Intervention de Pascal Allizard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 30 mai 2018 à 9h30
« pour la france les nouvelles routes de la soie : simple label économique ou nouvel ordre mondial ? » — Examen du rapport d'information

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard, co-président :

J'en viens maintenant, mes chers collègues, à nos principales recommandations. Je vous présenterai celles relatives au domaine économique.

Comme vous l'avez compris, les nouvelles routes de la soie sont changeantes, multiformes, évolutives. Elles obéissent à des objectifs qui ne sont pas tous uniquement économiques. Dans ce contexte, la première recommandation qu'il nous faut formuler vise à soutenir l'évaluation indépendante des effets des nouvelles routes de la soie, dans le domaine économique, dans le domaine environnemental et dans le domaine géopolitique.

Aux collectivités territoriales comme aux entreprises, nous recommandons de veiller à dresser une analyse des risques économiques rigoureuse des participations envisagées aux nouvelles routes de la soie.

Injecter des milliards de dollars dans des pays en développement, ou en difficulté, renforce, on l'a vu, le soft power de la Chine. Mais il reste à voir si la Chine est en mesure de percevoir les remboursements des prêts massifs qu'elle offre aux États relativement moins prospères et potentiellement instables et si les conditions qu'elle offre sont jugées si avantageuses par les pays bénéficiaires.

En novembre 2017, le Pakistan s'est ainsi retiré d'un programme d'investissement de 14 milliards de dollars que les représentants du gouvernement ont qualifié comme allant «?contre leurs intérêts?». Quelques jours plus tôt, le Népal a annulé le projet d'une usine hydroélectrique de 2,5 milliards de dollars, en cours de construction par une société d'État chinoise dans le cadre des nouvelles routes de la soie. La Birmanie a mis fin à un projet similaire, déclarant qu'elle n'était plus intéressée.

En décembre 2017, le gouvernement sri-lankais a dû accepter d'accorder à la Chine une concession de 99 ans sur les activités commerciales du port stratégique de Hambantota dans l'océan Indien. Cette décision tenait compte de l'incapacité à rembourser 8 milliards de dollars de dettes que le Sri Lanka devait aux entreprises publiques chinoises. Enfin, en avril 2018, le FMI a alerté sur le risque que faisait courir la Chine aux pays riverains de la route de la soie en exportant sa dette.

Dans ce contexte, il nous paraît nécessaire de développer, par la coopération entre la banque chinoise de développement et l'AFD, annoncée à l'issue de la visite d'État du Président français en Chine en janvier 2018, la mise en place de méthodologies communes. Nous recommandons de favoriser le partage d'expérience et de méthode, pour tendre au rapprochement par les politiques d'aides publiques chinoises des bonnes pratiques internationales.

S'agissant du territoire national, nous recommandons de favoriser l'intermodalité et les connexions entre le réseau ferroviaire français et le réseau ferroviaire européen, en particulier par la réalisation de la liaison à très grande vitesse entre Lyon et Turin, afin que la desserte de la France s'améliore. La SNCF aurait certainement un vrai rôle à jouer dans ces problématiques, et n'a sans doute pas encore déployé toutes ses capacités dans ce domaine.

S'agissant de nos collectivités territoriales, il nous semble nécessaire de tirer le bilan des années d'expérience de la coopération décentralisée française en Chine. Mais aussi de mener des actions permettant de mieux connaître les procédures et fonctionnement des administrations et des entreprises chinoises. Pour cela il est recommandé de disposer d'un correspondant sur place, les intermédiaires ayant souvent montré leurs limites. Dans cette perspective, la possibilité d'employer un personnel de type « volontaire international en entreprise », adapté aux besoins des collectivités territoriales, devrait être étudiée.

Quant à nos entreprises, nous devons favoriser leur déploiement sur le territoire chinois, tout en les sensibilisant aux problématiques de protection des investissements stratégiques ou sensibles et en leur garantissant des conditions de stabilité juridique et de protection de la propriété intellectuelle satisfaisantes.

Je redonne la parole à ma collègue Gisèle Jourda qui va vous présenter les principales recommandations de portée géopolitique de notre rapport.

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