Mes chers collègues, nous auditionnons ce matin M. Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Monsieur le président, nous avons souhaité vous entendre d'une part au titre du contrôle qui s'exerce aujourd'hui sur les départs des fonctionnaires dans le privé et leur retour, plusieurs voix parmi les plus autorisées demandant le rattachement de la commission nationale de déontologie de la fonction publique à la HATVP - ou du moins d'une partie de ses fonctions. D'autres, comme le président de cette instance, qui considèrent que vous ne faites pas le même métier, ne sont pas favorables à ce rattachement. Vous nous direz ce que vous en pensez.
Plus largement, quel regard portez-vous sur la qualité du contrôle exercé dans la haute fonction publique en matière d'allers-retours entre le public et le privé et sur le caractère opérationnel de la notion de conflit d'intérêts, telle qu'elle a été définie en 2016 ?
Nous vous avons sollicité aussi en tant que président d'une autorité administrative indépendante (AAI). Le passage d'un responsable des services de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) chez Google France a suscité, vous le savez, une certaine émotion. Le parcours des personnels des AAI est lié à la question des compétences dont celles-ci ont besoin et au manque de perspectives de carrière qu'elles offrent. Nous serions donc très intéressés par votre avis sur le sujet.
Avant de vous laisser la parole, monsieur le président, je dois vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dites : « Je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Jean-Louis Nadal prête serment.
Merci, monsieur le président. Je vous donne la parole pour un exposé liminaire, avant que M. le rapporteur ne vous pose ses questions.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre invitation. Je suis très heureux de pouvoir contribuer aux travaux de votre commission d'enquête, qui vise à répondre à une série de questions sur les mutations de la haute fonction publique et leurs conséquences sur le fonctionnement des institutions de la République.
Si vous en êtes d'accord, je m'efforcerai, dans ce propos liminaire, de vous présenter le travail de la HATVP, tout en répondant à certaines des questions que vous avez bien voulu me faire parvenir avant notre rencontre.
Un rappel important tout d'abord : on réduit souvent la HATVP à son action à l'égard des politiques. C'est la partie la plus visible de son activité, grâce à la publication de leurs déclarations. Pourtant les élus, ministres, parlementaires, ne sont pas majoritaires au sein des différentes catégories de responsables publics que la HATVP contrôle et conseille. De fait, ce sont les non élus qui sont aujourd'hui les plus nombreux. La proportion tourne aujourd'hui autour de 60-40.
Sur les 15 800 personnes entrant aujourd'hui dans le champ des lois d'octobre 2013, près de 9 000 ne sont pas des élus, mais des agents publics au sens large. L'action de la HATVP à leur égard est bien entendu moins visible, notamment parce que leurs déclarations ne sont pas publiques, conformément à la décision du Conseil constitutionnel de 2013, et que l'essentiel des activités de la HATVP est confidentiel. Pour autant, il représente une part importante du travail de la HATVP.
S'agissant des fonctionnaires, objet de votre commission d'enquête, comme vous le savez, les lois d'octobre 2013 et la loi du 20 avril 2016 ont renforcé les obligations des fonctionnaires en matière d'exemplarité et de probité. Elle pose les principes déontologiques auxquels tout agent doit se conformer - la dignité, l'intégrité, la probité. Elles créent l'obligation de prévenir et de faire cesser immédiatement les conflits d'intérêts et reconnaissent le droit de tous les agents publics à bénéficier de conseils déontologiques.
Complémentaires, les lois d'octobre 2013 et d'avril 2016 prévoient une approche centrée sur les personnes particulièrement exposées au risque déontologique et les soumettent à diverses obligations déclaratives, dans une logique de cercles concentriques, en fonction de leur position hiérarchique, de la nature des fonctions exercées et de leur incidence économique et financière. Ceci concerne les hauts fonctionnaires occupant un emploi à la décision du Gouvernement, nommés en conseil des ministres - préfets, ambassadeurs, recteurs, directeurs d'administration centrale. Trois décrets de décembre 2016 et d'avril 2017 déterminent la liste des emplois concernés par l'obligation de transmettre une déclaration de patrimoine, une déclaration d'intérêts, et de confier la gestion de leur patrimoine financier sans droit de regard à un tiers.
Néanmoins, j'attire votre attention sur le fait que, s'agissant de la fonction publique d'État, ces décrets renvoient à des arrêtés ministériels le soin de fixer la liste des postes effectivement concernés. Nous sommes le 5 juillet 2018, et seuls quatre de ces arrêtés ont à ce jour été publiés. Plus de deux ans après la promulgation de la loi, nous ne connaissons toujours pas la liste des postes effectivement soumis aux obligations déclaratives au sein de nombreux ministères, malgré nos multiples relances auprès du Gouvernement à ce sujet.
