Intervention de Jean-Ludovic Silicani

Commission d'enquête mutations Haute fonction publique — Réunion du 3 juillet 2018 à 15h00
Audition de M. Jean-Ludovic Silicani conseiller d'état

Jean-Ludovic Silicani :

Suite à la parution de mon livre blanc, quelques mesures ont été prises, dont un début de remise aux normes des régimes de rémunération, élément essentiel de la gestion des Ressources Humaines.

Aujourd'hui, le régime de rémunération de la Haute Fonction Publique est incompréhensible. Nous ignorons les raisons pour lesquelles les personnes travaillant dans le secteur de la santé ou de l'environnement sont beaucoup moins bien payées que les chargés des finances publiques. Lorsque les tâches de finances publiques étaient importantes, cet écart se justifiait, mais désormais tout est informatisé, ce qui ne légitime pas une telle différence. Je ne suis donc pas certain que les inspecteurs des finances publiques doivent être mieux rémunérés, à niveau de responsabilités équivalentes, que les employés du Ministère des Affaires Sociales ou de l'Environnement.

Le régime de rémunération est donc à la fois illisible et inéquitable, ce qui se traduit par une impossibilité de la mobilité. Alors que certaines administrations connaissent des excédents de personnel et d'autres des insuffisances d'effectif sur des profils similaires, les déplacements et mobilités internes à la Fonction Publique sont rendus impossibles par ces écarts de rémunération, qui amèneraient certaines personnes à perdre jusqu'à 50 % de leur salaire.

La clarification des rémunérations s'impose comme un élément essentiel de l'optimisation des moyens importants que la Nation consacre au fonctionnement de nos services publics.

Cette réforme, bien qu'amorcée en 2008, a ensuite été abandonnée, ce que je regrette. Il serait bénéfique de revenir à un système de rémunération clair.

D'autres mesures ont été prises, comme la Loi sur la mobilité en 2009, votée par le Parlement, ayant permis de faciliter la mobilité des agents publics d'une administration et d'une fonction publique à une autre. Des mesures plus techniques, prises par voie réglementaire, se sont également montrées favorables à cette mobilité.

Une réforme plus globale aurait sans doute été possible, mais cet ensemble de propositions est survenu au moment de la crise économique et financière de 2008-2009, et le Gouvernement de l'époque a estimé difficile la mise en oeuvre d'une réforme ambitieuse. Cette réforme n'a donc pu être menée, et les changements de majorité ont ensuite repoussé ces modifications.

Cependant, depuis quelques mois, il me semble que des évolutions pourraient abonder dans ce sens. Nous en saurons davantage d'ici l'automne prochain.

Selon Michel Debré, l'administration doit être le serviteur autonome du Gouvernement, formule que j'adopte volontiers. Toutefois, j'estime que les pouvoirs du Parlement sont trop restreints dans ses fonctions de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, alors que ce sont ses missions constitutionnelles, ce qui permettrait au Sénat et à l'Assemblée Nationale de s'impliquer davantage dans le fonctionnement de nos administrations.

Les politiques publiques obéissent au partage des tâches, où le Ministre, le Gouvernement et le pouvoir politique fixent leurs grandes orientations stratégiques et les priorités des politiques publiques. Cependant, j'estime qu'un bon Ministre devrait consulter ses Directeurs d'Administration Centrale afin de bénéficier de leur expertise dans leurs domaines d'activité respectifs. De cette dialectique naîtra une administration efficace, actuellement affaiblie par un manque de dialogue entre la politique et la technique.

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