Il pourrait y avoir un intérêt, de l'avis de certaines personnes sur place, à bénéficier, comme la Guyane, d'une dérogation pour l'accueil de médecins diplômés hors de l'Union européenne. Cette piste mérite d'être étudiée.
Par ailleurs, la publication récente du décret sur les infirmières de pratiques avancées offre aussi des opportunités, en particulier pour le suivi d'une population vieillissante - 20 % a plus de 60 ans - et le développement de l'ambulatoire ou d'alternatives à l'offre en Ehpad, largement insuffisante et inaccessible financièrement pour une partie de la population : la densité en infirmiers libéraux est en Guadeloupe le double de la moyenne nationale - environ 260 pour 100 000 habitants contre moins de 57 en Seine-Saint-Denis ou dans le Val-de-Marne -. Il serait utile de monter sur l'île des formations de pratique avancée pour accompagner leur montée en compétences.
Face à ces défis, le territoire est le siège d'expérimentations intéressantes. Une plateforme territoriale d'appui (PTA) a été mise en place en février 2016. C'est l'une des premières à fonctionner, dans le cadre prévu par la loi de modernisation de notre système de santé. Cet outil, sollicité par les professionnels de santé, notamment les médecins, permet une coordination des acteurs pour la prise en charge de cas complexes et la mobilisation de ressources dans une approche ciblée sur le patient, en libérant du temps médical. Toutefois, le taux d'activité reste faible même si l'enthousiasme des équipes laisse à penser qu'il pourrait monter en charge. La télémédecine est aussi une priorité, surtout avec les territoires voisins comme Saint-Martin ou les zones isolées comme Les Saintes : la tarification des actes qui entre en vigueur en cette rentrée est incontestablement un levier à son essor.
Un autre enjeu que partage la Guadeloupe avec la Guyane est celle des surcoûts liés à l'insularité ou à l'isolement. Ces surcoûts - comme les majorations pour vie chère des salaires des fonctionnaires ou ceux liés à la cherté de certains travaux ou équipements - sont de l'avis des hospitaliers sous-estimés : la FHF locale les a évalués à environ 35 % alors que le coefficient actuel pris en compte dans le cadre de la tarification à l'activité est de 27 %. Les dépenses de médicaments pèsent notamment sur la trésorerie des établissements ; le non-paiement des droits de douane peut bloquer certaines livraisons, nous a-t-on dit, notamment au moment des fêtes de fin d'année. C'est aussi le cas du poste des transports et évacuations sanitaires. Cela plaiderait pour une plus large mutualisation et une concentration des achats de médicaments que la Cour des comptes a appelée de ses voeux dans un rapport de 2017 sur la politique d'achat des hôpitaux. L'assurance maladie pourrait également négocier pour les outre-mer les tarifs des transports et évacuations sanitaires, pour parvenir à une baisse des coûts.
Quelques mots pour finir d'enjeux de santé publique. Nous avons fait un point sur des actions de lutte anti-vectorielles, qui passent notamment par des actions de sensibilisation de la population. Nous avons également abordé la question du chlordécone qui empoisonne la vie de nos concitoyens des Antilles. L'utilisation de cet insecticide sur les plantations de banane, pour lutter contre le charançon du bananier, entre 1972 et 1993, a entraîné une pollution des sols contre laquelle il n'existe aujourd'hui aucune solution.
Pour mémoire, le produit avait été interdit dès 1976 aux États-Unis en raison de sa toxicité. C'est principalement le sud de l'île qui est concerné - soit environ 16 % des parcelles d'usage agricole -, mais aussi les zones maritimes qui les bordent. Les risques sur la santé humaine de l'exposition à cette molécule, par la voie de l'alimentation, ont donné lieu depuis la fin des années 90 à de nombreuses recherches, en particulier par l'Inserm. Il existe ainsi un risque augmenté de survenue du cancer de la prostate, de prématurité ou des retards de la croissance. Ces études montrent aussi, ce qui est plus positif, une tendance à la diminution de la contamination corporelle de la population, à laquelle contribuent les mesures de prévention individuelle et collective mises en place depuis 2008 dans le cadre des « plans chlordécone » successifs. Un rapport de l'OPECST de notre collègue Catherine Procaccia a fait le point en 2009 sur ce sujet.
Nous en sommes aujourd'hui au plan 3, avec 94 millions d'euros mobilisés en 10 ans sur des actions de communication, de prévention - comme l'accompagnement des pratiques d'auto-alimentation par l'analyse des jardins créoles - ou encore de recherche. Certaines questions comme celle des seuils de limites maximales de résidus présents dans l'alimentation suscitent encore des débats, ce qui a donné lieu à un récent avis de l'Anses.
Ce sujet reste en tout cas une source de préoccupations et nous éclaire sur la vigilance à avoir à l'égard des risques environnementaux sur la santé, comme nous en avons récemment débattu avec l'examen d'une proposition de loi portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques.