Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 9 octobre 2018 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice – renforcement de l'organisation des juridictions — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Je ne suis pas certain que les magistrats soient prêts à assumer cette proximité, je vous le concède, mais peut-être faudrait-il leur donner quelques indications à cet égard.

Vous avez dit, lors de votre audition, que ce texte ne marquera pas le Grand Soir de la justice pénale. Nous vous ferons part de nos inquiétudes quant à l’extension du recours à des technologies dont nous avions accepté l’utilisation dans le cadre de l’élaboration des lois contre le terrorisme et le crime organisé. Nos rapporteurs présenteront des amendements qui vont moins loin que ce que prévoit le projet de loi. Il conviendrait, à mon sens, d’être plus restrictif encore, mais nous aurons l’occasion d’en débattre.

Nous le savons tous, nos prisons sont engorgées. Or, alors que les personnes en détention préventive représentent déjà 40 % de la population carcérale, vous voulez accroître encore le recours à la détention préventive, par la comparution à effet différé.

Il faudrait en fait limiter le recours aux comparutions immédiates ; il sera peut-être moins nécessaire le jour où il y aura davantage de magistrats. Aujourd’hui, des procureurs nous expliquent qu’ils préfèrent ordonner une comparution immédiate plutôt que de renvoyer l’audience à douze ou dix-huit mois en citant à comparaître.

La comparution immédiate contribue puissamment à remplir nos maisons d’arrêt, que les magistrats visitent d’ailleurs relativement peu souvent, comme nous avons pu le constater sur le terrain avec François-Noël Buffet et le président Bas. Cette situation est assez regrettable.

Finalement, je sais gré à nos rapporteurs d’avoir su élaborer une synthèse habile, sous forme de probation, entre le sursis avec mise à l’épreuve, qui n’était pas très satisfaisant, et la contrainte pénale, qui n’a pas marché. Si nous trouvons sur ce sujet un accord législatif, il restera à voir comment le dispositif pourra s’appliquer sur le terrain de manière efficace.

Faire de la détention à domicile une peine principale serait sans doute une solution trop compliquée à mettre à œuvre. Nous aurons l’occasion d’en débattre.

Madame la ministre, je forme le vœu que nous ayons un véritable débat. À la suite de Thani Mohamed Soilihi, je salue le fait que le Sénat, qui a déjà beaucoup travaillé sur les questions de justice, ait été saisi en premier de ces textes. Je souhaite que nous puissions accomplir un travail de coconstruction législative et que l’Assemblée nationale ne se borne pas à reprendre les dispositions que vos services, et derrière eux, sans doute, ceux de Bercy, ont préparées dans l’objectif de faire des économies budgétaires. Il importe d’engager une véritable réforme de la justice, qui soit à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

Madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la justice, je le rappelle, est rendue au nom du peuple français. Il nous incombe à nous, représentants du peuple, de doter la justice de moyens et d’une organisation qui soient à la hauteur des attentes de nos concitoyens, mais pas nécessairement de celles de tous les professionnels du monde judiciaire, dans lequel certains corporatismes sont parfois une réalité.

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