Intervention de Roger Karoutchi

Réunion du 31 juillet 2018 à 14h30
Immigration droit d'asile et intégration — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Roger KaroutchiRoger Karoutchi :

Nous sommes tous ici, gauche, droite – ou nouveau monde –, sur la même ligne : il faut respecter le droit d’asile et refuser que ce droit soit contourné au profit d’une immigration économique. Mais comment redéfinir un droit d’asile cohérent, digne de ce que nous sommes et de l’histoire de notre pays ? Songez – là encore, je n’accuse personne, car tout le monde est responsable – à la manière dont on a traité ceux qui obtenaient le statut de réfugié ou le droit d’asile. Ils ne sont toujours pas bien traités par la République, alors qu’ils devraient être au cœur de notre volonté d’intégration.

On nous dit qu’il faut s’ouvrir aux vagues migratoires. Soit ! Mais, comme je l’ai dit le mois dernier, nous n’avons plus les mêmes moyens qu’il y a vingt ou trente ans. Nous ne sommes plus capables de dire à ceux qui sont l’essence même du droit d’asile et obtiennent le statut de réfugié que nous allons les traiter correctement.

La vérité, c’est qu’il faut tout remettre à plat. Les amendements que j’ai fait adopter sont sûrement très intéressants, mais ce n’est pas eux qui réformeront la politique en la matière. Que fait-on avec l’OFPRA et l’OFII ? Quelles nouvelles missions leur confie-t-on ? Comment se doter d’une politique migratoire et d’une politique du droit d’asile cohérentes, dignes de nous et qui, dans le même temps, correspondent aux moyens matériels et financiers dont nous disposons ?

C’est facile de dire qu’il faut laisser entrer les migrants, mais, comme le disait un orateur, on voit ce qui se passe dans nos grandes villes : des camps se développent. Et qu’est-ce qu’on fait de ces camps ? On l’a encore vu récemment à Paris et en région parisienne : on les déplace, on met trois mois les personnes dans un gymnase, puis, comme la ville finit par hurler, on les déplace dans un gymnase d’une autre ville, qui va accepter de les accueillir si ça ne dure pas plus de trois mois, à l’issue desquels on les déplacera à nouveau. Est-ce que c’est digne ? Non !

Je regrette que le débat au Parlement sur l’orientation de la politique migratoire ne puisse pas avoir lieu ; l’Assemblée nationale n’en a pas voulu. Nous souhaitions que le Parlement ait un droit de regard sur ce qui est digne, correct, cohérent, et sur ce qui ne l’est pas, parce que, comme je l’ai dit la dernière fois, il n’y a pas, d’un côté, ceux qui sont extrêmement généreux et, de l’autre, ceux qui sont extrêmement égoïstes. Il y a simplement à se demander ce que nous sommes capables de faire.

Quand allons-nous dire que les personnes admises sur le territoire avec le statut de réfugié et qui, à terme, vont devenir des Français, doivent être traitées correctement ? Quand allons-nous dire que la manière dont on les traite aujourd’hui est indigne ? Indigne ! C’est précisément parce qu’elle est indigne que nous ne pouvons pas accueillir tous les migrants qui souhaiteraient venir. Bien sûr, si nous étions surpuissants, si nous avions plein de logements vides, plein d’emplois à offrir, nous pourrions être plus généreux. Mais ce n’est pas le cas. Par conséquent, la priorité des priorités, ce sont les demandeurs d’asile, parce que ce sont eux qui fuient la guerre, les persécutions et les massacres. Je ne dis pas que la souffrance économique ne compte pas, mais ce n’est pas pareil.

Faisons au mieux, réformons, mettons les choses sur la table. En effet, dans un an, madame la ministre, après les élections européennes, si l’évolution se poursuit ainsi dans toute l’Europe, vous reviendrez devant nous avec un nouveau texte, parce que notre position ne correspondra plus à la vision européenne et que nous n’aurons pas eu le courage – tous gouvernements confondus –, depuis vingt-cinq ans, de faire face à nos responsabilités.

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