Ce dispositif de déclaration, nouveau dans le fonctionnement institutionnel français, place la HATVP, dans une position particulière : détentrice de très nombreuses informations confidentielles issues de leurs déclarations, la HATVP est en capacité d'apprécier la diversité des profils et des situations des agents publics lors de leur prise de fonctions. Conscient des enjeux que représente cette notion abstraite de conflit d'intérêts, j'ai décidé de positionner la HATVP sur une double compétence parallèle concrète : conseil et contrôle, de la prise de fonctions jusqu'au terme de la période des réserves.
Vous m'interrogez également au sujet du pantouflage des fonctionnaires, c'est-à-dire leur départ vers le secteur privé et, le cas échéant, leur retour dans le secteur public, pour savoir si le contrôle exercé est adéquat. La question des allers-retours entre secteur public et secteur privé est une question sensible en ce qu'elle pose des problèmes éthiques et déontologiques liés au mélange des sphères privée et publique. L'ampleur du phénomène est mal connue, et il serait intéressant de le quantifier, mais aussi de le cartographier. J'espère, monsieur le rapporteur, que votre commission pourra nous fournir des données intéressantes à ce sujet.
Parmi les pistes envisageables, certaines sont plus radicales que d'autres, qu'il s'agisse de la création d'un délai de viduité pendant lequel le fonctionnaire parti dans le secteur privé ne pourrait être affecté à des fonctions en lien avec ce qu'il y faisait, ou même de la création d'un système d'aller simple vers le privé, l'agent public pouvant librement décider de quitter la fonction publique pour rejoindre une entreprise privée sans possibilité de retour. Il faut néanmoins prendre garde, le cas échéant, que ces règles ne privent l'administration de compétences acquises dans des secteurs concurrentiels, et ne s'appliquent à tous les agents de la fonction publique, du fonctionnaire de la catégorie C à celui de la catégorie A +.
On a tendance se focaliser sur quelques dizaines de noms par an, mais ce sont des dizaines de milliers d'agents de la fonction publique, qui sont en fait concernés : veut-on vraiment dissuader une infirmière hospitalière qui ne trouverait pas immédiatement de poste dans un hôpital, par exemple à la suite d'un déménagement dû à la mutation de son conjoint, de s'installer temporairement en libéral, voire l'empêcher de revenir dans le public ?
Il faut également avoir à l'esprit qu'un grand nombre des agents publics auxquels ces obligations sont applicables ne sont pas des fonctionnaires, mais des agents contractuels, pour lesquels la possibilité de rester dans le secteur public après un poste dans une administration n'est pas toujours assurée. Pour cela, le départ dans le secteur privé est parfois la seule perspective de carrière envisageable. Il faut donc trouver un équilibre, et surtout prévoir les bonnes mesures de contrôle.
S'agissant du départ dans le secteur privé, je ne peux parler que de l'expérience de la HATVP. Laissez-moi le temps de vous expliquer précisément comment nous travaillons... Quelles que soient les modalités de saisine, nous nous livrons à un double contrôle. En premier lieu, l'autorité procède à une évaluation, sous réserve d'appréciation souveraine du juge, du risque pour l'ancien responsable public de commettre le délit de prise illégale d'intérêts, parfois appelé « délit de pantouflage », en exerçant les fonctions envisagées. Ce délit punit le fait de conclure des contrats ou de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans des entreprises que le responsable public a été amené à surveiller ou contrôler, ou avec lesquelles il a conclu des contrats, ou formulé un avis sur des contrats, ou à l'égard desquels il a proposé à l'autorité compétente de prendre des décisions, ou formulé un avis sur de telles décisions, et ce pendant une période de trois ans après la fin de ses fonctions.
Le second contrôle est mené à l'aune des règles déontologiques applicables aux responsables publics et, en particulier, de l'exigence de prévention des conflits d'intérêts qui s'imposaient à eux lorsqu'ils étaient en fonction. Pour caractériser ce risque, la HATVP recherche à la fois si le demandeur a effectivement utilisé ses fonctions ministérielles ou autres pour préparer sa reconversion professionnelle, nonobstant l'absence de prise illégale d'intérêts. Elle vérifie également si l'interférence entre les anciennes fonctions et l'activité envisagée est suffisamment forte pour faire naître un doute raisonnable sur l'indépendance, l'objectivité et l'impartialité avec laquelle il les a exercées.
Enfin, l'activité envisagée ne doit pas remettre en cause le fonctionnement indépendant, impartial et objectif de l'institution dans laquelle l'intéressé a exercé ses fonctions. Le respect de cette dernière condition implique notamment que l'intéressé n'utilise pas les liens qu'il entretient avec ses anciens services au bénéfice de son activité privée.
Pour cela, la HATVP dispose d'un délai de deux mois à compter de la saisine pour se prononcer, ce qui est certes long pour l'intéressé, qui doit ainsi attendre avant de commencer sa nouvelle activité, mais permet à la HATVP de procéder à certaines vérifications, d'interroger l'administration ou le supérieur hiérarchique, etc. En pratique, l'ensemble des avis de compatibilité sont assortis de réserves à chaque situation.
