Intervention de Guy Fischer

Réunion du 24 janvier 2007 à 15h00
Domaine du médicament — Articles additionnels après l'article 5

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Il est rare d'aborder la question des médicaments sous l'angle de la pollution. Certes, la question des déchets médicaux n'est pas récente, mais elle a été plus particulièrement évoquée sous l'angle des déchets hospitaliers. Pour les médicaments, la France a plutôt eu tendance à se désintéresser de la question en utilisant un subterfuge assez commode, celui du recyclage, qui permettait de renvoyer aux pays tiers l'élimination des déchets. Nous en reparlerons à la fin de l'examen du texte, en évoquant la suppression de Cyclamed.

La question de la pollution du médicament se pose en réalité de plusieurs points de vue.

Il s'agit, tout d'abord, du point de vue traditionnel lié à la production de toute activité industrielle. Dans cette perspective, il convient d'appliquer le droit communautaire environnemental, qui, notamment depuis la directive de 1997, impose une évaluation des incidences environnementales des projets industriels. Des études américaines ayant montré que la pollution médicamenteuse affectait, notamment, les eaux de surface, mais aussi les eaux souterraines, une véritable politique de réduction des rejets s'avère nécessaire.

L'autre point de vue, celui qui nous intéresse ici, est autrement plus complexe, puisqu'il tient au médicament lui-même. La recherche d'efficacité du médicament va, en effet, souvent conduire à privilégier les molécules stables, donc a priori peu biodégradables et à concentration plus importante, donc plus polluantes.

Parallèlement, l'identification de la pollution est souvent difficile, puisqu'elle est liée non seulement aux médicaments non consommés, mais également aux médicaments absorbés, transformés au cours du métabolisme et excrétés sous forme de substances que l'on retrouve notamment dans les eaux usées.

Enfin, la spécificité du médicament, qui est de soigner l'homme, conduit souvent à opposer droit de l'environnement et droit du patient, et cela parfois jusqu'à la caricature dans le cas des produits ménagers qui sont affichés comme des produits préventifs. Songeons aux divers savons dits « antibactériens », qui n'aboutissent qu'à accroître cette pollution.

Aussi devient-il de plus en plus difficile d'ignorer la dimension environnementale liée à la production et à la consommation du médicament. Il faut saluer le texte de la directive, dans lequel cette question est abordée de front puisque, dans le dix-huitième considérant, on peut lire : « L'impact environnemental devrait être étudié et, au cas par cas, des dispositions particulières visant à le limiter devraient être envisagées. Pour autant, cet impact ne devrait pas être un critère de refus d'autorisation de mise sur le marché. »

C'est pourquoi on peut d'autant plus regretter la fin de non-recevoir opposée, à l'Assemblée nationale, à cet amendement ainsi qu'à l'amendement n° 38, à l'article 15, qui tend à introduire dans le projet de loi le principe de prise en compte de l'évaluation de l'impact environnemental des médicaments.

Ces deux amendements ont été rejetés au motif que les dispositions proposées relevaient du domaine réglementaire. Cet argument a de quoi étonner. En effet, la consécration législative n'est, selon moi, qu'une déclinaison de la Charte constitutionnelle de l'environnement, qui dispose, dans son article 3 : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. »

Dans le même sens et eu égard au sujet qui nous intéresse, l'article 6 dispose : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. »

Prendre en compte l'impact environnemental dans les dossiers d'AMM permet de décliner ces deux principes. Le partage des pouvoirs est donc pleinement respecté : au législateur de poser le principe selon lequel le dossier d'AMM doit comporter une évaluation des risques pour l'environnement du médicament et les mesures pour limiter ces risques ; au réglementaire de décliner la forme selon laquelle cette évaluation peut être effectuée.

Nous ne sommes pas particulièrement attachés à la rédaction même de cet amendement, qui pourrait être allégée, tout comme l'argumentaire que je viens de développer !

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