du texte concerne les relations entre entreprises pharmaceutiques, prescripteurs et patients.
À ce titre, je considère comme très positif le maintien d'une réglementation restrictive de la publicité pour le médicament et l'attribution de moyens d'actions juridiques supplémentaires à l'AFSSAPS. La transposition de la directive permet, là encore, un véritable progrès.
Ce projet de loi, à l'occasion de son examen par l'Assemblée nationale, s'est enrichi de plusieurs dispositions nouvelles.
Je m'en tiendrai aux dispositions touchant directement au secteur du médicament : deux d'entre elles m'ont semblé susciter des réactions.
La première concerne la fabrication des médicaments dérivés du sang, plus particulièrement des médicaments conçus à partir du sang rémunéré.
D'un côté, les donneurs de sang sont préoccupés par cette situation qui, selon eux, pourrait remettre en cause notre système.
De l'autre, les professionnels de santé s'inquiètent des risques de pénurie de médicaments.
Pour l'instant, le code de la santé publique a trouvé un équilibre entre ces deux positions : une AMM provisoire de deux ans est délivrée aux produits issus du sang rémunéré.
Cette durée a été portée à trois ans par l'Assemblée nationale. Cet allongement soulève quelques interrogations. Nous aurons probablement un débat sur ce sujet. Je crois, à titre personnel, que le principe de précaution doit nous conduire à prendre en compte les risques liés à la pénurie et qu'une durée de trois ans semble, à cet égard, relativement satisfaisante.
La seconde modification se rapporte au dispositif organisant la récupération à des fins humanitaires des médicaments non utilisés. M. le ministre vient de le mentionner, l'Assemblée nationale a adopté une mesure de suppression du réseau Cyclamed.
Cette suppression, soutenue par l'OMS, n'est pas bien comprise par certaines associations ou organisations non gouvernementales. Elle est pourtant justifiée au nom de la sécurité sanitaire des médicaments. Au moment où le présent projet de loi vise à mettre en place un dispositif de traçabilité des médicaments, de la fabrication à l'officine, il serait paradoxal d'autoriser la distribution de médicaments sortis de ce système et dont les conditions de conservation, pour n'évoquer que ce seul point, sont inconnues. C'est pour cette raison que la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à cette disposition.