Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 30 juillet 2018 à 10h35

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président :

Lorsque la question m'a été posée de savoir s'il convenait d'auditionner M. Benalla, j'ai considéré qu'à l'évidence cette audition pourrait être utile pour éclairer les conditions d'organisation et de fonctionnement de la sécurité du Président de la République et le rôle particulier que M. Benalla y a tenu. Elle pourrait également être utile pour apprécier l'adéquation des moyens dont il disposait pour exercer ses missions et pour mieux comprendre si, au-delà de sa participation à la protection rapprochée du Président de la République - fonction qu'il revendique comme ayant été une de ses attributions - M. Benalla prenait aussi place dans la hiérarchie des services de sécurité de la présidence de la République et jouait plus largement un rôle d'interface avec les services de sécurité du ministère de l'intérieur.

Cependant, il m'est apparu que deux principes rendaient cette audition difficile, au premier rang desquels celui de la séparation des pouvoirs, exigence fondamentale que nous passons nos journées à rappeler depuis le début de ces auditions, et dont nous sommes les gardiens en tant que membres de la commission des lois exerçant les pouvoirs d'une commission d'enquête. Nous ne pouvons pas prendre à la légère ce principe et nous ne devons pas enquêter sur des faits qui font l'objet de poursuites ou bien d'une information judiciaires.

Il faut pourtant préciser, pour être parfaitement exact, que cet obstacle a déjà été levé dans le passé, par exemple en 1999, lorsque la commission d'enquête du Sénat sur les paillotes corses a auditionné le préfet Bonnet et plusieurs autres protagonistes. Elle avait toutefois pris de très grandes précautions, en auditionnant les intéressés à huis clos, en écartant toute question relative à des faits dont la justice était saisie et en ne rendant pas publics dans son rapport les éléments susceptibles d'intéresser la justice.

L'autre principe qui rend difficile l'audition de M. Benalla est celui du respect des droits de la défense. Il ne faudrait pas qu'une personne auditionnée s'exprimant sous serment devant la commission puisse être conduite à témoigner contre elle-même. Ce principe fondamental des droits de la défense est reconnu par le Conseil constitutionnel et par la Cour européenne des droits de l'homme. D'où ma décision initiale d'écarter cette audition, la semaine dernière.

À l'occasion d'un entretien dans un journal, après avoir livré sa propre version de ses fonctions, M. Benalla a fait savoir son « envie » - ce sont ses termes - d'être auditionné par notre commission, ajoutant qu'il avait « de quoi nous donner des explications ». Dès lors, dans le respect des principes essentiels que je viens de rappeler, auxquels nous ne devons jamais déroger, je m'entretiendrai de nouveau avec nos rapporteurs, et nous aurons une discussion interne à la commission, puis nous verrons à la rentrée ce qu'il convient de faire.

Nous entendons à présent M. Michel Lalande, préfet de la région Hauts-de-France et préfet du Nord, et M. Luc-Didier Mazoyer, inspecteur général de la police nationale et directeur départemental de la sécurité publique du Nord. Pourquoi avons-nous décidé de les entendre ? Tout simplement, parce qu'au vu de leur grande expérience de l'organisation des déplacements présidentiels, ils pourront nous expliquer très factuellement comment se sont déroulés les deux déplacements présidentiels qui ont eu lieu dans le département du Nord, l'an dernier. Même si M. le préfet n'a peut-être pas été directement en contact avec M. Benalla, car il oeuvre au sommet de la pyramide de l'État dans son département, il a sans doute pu recueillir quelques informations sur le rôle que celui-ci jouait lors des déplacements présidentiels. Il pourra nous dire comment M. Benalla s'est inscrit dans l'organisation de ces déplacements, ce qui correspond à la fonction officielle qui lui était attribuée selon ce qu'a rappelé le directeur de cabinet du Président de la République. Il pourra aussi nous éclairer sur la manière dont M. Benalla a oeuvré à la protection rapprochée du chef de l'État, fonction de fait qu'il revendique et que nous avons pu constater.

Nous aurons une audition de même nature, cet après-midi, avec M. le préfet de police des Bouches-du-Rhône.

Notre commission ayant été dotée des prérogatives d'une commission d'enquête, je dois vous demander de prêter serment. Un faux témoignage serait passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Michel Lalande et Luc-Didier Mazoyer prêtent serment.

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