Afin que ces réserves puissent être appliquées, il n'est pas suffisant qu'elles ne soient connues que de l'intéressé. C'est pourquoi la HATVP informe l'employeur et l'ancienne administration du demandeur de son avis et des réserves qu'elle a émises ainsi, le cas échéant, que les ordres professionnels régissant l'activité exercée.
Par ailleurs, elle rend publics un certain nombre de ses avis. À ce sujet, le collège de la HATVP a décidé, au printemps 2017, que soient en principe publiés tous les avis qui concernent les personnes dont les déclarations d'intérêts sont publiques, à savoir les anciens membres du Gouvernement et les anciens élus locaux. Sauf exception, les avis rendus sur la situation d'anciens membres des AAI ou des autorités publiques indépendantes (API) ne sont pas publiés, le Conseil constitutionnel ayant considéré que les déclarations d'intérêts des personnes non élues ne devaient pas être rendues publiques.
En outre - et c'est important -, depuis l'année dernière, la HATVP procède à un suivi de ses réserves et interroge annuellement les différents acteurs concernés. Chaque année, nous écrivons donc aux personnes auxquelles un avis a été rendu, y compris aux anciens ministres, pour leur demander de justifier du respect des réserves formulées. Cette possibilité n'est pas prévue directement par la loi, c'est vrai, mais elle est indispensable pour que la HATVP s'assure que les réserves qu'elle formule ne restent pas lettre morte.
S'agissant de la question des retours dans le secteur public après une expérience dans le privé, je ne suis pas favorable à la proposition d'instaurer un avis préalable et systématique de la commission de déontologie à la nomination à une fonction d'autorité d'un agent revenant de la fonction publique après une expérience dans le secteur privé, car il me semble que cela revient à décharger l'administration et l'autorité hiérarchique de leurs responsabilités. Aujourd'hui, les outils existent pour permettre à l'administration de s'assurer de nommer le fonctionnaire qui revient dans une position qui ne le place pas en situation de conflit d'intérêts. En effet, la loi du 20 avril 2016 a prévu qu'un certain nombre de fonctionnaires doivent transmettre une déclaration d'intérêts préalablement à leur nomination. L'administration possède donc les informations nécessaires pour prendre une décision éclairée quant à la nomination de la personne. Il ne faut pas lui enlever cette responsabilité.
C'est d'autant plus vrai que la HATVP, en cas de doute, peut toujours être saisie pour avis sur l'existence d'une situation de conflit d'intérêts au regard des fonctions précédemment exercées dans le secteur privé. Cela se produit parfois. Dans ce cas, nous formulons les préconisations qui s'imposent pour garantir que le retour dans l'administration soit entouré des précautions indispensables à la prévention des situations de conflit d'intérêts.
S'agissant des membres des cabinets, la situation est plus complexe, notamment parce que beaucoup d'entre eux viennent du secteur privé et ont vocation à y retourner une fois leur mission terminée. Là encore, je pense que c'est uniquement par un dispositif efficace de prévention des conflits d'intérêts que les difficultés inhérentes à ces allers-retours peuvent être réglées. La HATVP s'attache à jouer le rôle que la loi lui a attribué en la matière : nous examinons toutes les déclarations d'intérêts adressées par les conseillers ministériels et, lorsqu'une situation potentielle de conflit d'intérêts est identifiée à l'égard de leur ancien employeur, nous leur préconisons des mesures de déport appropriées, dont nous définissions également la durée et les modalités de publicité.
Ce n'est pas un exercice facile, je ne vous le cache pas, dans la mesure où l'idée selon laquelle le fait d'avoir travaillé dans une entreprise privée avant de rejoindre un cabinet ministériel peut, en tant que telle, générer un conflit d'intérêts et n'est pas toujours acceptée par les principaux intéressés. On nous dit parfois que l'on veut freiner l'accès de la société civile aux responsabilités publiques, que qu'il n'y a plus d'intérêts financiers dans une entreprise dès lors qu'il n'y a plus de conflit d'intérêts possible, ou encore que c'est à chacun d'apprécier s'il est ou non nécessaire de se déporter à l'égard de son ancien employeur. Nous continuons cependant notre travail de conviction et de pédagogie auprès des institutions concernées, en espérant que ces idées reçues finiront par évoluer.
Le rôle de l'administration dans l'identification des zones de risques pour une personne ayant précédemment exercé des fonctions dans le secteur privé, est essentiel. Cette culture de la déontologie - j'insiste sur le mot qui est à mon sens au coeur des vrais débats - doit se diffuser, en premier lieu par les structures elles-mêmes qui, avec le temps, pourront mesurer l'enjeu en termes de gestion des ressources humaines. Notre rôle n'est pas d'empêcher des personnes compétentes d'exercer leur savoir-faire dans l'exercice de la chose publique, mais au contraire de les protéger, de leur permettre de se consacrer pleinement à leur mission - et je mesure mes mots lorsqu'on connaît la charge de travail que cela représente - dans un climat qui ne soit pas nourri par la suspicion.
