Intervention de Gérard Dériot

Commission des affaires sociales — Réunion du 3 octobre 2018 à 9h30
Santé au travail — Audition de Mme Charlotte Lecocq députée Mm. Bruno duPuis consultant senior en management henri forest ancien secrétaire confédéral de la cfdt et hervé lanouzière inspecteur général des affaires sociales

Photo de Gérard DériotGérard Dériot, rapporteur pour la branche AT-MP :

Je remercie nos interlocuteurs de m'avoir auditionné lors de la préparation de leur rapport. Je les félicite de cet important travail. Oui, il est grand temps de trouver des solutions efficaces pour promouvoir la prévention. Les grandes entreprises ont leur propre système de santé au travail, en interne ; mais les plus petites sont rattachées au service de santé au travail dans chaque département.

Tout n'est pas à condamner dans le système actuel, beaucoup a été accompli. Le vrai problème reste la pénurie de médecins ! Et ce qui est rare étant cher, le coût de la médecine du travail augmente. Les prétentions des praticiens sont de plus en plus élevées, parfois inversement proportionnelles à leurs capacités réelles. Le travail proposé n'est pas le plus valorisant, donc pas le plus recherché par les médecins. La pénurie est donc amplifiée. Des infirmiers ayant obtenu un certificat particulier interviennent, mais ce n'est pas la même chose...

Sur ce que vous avez dit des PME et TPE, je veux préciser que l'employeur paie des cotisations au service de santé au travail, il doit donc bien connaître son existence ! Même remarque pour les salariés. Quoi qu'il en soit, les visites médicales sont rares et rapides. Si on demande plus d'actes aux médecins du travail, cela aura un coût supplémentaire...

Si vous organisez le système dans les nouvelles grandes régions, l'éloignement aggravera la mauvaise identification de la médecine du travail.

Si le médecin du travail se déplace dans l'entreprise, il n'y a pas de problème ; mais si ce sont d'autres personnes qui se présentent, le chef d'entreprise, le représentant du personnel auront tendance à penser qu'ils viennent pour pénaliser leur entreprise.

Les services actuels subsisteront-ils, au niveau du département, dans le système que vous proposez ? Vous rassemblez le personnel de diverses structures. Les agents des Carsat s'inquiètent, ils ont l'impression qu'ils seront « noyautés ».

C'est par les accidents du travail que l'on connaît la sinistralité dans les entreprises. La diminution du nombre d'accidents témoigne néanmoins d'une prise de conscience au sein des entreprises. Je rappelle du reste que beaucoup d'accidents ont lieu durant les trajets domicile-entreprise, ils n'ont rien à voir avec la prévention.

J'ai le sentiment qu'on a voulu surtout replacer l'État au centre du système, alors que son fonctionnement reposait jusqu'à présent paritairement sur le chef d'entreprise et les salariés : n'est-ce pas une mainmise de l'État, bien loin de la décentralisation que nous avons connue ?

Le rapport propose un guichet unique de la prévention qui regrouperait les services de santé au travail interentreprises (SSTI) et les Carsat. Or ces dernières, parce qu'elles sont un assureur social, peuvent mener des actions de prévention pertinentes. Dans le transfert que vous envisagez, ne perdra-t-on pas le bénéfice de cette approche complémentaire ?

Les entreprises ont tendance à envisager la santé au travail sous le prisme de la sanction, du coût : oui, mais cela pousse aussi à faire de la prévention !

Avez-vous étudié le développement possible des labels qualité de vie au travail ?

La région Auvergne-Rhône-Alpes a lancé un projet innovant, « Elence », proposant un accompagnement sur-mesure à une trentaine d'entreprises pilotes qui s'engagent à revoir leur organisation pour « replacer l'humain au centre de leur fonctionnement », un peu comme le plan santé qui remet « le patient au milieu du chantier »... Cette expérience pourrait-elle être généralisée ? Car le problème de management est majeur, et face aux burn out, au stress, ce sont les habitudes de management qu'il faut changer.

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