Intervention de Dominique Estrosi Sassone

Réunion du 2 octobre 2018 à 14h30
Pastoralisme — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Dominique Estrosi SassoneDominique Estrosi Sassone :

Dans ce contexte, la déception vis-à-vis du plan Loup fut à la hauteur des espoirs suscités par les propos du Président de la République qui, un mois plus tôt, lors de ses vœux aux agriculteurs, avait annoncé vouloir « remettre l’éleveur au milieu de la montagne », de manière à ce que le plan Loup « soit fait et pensé dans les territoires où on le décline ».

Cette volonté était partagée par l’ensemble des éleveurs, des organisations agricoles et des élus des départements concernés qui pensaient que le Gouvernement avait enfin compris que seules des décisions pragmatiques courageuses et ambitieuses répondraient aux attentes accumulées en vingt-huit ans.

Mais, après cette occasion manquée, les éleveurs ont la sensation que leur voix ne compte pas et que l’État ne saisit pas l’ampleur du préjudice qu’ils subissent. Il s’agit, d’une part, d’un préjudice matériel – si le système d’indemnisation actuel fonctionne, l’idée de le conditionner désormais à certains équipements de protection est vouée à l’échec, alors même que sont refusés des permis de construire pour des bergeries en dur et que les chiens patous sont eux aussi massacrés par les loups – et, d’autre part, d’un préjudice moral qui est loin d’être anecdotique.

Les éleveurs les plus pessimistes pensent qu’il est déjà trop tard pour agir. Pourtant, un moyen simple serait de multiplier le nombre de brigades loup localement, afin d’en faire un véritable outil au service des collectivités qui relèvent les plus forts taux d’attaques.

À ce sujet, les interrogations sur la pérennité de la brigade loup dans le temps et la possibilité pour les collectivités locales de prendre l’initiative d’en créer reste d’actualité. En effet, si vous m’aviez confirmé, monsieur le ministre, la pérennisation des emplois, le précédent ministre de la transition écologique et solidaire avait fait naître un doute en précisant : « Toutefois, cette formation qui représente un engagement financier conséquent, ne pourra être étendue à toutes les régions où le loup est implanté. Les autorités des départements où les éleveurs émettent le souhait de bénéficier des services d’une telle brigade sont invitées à en étudier les modalités de financement et d’organisation, sous contrôle de l’ONCFS. »

À terme, pour que perdurent les activités de pastoralisme, une réflexion devra aussi être menée sur la suspension temporaire du nombre de loups à abattre, car le fameux quota annuel de destruction de loups montre toutes ses limites. D’une part, l’estimation administrative en amont ne répond pas aux besoins – ce fut le cas en 2017, au point que Nicolas Hulot avait dû augmenter en urgence le quota d’abattage, compte tenu de la menace de prédation – et, d’autre part, la méthode des tirs isolés de prélèvement semble fixer une limite à ne pas dépasser sans répondre à un objectif de préservation du pastoralisme.

Plutôt que de proposer de nouvelles mesures accessoires aux départements les plus touchés, à l’image par exemple de l’action « acquérir de meilleures connaissances sur l’éthologie du loup dans le système agropastoral » figurant dans le dernier plan Loup, le Gouvernement doit apporter des réponses concrètes aux situations déjà identifiées dans les départements.

Nous savons que les dommages pastoraux ne se répartissent pas de façon uniforme en France, mais reflètent deux phénomènes distincts : d’un côté, des attaques graves, concentrées notamment dans les villages des Alpes-Maritimes, dont certains n’ont jamais connu de répit depuis 2002, et de l’autre, des attaques sporadiques dans des territoires plus vastes où la présence du loup est récente.

Il faudra donc avoir le courage, pour assurer la survie des activités de pastoralisme, de renverser la pression qui doit viser le prédateur. En 2015, près de 75 % des victimes se concentraient dans le sud de la région PACA, dont 40 % dans les seules Alpes-Maritimes. Les éleveurs veulent simplement exercer leur métier en toute sécurité, mais face à un ensauvagement qui fait courir un risque sérieux au pastoralisme, il est utile de répéter et de rappeler que le loup n’a pas le monopole de la biodiversité, d’abord assurée par les bergers et par leurs troupeaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion