–, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude. Je note que ce texte a été examiné en premier par le Sénat, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Espérons que cela augurera la saisine de notre assemblée en premier sur d’autres textes…
Avec nos collègues de l’Assemblée nationale, nous sommes parvenus à un accord sur ce texte, un peu plus de six mois après sa présentation devant le conseil des ministres et à la suite d’une première lecture ayant permis aux deux chambres d’enrichir considérablement le texte initial. En effet, ce projet de loi, qui était composé de onze articles au moment de son dépôt sur le bureau du Sénat, en compte désormais trente-huit.
L’accord en commission mixte paritaire a été obtenu à une très large majorité, puisqu’il y a eu seulement deux abstentions. Cela témoigne de notre détermination commune à lutter contre la fraude, qu’elle soit fiscale, sociale ou douanière. Nous aboutissons ainsi à un texte comportant plusieurs avancées notables, en particulier la fin de la procédure dite du « verrou de Bercy », sujet qui ne figurait pas dans le texte initial et sur lequel je reviendrai.
Lors de son examen en première lecture, le Sénat s’est inscrit dans une démarche constructive, face à un texte initial qui restait de portée finalement assez modeste. Certes, l’Assemblée nationale a ensuite supprimé neuf des dix-huit articles additionnels issus de nos travaux, ce que nous ne pouvons que regretter. Toutefois, plusieurs mesures issues de notre assemblée ont aussi été adoptées conformes ou avec des modifications à la marge.
Vous aussi, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez vous réjouir : l’ensemble des dispositions initiales du projet de loi sont restées dans le texte issu de la commission mixte paritaire, même si elles ont parfois été amendées pour être améliorées ou complétées. Notre collègue Nathalie Delattre y reviendra certainement dans son intervention, seul l’article 1er, qui crée une police fiscale à Bercy, ne nous a pas pleinement convaincus. Dans un souci de compromis, nous ne sommes pas revenus sur ce point en commission mixte paritaire. Nous verrons en pratique si le fonctionnement de cette police nous rassure et si, comme vous le défendez, son action complétera utilement celle de la BNRDF, la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale.
Concernant les dix-neuf articles additionnels insérés par l’Assemblée nationale et, plus globalement, l’ensemble des amendements qu’elle a adoptés, peu d’entre eux soulevaient de réelles difficultés. Il s’agissait surtout de mesures permettant d’améliorer techniquement des procédures existantes. Bien sûr, comme c’est toujours le cas en commission mixte paritaire, quelques compromis ont cependant été nécessaires…
Les mesures adoptées en commission mixte paritaire ont été principalement guidées par notre volonté de sécuriser juridiquement les procédures prévues, soit en les complétant – je pense à l’article 6, qui concerne la publication des sanctions administratives, dite procédure name and shame –, soit en ne retenant pas certaines dispositions qui nous paraissaient fragiles juridiquement.
Mes chers collègues, nous pouvons toujours regretter que telle ou telle mesure issue notamment des travaux du Sénat ne figure plus dans le texte final. Néanmoins, en votant ce projet de loi, le Sénat fait œuvre utile et montre aussi toute sa détermination à lutter contre la fraude.
Surtout, notre assemblée a profondément enrichi le texte proposé.
En premier lieu, nous avons proposé, alors que cela ne figurait pas dans le texte initial, une réforme du dépôt de plaintes pour fraude fiscale, permettant ainsi d’ouvrir ce que l’on nomme communément le « verrou de Bercy ». Le Sénat a ainsi instauré une transmission automatique au procureur des cas de fraudes les plus graves, dans des conditions transparentes et objectives. Pour respecter l’exigence posée par le Conseil constitutionnel de ne renvoyer devant la justice pénale que les affaires ayant un caractère de gravité suffisante, la transmission automatique est prévue pour les dossiers remplissant trois critères cumulatifs : pénalités d’au moins 80 %, montant supérieur à un certain seuil fixé par décret et faits réitérés ou comportements aggravants.
Finalement, nous nous sommes ralliés à la rédaction proposée par l’Assemblée nationale, qui a introduit une procédure dont l’esprit est proche de celle que nous avions adoptée. Elle élargit toutefois les critères retenus pour sélectionner les dossiers, critères qui restent suffisamment contraignants pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel, rappelées dans deux QPC célèbres, mais aussi pour éviter d’encombrer la justice.
Contrairement à ce que certains diront, il s’agit là d’une véritable avancée, avec une réelle réforme des modalités de dépôt de plainte pénale en matière de fraude fiscale, l’administration étant liée par des critères légaux pour transmettre les dossiers les plus graves. En outre – certains ont tendance à l’oublier –, l’administration conservera toute latitude pour adresser au procureur de la République d’autres cas qui n’entreraient pas dans le champ de la transmission automatique, mais qui doivent également être traités au niveau pénal, notamment par souci d’exemplarité.
Outre le sujet du « verrou de Bercy », le Sénat a adopté plusieurs dispositifs qui ont été conservés dans le texte qui vous est aujourd’hui soumis. Je pense au rétablissement de la faculté transactionnelle de l’administration fiscale en cas de poursuites pénales. C’est une avancée, puisque, jusqu’à maintenant, lorsque l’administration envoie un dossier à la justice pénale, elle ne peut recouvrer les droits et pénalités, ce qui revient à se priver de recettes. Je pense également à la possibilité, proposée par la commission des lois, de conclure une convention judiciaire d’intérêt public en matière de fraude fiscale. Je citerai aussi l’interdiction faite à l’Agence française de développement, l’AFD, sur l’initiative de Mme Taillé-Polian et d’autres de nos collègues, de financer des projets avec un cofinanceur établi dans un État ou territoire non coopératif. Je citerai enfin les dispositifs visant à renforcer les moyens de lutte contre la contrebande de tabac, dont l’initiative revient à notre collègue Jean-Pierre Grand et au Gouvernement.
Surtout, monsieur le secrétaire d’État, le Sénat a complété votre projet de loi sur un point qui nous semblait un peu absent… En effet, comment peut-on faire un projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale en oubliant la TVA ? Cet impôt, qui, selon la Commission européenne, est le plus « fraudé », est notre principale recette fiscale ! Le Sénat a donc introduit des dispositions en matière de lutte contre la fraude à la TVA, notamment pour ce qui concerne les ventes en ligne sur internet. Ainsi, la commission mixte paritaire a rétabli le régime de responsabilité solidaire des plateformes en ligne en matière de TVA.