Vous m'interrogez également sur la possibilité d'un transfert total ou partiel de la compétence de la commission de déontologie à la HATVP. C'est une question qui revient régulièrement dans le débat public. C'est surtout une question qui relève clairement du législateur.
La fusion a été préconisée par le rapport de M. Jean-Marc Sauvé sur la prévention des conflits d'intérêts, en 2011. À l'époque, c'est la Commission pour la transparence financière de la vie politique qui jouait le rôle de la HATVP. Cette fusion a été envisagée à plusieurs reprises par le Parlement, notamment lors des débats de la loi d'avril 2016. Elle permettrait sûrement de résoudre une partie des difficultés actuelles sur les fonctions les plus sensibles, la HATVP ayant développé, ces dernières années, une expertise spécifique à ces situations.
Je le dis avec d'autant plus de simplicité que je ne revendique rien pour moi-même. Si un texte devait prévoir une telle fusion, il me semble qu'un délai d'entrée en vigueur serait nécessaire pour préparer la chose convenablement. Or mon mandat à la HATVP, vous le savez, est non renouvelable et s'achèvera de toutes les manières le 19 décembre 2019.
Mon propos ne porte toutefois pas sur les structures. Lorsque la HATVP s'est vue confier la mission de prévention des risques de conflit d'intérêts lors du pantouflage d'anciens membres du Gouvernement ou des membres des AAI notamment, il nous a fallu faire preuve de créativité, et nous avons instauré une procédure de veille de ces publics, de recherches approfondies à partir de données souvent disponibles en source ouverte, afin d'élaborer des recommandations adaptées à cette délicate alchimie entre le respect du choix de chacun de valoriser ses compétences et la nécessité de préserver la neutralité des décisions publiques, en dehors de toute considération personnelle.
Nos recommandations sont pour certaines publiques, souvent assorties de réserves, comme ce fut le cas pour les ministres du Gouvernement précédent, et surtout suivies par nos services, qui vérifient une fois par an, je l'ai dit, le respect de nos recommandations. Cette procédure, développée de manière empirique, dans un souci de respect du principe de la contradiction et de l'efficacité, est je pense aujourd'hui unanimement reconnue pour sa qualité, et ceci ne tient pas à la structure, mais à une volonté et à une méthode.
La principale difficulté me paraît se situer ailleurs. Tout le dispositif de prévention du pantouflage repose aujourd'hui sur une infraction pénale qui n'a pour ainsi dire jamais été appliquée - il doit y avoir moins de dix condamnations en cent ans - parce qu'elle n'est tout simplement pas pertinente. Pour le dire clairement, il me semble que le délit prévu à l'article 432-13 du code pénal est largement inadapté aux situations rencontrées.
Tout d'abord, ce dispositif peut conduire à interdire à un responsable public d'exercer une activité qui ne pose aucune difficulté au plan déontologique au seul motif que celui-ci, parfois plusieurs années auparavant, a signé un acte au bénéfice d'une entreprise, même dans l'hypothèse où il se trouvait en situation de compétences liées et n'avait donc aucune marge d'appréciation sur l'opportunité de cet acte. Selon la jurisprudence établie, le délit s'applique uniquement si un acte juridique pris au bénéfice de l'entreprise dans laquelle l'intéressé va exercer son activité peut être identifié. Un responsable public qui serait intervenu de manière déterminante au bénéfice d'une entreprise et qui l'a ensuite rejoint ne commet pas ainsi ce délit dès lors qu'il ne dispose pas lui-même de prérogatives juridiques à l'égard de cette entreprise et n'a pas directement conseillé la personne qui détient ces prérogatives. Cette jurisprudence rend par exemple le délit quasiment inapplicable aux conseillers ministériels, comme l'a illustré une affaire célèbre il y a quelques mois.
Il m'apparaît que l'appréciation de la situation d'un agent public qui souhaite exercer une activité privée nécessite une approche concrète afin de déterminer s'il existe une situation de conflit d'intérêts ou un risque de nature déontologique. C'est la raison pour laquelle les départs dans le secteur privé sont soumis au contrôle préalable d'une autorité administrative - commission de déontologie ou HATVP - chargée, sous le contrôle d'un juge, de les refuser dans les cas les plus problématiques et de formuler des réserves dans les autres cas.
Toutefois, le fait de ne pas saisir l'une de ces autorités ou de ne pas respecter l'avis qu'elles émettent ne fait actuellement l'objet, en tant que tel, d'aucune sanction. Dans ces conditions, le délit prévu à l'article 432-13 du code pénal ne paraît pas adapté à la réalité du contrôle opéré sur la situation des responsables publics, qui rejoignent le secteur privé. Il me semble que ce qui devrait être véritablement sanctionné, c'est l'absence de saisine de l'autorité de contrôle, qu'il s'agisse de la HATVP ou de la commission, ou la méconnaissance des réserves prononcées.
