Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, je tiens à saluer la détermination de nos rapporteurs, qui ont réalisé un travail remarquable pour traduire de façon lisible la volonté du Sénat et, surtout, son ambition pour la « ferme France », une ambition partagée par les citoyens et les consommateurs français.
Monsieur le ministre, les États généraux de l’alimentation, lancés le 20 juillet 2017, ont fait naître beaucoup d’espoirs parmi les producteurs, les entreprises de commercialisation et de transformation, les consommateurs, notamment en termes d’amélioration des relations commerciales entre distributeurs et entreprises de transformation.
On pouvait imaginer, à l’issue de ces états généraux, que vous alliez véritablement donner des perspectives à la ferme France en promouvant une ambition agricole au sein de l’Union européenne, en pleine négociation du Brexit, à un moment où la France et l’Europe ont besoin de conforter leur positionnement international. Tous les grands pays ont une politique stratégique agricole et une politique d’indépendance alimentaire à moyen terme.
Ensuite sont venues les annonces du Président de la République aux paysans, le 11 octobre 2017 à Rungis : « rassurez-vous, vous allez vivre du juste prix », le but étant « de permettre à tous dans la chaîne de valeur de vivre dignement ». Il ajoutait : « Je le redis très clairement, nous devons permettre aux agriculteurs ne plus dépendre des aides », grâce à des prix rémunérateurs « construits à partir des coûts de production », l’ambition étant à terme de se passer d’un budget agricole qui, je le rappelle, contribue largement au revenu des agriculteurs. Le Président de la République concluait qu’il s’agissait de « permettre à chacune et à chacun d’avoir accès à une alimentation saine, durable, sûre ».
Lors des débats de première lecture au Sénat, une très forte volonté de consensus avait été affichée. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas dire le contraire : dans la perspective de la CMP, le Sénat a élaboré des propositions sur l’ensemble des points en discussion ; l’Assemblée nationale n’en a pas fait autant, elle qui a refusé de débattre. La manière dont cette commission mixte paritaire s’est déroulée est bien éloignée de l’esprit du bicamérisme, de l’affirmation d’une ambition pour l’agriculture de la France… Nous sommes passés de la naissance d’un espoir à l’avortement d’un projet, des annonces fermes du Président de la République à la renonciation aux engagements pris.
Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure, à juste titre, que nous étions intégrés à une économie de marché et soumis au droit européen. Le problème, c’est qu’il y a une incohérence complète entre vos affirmations, que l’on peut partager, et le contenu de ce texte à l’issue de sa deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
Nous partageons totalement le jugement de notre rapporteur sur le titre Ier : il manifeste un véritable renoncement. Ses dispositions concernant les indicateurs régionaux, nationaux et européens sont moins puissantes que celles qui avaient été votées par le Sénat dans le cadre de la discussion de la loi Sapin 2.
Si le Sénat s’apprête à voter une motion tendant à opposer la question préalable, c’est qu’il entend rester fidèle aux positions qu’il a adoptées en première lecture, contrairement à l’Assemblée nationale, qui revient en deuxième lecture sur les votes qu’elle avait précédemment émis ! Par exemple, le Sénat persiste dans sa volonté d’en finir avec la surtransposition des textes européens. On ne peut pas affirmer une position politique puis la renier le lendemain. Les conséquences de la mise en œuvre de ce texte seront terribles pour nos territoires, nos paysans, nos entreprises, nos filières économiques, nos savoir-faire : les surtranspositions les fragiliseront.
Nous partageons également le jugement porté par Anne-Catherine Loisier sur les dispositions du titre II : elles aussi fragiliseront notre économie, nos entreprises, nos territoires. Monsieur le ministre, la majorité du Sénat a voulu que les exigences sanitaires, environnementales et de production auxquelles sont soumis les produits français s’appliquent également aux produits d’importation, faisant suite en cela aux propos du Président de la République. Ce choix du Sénat, il faut le respecter ! L’absence de volonté politique du Gouvernement me surprend vraiment…
Le groupe Les Républicains votera la motion tendant à opposer la question préalable. C’est une question de respect pour les agriculteurs, pour les femmes et les hommes qui travaillent sur nos territoires, pour les consommateurs. On ne peut pas continuer à fragiliser l’indépendance alimentaire de la France. Nous allons établir la facture que représentera la mise en œuvre de ce texte pour la ferme France, pour les consommateurs, pour les agriculteurs, pour notre économie. Comme le disait Charles Péguy, « le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles ».