Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, je vous ai quitté hier au milieu des ors et de la pourpre du Saint-Siège et de Saint-Jean-de-Latran. Je vous retrouve aujourd'hui dans la chapelle des Pairs. Espérons qu'à force, tout ceci va nous inspirer et que l'Esprit sera avec nous !
Nous avons choisi en commun d'aborder l'Europe et l'accumulation des défis auxquels notre continent est dorénavant confronté. D'aucuns, à la faveur des crises successives que nous connaissons, parlent d'un éclatement potentiel de l'Union européenne, en s'appuyant à la fois sur cette crise des migrants révélatrice des nombreuses incompréhensions, pour ne pas dire des difficultés, qui existent au sein des pays de l'Union européenne. La pression migratoire est paradoxalement en nette baisse par rapport à ce qu'elle a pu être ces dernières années. Le Président de la République l'a rappelé hier et vous l'avez vous-même répété.
Néanmoins, la question migratoire reste un sujet important pour nos opinions publiques, mais aussi un véritable sujet de discorde entre les États membres, qu'il s'agisse de l'ouverture des ports aux navires des ONG ou bien de la répartition de la charge des réfugiés.
Vous nous ferez donc le point sur les différents volets du débat et sur la position de la France. Que faut-il notamment penser des propositions d'établir en dehors ou à la lisière du territoire européen des centres destinés à examiner la situation des migrants au regard du droit d'asile ? Comment les répartir à partir de ces centres extérieurs au territoire européen ? Quelles sont les options envisageables ?
Par ailleurs, l'attitude de l'administration américaine n'est pas toujours facile à comprendre face aux prémices de la guerre commerciale qui menace avec les États-Unis. Ce que nous constatons, en revanche, c'est une contestation toujours plus forte du multilatéralisme.
Certes, après les mesures unilatérales prises par le président américain, l'Union européenne a augmenté significativement ses droits de douane sur un certain nombre de produits emblématiques. Nous avons décidé de renforcer nos instruments de défense commerciale, mais cela sera-t-il suffisant pour peser dans la balance face aux États-Unis ?
Ceux-ci ont rétabli des sanctions à l'encontre de l'Iran à propos desquelles nous aimerions vous entendre. L'Europe est-elle prête à affronter à nouveau l'application extraterritoriale des lois américaines, qui avaient coûté si cher à un certain nombre de banques, et qui risque de coûter encore bien cher à nos entreprises, notamment dans le secteur automobile ?
Quelques-uns de nos collègues sortent à l'instant même d'une audition avec l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Paris. Nous aimerions connaître votre analyse sur l'état des négociations concernant le Brexit. On a évoqué devant l'ambassadeur l'état de l'opinion, mais aussi les sentiments partagés qui parcourent le Parlement anglais. Le Brexit interroge le futur même de l'Union européenne, et on peine à voir un accord avec les Britanniques se dégager sur les conditions du retrait et l'accord de transition. L'hypothèse du no deal ressurgit. Elle serait évidemment très lourde de conséquences, et c'est un véritable souci pour nous.
On voit bien que, plus que jamais, l'Europe doit constituer un front uni pour répondre à tous ces défis. De nouveaux formats viennent d'être évoqués, notamment lors du sommet franco-allemand : initiative européenne d'intervention, Conseil de sécurité de l'Union européenne, autant de nouveaux projets qui nous semblent aller dans le bon sens, mais qui nous apparaissent quelque peu flous. Peut-être pourrez-vous nous donner des précisions à ce sujet.
Nous voyons bien que, malgré ces déclarations très politiques, il existe des différences de culture stratégique, de fonctionnement institutionnel avec nos partenaires européens, notamment allemands. Comment va-t-on pouvoir surmonter ces divergences ? En d'autres termes - question que le Sénat se pose depuis un certain temps - comment refonder l'Europe ?
Monsieur le ministre, vous avez la parole.