Voilà les remarques que je souhaitais apporter. Je vous remercie de votre attention et suis bien entendu à votre disposition pour un échange que j'espère large et fructueux.
Merci pour la richesse de votre propos introductif.
La parole est à M. le rapporteur.
À mon tour de vous remercier, monsieur le président.
Je commencerai par une question relativement simple. L'idée de vous confier une mission que la commission de déontologie exécute plus ou moins revient régulièrement. On a vu qu'il existe quelques limites à son action. On peut se demander, dans un premier temps, si ce n'est pas de sa part une façon de repasser le problème à quelqu'un d'autre.
Ne conviendrait-il pas, au moins pour un certain type de fonctions à risques ou interférant avec la décision politique, dans lesquelles le haut fonctionnaire, même s'il affirme le contraire, est partie prenante de l'élaboration de la politique publique - et à condition que vous en ayez les moyens - de réserver un sort spécial à certaines catégories de très hauts fonctionnaires ? Je ne sais si vous avez assez d'effectifs pour cela, mais cela vous permettrait d'appliquer votre jurisprudence.
La commission de déontologie nous a dit que ce n'est pas son travail et que cela relève de l'administration, qui n'a pas l'air de faire preuve d'un enthousiasme extraordinaire. Nous avons même pu constater qu'elle ne faisait pas toujours la distinction entre prise illégale d'intérêts et conflit d'intérêts, ce qui est quelque peu étonnant ! Le transfert des responsabilités à la HATVP ne vous semble-t-il pas pouvoir améliorer le fonctionnement du dispositif ?
Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, et comme j'avais déjà eu l'occasion de le faire à l'époque devant la commission d'enquête du Sénat dans laquelle siégeait M. Stéphane Mazars, je ne suis pas pour les fusions-absorptions, et chacun doit prendre ses responsabilités.
L'intérêt général, l'intérêt politique du pays, l'intérêt même des citoyens dans une démocratie, c'est de voir clair et de faire en sorte que ce qui est perçu comme une zone d'ombre devienne au fil du temps plus transparent, pour reprendre l'emblème de l'institution que je préside. Il y a des zones où on peut effectivement se poser des questions, mais cela exigerait de mettre les choses à plat.
Par exemple, les membres des cabinets ministériels relèvent de la HATVP durant leurs fonctions. Nous recevons leurs déclarations patrimoniales, leurs déclarations d'intérêts, nous les contrôlons, nous leur enjoignons de faire cesser les conflits d'intérêts. Tout est clair. Cependant, à l'issue de leurs fonctions, il revient à la commission de déontologie d'autoriser leur départ dans le secteur privé. La HATVP n'a pas son mot à dire. Le contrôle est donc interrompu au risque de devenir moins efficace. Le législateur avait d'ailleurs souhaité unifier cette disposition dans la loi Sapin 2, mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'elle n'était pas intelligible. Dont acte. Voilà une illustration de dysfonctionnement.
Autre exemple de la difficulté d'articulation entre la HATVP et la commission de déontologie : bien que je sois un homme de dialogue et que j'essaye d'éviter que les choses ne dérapent, il est arrivé fréquemment qu'un membre d'une AAI soit un agent public. Celui-ci entre donc dans le champ théorique de la compétence de la HATVP et de la commission de déontologie. La loi est censée avoir réglé ce doublon en prévoyant que, dans ce cas, la HATVP est seule compétente pour se prononcer sur l'intégralité des fonctions publiques occupées, mais il est arrivé à plusieurs reprises que la commission de déontologie soit saisie par l'administration d'origine et rende un avis autorisant le départ d'un fonctionnaire dans le secteur privé plutôt que de se dessaisir au profit de la HATVP. Nous avons donc été amenés à nous prononcer sur des situations dans lesquelles des personnes qui avaient reçu l'autorisation de la commission de déontologie exerçaient une activité depuis plusieurs mois alors même qu'il y avait difficulté !
Nous avons eu à traiter après coup un cas particulièrement difficile à gérer sur le plan humain d'un individu à qui la commission de déontologie avait accordé le droit d'exercer dans le privé les responsabilités qu'il visait. Conformément aux lois d'octobre 2013, nous nous sommes autosaisis et avons rendu un avis d'incompatibilité. Vous imaginez la situation de l'intéressé, qui a dû quitter le poste qu'il occupait, en dépit du service qu'il rendait depuis de nombreux mois à l'entreprise ! Ce ne sont pas des choses que l'on manage sans difficulté.
Le législateur est maître du jeu. S'il y a lieu d'avoir des réajustements dans les catégories, dans la strate, dans la hiérarchie, dans les responsabilités, c'est au législateur de prendre ses responsabilités. Il faut essayer d'être cohérent et éviter les dysfonctionnements.
Je voudrais aborder à présent une question un peu plus compliquée, celle des conflits d'intérêts. On nous explique qu'il vaut mieux prévenir que guérir. On a ainsi créé une agence de prévention de la corruption, comme si on pouvait être corrompu sans s'en apercevoir. Il paraît que c'est possible. J'ai un peu de mal à le croire.
