Je vous invite à consulter les articles de presse relatifs à la précédente élection d'Emmanuel Hoog, notamment un article du Point. Je regrette que la presse n'ait jamais évoqué le processus de sélection, ni mentionné sa qualité. Il a été tout à fait transparent. J'ai eu connaissance de l'ouverture de ce poste en même temps que les autres candidats. À la fin du premier tour de sélection, nous étions six candidats. Je suis sorti en tête. Honnêtement, je n'ai jamais été le favori. Puis nous étions deux candidats à la fin du deuxième tour de sélection. J'ai dû alors faire connaissance avec les membres du conseil d'administration ainsi que le ministère de tutelle et me présenter à des gens qui ne me connaissaient pas. Il n'y a pas de collusion avec l'État, qui ne me connaissait pas quinze jours avant la décision finale. Il est très difficile d'être élu à la présidence de l'AFP. En effet, il faut recueillir 13 des 18 voix des membres du conseil. Or, les représentants du personnel s'abstiennent systématiquement, ce qui nécessite d'obtenir 13 des 15 voix restantes, soit une quasi-unanimité. Le matin du dernier tour, l'État - disposant de cinq voix - a fait savoir qu'il ne voterait pas pour Emmanuel Hoog. Ainsi, si en théorie, il pouvait quand même être élu, en pratique, cela était impossible et c'est la raison pour laquelle il a retiré sa candidature. C'est à ce moment-là que les syndicats ont publié un communiqué indiquant qu'il n'y avait pas de concurrence car il ne restait qu'un seul candidat. Pour ma part, j'ai eu l'impression d'être en concurrence permanente pendant trois mois. Je n'étais le poulain de personne. En outre, l'État ne dispose pas de la majorité des voix. Certes, il finance l'AFP à 44 %, mais il n'y a pas de candidat de l'État.
En ce qui concerne le sport, la volonté de mon prédécesseur était de se démarquer de la concurrence. Associated Press est très bien positionné sur le marché américain, Reuters sur l'économie et la finance. Toutefois, cette différenciation par le sport n'est pas, selon moi, la bonne solution. En effet, nous ne pouvons pas faire face au renchérissement des droits sportifs. Lors de la dernière coupe du monde de football, 140 de nos journalistes couvraient l'événement. Mais nous avions très peu de « high lines », c'est-à-dire les minutes des matchs, soumis au marché des droits sportifs. Nous disposions seulement des droits pour l'Afrique. En revanche, nous étions très performants sur les événements qui se passaient autour des matchs, des stades, dans les pays participants, ... Pour autant, cela ne signifie pas que nous allons abandonner le sport. Ce dernier irrigue aujourd'hui l'information. D'ailleurs, un quart de la conférence de rédaction est consacrée à la couverture sportive. En outre, le développement de la vidéo va servir le sport, car elle est au coeur de l'information sportive. Il nous faut également investir sur nos points faibles, telle notre couverture anglophone du sport.
Nous sommes soumis à des contraintes financières. C'est la raison pour laquelle nous devons passer des partenariats, notamment avec les GAFAM. Facebook vient d'acheter les droits sportifs de la Liga pour l'Asie. Nous pouvons faire jouer nos atouts, notamment pour la couverture des grands événements sportifs. J'étais, il y a quelques jours, à Tokyo dans le cadre de la préparation de la couverture journalistique de la coupe du monde de Rugby de 2019 et des Jeux olympiques de 2020. Notre expérience est reconnue par nos partenaires.
La Cour des comptes propose un rapprochement avec France Bleu et France Télévisions. Je n'ai pas encore ouvert ce dossier. J'ai rencontré Delphine Ernotte, qui a déjà beaucoup à faire pour rapprocher France 3 et France Bleu. En outre, pour l'AFP, les enjeux se situent surtout à l'international.
