Au terme de ce débat, je me sens doublement méprisé : en tant qu’agriculteur et en tant que sénateur.
En tant que sénateur, je me sens méprisé eu égard au traitement réservé au travail du Sénat par l’Assemblée nationale et sa majorité. Ayant participé à la commission mixte paritaire, j’ai vu à l’œuvre la tactique qui consiste à tout refuser, à ne rien écouter, à rester complètement dogmatique, à s’arc-bouter sur des principes. Tout a été fait pour que la commission mixte paritaire échoue, de façon à pouvoir revenir non pas au texte initial, mais à celui issu de la première lecture à l’Assemblée nationale, tout en ajoutant encore de nouvelles contraintes pour les agriculteurs.
En tant qu’agriculteur, j’ai ressenti du mépris lors de la discussion de presque tous les articles. Vous serez dans l’incapacité de rééquilibrer les rapports de force entre les cinq centrales d’achat, les 12 000 fournisseurs et les 600 000 agriculteurs. Comment croire que la simple entente au sein de l’interprofession permettra d’y parvenir ? Comment croire que Leclerc et les autres acteurs de la grande distribution renonceront du jour au lendemain à leurs pratiques mafieuses actuelles, simplement parce que le ministre Travert leur aura demandé d’adopter des méthodes plus vertueuses ?
Comment vous justifierez-vous devant tous ces agriculteurs que vous bafouez au travers de multiples articles de ce texte, par exemple en interdisant les remises, rabais et ristournes ou en remettant en cause leur façon de cultiver et les moyens à leurs dispositions pour soigner les plantes malades ? Comment expliquerez-vous aux éleveurs, comme moi, et à leurs épouses qui se lèvent tous les matins pour s’occuper des animaux que vous allez leur imposer votre conception du bien-être animal ?
Les agriculteurs en ont marre, parce qu’ils ne gagnent plus leur vie, parce qu’ils ne sont plus respectés par la société !