Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture est décevant à plus d’un titre.
Il est décevant sur le fond, car ce texte devait être l’expression des conclusions des États généraux de l’alimentation. Ce long moment d’échanges a été apprécié par tous ses participants. Leurs conclusions étaient ambitieuses et avaient suscité de l’envie et de l’espoir, non seulement pour les citoyens, mais aussi pour les agriculteurs.
Comme trop souvent avec ce gouvernement, monsieur le ministre, les discours sont volontaristes et rassurants, mais les textes qui suivent sont minimalistes, voire contradictoires avec la politique annoncée. Vous allez même jusqu’à détricoter ce qui fonctionne, par exemple la sécurisation des pratiques contractuelles et des engagements pluriannuels adaptés à la filière viticole.
Ce texte est décevant aussi sur la forme, en particulier au regard des échanges avec l’Assemblée nationale. En première lecture, les rapporteurs et les sénateurs de tous les groupes ont apporté leur contribution, en tenant compte du fait que les compromis sont essentiels au bicamérisme. Mais, comme c’est le cas pour presque tous les textes, la commission mixte paritaire n’a pas été conclusive, car la majorité de l’Assemblée nationale est restée figée sur les positions du Gouvernement, parfois même en contradiction avec ses propres votes.
Nous ne pouvons pas accepter que notre travail soit sans cesse balayé d’un revers de main par les députés. Alors que, initialement, notre regard était constructif et bienveillant, le texte issu de nos débats a été totalement ignoré. Pourquoi continuer à chercher à améliorer le texte, si nos efforts sont voués à être vains ?
Enfin, ce texte est décevant, voire alarmant, pour notre économie. Je suis inquiète, et mon groupe avec moi, pour nos agriculteurs et pour notre industrie. Je le disais au début de mon propos : vos actes sont trop souvent en contradiction avec vos discours. Les effets économiques de la mise en œuvre des dispositions de ce projet de loi seront nuls, voire dangereux.
Ce rendez-vous devait être l’occasion de revaloriser le revenu de nos agriculteurs. Il devait permettre d’inverser le rapport de force entre producteurs et grande distribution. Ce n’étaient là que des paroles, et les effets attendus de la mise en œuvre de ce projet de loi sont chimériques. En somme, c’est de la poudre de perlimpinpin !
Les députés se sont éloignés de ces objectifs. Ils ont ainsi refusé aux agriculteurs le droit de s’appuyer sur des indicateurs incontestables pour la construction de leur prix grâce à l’intervention de l’Observatoire de la formation des prix et des marges en cas de défaut de l’interprofession : c’est une erreur.
Au rebours des a priori de votre majorité, les agriculteurs réagissent face aux enjeux et portent l’ambition d’un « contrat de solutions ». Mais, monsieur le ministre, vous ne les écoutez pas.
Ce contrat, associant plus d’une trentaine d’organisations agricoles et d’organismes de recherche, intègre toutes les productions, tous les territoires et toutes les filières. Il vise à développer l’innovation, le conseil, la formation et l’adoption des alternatives pour la protection des cultures afin de répondre concrètement aux attentes sociétales en matière d’utilisation des produits phytosanitaires, tout en garantissant la compétitivité de la ferme France.
Au travers de ce contrat, plus de 250 solutions d’avenir ont d’ores et déjà été identifiées en matière de pratiques agronomiques, de recours au numérique, d’innovation variétale ou encore de techniques de pulvérisation et de mécanisation. La proposition de partenariat de ses parties prenantes n’est pas, elle, décevante, mais vous n’en tenez compte nulle part !
Comme je n’en ai pas trouvé trace dans ce texte, j’imagine que vous n’avez pas eu communication de ce contrat, monsieur le ministre. Je vous le remettrai donc tout à l’heure, de la part des agriculteurs. Vous en ferez un bon usage, je n’en doute pas !
Hier, lors de notre déplacement en compagnie de Mme la présidente de la commission des affaires économiques dans la Marne, sur le site du pôle de compétitivité Industries et Agro-ressources, le pôle de la bioéconomie, l’idée de former dans les écoles supérieures de ce territoire les élites de la Nation a été avancée. Cela leur permettrait de mieux connaître les spécificités et les enjeux du monde agricole. Je vous assure qu’elles ne seraient pas déçues ! Les agriculteurs et les techniciens seraient ravis de travailler avec elles sur les perspectives de la ferme France pour les dix prochaines années.
Monsieur le ministre, l’État devrait plus souvent s’appuyer sur les territoires pour accomplir un véritable travail en partenariat. On le voit bien, ce texte en a manqué ! Pour ces raisons, le groupe Union Centriste soutiendra la position de nos rapporteurs.