Intervention de Nicole Belloubet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 septembre 2018 à 17h40
Projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions — Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Madame Lherbier, l'objectif de la pré-plainte en ligne est non pas d'éloigner le justiciable, mais de faciliter la saisine de la justice pour certaines personnes ayant subi des agressions ou des violences. Bien entendu, elles seront ensuite reçues par un policier ou un gendarme. Dans les cas de violences sexuelles notamment, plus tôt la plainte est déposée, plus grandes sont les chances de retrouver l'agresseur.

La déjudiciarisation ne suscite pas que des craintes. La procédure de divorce par consentement mutuel, dans laquelle le juge n'intervient plus, donne satisfaction, par exemple. Notre idée est non pas de porter atteinte à l'autorité du juge, mais, au contraire, de nous appuyer sur la réelle plus-value que celui-ci peut apporter et de le décharger d'un certain nombre de tâches assez automatiques. Par ailleurs, c'est souvent le juge lui-même qui essaye d'aiguiller le dossier vers des solutions non contentieuses. Dans tous les cas, si l'une des parties ne souscrit plus à la déjudiciarisation, on revient évidemment devant le juge.

La question des soins en prison n'est pas traitée dans le projet de loi et, sauf exception, je ne crois pas qu'elle relève du domaine législatif. En effet, nous rencontrons des difficultés, en particulier pour ce qui concerne le traitement de la maladie psychiatrique en prison. Le nombre de cas semble extrêmement important, mais nous manquons de places, de médecins, et nous rencontrons aussi des difficultés dans l'administration des soins. Agnès Buzyn et moi-même attendons un rapport de l'inspection générale des affaires sociales sur ce sujet à la fin du mois de novembre, et le plan de construction de prisons comportera un volet sur les structures médico-psychologiques dans les établissements pénitentiaires.

Enfin, je partage votre avis sur la nécessaire adaptation du régime de détention pour les femmes. J'ai récemment visité la prison de Remire-Montjoly à Cayenne, où les femmes sont emprisonnées dans un lieu extrêmement difficile.

Monsieur Richard, vous avez évoqué le rapport du premier président Louvel sur le filtrage que pourrait opérer la Cour de cassation afin de répartir différemment les affaires qui lui sont soumises. Je n'ai pas souhaité intégrer directement ses propositions dans le projet de loi, mais nous sommes convenus avec M. Louvel de mettre en place un groupe de travail sur cette question essentielle pour l'égalité des citoyens devant la justice. Pour moi, la cassation doit être pensée comme un continuum avec la première instance et l'appel. Je souhaite toutefois poursuivre les consultations avec les magistrats et les avocats, et aussi réfléchir à l'articulation du dispositif de la Cour de cassation avec celui du Conseil d'État. J'espère que ce dispositif pourra être intégré dans un prochain texte.

Monsieur Marc, les modules de formation que vous proposez peuvent se rattacher aux sciences économiques et sociales ou à l'éducation à la citoyenneté ; j'en parlerai volontiers avec Jean-Michel Blanquer. Pour répondre à votre deuxième question, oui, nous aurons besoin de plus de conciliateurs de justice, et nous allons lancer une campagne de recrutement.

Madame Jourda, tout ce que nous faisons, c'est bien pour que notre justice d'État soit plus efficace et plus rapide et pour qu'elle ne laisse pas émerger en ses contours certaines formes de justice privatisée.

Je n'ai pas encore lu l'article du Monde sur la responsabilité des magistrats. Comme vous le savez, je ne dispose pas de pouvoirs disciplinaires à l'égard des magistrats du siège. La révision constitutionnelle, que je porterai prochainement devant vous, visera à confier un pouvoir disciplinaire autonome au Conseil supérieur de la magistrature pour les magistrats du parquet. L'article visé relaie certaines interrogations qui peuvent apparaître ici ou là, mais je ne souhaite pas m'étendre davantage sur le sujet ce soir.

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