Ne devrait-on pas réaliser un dosage un peu plus fin entre prévention et sanctions, notamment en revoyant quelques éléments du code pénal, ainsi que la façon de concevoir le conflit d'intérêts ? Je ne suis pas du tout convaincu par le fait que la notion de déport permette de régler le problème : si vous avez été banquier et que vous devenez gouverneur de la Banque de France, vous ne pouvez traiter des problèmes qui touchent à la banque à laquelle vous avez appartenu, mais vous traitez du système bancaire général dans le cadre de votre fonction. Une banque centrale ne peut en effet s'abstenir d'intervenir dans les affaires intérieures...
Il existe bien d'autres exemples. Cette notion de déport n'enlève-t-elle pas beaucoup à la notion de conflit d'intérêts ?
Il y a plusieurs niveaux dans votre question. Il ne faut pas que notre République segmente trop des notions comme la probité ou l'exemplarité. Il faut qu'il existe des liens forts entre elles.
Vous avez évoqué l'Agence française anticorruption (AFA). Je reprends mon ancienne casquette de procureur général. J'ai la passion de la justice. Il me semble qu'il faut aujourd'hui éviter la politique des vases communicants : il doit y avoir une clarification sur la politique nationale contre la corruption entre la prévention et la sanction. Ce n'est pas notre problème aujourd'hui, mais si cela vous intéresse un jour, je vous prêterai volontiers mon concours.
S'agissant des conflits d'intérêts, il faut à mon sens considérer le problème sous un angle technique et sous un angle pédagogique. Les déclarations de patrimoine et d'intérêts, dès qu'elles parviennent à la HATVP, font l'objet d'un premier examen systématique. C'est là qu'apparaissent les potentiels conflits d'intérêts et que nous alertons les personnes. Nous créons alors - ce que les lois d'octobre 2013 n'ont pas institué - une procédure d'échanges contradictoire pour clarifier les choses et arriver à un processus qui évite de se retrouver dans une telle situation. Cela peut être le déport, mais il existe aussi d'autres solutions.
Je rends ici hommage à mes services, et notamment au service juridique que la HATVP a mis en place : l'examen de la situation des conflits d'intérêts est référentiel. Nous parvenons à un consensus. La personne qui résisterait pourrait faire l'objet d'une injonction et d'une sanction mais, jusqu'à présent, le processus se déroule bien. Ce n'est pas facile, je l'ai dit, et c'est un travail minutieux.
Aujourd'hui - la jurisprudence vient de la Cour européenne -, on vit dans une société d'apparence, qui peut parfois créer la suspicion. Il faut donc mettre en marche tout un dispositif qui permette de lever ces suspicions, de clarifier les choses et de les rendre publiques. La culture de la déontologie n'a pas pénétré dans notre pays aussi puissamment que dans les pays anglo-saxons. La France a toujours développé une notion forte d'intérêt général, mais la culture de la déontologie commence aujourd'hui à prospérer dans les ministères et ailleurs, même au Sénat, temple des collectivités territoriales, où il existe aujourd'hui des référents et des comités déontologiques. La culture de la déontologie, de l'alerte, de la responsabilité se met en marche, c'est une réalité.
Vous esquissez de possibles réformes. Je pense que la culture de la déontologie doit, au fil du temps, permettre de clarifier les situations sans avoir à se poser les questions que l'on voit fleurir dans la presse. Je fais confiance à ce mouvement.
Monsieur le président, j'ai relevé dans votre propos l'idée selon laquelle vous vouliez conserver la responsabilité administrative du retour des hauts fonctionnaires dans l'administration. Dans le même temps, vous nous avez indiqué que les sanctions n'étaient pas ou peu appliquées. Il y a là un paradoxe, car il me semble que, dans les textes, il est précisé que l'intéressé « peut faire une déclaration d'intérêts ». Je pense que ce devrait être obligatoire quand il revient du privé et qu'il regagne l'administration. Peut-être est-ce une erreur de ma part : vous me corrigerez si c'est le cas. On peut généralement le moins, pas le plus ! Ceci a pour effet d'entretenir la suspicion.
Seriez-vous d'accord pour passer à une obligation de déclaration pour le haut fonctionnaire qui revient du secteur privé ? Pour ma part, j'espère que ce contrôle se fera sous votre autorité.
En second lieu, vous avez créé un doute en moi. J'ai admiré votre initiative consistant à envoyer un courrier aux intéressés, bien que la loi ne le prévoie pas, pour savoir où ils en sont de leurs obligations. Il me semble que nous avons, en matière de déontologie, un vrai problème de suivi, de la carrière des agents, dont on ne sait pas ce qu'ils font dans le privé - actes juridiques, secrétariat général, ou véritable « business », ce qui peut créer un problème. À leur retour, il n'existe pas plus de suivi. Or vous nous avez indiqué qu'il existait un problème constitutionnel. Je n'en ai pas tout saisi. Pourriez-vous éclaircir ce propos ?
