Nous avons eu l'occasion, à plusieurs reprises, de répéter que cet article 40 ne comporte aucune espèce de restrictions sur la nature des autorités publiques qui doivent l'utiliser. Si le ministre de l'intérieur s'est fait pour lui-même sa propre doctrine - à supposer qu'elle corresponde à celle de ses prédécesseurs - cela n'est qu'une doctrine ; en réalité, l'obligation pèse sur lui comme sur toute autre autorité publique... Les faits justifient-ils vraiment de déclencher l'article 40 ? Nous avons interrogé plusieurs personnalités qui auraient pu le décider elles-mêmes, notamment certaines autorités préfectorales, qui nous ont confortés dans notre idée.
À cet égard, un seul point est absolument certain : le procureur de la République, lui, quand il a eu connaissance des faits, n'a pas estimé qu'ils étaient en deçà du niveau permettant l'ouverture d'une enquête préliminaire, puis d'une instruction.
D'une certaine manière, l'appréciation faite par les différentes autorités hiérarchiques, jusqu'au ministre de l'intérieur et au directeur de cabinet du Président de la République, diverge de celle du procureur de la République de Paris quant à la gravité du délit. Notre commission des lois, investie des pouvoirs d'une commission d'enquête, aura à se prononcer sur ce sujet.
En outre, il importe de savoir si le cabinet du ministre de l'intérieur a demandé, dès les premiers jours qui ont suivi le dysfonctionnement du 1er mai 2018, à accéder aux images de vidéoprotection de la Ville de Paris, afin de faire la lumière sur les circonstances de l'intervention de M. Benalla place de la Contrescarpe. Le cabinet du ministre s'est-il interrogé sur ce point ? À votre connaissance, la demande a-t-elle été faite, par le cabinet du ministre de l'intérieur ou par une autre autorité ? Il a fallu attendre qu'un grand quotidien rende l'affaire publique pour qu'une enquête de l'IGPN soit ouverte.
Au fond, le 2 mai, s'est-on contenté de savoir, premièrement, que la présidence de la République, qui emploie M. Benalla, a été dûment informée de ce qui s'est passé et, deuxièmement, que celle-ci a décidé d'une sanction ? Cette dernière semble avoir épuisé toute autre réaction des pouvoirs publics face au dysfonctionnement dont il s'agit.