Intervention de Jean-Louis Nadal

Commission d'enquête mutations Haute fonction publique — Réunion du 5 juillet 2018 à 10h35
Audition de M. Jean-Louis Nadal président de la haute autorité pour la transparence de la vie publique hatvp

Jean-Louis Nadal, président de la HATVP :

Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, et comme j'avais déjà eu l'occasion de le faire à l'époque devant la commission d'enquête du Sénat dans laquelle siégeait M. Stéphane Mazars, je ne suis pas pour les fusions-absorptions, et chacun doit prendre ses responsabilités.

L'intérêt général, l'intérêt politique du pays, l'intérêt même des citoyens dans une démocratie, c'est de voir clair et de faire en sorte que ce qui est perçu comme une zone d'ombre devienne au fil du temps plus transparent, pour reprendre l'emblème de l'institution que je préside. Il y a des zones où on peut effectivement se poser des questions, mais cela exigerait de mettre les choses à plat.

Par exemple, les membres des cabinets ministériels relèvent de la HATVP durant leurs fonctions. Nous recevons leurs déclarations patrimoniales, leurs déclarations d'intérêts, nous les contrôlons, nous leur enjoignons de faire cesser les conflits d'intérêts. Tout est clair. Cependant, à l'issue de leurs fonctions, il revient à la commission de déontologie d'autoriser leur départ dans le secteur privé. La HATVP n'a pas son mot à dire. Le contrôle est donc interrompu au risque de devenir moins efficace. Le législateur avait d'ailleurs souhaité unifier cette disposition dans la loi Sapin 2, mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'elle n'était pas intelligible. Dont acte. Voilà une illustration de dysfonctionnement.

Autre exemple de la difficulté d'articulation entre la HATVP et la commission de déontologie : bien que je sois un homme de dialogue et que j'essaye d'éviter que les choses ne dérapent, il est arrivé fréquemment qu'un membre d'une AAI soit un agent public. Celui-ci entre donc dans le champ théorique de la compétence de la HATVP et de la commission de déontologie. La loi est censée avoir réglé ce doublon en prévoyant que, dans ce cas, la HATVP est seule compétente pour se prononcer sur l'intégralité des fonctions publiques occupées, mais il est arrivé à plusieurs reprises que la commission de déontologie soit saisie par l'administration d'origine et rende un avis autorisant le départ d'un fonctionnaire dans le secteur privé plutôt que de se dessaisir au profit de la HATVP. Nous avons donc été amenés à nous prononcer sur des situations dans lesquelles des personnes qui avaient reçu l'autorisation de la commission de déontologie exerçaient une activité depuis plusieurs mois alors même qu'il y avait difficulté !

Nous avons eu à traiter après coup un cas particulièrement difficile à gérer sur le plan humain d'un individu à qui la commission de déontologie avait accordé le droit d'exercer dans le privé les responsabilités qu'il visait. Conformément aux lois d'octobre 2013, nous nous sommes autosaisis et avons rendu un avis d'incompatibilité. Vous imaginez la situation de l'intéressé, qui a dû quitter le poste qu'il occupait, en dépit du service qu'il rendait depuis de nombreux mois à l'entreprise ! Ce ne sont pas des choses que l'on manage sans difficulté.

Le législateur est maître du jeu. S'il y a lieu d'avoir des réajustements dans les catégories, dans la strate, dans la hiérarchie, dans les responsabilités, c'est au législateur de prendre ses responsabilités. Il faut essayer d'être cohérent et éviter les dysfonctionnements.

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