Sans viser le même objectif précis, mais en tout cas en respectant les mêmes finalités générales, la majorité sénatoriale a fait adopter un certain nombre de mesures qui ont durci le texte et qui ont d’ailleurs fait échouer la commission mixte paritaire : l’introduction d’un vote parlementaire sur le nombre d’étrangers admis au séjour, par catégories, pour les trois ans à venir, la suppression de l’article 1er relatif à la délivrance de titres pluriannuels aux apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire, le durcissement des conditions de réunification et de regroupement familial, ou encore la suppression de l’aide médicale de l’État.
Cependant, s’agissant de l’économie générale du texte, il n’existe pas, selon nous, de profonde divergence entre les deux majorités parlementaires et, donc, entre la droite et le Gouvernement. Je rappelle que l’une des mesures les plus préoccupantes que le Sénat ait introduites a été adoptée in extenso par les députés du groupe La République en Marche : la limitation du droit du sol à Mayotte qui rend obligatoire, pour les enfants nés à Mayotte, la présence de manière régulière sur le territoire national de l’un de leurs parents depuis plus de trois mois au jour de leur naissance.
Une brèche est ainsi ouverte dans le droit du sol, et l’amendement proposé par le député Guillaume Larrivé, qui a défendu l’extension de cette restriction à l’ensemble du territoire « au nom de l’unité du droit de la nationalité », ne fait que confirmer notre inquiétude !
Ainsi, l’équilibre revendiqué par la majorité à l’Assemblée nationale ne nous satisfait pas davantage et représente au contraire, pour nous, un leurre. Finalement, nous n’approuvons pas le texte, que ce soit dans sa version sénatoriale « aggravée » ou dans sa version initiale, quelque peu amendée par l’Assemblée nationale, qui portait déjà gravement atteinte au droit d’asile et aux droits des étrangers. Il y a peu, Gérard Collomb, qui souhaitait voir la loi adoptée avant le mois de septembre, indiquait que « l’aile gauche [n’était] pas représentative de la majorité ».
Le mois dernier, lors du long débat qui a eu lieu sur ce texte au Sénat, nous avons eu l’occasion d’exprimer l’ensemble des positions de notre groupe, que ce soit à travers la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité que nous avons déposée, ou à travers la centaine d’interventions que nous avons effectuées. Aussi vais-je me borner à l’essentiel.
La grande majorité de nos amendements a été rejetée : ils n’exprimaient pourtant pas une idée très révolutionnaire de notre politique migratoire. Il s’agissait simplement d’améliorer les conditions de vie et d’accueil des personnes, en respectant l’intérêt supérieur de l’enfant, en veillant notamment aux droits fondamentaux : un toit, la santé, les besoins alimentaires ainsi que, éventuellement, les mêmes droits de recours que pour tout justiciable et un accès facilité au travail…
En outre, ces amendements veillaient à garantir le respect des principes fondamentaux auxquels notre pays a souscrit dans sa Constitution et dans ses engagements internationaux, considérant que, dans une Europe en proie à la montée des nationalismes, la France devait prendre ses responsabilités et réaffirmer les valeurs qu’elle a toujours défendues, et qui sont au fondement de notre République.
Je le répète, car cela est suffisamment grave pour être répété autant que de besoin, on estime à 148 millions le nombre des réfugiés climatiques à l’horizon de 2050, dont 5 millions pourraient venir en Europe.
Mes chers collègues, je vous pose la question : qu’en ferons-nous ?
Une chose est sûre : ce projet de loi et les postures politiciennes adoptées par les uns et les autres ne proposent aucune issue à ce défi humanitaire et sont loin d’être à la hauteur. Croyez bien que nous le regrettons et continuerons à faire entendre notre voix en ce sens.
( M. Roger Karoutchi s ’ exclame.) Eh oui, il y a tout de même une bonne nouvelle, mon cher collègue !