Sur ce plan, la loi Sapin 2 avait suggéré la fusion. C'est le Conseil constitutionnel qui a estimé que ce n'était pas intelligible. Dont acte.
En revanche, ce que vous développez est intéressant, dans la mesure où il faut aussi communiquer et faire preuve de pédagogie. C'est ce que nous faisons dans le rapport d'activité, qui détaille la politique que nous conduisons.
J'ai dit qu'il me paraîtrait souhaitable que ce soit l'administration qui prenne la main. Cela me paraît un principe fort. Il est selon moi impératif d'assumer ses responsabilités. L'administration, qui détient les déclarations d'intérêts antérieures à la nomination, dispose aujourd'hui de tous les moyens d'investigation, dans tous les grands corps de l'État. J'ai exercé à un moment donné mes fonctions au ministère de justice comme inspecteur général : on y trouve des corps d'inspection. On peut tout savoir aujourd'hui, et l'administration peut instruire avec fiabilité un dossier de retour dans l'administration. Il me semble que ce serait plus responsable. C'est un point qui me paraît essentiel.
Par ailleurs - et la HATVP le revendique parce qu'il a fallu être empirique - nous exerçons un suivi systématique des avis d'incompatibilité ou les réserves que nous avons formulés, qu'il s'agisse d'anciens ministres ou de ministres en exercice. Une bonne année s'est à présent écoulée pour les ministres de l'ancien Gouvernement. Ils sont passés par les fourches caudines de la HATVP pour prendre des responsabilités dans d'autres domaines de la vie économique. Les feux verts qui ont été accordés ont fait l'objet d'un chapelet de réserves. On n'a constaté aucune entorse.
Mieux encore : certains, qui ont fait prospérer l'activité ayant fait l'objet d'un accord de la HATVP, nous informent d'une autre activité. Nous formulons alors un avis supplémentaire pour savoir si la nouvelle activité est compatible ou non.
Vous dites préférer la responsabilité de l'administration - ou de l'administration centrale, peu importe - mais qui est sanctionné en cas de manquement ? Lorsqu'une administration accueille un haut fonctionnaire en conflit, dont elle a besoin des compétences, passant outre les précautions qu'elle devrait prendre eu égard à la déclaration d'intérêts de l'intéressé ? Comment contrôle-t-on ce point ?
On ne peut laisser une administration, une commission - voire la HATVP - impunies si celles-ci ont permis l'exercice d'une fonction qui, incontestablement, au fil du temps, révèle un conflit d'intérêts.
Autant j'ai confiance dans la collégialité, autant vous savez très bien que, pour des hauts fonctionnaires, c'est le directeur de l'administration centrale qui, en conseil des ministres, choisit son chef de service, son directeur des affaires juridiques, etc. J'ai l'impression qu'il y a une responsabilité individuelle du directeur qui choisit son collaborateur, et non du collège d'une HATVP dont c'est la fonction. C'est un peu comme si j'étais juge de temps en temps, alors que ce n'est pas mon métier.
Il faut que les choses soient claires : si un directeur d'administration centrale impose à son ministre la nomination d'un sous-directeur, pour des raisons personnelles, alors qu'il est manifestement porteur d'un conflit d'intérêts, il est évident que la responsabilité est considérable. Chacun doit assumer les siennes, le ministre comme les autres. On ne peut laisser prospérer des situations de cette nature.
J'ai eu, dans le passé, lorsque j'étais inspecteur général des services judiciaires, à traiter de certaines situations. C'est l'inspecteur général qui enquête et qui propose la sanction au ministre. Il faut qu'il y ait une sanction, c'est certain.
Monsieur le président de la HATVP, j'ai bien compris qu'il existait un suivi annuel de vos recommandations. Il me semblerait important qu'on le sache davantage. On voit en effet monter le populisme. Aujourd'hui, ce sont les élus qui passent sous les fourches caudines de certains médias. Demain, ce seront nos hauts fonctionnaires, et je crois qu'on a le devoir d'afficher une certaine lisibilité à propos de la façon dont on contrôle les choses.
Vous nous dites que peu de personnes s'affranchissent des recommandations. J'ai beaucoup apprécié toutes les démarches que vous avez décrites, que même les parlementaires ne connaissent pas a priori. On voit là tout le travail de prévention qui existe, l'objectif n'étant pas de sanctionner, mais de prévenir.
Parmi les personnes qui font l'objet de suivis, 30 % sont des élus et 70 % des non élus. Il faut le faire également savoir. Cela évitera d'alimenter les sous-entendus et les querelles.
On se doit d'être collectivement exemplaire, à un moment où les élus et la haute administration, qui représentent l'État de droit, sont les cibles des populistes. Comment mieux communiquer ? Il est très encourageant de démontrer que les accidents sont finalement très peu nombreux.
