Intervention de Jean-Claude Luche

Réunion du 25 juillet 2018 à 21h30
État au service d'une société de confiance — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Claude LucheJean-Claude Luche :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en première lecture, le Sénat avait cherché à donner plus de substance à ce projet de loi un peu fourre-tout. Malgré notre volonté d’aboutir, la commission mixte paritaire a échoué sur deux points, dont l’un, portant sur les éoliennes en mer, n’avait été voté ni par l’Assemblée nationale ni par le Sénat, ce qui est tout de même assez inédit.

Pour cette nouvelle lecture, nous avons à nouveau choisi de jouer le jeu en améliorant le texte, car nous ne désespérons pas que le Gouvernement ou nos collègues députés finissent par nous entendre.

En matière de rescrit, l’Assemblée nationale a certes conservé les procédures sectorielles introduites par le Sénat, mais elle les a complétées de nombreux dispositifs inédits dans des domaines variés au mépris de la règle de l’entonnoir. Notre commission les a donc supprimés.

S’agissant du rescrit en matière juridictionnelle, nous avons adopté une solution de compromis qui permet de conserver le dispositif du Gouvernement tout en précisant son champ d’application. L’expérimentation sera limitée aux décisions relatives aux déclarations d’utilité publique et aux déclarations d’insalubrité, ce qui évitera d’engorger les juridictions administratives.

En matière d’information des usagers, notre commission a de nouveau ramené le délai maximal de délivrance du certificat d’information à trois mois, ce qui suffira amplement puisqu’il s’agit simplement de lister les règles applicables à une activité et non de les interpréter.

Concernant la désignation de référents unique dans les maisons de service au public, malgré nos réticences sur le principe, nous avons également adopté une rédaction de compromis qui permettra de s’assurer de l’accord de tous les participants.

La commission a en revanche rétabli la modulation de la durée des contrôles administratifs que nous avions introduite en première lecture au profit des TPE. Cette différenciation est à la fois légitime sur le fond et parfaitement réalisable sur le plan pratique.

De même, nous sommes également revenus à notre texte afin de garantir que les transferts de compétences des chambres départementales d’agriculture aux chambres régionales ne puissent être expérimentés qu’avec l’accord des intéressées, car nous croyons en la capacité des acteurs territoriaux à s’organiser de la façon la plus efficace possible sans qu’il faille les y contraindre.

En matière d’enseignement supérieur, je me réjouis que les députés aient confirmé le délai d’habilitation fixé à six mois par le Sénat et que les modalités de sortie de l’expérimentation des regroupements aient été sécurisées.

Concernant la participation du public aux projets qui ont une incidence sur l’environnement, l’Assemblée nationale a rétabli la possibilité de remplacer l’enquête publique par une consultation par voie électronique. Elle est même allée plus loin que le texte initial, qui limitait cette expérimentation aux seuls projets agricoles, en l’étendant à l’ensemble des projets soumis à autorisation environnementale, c’est-à-dire à tous les projets d’installations classées. Considérant que l’enquête publique est nécessaire pour permettre l’acceptabilité des projets, nous avons de nouveau supprimé cette expérimentation.

Le Gouvernement a aussi profité de la nouvelle lecture pour faire ratifier l’ordonnance de 2017 sur l’autorisation environnementale. Une telle ratification par voie d’amendement porte atteinte aux droits du Parlement, qui ne dispose pas du temps nécessaire pour examiner le texte et y apporter si besoin des modifications. C’est pourquoi nous l’avons supprimée.

S’agissant des éoliennes en mer, chacun a en tête l’émoi suscité par l’amendement qu’avait présenté le Gouvernement pour renégocier sous la menace d’une annulation le prix des six parcs déjà attribués et notre opposition quasi unanime en première lecture. Depuis lors, les négociations avec les lauréats que nous avions appelées de nos vœux ont abouti à une réduction substantielle des dépenses de l’ordre de 15 milliards d’euros sur les vingt ans prévus pour les contrats d’achat. Malgré ce résultat favorable, la façon dont le Gouvernement a géré ce dossier doit nous interpeller.

Sur le fond, si l’amendement a certainement joué comme un levier dans les négociations, pourquoi le maintenir malgré l’aboutissement de ces dernières ? En droit, l’État pourra toujours annuler les décisions d’attribution jusqu’à la signature des contrats d’achat.

Nous ne savons rien, du reste, de la manière dont l’accord a été formalisé, de ses conséquences éventuelles sur l’emploi et sur la filière industrielle ou encore de la façon dont les économies annoncées ont été calculées. Je suppose toutefois que vous nous donnerez un certain nombre d’informations sur ce sujet, monsieur le secrétaire d’État. J’ajoute que ces dernières ont été en partie gonflées, puisque le coût du raccordement, jusqu’alors intégré dans le tarif d’achat, sera désormais couvert par le tarif d’utilisation des réseaux : c’est près de 1, 2 milliard d’euros que l’on fera ainsi passer d’une ligne de facture à l’autre. De même, l’occupation du domaine public à titre gratuit occasionnera une perte de recettes publiques de l’ordre de 360 millions d’euros qui n’est pas comptabilisée.

Enfin, la possibilité pour l’État de revenir sur des accords déjà conclus est un mauvais signal envoyé aux entreprises qui souhaitent investir dans notre pays, a fortiori dans un texte censé faire renaître la confiance.

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