L'AFP a joué un rôle important de lobbying pour que le Parlement européen ne renonce pas à ses ambitions sur la directive relative aux droits voisins. Lorsque nous avons su que le Parlement européen avait repoussé le dossier et voté défavorablement lors de la première phase, l'AFP s'est engagée. Son but était de sortir du débat très théorique pour montrer les conséquences pratiques, par le biais de notre chef de bureau à Bagdad. Il a ainsi expliqué que les droits voisins permettaient au final de financer des reportages sur le terrain. Je me suis rendu récemment à Beyrouth, bureau à partir duquel nous couvrons l'Irak. Seuls cinq médias sont présents dans ce pays : les trois agences, le New York Times et le Washington post. Par rapport à il y a 15 ans, la couverture journalistique de l'Irak est dramatique. La position du Parlement européen a changé et désormais le trilogue est ouvert. Je ne sais pas ce que ces droits voisins vont représenter pour l'AFP, sans doute pas une manne pour nous. Mais il est important de reconnaitre la valeur de l'information et sa qualité dans un monde où nous sommes inondés de nouvelles. Aujourd'hui, il y a une double spoliation : les GAFAM mettent sans autorisation nos contenus sur leurs sites. Pour Facebook, l'information est la deuxième source de consultation de ce site. D'autre part, ils captent toute la publicité. Nous sommes aujourd'hui dans une situation duopolistique jamais connue auparavant. Facebook et Google captent 95 % de la publicité en ligne. Toutefois, nous ne devons pas nous présenter sur ce dossier comme des agences en déclin cherchant à grappiller quelques subsides car ne disposant plus de revenus. Aujourd'hui, tout grand titre de presse de qualité dispose d'un site Internet, mais les revenus publicitaires ne suivent pas et les investissements réalisés ne sont pas rémunérés.
On nous explique que les droits voisins constituent un dossier très compliqué, qu'il faudra mettre en place une société de gestion collective des droits, risquant de créer une usine à gaz. Or, des sociétés de ce type existent déjà, nous savons le faire. Il en est de même pour la complexité supposée de calcul de ces droits, qui existe dans tous les métiers.
L'AFP est très soutenue par l'État avec lequel elle entretient un dialogue de qualité, notamment lors de la négociation de la convention d'objectifs et de moyens. La Cour des comptes souligne cependant que l'État, le Quai d'Orsay ne précisent pas suffisamment leurs attentes.
Sur la période 2014 à 2017, les recettes commerciales ont diminué de 10 millions d'euros, soit de 3,6 %, alors qu'au même moment, les charges ont augmenté de 3,7 %. Cet effet ciseau a entraîné un déficit cumulé de 12 millions d'euros. Si l'on continue sur cette trajectoire, sans modifier les grands paramètres, les charges de personnel vont continuer à augmenter, et dès 2019, nous aurons un déficit d'exploitation de 6 millions d'euros. En cinq ans, le déficit cumulé atteindra 95 millions d'euros. Des mesures ont déjà été prises et une réflexion pour gérer au mieux les effectifs est engagée. Mais la priorité actuelle, et la plus compliquée à réaliser, est de retrouver de la croissance. Je présenterai demain au conseil d'administration un programme de réduction des coûts avec pour objectif de revenir à l'équilibre. Vous comprendrez que je doive garder la primeur de ces annonces pour le conseil d'administration mais il est impératif de contenir l'augmentation de la masse salariale pour préserver la capacité de l'Agence. Emmanuel Hoog demandait un soutien financier de l'État de 60 millions d'euros répartis à parts égales sur trois postes : 20 millions d'euros pour soutenir une politique de départs volontaires, 20 millions d'euros pour les investissements et la même somme pour le désendettement. L'État ne s'est pas prononcé sur cette demande afin de ne pas influencer sur la procédure d'élection du nouveau président de l'agence. Toutefois, depuis la réforme des statuts de 2015, l'État ne peut pas venir en sauveur financier. Il ne peut que compenser des mesures d'intérêt général. Cela est regardé de près par la Cour des Comptes et par Bruxelles. Dans ces conditions, un soutien de 60 millions d'euros me paraît impossible. L'État a déjà fait plus que ce qui est prévu dans la convention d'objectifs et de moyens. Il souhaite désormais que l'AFP fasse des efforts de son côté. Cela ne veut pas dire que l'État va se défausser. Mais toute subvention allouée doit l'être dans le respect du droit européen. Nous avons soumis un dossier de financement dans le cadre du fonds pour la transformation de l'action publique, à hauteur de 16 millions d'euros, selon nous compatible avec la règlementation des aides d'État. L'État attend pour sa part que l'Agence montre sa capacité à contenir la masse salariale. Toutefois, je ne parle pas ici d'une réduction des postes, et je peux vous assurer que le dialogue social dans l'Agence est solide.