Je vous remercie pour la clarté de vos propos et le travail que vous faites. Pour plus de lisibilité, je fais partie de ceux - même si je n'ai pas grande compétence - qui pensent que tout devrait être contrôlé par la HATVP. Il faut que votre travail soit lisible pour le maximum de nos concitoyens. Or moins il existe d'instances, plus on a une impression de cohérence et d'efficacité.
Je prolongerais la question de M. Huré. En vous écoutant, monsieur le président, il m'est venu une idée sans doute saugrenue et qui peut aboutir à quelque chose de très inquiétant, une sorte de Big Brother auquel nous serions tous soumis, qui prendrait la forme d'une fusion entre la HATVP et la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).
Je vois que cela vous fait sourire... Vous y avez donc réfléchi. La CNCCFP est en effet sur la sellette en ce moment. Le candidat élu à la présidence de la République a obtenu des ristournes sur certaines prestations, ainsi que les candidats du Parti socialiste, qui l'a critiqué à ce sujet, et de la France insoumise...
On pense que la CNCCFP n'a pas assez de moyens, qu'elle ne fait pas suffisamment bien son travail. Or selon moi, sa tâche porte sur le même périmètre que celui de la HATVP, qui concerne les conflits d'intérêts de tel ou tel sénateur, député, candidat potentiel à la présidence de la République peut avoir avec le secteur privé. Avez-vous réfléchi à l'idée d'une telle fusion, dont personne n'a parlé à ce jour ?
Vous me connaissez : votre question ne me surprend pas dans une certaine mesure. Je sors là incontestablement du champ que vous avez tracé. Il est important, dans une démocratie comme la nôtre, que les citoyens voient clair et que leur regard ne s'éparpille pas. Je pense que des concepts et des valeurs telles que la probité, l'exemplarité ont une telle densité qu'elles n'ont pas besoin d'être effeuillées dans des instances certes très compétentes, mais qui font que tout est dans tout. Encore faut-il que le tout soit bien ciblé.
Je pense que le temps rendra son verdict. Je le disais souvent dans mes discours devant la Cour de cassation. L'histoire accomplira son mouvement. J'espère que ce ne sera pas à l'occasion d'un dysfonctionnement, d'une affaire politico-financière : s'il faut une loi à chaque fois, on ne prospérera pas !
Je pense qu'il faut tracer un sillon. La culture de la déontologie est entrée dans les moeurs, j'en suis persuadé. Je crois aussi - le rapport d'activité de la HATVP le traduit fort bien, je l'ai dit devant la presse - qu'il faut faire en sorte que ce cantique des « tous pourris » ne résonne plus dans la cathédrale de la République. C'est faux et c'est néfaste ! Les statistiques sont là. Il n'en demeure pas moins qu'il existe encore un travail considérable à réaliser.
En réalité, il faut s'adresser à ceux qui jugent les politiques, c'est-à-dire les citoyens. Aujourd'hui, l'effort que fournit la HATVP pour placer des référents déontologiques dans les collectivités territoriales constitue un pas important. Il faut faire preuve d'une forte pédagogie. Je pense que les relais de la culture de la déontologie sont en marche et se déploient, au niveau des ministères comme au niveau des collectivités territoriales.
Je suis d'un naturel pessimiste, vous me connaissez, mais je suis aussi combatif et pragmatique : je suis convaincu que ceci portera ses fruits au fil du temps, sous quelque forme que ce soit.
J'achèverai mon mandat le 19 décembre 2019. Il est non renouvelable, mais je ne quitterai pas ces fonctions sans laisser un message qui, je l'espère, prospérera dans le sens de nombre de vos observations.
Ne pensez-vous pas qu'on ferait un grand pas en avant en appliquant la bonne vieille technique des incompatibilités au sujet des personnes ayant participé à l'élaboration de certaines politiques, et qu'on éviterait ainsi de se poser des questions qui, souvent, ne se posent pas ?
Je suis consterné, comme vous tous probablement ici, de constater la façon dont les médias abordent certains sujets, alors même que la déontologie devrait permettre qu'ils puissent se régler là où ils doivent être abordés.
Ne pourrait-on prendre des mesures pour que les médias restent les médias et ne cherchent pas à remuer la boue dans tous les dossiers ?
Je vous fais observer avec beaucoup de modestie que rien n'est sorti de la HATVP, qui a toujours fait preuve d'une totale confidentialité. Ce sera ainsi tant que je serai là, avec mon équipe, à laquelle je rends hommage. Le sujet que vous abordez relève d'une autre dimension. Ce n'est pas moi qui puis vous éclairer sur ce point.
Quant à l'incompatibilité, tous les avis de la HATVP sont confidentiels, mais tous sont d'une extrêmement minutie juridique. Le périmètre en est très bien défini et les obligations bien cernées. Ces avis sont motivés et présentent un sérieux exemplaire. On ne peut, face à des enjeux d'une telle importance, émettre des avis lacunaires.
Merci beaucoup, monsieur le président. Tout ce que vous nous avez dit va nourrir notre rapport.
La réunion est close à 11 h 40.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.