Monsieur le Président, mes chers collègues, il me semblait important de préciser certains aspects plus financiers de ces nouvelles routes de la soie.
La directrice générale du FMI, à l'occasion d'un forum sur les nouvelles routes de la soie à Pékin au premier trimestre 2018, a mis en garde contre les risques de dérapage financier et le piège de l'endettement pour les pays concernés. Ces partenariats, je cite, « peuvent également conduire à un accroissement problématique de l'endettement (des pays concernés), limitant leurs autres dépenses à mesure que les frais liés à la dette augmentent (...) il existe la tentation de tirer profit des appels d'offres (...) Il existe toujours le risque de projets qui échouent ou de détournement des fonds. Parfois, cela s'appelle même de la corruption ».
De fait, les banques publiques de développement chinoises et autres institutions telles que les fonds, accordent aux pays dans lesquels se déploient les nouvelles routes de la soie des prêts conséquents pour les chantiers labellisés BRI, quitte à mettre ceux-ci dans une situation financière intenable. Faire estampiller son projet BRI est d'ailleurs une façon d'obtenir un financement chinois, ce qui n'est pas toujours sans conséquence. Les prêts sont consentis au-dessus du taux libor garantissant ainsi à la Chine une vraie rétribution de l'argent mis à disposition. Les prêts chinois sont offerts en moyenne à un taux d'intérêt de compris entre 2,5 et 3,6%. Ils sont au moins partiellement formulés en yuans, dans le but affirmé de renforcer la monnaie chinoise. Ces prêts sont accordés à des compagnies d'État, elles-mêmes liées à des entreprises chinoises. Le financement des projets d'infrastructure est réalisé principalement par la China Exim Bank qui propose en général également une aide à la commercialisation des produits chinois. Les banques chinoises appliquent une méthode connue sous le nom de « ressources pour l'infrastructure » qui prévoit que le paiement du prêt pour le développement de l'infrastructure est effectué, en tout ou partie, avec des ressources naturelles, par exemple du pétrole ou du gaz naturel. Lorsqu'elles n'utilisent pas cette méthode, les banques chinoises conditionnent généralement les prêts qu'elles accordent à la possibilité de se rembourser en obtenant la propriété pendant un bail extrêmement long de l'infrastructure construite.
Ainsi, le Sri Lanka, s'est vu contraint, sous le poids d'une « spirale d'endettement », à céder l'exploitation et le contrôle du port d'Hambantota. Le Sri Lanka devrait près de 8 milliards de dollars à la Chine.
Le cas du Laos pose également question. Le coût du projet de liaison ferroviaire Boten-Luang Prabang-Vientiane s'élève à 6 milliards de dollars. Le Laos doit prendre en charge 30 % des frais, soit 1,8 milliard de dollars. Le Laos a apporté, au début des travaux, 715 millions de dollars (la Chine apportant 1,67 milliard de dollars par la banque chinoise de développement), dont 250 millions de dollars qui proviennent de son budget et 465 millions de dollars qui proviennent d'un prêt de la banque d'import-export de Chine à un taux de 2,3 % sur trente-cinq ans sans remboursement durant les cinq premières années. Reste donc 1,085 milliard de dollars à apporter sur lequel aucune information officielle n'est disponible. Il semble possible que le financement complémentaire soit apporté par des banques chinoises en échange d'une participation importante dans la Laos-China Railway Company limited, entreprise sino-laotienne chargée de créer et de gérer une zone tampon large de vingt à cinquante mètres de part et d'autre de la voie de chemin de fer sur l'ensemble du tracé entre Boten et Vientiane.
Notre rapport inclus donc une recommandation visant à favoriser la candidature de la Chine à l'adhésion au Club de Paris, afin que les conditions d'endettement des pays participants aux nouvelles routes de la soie soient conformes aux pratiques admises dans le cadre de l'OCDE et que le risque de surendettement, voire de faillite, soit évité.