Intervention de Thierry Carcenac

Réunion du 9 octobre 2018 à 14h30
Lutte contre la fraude — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Thierry CarcenacThierry Carcenac :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale, après une CMP conclusive.

Sophie Taillé-Polian a déjà exposé la position du groupe socialiste et républicain sur ce texte, en notant notamment les avancées, certes toujours insuffisantes, qu’il comporte en matière de lutte contre la fraude fiscale, mais aussi sa frilosité. L’ingéniosité des fraudeurs est sans limite, et leurs pratiques se renouvellent sans cesse.

Ce texte vient contrebalancer l’adoption de la loi pour un État au service d’une société de confiance, qui consacre notamment le droit à l’erreur, et rétablir un certain équilibre, après la mise en œuvre de l’échange de données entre administrations fiscales et la suppression du secret bancaire.

Je ne retiendrai que deux points : la création d’une police fiscale et une avancée notable s’agissant des plateformes de commerce en ligne et de l’économie collaborative avec la reconnaissance du travail du Sénat et la publicité sur internet des sanctions fiscales pour les personnes morales.

Notre groupe avait, en première lecture, défendu la création d’une police fiscale placée sous le contrôle d’un magistrat. Nous sommes conscients de l’avancée que représente le ralliement de la majorité sénatoriale à cette proposition.

Je ne partage pas la crainte, exprimée par certains, de voir apparaître une « guerre des polices ». L’exemple de la création, en 2010, de la police douanière, sous un gouvernement dont le ministre chargé du budget était M. Woerth, est de nature à apaiser une telle crainte.

La baisse du nombre des contrôles fiscaux ces dernières années peut être interprétée comme le signe d’un affaiblissement de la lutte contre la fraude fiscale, alors que le montant estimé de celle-ci – entre 60 milliards et 80 milliards d’euros –, lui, ne faiblit pas.

Par ailleurs, la suppression de postes au sein de la direction générale des finances publiques pose question s’il s’agit, là comme ailleurs, de pratiquer la politique du rabot de manière indifférenciée, quels que soient les services.

En tant que rapporteur spécial de la mission budgétaire « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », j’ai eu l’occasion de démontrer l’inégalité de traitement des entreprises selon les territoires, le tissu économique ayant connu une forte évolution, marquée par une concentration des sièges sociaux dans quelques départements. Le délai moyen entre deux vérifications peut varier en fonction de l’implantation historique des brigades départementales de contrôle et du tissu économique. Notre collègue Éric Bocquet a évoqué ce point tout à l’heure, indiquant que la moyenne était de quatre-vingt-quatre ans.

Certes, les méthodes évoluent, avec l’introduction du contrôle à distance, qui tend à se développer, et avec un ciblage des contrôles sur des dossiers sélectionnés par algorithmes, grâce au data mining.

J’aurai l’occasion, monsieur le secrétaire d’État, de revenir sur ce point lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, à propos de l’évolution prévisible de la DGFiP au regard de l’introduction du numérique et de la dématérialisation de toutes les procédures.

Je souhaite que la lutte contre la fraude fiscale reste une priorité et que, s’agissant des fautes les plus graves, les droits élargis prévus à l’article 13 du projet de loi permettent de sanctionner plus efficacement les fraudeurs, même si nous eussions pu aller plus loin.

Dès lors, la suppression de postes au sein de la DGFiP, encore lourdement frappée cette année, ne doit pas se faire au détriment du contrôle fiscal, de même que la création de la police fiscale. Les effectifs du contrôle fiscal devraient être sanctuarisés.

Nous examinerons la montée en puissance dans le temps et la réalité de l’efficacité de cette police qui – je n’en doute pas – saura se montrer à la hauteur des missions qui lui seront confiées par les magistrats et trouver toute sa place.

Monsieur le secrétaire d’État, je réitère mes propos de première lecture : notre groupe se montrera toujours favorable à la mise en œuvre de mesures permettant de sanctionner la fraude fiscale, laquelle fausse injustement la concurrence entre entreprises et nuit au consentement à l’impôt ainsi qu’à la justice fiscale.

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