Les nouvelles routes de la soie vont faire de la Chine la première puissance mondiale du XXIe siècle. Je ne suis pas sûr que la Chine se soucie d'ailleurs réellement d'obtenir le remboursement de ses prêts. On pourrait presque assimiler ces prêts à de nouvelles formes de « subprime » international : pour rembourser les pays devront céder leurs infrastructures ou une partie de leur territoire. La Chine est un pays indépendant qui assure son indépendance en cherchant à rendre les autres pays dépendants d'elle-même.
Certains investissements sont d'ailleurs remboursés. C'est le cas dans l'Union européenne. L'Europe finance de grands travaux opérés par des entreprises chinoises avec des personnels chinois, je le vois notamment au Monténégro ou en Serbie.
En Nouvelle-Zélande, l'année dernière, 350 diplomates chinois étaient déployés à Wellington. C'est par l'apprentissage du chinois que la Chine étend là son influence. Des enseignants de langue chinois sont mis à disposition des écoles gratuitement.
Les routes « cyber » de la soie et le développement de champions nationaux tels qu'Alibaba posent également des questions. La Chine paraît construire un monde orwellien au service d'une unité chinoise dans un espace clos par une « muraille de Chine cyber ».
Je suis, à titre personnel, très réservé sur la recommandation tendant à ce que la France entre dans ces nouvelles routes de la soie. Le fondement de l'Union européenne est son union commerciale qui en a fait la première puissance commerciale du monde. Et la Chine, vous l'avez évoqué, cherche à diviser l'Union européenne et d'une manière générale les organisations multilatérales, en mettant en place des accords bilatéraux. Je trouve donc compliqué de recommander d'engager un approfondissement de notre relation bilatérale avec la Chine dans le cadre des nouvelles routes de la soie. Nous sommes trop petits pour faire face à cette organisation.
Vous avez évoqué le groupe Quad, sans mentionner le concept de « route de la liberté ». Il me semble que ce qui est en jeu c'est un monde orwellien face à un monde démocratique. Le Japon, l'Inde, l'Australie et les États-Unis sont des pays démocratiques qui appliquent les règles de protection commerciale auxquelles nous sommes habitués. Le géant Alibaba attire toute l'industrie cosmétique et on peut se demander quel sera l'avenir des brevets des molécules cosmétiques. Il nous faut avoir une stratégie pour défendre l'Union européenne qui est un espace de droit.