J’ai aussi une pensée pour Fabian Tomasi, ouvrier agricole argentin de 53 ans, chargé de remplir de glyphosate les réservoirs des avions d’épandage et décédé il y a quelques jours des suites d’une neuropathie toxique sévère ; Fabian, que j’avais eu au téléphone, ici au Sénat, le 1er février dernier, alors que nous venions d’adopter la proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques ; Fabian qui me disait alors : « Remerciez le Sénat français pour ce qu’il a fait, je suis heureux. Moi, je vais mourir bientôt, mais je pense à tous les autres malades victimes qui pourront en bénéficier. »
J’ai une pensée pour Dewayne Johnson, jardinier municipal américain de 46 ans, atteint d’un cancer incurable du système lymphatique en phase terminale après avoir vaporisé quotidiennement des centaines de litres de Roundup et de Ranger Pro, deux poisons fabriqués par Monsanto, et qui a obtenu en première instance la condamnation de cette firme à lui payer 290 millions de dollars de dommages et intérêts.
J’ai une pensée pour les salariés de Triskalia, coopérative agricole bretonne, qui se battent depuis une dizaine d’années pour obtenir la reconnaissance de leur maladie professionnelle, puis la réparation de leur préjudice, et dont l’histoire avait bouleversé tous les membres de la mission d’information sénatoriale en 2012.
J’ai une pensée pour Dominique Marchal, agriculteur de 60 ans, qui souffre d’un cancer du sang et qui fut le premier exploitant agricole à obtenir la reconnaissance de son cancer en tant que maladie professionnelle.
J’ai, enfin, une pensée très forte pour les familles de Yannick Chesnais, de Frédéric Ferrand, d’Alain Terrade et de Stéphane Sardin, que j’ai personnellement connus et qui sont tous les quatre décédés, victimes des pesticides, dans des souffrances atroces.
Mes chers collègues, ces histoires humaines témoignent du combat que mènent seuls ces hommes et ces femmes pour obtenir reconnaissance et réparation. Leur douleur et celle de leurs familles nous obligent ; ils ne peuvent plus attendre.
Monsieur le ministre, j’ai en tête les propos de campagne du Président de la République, qui annonçait l’interdiction par la loi de l’utilisation du glyphosate mais qui ne tient pas sa promesse aujourd’hui.
J’ai en tête les propos d’Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, qui avait repris en ces lieux, en janvier dernier, sans la moindre gêne, les argumentaires et les éléments de langage des firmes, en défendant des théories qui confinent au négationnisme scientifique.
Je n’ai pas non plus oublié, monsieur le ministre, les propos que vous avez tenus lors de la première lecture de ce texte, quand vous vous êtes opposé, avec des arguments inacceptables, à la création de ce fonds d’indemnisation. Pourtant, c’était possible, car tout était prêt ! Le travail parlementaire avait été réalisé en amont depuis plusieurs années, et corroboré en janvier dernier par un rapport conjoint de l’Inspection générale de la santé, de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’agriculture qui concluait à la pertinence de la création d’un tel fonds d’indemnisation et proposait un mécanisme pour le mettre en place.
Et vous, monsieur le ministre, au lieu de vous appuyer sur ce travail considérable, vous le bafouez en demandant la rédaction d’un énième rapport, parfaitement inutile. C’est d’autant plus grossier que vous m’avez refusé, en première lecture de ce texte, un rapport pourtant ô combien nécessaire sur les « effets combinés » – ou effets cocktails – des produits, qui représentent, nous le savons tous, une véritable bombe à retardement.
Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais on voit bien que tout cela n’a pas de sens, ou plutôt que tout ce qui ne vient pas d’un élu de La République En Marche est rejeté sans aucune bienveillance ! Il s’agit là d’une posture politicienne parfaitement indigne, car les malades n’ont plus le temps d’attendre. Il se pourrait même que, un jour prochain, la responsabilité de l’État soit engagée.
En ce qui nous concerne, monsieur le ministre, sachez bien que nous interviendrons inlassablement jusqu’à la création effective du fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques que nous appelons de nos vœux.
Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion tendant à voter la question préalable.