Parmi les trois grandes agences mondiales, l'AFP est la seule agence européenne. En effet, beaucoup de personnes l'ont oublié, mais Reuters n'est plus anglaise mais canadienne. Nous sommes également en concurrence avec Chine Nouvelle, l'agence d'État chinoise, qui fait un travail de qualité, mais aussi avec les agences russe et turque.
Il n'existe pas de front commun des agences de presse face aux GAFAM. Toutefois, l'avantage de la directive « droits voisins » est que les médias européens avancent désormais groupés face à la menace de déférencement.
Les difficultés de la presse quotidienne régionale font que nos relations commerciales sont tendues. Si certains titres se sont désabonnés, ils ont pu se réabonner par la suite. Des représentants de la presse régionale siègent à notre conseil d'administration. Je pense notamment au quotidien La Montagne. J'ai proposé la mise en place d'un groupe de travail pour sortir d'un face à face focalisé sur le tarif. Nous avons déjà proposés des formules particulières, par exemple « l'essentiel », qui est différent du fil d'actualités générales.
Chine Nouvelle est notre concurrent sur le continent africain et casse les prix. En outre, Reuters investit lourdement sur ce continent : ils recrutent beaucoup, ont fait une grande campagne de promotion vidéo il y a quinze jours. Cette agence dispose en effet de liquidités importantes. La vidéo est un point d'entrée clé, car les jeunes en consomment beaucoup.
Dans mon projet se trouve l'idée de développer des offres partenariales. Nous étudions l'idée d'une application mobile pour le public, sur le modèle de BBC world. Nous augmentons nos moyens pour développer l'offre francophone, mais aussi en langue arabe et russe.
En ce qui concerne l'équilibre à trouver entre la réactivité grâce à la vidéo et la qualité de l'information, je tiens à préciser que même pour les vidéos, nous procédons à des vérifications avant de les publier.
Twitter est à la fois un allié, un haut-parleur et un concurrent. Nous savons désormais que les nouvelles urgentes arrivent d'abord par les réseaux sociaux. Désormais, lors de tels événements, notre équipe se divise en deux : une partie va couvrir l'événement, comme auparavant, tandis que l'autre partie regarde ce qui se dit sur les réseaux sociaux. En outre, nous avons la chance de disposer de bureaux partout dans le monde - dans des fuseaux horaires différents. Ainsi, lors de l'attentat de Nice, c'est notre bureau de Montevideo qui a commencé à couvrir l'événement. Lorsque l'on voit une vidéo, notamment de particuliers, on procède à une validation, à une identification, puis nous demandons les droits.
La lutte contre les fake news est très importante pour nous. Cela participe notamment à la protection du journalisme de terrain. L'AFP a changé sa posture face à ce phénomène. Avant, elle ne relayait que des faits avérés. Maintenant, nous traitons les fake news, avec un format dédié, intitulé « factuel », en partenariat avec Facebook. Cette entreprise finance des postes dans des pays où se déroulent des élections. C'est le cas au Brésil actuellement. Lorsque des messages nocifs sont postés, Facebook nous les transmet, nous les décryptons et le cas échéant Facebook les déréférence. C'est une source de revenus pour nous car Facebook nous paye pour ce travail.
Je remercie le sénateur Assouline pour le dépôt de la proposition de loi relative aux droits voisins pour les agences et éditeurs de presse. Aujourd'hui, nos espoirs sont tournés vers le cadre européen. Toutefois, si cela se passait mal, une solution nationale pourrait être envisagée.
Nous sommes également investis dans l'éducation aux médias. Une personne à temps plein est chargée d'aller dans les collèges pour participer à cette démarche. Je vais la rencontrer très prochainement.
Enfin, concernant la lutte contre le piratage et les outils à développer, je vous invite à venir voir ce que nous faisons. Nous avons notamment développé des partenariats avec des starts-up.